V. ACCOMPAGNER LA PRESSE QUOTIDIENNE RÉGIONALE DANS SON ÉVOLUTION

La PQR traverse une période de crise. En retard sur le numérique, menacée dans son rôle de relais privilégié de l'information locale par de nouveaux médias en ligne ou audiovisuels, frappée de plein fouet par les tensions inflationnistes, la PQR conserve cependant de très solides atouts , en premier lieu le fort attachement de ses lecteurs.

Elle affronte néanmoins une équation complexe. Elle doit :

- d'une part, préserver un marché de la vente « papier » auquel beaucoup de ses lecteurs sont encore attachés, mais dont les coûts de fabrication comme de diffusion sont aujourd'hui croissants ;

- et d'autre part , investir massivement dans le numérique pour répondre aux nouvelles attentes de son lectorat, ce qui, là encore, nécessite de très lourds investissements.

La PQR ne saurait cependant se dédouaner, comme l'ensemble de la presse, de ses propres responsabilités dans la situation actuelle. Ainsi, l'aide de l'État au plan d'adaptation des imprimeries vient en partie pallier un manque de coordination des éditeurs face à une baisse des tirages déjà ancienne, de la même manière que la presse quotidienne nationale a fait supporter aux finances publiques ses erreurs de gestion dans la Messagerie Presstalis, pour des montants extrêmement importants, et sans que l'avenir ne soit encore assuré.

Il n'en reste pas moins que, compte tenu de son importance pour la démocratie et la vie locale, ce secteur doit maintenant être accompagné par l'État dans sa nécessaire transition .

Une première étape importante a déjà été actée avec le plan PRIM et la réforme du portage, dont il faudra surveiller l'application concrète. Alors même que la fin de la pandémie pouvait permettre d'espérer un retour progressif à la normale, sinon à une situation stabilisée, la forte hausse des prix apparaît aujourd'hui comme un défi complexe, qui traduit aussi bien le manque général d'anticipation des acteurs et de l'État dans la préservation de filières essentielles à la pérennisation de ces secteurs - la presse n'étant au demeurant pas la seule dans ce cas - que les retards accumulés dans la transition numérique.

Huit recommandations sont donc formulées pour accompagner au mieux la presse quotidienne régionale dans cette période difficile. Le soutien public ne doit cependant pas se substituer à une évolution des pratiques et des modèles économiques des éditeurs eux-mêmes .

A. ACCÉLÉRER LA TRANSITION NUMÉRIQUE

La particularité principale de la presse quotidienne régionale réside dans son manque d'adaptation aux nouveaux usages du lectorat , eux-mêmes accélérés par l'épisode pandémique. L'exemple de la presse quotidienne nationale montre cependant clairement qu'il est possible de faire pivoter rapidement son modèle, sous réserve d'investissements importants. Les titres ne sont d'ailleurs pas tous égaux, certains étant plus en avance que d'autres qui ont souffert du manque d'implication de leurs actionnaires.

Il appartient donc en tout premier lieu aux éditeurs eux-mêmes d'accélérer leur développement numérique, ce dont ils ont du reste parfaitement conscience .

Pour autant, la question de l'accompagnement par les pouvoirs publics de la transition numérique se pose. Elle rejoint celle de la réforme des aides à la presse , traitée par le Sénateur Roger Karoutchi dans son rapport de juin 2021 15 ( * ) .

Le support budgétaire utilisé en la matière est le Fonds Stratégique pour le développement de la presse (FSDP), doté en loi de finances pour 2022 de 16,5 millions d'euros. Le Fonds, régi par le décret du 13 avril 2012 et dont le fonctionnement a été modifié pour la dernière fois en 2020, accorde des subventions pour des projets qui représentent une innovation pour l'entreprise ou le secteur concerné. En 2018 et 2019, environ 40 % des crédits du FSDP ont bénéficié à la PQR.

L'article 27 du décret fixe le taux maximum de subvention à 60 % du projet. Un taux « super bonifié » a été introduit pour les projets favorisant la transition écologique.

Il pourrait être envisagé, à enveloppe constante , d'appliquer ce taux « super bonifié » de 70 % aux investissements dans la transition numérique, dont les objectifs rejoignent d'ailleurs en partie ceux de la transition écologique.

Recommandation n° 1 : Modifier l'article 27 du décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 pour prévoir un taux de subvention du Fonds Stratégique pour le développement de la presse de 70 %, contre 60 % actuellement, pour les projets de transition numérique présentés par les éditeurs de presse .

Cette recommandation s'inscrit dans la continuité de celle du rapport pré-cité de Roger Karoutchi, qui préconise de cibler les aides à la digitalisation en tenant compte des stratégies déjà menées. Elle doit bénéficier en priorité aux titres les plus en retard en matière de développement numérique , ce qui devrait concerner au premier chef la presse quotidienne régionale. Cette recommandation appelle cependant deux remarques :

- d'une part , elle doit se comprendre à enveloppe constante, ce qui devrait mécaniquement pousser à une plus forte sélectivité des projets ;

- d'autre part , elle ne peut se concevoir qu'en accompagnement des efforts réalisés par les éditeurs les moins avancés. Les sommes mobilisables par les pouvoirs publics ne suffiront pas à couvrir les besoins. Il appartient à la profession de définir ses priorités, et à l'État d'appliquer une stratégie in fine cohérente.


* 15 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances n° 692 (2020-2021) - 16 juin 2021 https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-692-notice.html

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