III. PLUS LARGEMENT, UN DÉFICIT DE PILOTAGE STRATÉGIQUE

Les lacunes constatées en matière de contrôle relèvent à la fois d'une réglementation inadaptée à l'évolution du secteur, d'un manque de moyens consacrés à ces missions mais également d'un déficit de pilotage stratégique.

Ce déficit de pilotage stratégique est en partie imputable aux Gouvernements successifs qui ont évoqué, préparé pour certains d'entre eux, un projet de loi grand âge avant d'y renoncer. Dans ce contexte, les évolutions législatives et réglementaires n'ont été qu'incrémentales, quasi silencieuses, et n'ont pas favorisé une approche globale et une vision stratégique des sujets. La volonté de développer le maintien à domicile s'est imposée, à juste titre, comme la priorité stratégique du secteur. Cet objectif prioritaire ne dispensait pas les autorités d'assurer le pilotage stratégique du secteur de l'hébergement en établissement, plus particulièrement en Ehpad, afin de garantir son adéquation avec l'évolution des besoins et le développement du virage domiciliaire et de prendre en compte l'assouplissement de l'environnement réglementaire dans lequel évoluent les Ehpad.

Pour assurer ce pilotage stratégique, les autorités de tarification et de contrôle disposent de plusieurs instruments. La définition de schémas territoriaux est le premier d'entre eux (schémas départementaux relatifs aux personnes handicapées ou en perte d'autonomie pour les conseils départementaux, schéma sectoriel au sein du schéma régional de santé tenant compte des besoins en matière médico-sociale pour les ARS, programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie). Cette planification permet de déterminer les priorités de financement et de cartographier l'offre disponible.

Au côté de ces instruments globaux, les autorités disposent d'autres instruments plus spécifiques destinés à piloter le fonctionnement des établissements comme la délivrance de l'autorisation, l'allocation des moyens budgétaires et la contractualisation. L'analyse du secteur montre que ces instruments n'ont pas permis de développer un véritable pilotage stratégique.

L'approche des autorités de tarification a toujours été centrée sur l'établissement. La constitution de groupes multi-gestionnaires d'Ehpad n'a pas été appréhendée par les tutelles, tandis que le dialogue de gestion qui accompagne la contractualisation et l'affectation de crédits demeure à l'état embryonnaire.

Comme pour l'exercice du contrôle, les choix faits en matière de réglementation ont pour effet de rendre plus difficile l'exercice de ce pilotage stratégique. Les modalités de financement des Ehpad illustrent cette situation. Les allocations budgétaires sont calculées en fonction de l'état de santé des résidents et les autorités de tutelle ne sont plus compétentes pour définir les plafonds d'emplois.

En outre, le souci de simplification qui a présidé à la construction budgétaire et réglementaire en vigueur, fondé sur une vision par établissement ne permet pas de répondre de façon satisfaisante et structurée aux enjeux du secteur. Des évolutions doivent être envisagées en replaçant les Ehpad dans une logique de parcours global des personnes âgées.

A. DES MODALITÉS D'AUTORISATION ET DE TARIFICATION QUI NE SONT PAS EN ADÉQUATION AVEC LES EXIGENCES D'UN PILOTAGE STRATÉGIQUE

Les réformes mises en oeuvre au cours des quinze dernières années ont apporté des modifications substantielles au fonctionnement du secteur. Qu'il s'agisse du nouveau régime d'autorisation des Ehpad mis en place par la loi HPST 14 ( * ) , de l'évolution des modalités de financement ou de l'instauration des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) portées par la loi ASV.

Ces évolutions vont dans le sens d'un desserrement de la contrainte réglementaire afin de laisser une marge d'initiative plus grande aux établissements et répondre ainsi aux attentes des acteurs. Ces évolutions ne sont pas accompagnées d'une réflexion suffisamment approfondie sur les modalités du pilotage stratégique, sur l'adéquation des moyens et des instruments nécessaires à ce pilotage. Par ailleurs l'accent a été mis au cours de ces dernières années sur le virage domiciliaire afin de répondre aux attentes de nos concitoyens. La question des Ehpad a été « laissée de côté »; il convient donc de se re-saisir de cette question pour assurer son intégration dans une politique globale en adéquation avec les besoins que va soulever l'évolution démographique des années à venir.

1. Un régime d'autorisation qui doit trouver son équilibre

Pour exercer leurs activités, les établissements et services sociaux et médico-sociaux oeuvrant auprès des personnes âgées, des personnes handicapées, des enfants ou des personnes en difficultés sociales sont soumis à l'obligation d'obtenir une autorisation administrative auprès des services de l'État ou/et des conseils généraux selon la catégorie d'établissement ou de service. Ce régime d'autorisation doit trouver son équilibre entre la possibilité reconnue aux autorités de tarification de se prononcer sur la pertinence des projets qui lui sont soumis et la volonté de laisser une liberté d'organisation aux acteurs.

Le principe d'une autorisation préalable a été consacré par la loi de 1975 15 ( * ) et son caractère contraignant s'est accru progressivement. Toutefois, l'instauration de ce régime d'autorisation n'a fait qu'encadrer une pratique historique : l'émergence ascendante des projets dans le social et le médico-social. En effet, depuis l'apparition des premiers services dans ce domaine, ce sont principalement les initiatives des acteurs locaux, publics ou privés, qui avaient été à l'origine de projets de création de structures. L'autorisation administrative et l'apport d'éventuels financements publics avaient conduit à une discussion préalable de ces projets entre les porteurs de projets et les autorités compétentes, sans changer la logique ascendante de l'apparition de ces projets à partir d'une analyse des besoins locaux. La mise en place progressive de schémas d'organisation sociale et médico-sociale, d'outils de programmation comme le programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC) ont modifié l'environnement administratif et réglementaire avant que la loi HPST n'opère un changement de logique radical en consacrant la primauté de la commande publique et de son caractère descendant, avec l'avènement des appels à projet lancés par les autorités compétentes.

a) Un régime d'autorisation centré sur une forme d'activité

Pour exercer leurs activités, les Ehpad sont soumis à l'obligation d'obtenir une autorisation administrative auprès des services de l'État ou/et des conseils généraux. Ce régime d'autorisation a été instauré au milieu des années 1970 et modifié plusieurs fois depuis le début des années 2000 16 ( * ) . Il a pris sa forme actuelle avec la loi HPST qui a introduit une procédure d'appels à projet.

Avec l'introduction de cette procédure d'appel à projet, la loi HPST a modifié en profondeur la logique de délivrance de ces autorisations et a permis aux autorités de tarification et de contrôle de reprendre la main sur les créations de places.

Avant 2010, les personnes ou organismes gestionnaires d'Ehpad déposaient une demande d'autorisation auprès de l'autorité compétente. La décision d'autorisation était alors rendue après consultation du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS). La loi HPST a supprimé ce comité et mis en place une procédure d'appels à projets pour autoriser la création, la transformation ou l'extension des établissements et services, lancée par l'autorité compétente en charge du financement (directeurs généraux des agences régionales de santé et présidents des conseils généraux) sur la base d'un cahier des charges. La décision d'autorisation est rendue après classement des projets par une commission de sélection des appels à projet placée auprès de chaque autorité.

Ce changement redonne l'initiative aux autorités publiques et vise à organiser de façon plus efficace la sélection des projets par les décideurs, puisqu'ils s'inscrivent en réponse à des besoins médico-sociaux définis de façon collective et concertée.Dans le même temps, la lourdeur des procédures (appel à projets, candidatures à manifestation d'intérêt) favorise les organisations bien structurées, professionnalisées disposant d'une forte expertise gestionnaire.

Ce régime d'autorisation a connu des évolutions avec la LFSS pour 2018 et son article 51 visant à favoriser l'innovation. Dans le domaine des Ehpad cela a permis de proposer des organisations innovantes comme les expérimentations d'Ehpad hors les murs.

Au regard des évolutions du secteur de la prise en charge des personnes âgées, du développement des solutions domiciliaires et de la nécessité de développer des parcours, une évolution du régime des autorisations semble indispensable. Un nouveau régime d'autorisation devrait être mis à l'étude afin de permettre la délivrance d'autorisations globalisées favorisant l'organisation de ces parcours (hébergement permanent en Ehpad, hébergement temporaire, accueil de jour, service d'aide à domicile). Ce régime d'autorisation pourrait tenir compte de la variété des offres du secteur et de la pluralité des intervenants. Sans aller vers un effacement des différentes formes d'organisation existantes dans le secteur, une réflexion approfondie pourrait être ouverte sur l'opportunité d'un nouveau régime d'autorisation, global, favorisant le développement des Ehpad centre de ressources, ou Ehpad-pivot pour apporter des prestations qui pourraient varier dans le temps en fonction de l'évolution de l'état de santé de la personne.

b) Le problème des transferts d'autorisation

La question du pilotage stratégique par le biais du régime d'autorisation ne se pose pas uniquement au moment de la délivrance. La vie des établissements peut nécessiter des évolutions du contenu de ces autorisations, la latitude dont disposent les autorités compétentes pour suivre le titulaire de ces autorisations apparaît alors très réduite et peu en adéquation avec la possibilité de s'assurer que ces évolutions sont conformes à la volonté de la tutelle. Ce constat soulève la question de l'équilibre général du régime d'autorisation, contraint à la délivrance, plus libéral pour le transfert.

Cette possibilité de suivre et accompagner les évolutions dans la vie des établissements constitue pourtant un élément fort de la capacité de pilotage stratégique des autorités de tarification et de contrôle. Cette possibilité d'agir sur l'évolution de l'offre existante est d'autant plus nécessaire qu'au cours des vingt dernières années, un mouvement de structuration important a été mené dans le secteur privé lucratif, favorisant l'émergence de groupes multi-gestionnaires d'Ehpad. Ces regroupements d'établissements vont se poursuivre dans les années à venir afin de mutualiser les moyens, de bénéficier d'expertise commune, et de favoriser les parcours. Ce mouvement de regroupement devrait aussi concerner les établissements du secteur public.

Ces restructurations nécessitent des transferts d'autorisation ou des transferts de propriété puisqu'elles concernent en priorité des établissements déjà en activité. La réglementation 17 ( * ) en vigueur dispose que « l'autorisation ne peut être cédée qu'avec l'accord de l'autorité compétente pour la délivrer, qui s'assure que le cessionnaire pressenti remplit les conditions pour gérer l'établissement, le service ou le lieu de vie et d'accueil dans le respect de l'autorisation préexistante, le cas échéant au regard des conditions dans lesquelles il gère déjà, conformément aux dispositions du présent code, d'autres établissements, services ou lieux de vie et d'accueil . »

Cette réglementation ne laisse qu'une marge de décision limitée aux autorités compétentes. Les ARS et conseils départementaux auditionnés dans le cadre de la mission considéraient que cette réglementation ne leur permettait pas véritablement de s'opposer à un transfert d'autorisation et donc à saisir ces occasions pour définir une vision stratégique du devenir des établissements concernés.

Dans la pratique, le souhait de cession d'un établissement est connu tardivement par les services de l'ARS et du conseil départemental, ceux-ci pouvant avoir le sentiment d'être mis devant le fait accompli. Les services ne disposent que d'un court délai pour instruire la demande de cession (trois mois).

In fine , le rejet du transfert ne peut se fonder que sur l'incapacité du cessionnaire à remplir les conditions de gestion de l'établissement. En pratique, la plupart des organismes cessionnaires gèrent déjà des établissements et démontrer une telle incapacité est complexe. Par conséquent, les services des ARS et des conseils départementaux ne mènent pas systématiquement un contrôle approfondi mais procèdent à une analyse de risques à l'issue de laquelle une investigation est réalisée lorsque des situations présentant des risques sont identifiées.

La gestion du régime d'autorisation ne suffit pas à maîtriser les éventuels changements de propriétaires d'un établissement. Les groupes multi-gestionnaires peuvent avoir recours à un autre procédé juridique permettant d'échapper à la cession d'autorisation au sens de la réglementation de l'action sociale et des familles. La reprise des parts sociales de la société détentrice de l'autorisation permet d'éviter de déposer un dossier de cession d'autorisation auprès des autorités. Le détenteur de l'autorisation ne change pas c'est la « holding » qui change. Ce procédé permet d'échapper au contrôle à priori des autorités, seule une démarche d'information est prévue par les textes.

Si la loi HPST a redonné une capacité de contrôle aux autorités de tutelle pour l'ouverture de nouvelles places, la réglementation demeure déséquilibrée en faveur des établissements pour ce qui est des transferts. Cette souplesse réglementaire a permis la restructuration du secteur et la constitution de groupes multi-gestionnaires d'établissements. La nécessité de piloter l'évolution de l'offre dans les années à venir et de développer des solutions hybrides doit conduire à réfléchir également sur les modalités de révision du régime juridique de transfert des autorisations.

2. Une tarification trop complexe

Il y a 14 ans nos collègues en charge du rapport sur la création du 5 ème risque 18 ( * ) écrivaient : « Le système français de prise en charge de la perte d'autonomie souffre aussi et surtout du grand nombre d'acteurs concernés et de l'enchevêtrement de leurs compétences respectives. Faute de choix clairs de la part des pouvoirs publics depuis la fin des années quatre-vingt, les circuits institutionnels et financiers sont désormais caractérisés par une très grande complexité. Dans ces conditions, engager une réflexion tendant soit à les simplifier, soit à les améliorer, tout en prenant acte de la diversité des acteurs, représente une nécessité opérationnelle incontournable. »

Depuis cette période, la loi ASV a proposé une réforme des modalités de financement des Ehpad mais il s'agissait d'abord de rénover l'évaluation des besoins des établissements en tenant compte de l'état de santé des résidents, d'assouplir la construction budgétaire, plus que de d'agir sur le nombre d'acteurs. Les Ehpad perçoivent aujourd'hui encore un financement tripartite pour les soins, la dépendance et l'hébergement.

a) Un financement tripartite accusé de rendre le pilotage budgétaire complexe

La persistance de ce financement tripartite, porté par des financeurs distincts est régulièrement présentée comme une source de complexité et la fusion des enveloppes soins et dépendance comme la solution permettant de simplifier la gouvernance du secteur.

Cette complexité budgétaire a été en partie réduite. En effet, faisant reposer le financement sur une équation tarifaire fondée sur l'état de santé et de dépendance des résidents, la loi ASV a réduit l'intensité des négociations budgétaires entre les établissements et les autorités de tarification.

Toutefois, la critique demeure, assise sur le caractère réputé artificiel de la frontière entre les sections soins et dépendance. Cette critique est acutisée par le fait que la part des financements départementaux ne cesse de décroître et que, par ailleurs, un certain nombre de mesures relevant du champ de la dépendance sont prises en charge par des crédits de l'objectif général de dépenses financé par l'assurance maladie (compensation des convergences tarifaires négatives sur les forfaits dépendance versés par les départements, mesure de revalorisation salariale prises dans le cadre du Ségur et affectant les charges de personnels affectés à la dépendance).

Dans son rapport sur la prise en charge médicale des personnes en Ehpad remis à la commission en février, la Cour des comptes observait que « la construction d'un modèle unifié de tarification où l'assurance maladie assumerait le financement quasi intégral des charges relatives aux soins et à la dépendance, permettrait de mettre en cohérence et de simplifier la structure de financement, ainsi que de regrouper au niveau des ARS, les discussions financières relatives à la prise en charge des personnes ».

Une proposition similaire avait été faite dans le cadre du rapport Libault 19 ( * ) , dans la perspective d'une unification des financements sous l'égide de la CNSA, avec des crédits assurance maladie. Cette proposition a également été formulée par plusieurs organisations du secteur auditionnées par vos rapporteurs, comme la fédération hospitalière de France (FHF). Cette fusion avait été envisagée dans la cadre de la préparation du PLFS pour 2022, sans qu'il soit donné suite à cette hypothèse de travail.

La mission essaiera de montrer que la simplification du pilotage budgétaire peut emprunter la voie d'un guichet unique au niveau départemental, réunissant ARS et conseils départementaux. Les complexités administratives qui seraient liées à la dualité de pilotage et de financement sont aussi dues en partie à une coordination insuffisante entre l'ARS et le conseil départemental.

Toutefois, dans le cadre de la préparation d'une loi grand âge, une réflexion approfondie pourrait être lancée afin de proposer une évolution majeure des modalités de financement des Ehpad. Une telle démarche doit tenir compte de l'ensemble du parcours des personnes âgées et du développement de formules hybrides comme les Ehpad hors les murs ou les Ehpad plateformes, tout comme des projets de fermeture des unités de soins de longue durée et la conséquence de cette fermeture sur l'évolution de l'état de santé des résidents en Ehpad. La nouvelle architecture des « tuyaux budgétaires » ne doit pas se traduire par une rupture dans la prise en charge des personnes âgées parce que le département serait en charge du domicile et l'ARS des établissements.

b) Une tarification qui n'incite pas à investir dans la qualité

Depuis 20 ans la problématique de la simplification et d'une éventuelle fusion des enveloppes soins et dépendance a dominé le débat sur la question du financement des Ehpad. Cette prédominance fait passer au second plan la question de l'adéquation des modalités de financement avec les besoins des personnes âgées et la capacité des établissements à s'adapter aux évolutions de l'état de santé de leurs résidents.

Cette question est une question qualitative. Il ne s'agit pas de se focaliser sur la demande de moyens supplémentaires, même si ces derniers sont indispensables ainsi que le relève la Cour des comptes et ce malgré les efforts budgétaires réalisés ces dernières années, mais bien de s'assurer que les modalités d'allocation budgétaire incitent les établissements à développer une prise en charge de qualité.

La problématique à laquelle doivent faire face les établissements, et leurs personnels, est celle de la dégradation de l'état de santé de leurs résidents. Leur mission est, dans un premier temps de prévenir cette dégradation pour le développement d'actions de prévention. Ils doivent également prendre en charge des personnes dont le degré de dépendance s'accroît et être en mesure de développer des moyens d'accueil adaptés, médicalisés. La fermeture prochaine des unités de soins de longue durée (USLD), annoncée par le Gouvernement au premier trimestre 2022 aura d'ailleurs des conséquences sur ce point par les effets de transferts des USLD vers les Ehpad qu'elle produira.

Or, il ressort des auditions de la mission que les modalités de financement ne sont plus en adéquation avec les objectifs de prise en charge des résidents et doivent évoluer afin d'inciter les établissements à une démarche qualité.

La loi ASV a procédé à une première évolution qui a permis d'établir un lien entre l'état de santé et de dépendance des résidents et le niveau de financement des établissements. Si le financement des Ehpad est d'ores et déjà fondé sur l'évolution de l'état de santé des résidents des infléchissements demeurent nécessaires pour renforcer le caractère incitatif des modalités d'allocation budgétaire. Ces infléchissements doivent prendre deux directions.

Il convient tout d'abord de faire un premier bilan de la réforme portée par la loi ASV. Ce bilan fait apparaître des défauts de mise à jour des coupes 20 ( * ) tarifaires qui sous-tendent le calcul des dotations. Ces retards empêchent la revalorisation des budgets et sont source de pertes de recettes préjudiciables à la qualité de la prise en charge.

Dans son enquête précitée, la Cour des comptes relève que si la réglementation prévoit que les Pathos moyen pondéré (PMP) et Gir moyen pondéré (GMP) doivent être recalculés avant la conclusion du CPOM, soit tous les cinq ans, « le rythme réel de mise à jour des coupes ne respecte pas souvent ce calendrier ». En effet, si environ les deux tiers des établissements ont des coupes réalisées au cours des trois dernières années « 18 % ont des coupes qui datent de 2015-2016 et 8 % un coupe antérieure à 2015 » pour le GMP, « 18 % ont des coupes qui datent de 2015-2016 et 11 % une coupe antérieure à 2015 » pour le PMP .

La durée de validité relativement longue de ces évaluations neutralise les effets de la réforme tarifaire portée par la loi ASV puisqu'elle ne permet pas de faire évoluer les financements au même rythme que l'état de santé des résidents. Cette situation est en partie causée par le manque de moyens des ARS qui ne disposent pas de suffisamment de médecins pour réaliser ces opérations.

Ensuite, une réflexion doit être lancée afin que les règles de financement incitent les établissements à investir davantage dans la prévention. À ce titre, et dans la continuité des propositions formulées par la Cour des comptes, les modalités de financement devraient être ajustées pour tenir davantage compte des besoins liés à la prise en charge des troubles cognitifs et certaines dotations devraient être conditionnées à des indicateurs chargés de mesurer le déploiement d'actions de prévention. Une réforme des ordonnances Pathos pourrait permettre de mieux valoriser la prévention, les thérapies non médicamenteuses et le suivi de l'évolution des pathologies. Enfin, le modèle d'allocations de ressources devrait faire une place plus grande aux dotations pluriannuelles plus favorables aux objectifs d'amélioration de la qualité ou d'accueil des populations en situation de précarité ou de handicap.

Les modalités de financement destinées à favoriser la prise en charge des besoins d'accompagnement des résidents doivent également être révisées. Cette évolution doit encourager le développement des prestations particulières telles que les unités d'hébergement renforcées (UHR), les pôles de soins adaptées (Pasa) ou les unités de vie protégées, autant de structures dont la mise en place apporte une réponse à l'évolution de l'état de santé des résidents. Ce développement, point nodal de la prise en charge de maladies neurodégénératives, est aujourd'hui trop lent.


* 14 Loi n° 2009879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires

* 15 Loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales

* 16 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale

* 17 art L313-1 du code de l'action sociale et des familles

* 18 Construire le cinquième risque : le rapport d'étape ; Rapport d'information de M. Alain VASSELLE, fait au nom de la mission commune d'information dépendance n° 447, (2007-2008).

* 19 Rapport Libault sur la concertation Grand âge et autonomie, 175 propositions pour une politique nouvelle et forte du grand âge en France, mars 2019.

* 20 Les coupes sont un système d'évaluation utilisé par les professionnels de santé pour définir les pathologies et le niveau de dépendance du résident.

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