N° 754

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) relatif aux risques liés au transport de produits à base de nitrate d' ammonium ,

Par Mme Martine FILLEUL, MM. Pascal MARTIN et Philippe TABAROT,

Sénatrice et Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

L'ESSENTIEL

Deux ans se sont écoulés depuis l'accident majeur de Beyrouth qui a mis en lumière les risques liés aux produits à base de nitrate d'ammonium . C'est cet événement tragique qui a conduit la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable à confier aux rapporteurs le soin de dresser un état des lieux de la situation française et de formuler des propositions en vue de mieux concilier les besoins des professionnels (industriels, agriculteurs et acteurs du transport) et le nécessaire renforcement de la prévention des risques industriels .

Premier constat rassurant : la situation du Liban et celle de la France ne sont pas comparables . La matière en cause à Beyrouth - du nitrate d'ammonium technique destiné à la fabrication d'explosifs - compte pour une part infime du trafic de produits à base de nitrate d'ammonium en France. Deuxième constat, plus mitigé : pour autant, la France est parmi les plus gros consommateurs en Europe d' ammonitrates haut dosage , engrais agricole identifié comme matière dangereuse par la réglementation internationale et nationale qui, s'il est stocké dans de mauvaises conditions ou pris dans un incendie, peut en effet provoquer des dégâts considérables.

Depuis AZF (2001) et Saint-Romain-en-Jarez (2003), aucun incident grave lié à ces produits en France n'est intervenu, mais certaines lacunes sont patentes en matière de prévention des risques liés aux ammonitrates dans notre réglementation , que ce soit au stade du transport par voie d'eau ou du stockage , ainsi que l'a mis en lumière la mission conjointe du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du conseil général de l'économie (CGE).

I. LE TRAFIC FLUVIAL ET MARITIME D'AMMONITRATES EN FRANCE : UNE APPRÉHENSION IMPARFAITE MALGRÉ DES ENJEUX DE SÉCURITÉ MAJEURS

La collecte de données fiables et précises sur les flux d'ammonitrates haut dosage en France est difficile en l'absence d'un système centralisé de suivi du trafic des matières dangereuses .

Les rapporteurs regrettent en effet de ne pas avoir pu obtenir de données sur l' ensemble des flux d'ammonitrates haut dosage sur le territoire. Les seuls éléments qui ont pu être recueillis concernent les importations, qui ne représentent que 20 % de la consommation nationale, ce qui permet néanmoins d'avoir un aperçu, bien que très incomplet , de la répartition du trafic par mode de transport .

Dans les secteurs fluvial et maritime, les rapporteurs regrettent en particulier des insuffisances dans la surveillance du trafic de matières dangereuses ainsi qu'une répartition des responsabilités manquant parfois de lisibilité et de fluidité .

II. LA MANUTENTION DES MATIÈRES DANGEREUSES DANS LES PORTS FLUVIAUX : UN VIDE JURIDIQUE À COMBLER

Pour le secteur fluvial , la situation est plus floue : le cadre réglementaire se concentre essentiellement sur le transport et peu de dispositions concernent la manutention de matières dangereuses , hormis l'obligation pour les préfets d' agréer les lieux de chargement et de déchargement de ces matières, en vertu du droit international, non inscrite dans le droit français.

Pour les rapporteurs, ces constats ne doivent pas conduire à un alarmisme disproportionné au regard des enjeux , étant donné le caractère limité du trafic fluvial d'ammonitrates haut dosage et la responsabilité des pratiques qu'ils ont pu observer sur le terrain 1 ( * ) .

Les dégâts que peut occasionner un chargement d'ammonitrates haut dosage , même en présence d'un faible tonnage, et les perspectives de développement du fret fluvial - que la commission soutient avec constance - justifient cependant la mise à disposition d'un cadre réglementaire clair sur le transport et la manutention des matières dangereuses par voie d'eau .

III. RÉDUIRE À LA SOURCE LES RISQUES LIÉS AUX AMMONITRATES HAUT DOSAGE IMPORTÉS PAR VOIE FLUVIALE ET MARITIME

Dans la lignée des recommandations du rapport du CGEDD-CGE, les rapporteurs appellent à ce que l'administration cible, dans le cadre de programmes de contrôle annuels, les importations les plus à risques en termes de conformité à la réglementation européenne. Ils souhaitent également une clarification des modalités de coordination entre les acteurs locaux impliqués dans les contrôles.


* 1 Déplacements en Seine-Maritime le 13 décembre 2021 (port de Saint-Aubin-lès-Elbeuf et usine Boréalis) et dans le Grand Est le 23 mars (port de Metz et site d'une coopérative agricole) et le 24 mars 2022 (port de Neuves-Maison).

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