IV. DÉCARBONER LES CARBURANTS ROUTIERS, AÉRIENS ET MARITIMES

A. LES PRÉCONISATIONS : CONSOLIDER LES OBJECTIFS PRÉVUS POUR LES CARBURANTS AÉRIENS ET MARITIMES DURABLES ET RENFORCER CEUX POUR LES INFRASTRUCTURES DE RECHARGE

1. L'initiative sur les carburants aériens durables (Initiative ReFuelUE Aviation) : affiner les délais et limiter les surcoûts d'objectifs ambitieux

Le règlement sur les carburants aéronautiques applique, aux exploitants d'aéronefs, aux aéroports de l'Union européenne et aux fournisseurs de carburants d'aviation, une part minimale de carburant durable d'aviation, y compris une part de carburant de synthèse, à compter du 1 er janvier 2025, avec une période transitoire jusqu'au 1 er janvier 2030. Relèvent de ce règlement les exploitants ou propriétaires d'aéronefs réalisant au moins 730 opérations de transport aérien commercial ainsi que les aéroports dépassant un seuil annuel de trafic ou de fret de 1 million de passagers ou de 100 000 tonnes. Pour y parvenir, plusieurs obligations sont prévues dans les aéroports : une quantité annuelle embarquée de carburants représentant 90 % de celle requise (à partir du 1 er janvier 2025), la fourniture d'infrastructures nécessaires à l'accès aux carburants (dans un délai de 5 ans suivant la constatation d'un manquement) et une déclaration annuelle pour les exploitants d'aéronefs ou les fournisseurs de carburants (à partir du 1 er avril 2024).

Les rapporteurs notent que les objectifs fixés pour les carburants durables aériens sont très ambitieux ; aussi appellent-ils à affiner les délais, compenser les surcoûts et encourager les investissements.

En effet, ils rappellent que l'ADEME-ATE leur a indiqué qu' « une période transitoire est nécessaire, car actuellement, les capacités n'existent pas pour permettre l'incorporation de carburants durables. De plus, le surcoût reste un paramètre critique. »

De plus, les rapporteurs observent que certains carburants sont mal intégrés : l'hydrogène bas-carbone, au-delà de celui renouvelable, les biocarburants de première génération, au-delà de ceux plus avancés, ou encore les carburants synthétiques.

Pour décarboner rapidement et effectivement les carburants aériens, les rapporteurs plaident donc pour appliquer à ces différentes technologiques un principe de neutralité technologique.

Leurs échanges avec le HCC les ont convaincus de la nécessité d'accélérer et d'intensifier l'action des États membres en direction de la décarbonation des carburants aériens : « Les émissions des transports aériens doivent être pleinement inscrites dans les efforts des États membres, et en France, pour qu'ils soient intégrés à l'objectif de neutralité carbone. »

Initiative sur les carburants aériens durables

30. Affiner les délais, compenser les surcoûts et encourager les investissements dans la mise en oeuvre de l'objectif d'incorporation de carburants durables dans le secteur aérien.

31. Appliquer une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone et entre l'énergie renouvelable et celle bas-carbone dans cette incorporation.

32. Mieux intégrer les différents biocarburants et les carburants synthétiques.

2. L'initiative sur les carburants maritimes durables (Initiative FuelUE Maritime) : renforcer l'ambition d'objectifs limités

Le règlement sur les carburants maritimes durables applique aux navires une réduction des émissions de GES de 2 % d'ici 2025, et jusqu'à 75 % d'ici 2050 (avec une augmentation tous les 5 ans). Relèvent de ce règlement les navires dont la jauge brute est supérieure à 5 000 tonnes, quel que soit leur pavillon. Les États membres doivent permettre une électrification à quai, à compter du 1 er janvier 2030, tandis que les compagnies doivent instituer des plans de surveillance, vérifiés annuellement, au plus tard le 31 août 2024 ; un certificat de conformité est délivré aux navires ne présentant pas de déficit de conformité (pour une période de 18 mois). La Commission européenne est tenue d'instituer une base de données des bilans de conformité.

Les rapporteurs observent que les objectifs fixés pour les carburants durables maritimes sont peu ambitieux : leur rehaussement est donc nécessaire.

En effet, ils rappellent que l'ADEME-ATE leur a précisé que « ce taux peut paraître faible et facile à atteindre par exemple en réduisant la vitesse. Toutefois, le secteur manque de solution de décarbonation. La question principale est surtout d'identifier les sources de financement ».

En outre, les rapporteurs constatent les surcoûts induits par ces objectifs, qui nécessitent de prévoir un soutien budgétaire pour les collectivités territoriales, pour l'électrification des quais, et un soutien extrabudgétaire pour les professionnels, pour la décarbonisation des carburants.

Sur le premier point, la FNCCR a indiqué aux rapporteurs que « l'obligation de raccordement à l'électricité à quai va engendrer des investissements très importants, notamment si les navires ne sont pas déjà eux-mêmes alimentés de manière décarbonée. Par ailleurs, les zones littorales où se situent les ports sont par définition éloignées des ossatures principales du réseau de distribution d'électricité et nécessiteront pas construction des extensions de réseau importantes et/ou des renforcements induits par la demande ».

Preuve de l'importance de ces coûts, l'ADEME-ATE a précisé que « l'investissement côté quai est de l'ordre de 600 €/mégawatt », ajoutant que « les coûts de raccordement de lignes supplémentaires au réseau ENEDIS viennent grever cet investissement ».

Sur le second point, l'AFG a affirmé que « cette trajectoire prévue très ambitieuse prévue n'est tenable que si [...] les compagnies maritimes peuvent utiliser des garanties d'origine ».

Enfin, les rapporteurs jugent utile d'appliquer un principe de neutralité technologique aux différents biocarburants et aux carburants synthétiques, pour décarboner rapidement et réellement les carburants maritimes.

Ils retiennent ainsi de leurs échanges avec le HCC la nécessité d'avancer pleinement dans ce sens : « le Haut Conseil pour le climat recommande l'inclusion des transports internationaux (y compris le maritime) dans les efforts de décarbonation ».

Initiative sur les carburants maritimes durables

33. Accroître la limitation de l'intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'énergie utilisée à bord pour renforcer l'incorporation des carburants durables dans le secteur maritime.

34. Prévoir un accompagnement des collectivités territoriales et leurs groupements, en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), dans les surcoûts induits par l'électrification à quai.

35. Permettre l'utilisation des garanties d'origine pour favoriser l'incorporation du biogaz liquéfié (bio-GNL) et du gaz naturel liquéfié (GNL).

36. Mieux intégrer les différents biocarburants et les carburants synthétiques.

3. Le règlement sur les infrastructures de recharge en carburants alternatifs : élargir les objectifs aux différentes technologies

Le règlement sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs introduit plusieurs objectifs. Pour les véhicules routiers, des objectifs sont prévus pour les véhicules utilitaires légers (puissance de sortie entre 0,66 et 1 kW pour les stations de recharge ouvertes au public et déploiement le long du réseau central et global à un intervalle de 60 km) et les véhicules utilitaires lourds (puissance de sortie entre 100 et 1 200 kW pour les points de recharge ouverts au public et déploiement le long du réseau central, à un intervalle de 60 km, et du réseau global, à un intervalle de 100 km, entre 2025 et 2035) ainsi que l'hydrogène (déploiement le long du réseau central et global, à un intervalle entre 150 et 450 km, d'ici 2030) ou le GNL (déploiement d'un nombre approprié, le long du réseau central, d'ici 2025). Pour le transport maritime, des objectifs sont prévus en matière d'électrification à quai (pour les ports maritimes, dont la jauge brute est de plus de 5 000 tonnes, de même que ceux de navigation intérieure, du réseau central, d'ici 2025, et du réseau global, d'ici 2030), et de GNL (avec un nombre approprié de points d'avitaillement pour les ports maritimes du réseau central, d'ici 2025). Pour le transport aérien, la fourniture d'électricité est requise pour l'embarquement (d'ici 2025) ou le stationnement (d'ici 2030), avec une alimentation renouvelable du réseau ou sur site (d'ici 2030). Les États membres doivent présenter un cadre d'action national pour le développement du marché relatif aux carburants alternatifs et le déploiement des infrastructures correspondantes (avant 2025) et un rapport d'avancement de ce cadre national (avant 2027), la Commission européenne évaluant ces rapports et émettant des recommandations, y compris des mesures correctrices. Sont également prévues des exigences en matière d'information des utilisateurs, de fonctionnement des infrastructures ou de fourniture de données.

Les rapporteurs juge souhaitable de relever l'objectif proposé pour les infrastructures de recharge électrique et de consolider et d'accélérer celui proposé pour l'hydrogène.

Concernant l'électricité, l'UFE a indiqué que les objectifs prévus pour les véhicules légers « paraissent insuffisants », car « 26 États membres sur 27 les ont déjà atteints », de même le groupe EDF a préconisé de « rehausser cet objectif à 2 kW par véhicule électrique à batterie et 1 kW par véhicule hybride rechargeable » .

S'agissant de l'hydrogène, France Hydrogène lui a indiqué qu' « une seule station par agglomération apparaît comme une faible exigence » , tandis qu'Air Liquide a plaidé pour « un objectif minimum à plus court terme » avant l'échéance prévue de 2030.

De surcroît, les rapporteurs estiment utile de faire bénéficier d'un principe de neutralité technologique l'hydrogène bas-carbone, aux côtés de celui renouvelable, le gaz naturel comprimé (GNC), aux côtés du GNL, ainsi que les différents biocarburants et carburants synthétiques.

Pour ce qui est du gaz renouvelable, l'AFGNV a précisé que « les deux principales préoccupations relatives aux objectifs d'infrastructures de recharge sont l'absence d'objectifs pour les stations de ravitaillement en GNC et le délai limité pour les infrastructures de GNL ».

Quant au biogaz et aux biocarburants, la même association a indiqué « la nécessité d'inclure explicitement le biogaz et les biocarburants ».

Règlement sur les infrastructures de recharge en carburants alternatifs

37. Renforcer les objectifs contraignants de déploiement des infrastructures de recharge électrique, a minima celles destinées aux véhicules utilitaires légers.

38. Mieux intégrer le gaz naturel liquéfié (GNL), le gaz naturel comprimé (GNC), le biogaz liquéfié (bio-GNL) et le biogaz comprimé (bio-GNC) ainsi que les différents biocarburants et les carburants synthétiques.

39. Renforcer et anticiper l'objectif prévu pour les infrastructures de recharge à hydrogène.

40. Appliquer une neutralité technologique entre l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone et entre l'énergie renouvelable et celle bas-carbone dans l'appréciation des carburants durables.

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