C. DES ÉVOLUTIONS SIGNIFICATIVES INTERVENUES À LA SUITE DE L'ACCIDENT, EN PARTICULIER SUR LE VOLET RÉGLEMENTAIRE

Dans le prolongement des enseignements tirés des travaux de retours d'expérience évoqués et pour prévenir un nouvel accident de même nature, la réponse du Gouvernement a conduit à des évolutions normatives et à la programmation de mesures opérationnelles , allant dans le sens souhaité par la commission d'enquête sénatoriale et correspondant, pour certaines évolutions, directement aux recommandations des sénateurs .

Ainsi, trois plans d'action ont été présentés et portés à titre principal par la ministre de la transition écologique :

- le 11 février 2020 , un plan en 4 axes pour améliorer la prévention des incendies et de l'adaptation de la gestion de crise ;

- le 24 septembre 2020 , avec l'ajout d'un 5 e axe au plan de février 2020 s'agissant de la culture du risque, afin de renforcer la protection des populations ;

- le 18 octobre 2021 , un plan d'action dédié au renforcement de la culture du risque, baptisé Tous résilients face aux risques .

Ces plans ont ensuite été déclinés par des mesures législatives , réglementaires et d'organisation des services .

La commission salue ces évolutions, qui concourent à une amélioration globale de la prévention des risques industriels.

1. Un premier plan d'action présenté en février 2020, complété en septembre 2020, pour améliorer la prévention des incendies et renforcer les exigences applicables aux exploitants

• Le 11 février 2020 , la ministre de la transition écologique a présenté un plan d'action organisé en 4 axes et annoncé la mise en consultation de plusieurs mesures réglementaires tirant les conséquences des recommandations des rapports d'inspection :

- Axe 1 -- Améliorer la prévention des risques industriels

L'objectif est notamment de renforcer la prévention des incendies dans les stockages et entrepôts de liquides inflammables et combustibles en garantissant l'adéquation des capacités de stockage GRV 41 ( * ) et de rétention des liquides inflammables et combustibles avec le risque incendie, la disponibilité sur site de quantités suffisantes d'émulseurs et la bonne maîtrise des risques par les exploitants et leurs sous-traitants.

La ministre a annoncé la suppression de la possibilité de « saucissonner » les installations, qui permet aux exploitants de disposer de plusieurs installations contiguës de stockage soumises à des régimes différents et donc d'obtenir un régime global moins contraignant pour l'établissement dans son ensemble, par exemple plusieurs régimes de déclaration plutôt qu'un enregistrement. Le but est d'appliquer de façon similaire les règles de sécurité pour l'ensemble des grands entrepôts , qu'ils soient soumis à enregistrement ou autorisation au titre du code de l'environnement, même s'il y a des stockages de matières relevant de plusieurs rubriques différentes. En parallèle, le seuil séparant le régime de l'enregistrement du régime de l'autorisation est augmenté.

Une action renforcée dans les installations bordant les sites Seveso est également annoncée, afin de vérifier l'absence d'effet domino , de même qu'un renforcement des échanges d'information entre sites industriels voisins. Enfin, les inspecteurs devront vérifier périodiquement que les exploitants ont bien mis en oeuvre leurs obligations réglementaires visant à rechercher les meilleures techniques disponibles de sécurité 42 ( * ) lors du réexamen des études de dangers. Les exploitants devront transmettre à l'administration un document recensant les nouvelles méthodes devenues fiables et économiquement accessibles, qui peuvent améliorer la sécurité.

- Axe 2 -- Anticiper et faciliter la gestion technique d'un accident

Afin de remédier aux difficultés révélées par l'accident de Lubrizol quant à la possibilité, pour les services de l'État et les intervenants de la sécurité civile, de disposer d'un état à jour des produits stockés et de leur composition en cas d'accident dans chaque site industriel, la ministre a annoncé l'obligation, pour les exploitants, d'opérer un suivi renforcé des matières présentes dans chacune des parties des sites qu'ils exploitent, dans un format adapté et facilement réutilisable. Ce suivi devra préciser pour ces matières les propriétés de dangers qu'elles présentent et les décrire clairement. L'inventaire administratif quotidien devra être complété d'un inventaire physique.

En outre, pour mieux identifier et prévenir les risques pour la santé et l'environnement, les exploitants devront intégrer, dans les études de danger, des informations concernant les produits de décomposition susceptibles d'être émis en cas d'incendie , incluant les produits de décomposition liés au bâtiment du site et aux contenants des produits.

La ministre a rappelé la nécessité de prévoir des fréquences d'exercice adaptées dans les sites Seveso seuil haut et les sites industries soumis à l'obligation de réaliser un plan d'opération interne (POI) ainsi que l'obligation d'adapter ces POI, pour qu'ils incluent la mention de la disponibilité d'équipements visant à mener les premiers prélèvements environnementaux en cas d'accident, le cas échéant dans le cadre d'une mutualisation entre plusieurs exploitants.

- Axe 3 -- Améliorer le suivi des conséquences sanitaires et environnementales de long terme

Dans le prolongement des nouvelles obligations applicables aux exploitants en matière d'analyses des produits susceptibles d'être émis par leurs sites en cas d'incendie, la ministre a annoncé son intention de renforcer le réseau des intervenants en situation post-accidentelle (RIPA) et de raccourcir les délais d'analyse .

Partant du constat d'un manque de performance sur les délais d'acheminement et d'analyse des prélèvements réalisés, la ministre souhaite une professionnalisation de l'ensemble du RIPA. En particulier, l' Ineris se voit confier la mission de proposer un dispositif de répartition géographique de moyens complémentaires , c'est-à-dire des équipements de pointe pour mesurer efficacement et rapidement les polluants émis dans l'atmosphère -- dont l'établissement devra assurer la coordination et le pilotage. S'agissant des modalités de recours à ces équipements, des partenariats avec les AASQA ou d'autres organismes sont envisagés pour l'hébergement et l'utilisation des moyens en cas d'accident. Les missions de la cellule d'appui aux situations d'urgence (CASU) de l'Ineris sont également étendues aux conséquences environnementales des accidents industriels. La ministre a également annoncé la poursuite du financement, par l'État et sur de « nombreuses années », des travaux de recherche permettant de fixer des normes toxicologiques de référence pour certains polluants ainsi que des travaux de court terme pour améliorer les banques de données disponibles sur les polluants les plus notables (dioxines, HAP, métaux lourds).

En outre, la ministre a souligné la « démarche assez innovante » mise en place après l'accident de Rouen s'agissant du suivi des impacts environnementaux sur les milieux et la biodiversité ainsi que sur les productions agricoles destinées à l'alimentation humaine. Des outils établis par les services des ministères de la transition écologique, de la santé et des solidarités permettront de partager les bonnes pratiques en la matière, l'objectif étant de « disposer d'une méthodologie de mise en oeuvre et d'une organisation type prévues à l'avance, si un accident d'une telle ampleur devait de nouveau survenir ».

Enfin, face aux pollutions immédiates occasionnées par l'incendie sur les sols et l'eau et aux odeurs désagréables, la ministre a annoncé que les plans d'opération interne (POI) devront désormais inclure des opérations de nettoyage et de remise en état du site après un accident majeur.

- Axe 4 -- Renforcer les contrôles et se doter des moyens d'enquête adaptés

Sur ce volet, la ministre a annoncé une augmentation de 50 % des inspections annuelles dans les ICPE d'ici la fin du quinquennat, pour passer de 18 000 à 25 000 contrôles, puis 27 000 en 2023.

Rappelant que la prévention des risques industriels repose « aussi sur l'engagement et le professionnalisme des inspecteurs » et que le nombre de contrôles a baissé de 40 % depuis 2006 , la ministre a en outre indiqué que « les effectifs affectés à la prévention des risques seront a minima stabilisés jusqu'à la fin du quinquennat » et qu'un travail sera engagé afin de préserver les compétences et l'attractivité des postes d'inspecteurs.

Enfin, la ministre a annoncé la mise en place d'un bureau d'enquête accidents dédié aux risques industriels (BEA-RI), qui pourra appuyer à la fois l'administration centrale et les services déconcentrés, afin de tirer les enseignements des accidents sur les volets technique et organisationnel.

Ces annonces ont été présentées aux sénateurs membres de la commission d'enquête lors de l'audition de la ministre de la transition écologique et solidaire le 26 février 2020 43 ( * ) , qui les ont accueillies favorablement même s'ils ont douté du réalisme de l'objectif d'une augmentation de 50 % des contrôles réalisés par les inspecteurs des ICPE d'ici la fin de l'année 2022. La ministre a justifié le réalisme de cette ambition, en rappelant que les effectifs de l'inspection des ICPE ont augmenté ces dernières années mais que le nombre de contrôles a diminué du fait d'une forte mobilisation des inspecteurs pour l'élaboration et la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Aussi, cette augmentation semble pouvoir être réalisée « notamment par le biais d'allégements de tâches administratives » 44 ( * ) .

Toutefois, cinq mois plus tard, le 30 juin 2020, la ministre annonçait le renforcement des moyens de l'inspection des installations classées en dédiant 50 postes d'inspecteurs supplémentaires dès 2021 45 ( * ) .

S'agissant des inspections et des effectifs de l'inspection des ICPE, si la commission se réjouit de ces avancées, trois remarques s'imposent.

En premier lieu, l'augmentation annoncée des contrôles ne constitue en fait qu'un rattrapage par rapport à la situation de 2006 , qui constituait un « pic de vigilance » après la catastrophe d'AZF intervenue cinq ans plus tôt.

En second lieu, cette annonce constitue en fait la simple reprise d'une annonce antérieure , qui figurait dans les orientations stratégiques pluriannuelles pour l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement ( OSPIIC ) adoptées en février 2019 46 ( * ) .

En troisième lieu, la commission rappelle que cette annonce aura été concrétisée en deux ans et non « dès 2021 » comme l'avait affirmé la ministre. Le rapporteur pour avis sur les crédits de la prévention des risques, Pascal Martin, s'en était d'ailleurs ému dans ses deux avis budgétaires sur les projets de loi de finances pour 2021 et 2022 47 ( * ) .

• Le 24 septembre 2020 , dans le prolongement de ces premières communications et à l'occasion d'un point sur les actions menées depuis un an pour améliorer la prévention des accidents industriels et renforcer la protection des populations, la ministre de la transition écologique et le ministre de l'intérieur ont présenté de nouvelles actions .

Cette séquence intervenait au moment de la publication des premiers textes réglementaires tirant les leçons de l'accident ( voir ci-dessous 2) du B du I ).

Tirant les conséquences de la seconde mission inter-inspections conduite plus particulièrement sur la gestion de crise , le Gouvernement a complété son plan d'action et ajouté un cinquième axe à son plan intitulé « renforcer la culture du risque et de la transparence ».

En premier lieu, le ministre de l'intérieur a annoncé le déploiement, sur l'ensemble du territoire national, du dispositif FR-ALERT visant, en cas d'accident industriel ou de catastrophe naturelle, à alerter et informer les populations, en temps réel et dans la durée par téléphone mobile ( cell broadcast ), assorti d'un plan de sensibilisation et d'information des populations sur cet outil. Ce dispositif interviendra en complément du système d'alerte et d'information aux populations ( SAIP ), qui repose sur les sirènes et demeurera en vigueur.

En second lieu, la ministre de la transition écologique a annoncé le lancement d'une nouvelle mission visant à modifier les outils de concertation, mieux impliquer les populations et à développer la culture du risque et de la sécurité industrielle .

Dans ce cadre et conformément aux textes parus le 24 septembre 2020, la ministre a annoncé que les résultats des contrôles réalisés par l'inspection des ICPE seraient publiés systématiquement d'ici le 1 er janvier 2022, afin de renforcer l'information du public.

Enfin, la ministre a mis en avant le dispositif de « vigilance renforcée », dont la mise en oeuvre doit être assurée par les inspecteurs des ICPE. L'objectif est de cibler les sites qui font l'objet d'incidents, d'accidents réguliers ou de non-conformités récurrentes .

2. Des annonces concrétisées dans des évolutions législatives et réglementaires dispersées mais significatives et traduisant une réelle volonté de tirer les leçons de l'accident

Les évolutions présentées par le Gouvernement en février puis en septembre 2020 ont conduit à des évolutions normatives , traduisant une réelle volonté de tirer les leçons de l'accident.

Si la dispersion de ces mesures dans une pluralité de textes, qui plus est de niveau normatif différent (lois de finances, lois ordinaires, décrets, arrêtés), rend difficile leur appréhension globale, la commission considère que ces évolutions sont significatives et permettent de répondre à de nombreux enjeux de sécurité industrielle et d'information du public mis en lumière par cet accident.

a) Trois salves de textes réglementaires pour remédier aux failles mises en lumière par l'accident de Rouen

Les évolutions réglementaires post-Lubrizol ont été prises en trois temps : d'abord, en septembre 2020 , puis en décembre 2020 et enfin en septembre 2021 . Elles ont été complétées par la mise à disposition des exploitants de guides pratiques visant à assurer leur bonne application.

• En septembre 2020 , deux décrets et cinq arrêtés ont été publiés au Journal officiel et sont entrés en vigueur au 1 er janvier 2021. Ces textes renforcent substantiellement les prescriptions applicables aux ICPE, afin d'assurer une meilleure prévention des accidents et en particulier du risque incendie. Ils concernent les sites Seveso , les ICPE soumises à autorisation et les grands entrepôts . Ils s'appliquent depuis le 1 er janvier 2021 aux installations nouvelles et aux installations existantes avec des délais de mise en conformité échelonnés jusqu'en 2026 .

Dispositions applicables aux sites Seveso

Le décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 48 ( * ) clarifie les obligations d' échanges d'informations et de coopération entre établissements Seveso voisins et avec les activités situées à proximité de ces sites. Il précise notamment les catégories d'information tenues à la disposition du public, la manière avec laquelle les programmes d'inspection des établissements Seveso doivent être conçus, les objectifs et le contenu des plans d'opération interne (POI) ainsi que le contenu du rapport post-accident exigé de l'exploitant. En outre, lors du réexamen quinquennal des études de dangers (ED), l'exploitant devra recenser les innovations, solutions et investissements technologiques réalisables pour son installation à coût économiquement acceptable et permettant une amélioration significative de la maîtrise des risques . Des prescriptions renforcées s'appliquent également à la politique de prévention des accidents majeurs définie à l'article L. 515-33 du code de l'environnement, qui impose à l'exploitant d'élaborer un document dédié à cette problématique, pour assurer un niveau élevé de protection de la santé publique et de l'environnement. Enfin, ce décret fixe des fréquences minimales d'exercices renforcées pour les ICPE concernées : des exercices devront avoir lieu tous les trois ans pour les établissements soumis à POI et tous les ans pour les sites Seveso seuil haut.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 49 ( * ) adapte et complète les dispositions communes aux sites Seveso. Il détaille le contenu des plans d'opération interne (POI) , notamment s'agissant des moyens et méthodes prévus pour la remise en état et le nettoyage de l'environnement après un accident majeur, ainsi que les dispositions assurant la disponibilité d'équipements pour mener les premiers prélèvements et analyses environnementaux en cas d'accident. L'étude de dangers devra mentionner les produits de décomposition susceptibles d'être émis en cas d'incendie et l'exploitant devra tenir à la disposition des inspecteurs les rapports de son assureur concernant les mesures de prévention et de maîtrise des risques. Le personnel intervenant sur les sites Seveso, y compris le personnel des entreprises extérieures, devra recevoir une formation en matière de prévention des risques . Enfin, pour les sites Seveso seuil bas, l'élaboration d'un POI est rendue obligatoire à compter du 1 er janvier 2023, de même que la réalisation d'exercice tous les trois pour tester ce plan.

Dispositions applicables aux stockages de liquides inflammables et combustibles

L' arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables 50 ( * ) renforce les prescriptions relatives au stockage de liquides inflammables et de liquides combustibles en récipients mobiles, tant en extérieur que dans les stockages couverts pour toutes les ICPE soumises à autorisation . Ce nouvel arrêté permet d'améliorer substantiellement la prévention du risque incendie en encadrant davantage les liquides combustibles. À titre d'exemple, il est demandé à l'exploitant de prévoir à l'avance les moyens de se procurer une quantité complémentaire d'eau , en faisant appel au besoin à des établissements voisins, et d'intégrer une marge forfaitaire de 20 % sur les besoins en eau et en émulseurs.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 3 octobre 2010 51 ( * ) tend à renforcer les prescriptions applicables aux capacités de rétentions et de rétentions déportées dans les ICPE soumises à autorisation des rubriques concernées 52 ( * ) . Il encadre en particulier le stockage des liquides avec des mentions de danger H224-H225-H226, non classés au titre d'une rubrique de liquides inflammables, ainsi que des déchets liquides inflammables HP3. Enfin, il prévoit des mesures pour renforcer l'étanchéité des cuvettes pour les installations existantes.

Dispositions applicables aux entrepôts de matières combustibles

Le décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 53 ( * ) étend le régime d'enregistrement pour plusieurs rubriques 54 ( * ) et vise à considérer le classement au niveau de l'entrepôt dans son ensemble afin d'éviter les doubles classements et l'abaissement global du niveau de prévention des risques. Ce décret intègre également des évolutions proposées par le rapport Daher-Hémar sur la compétitivité de la chaîne logistique 55 ( * ) , qui recommandait de diminuer les délais de construction et d'instruction des dossiers d'autorisations administratives d'au moins 6 mois, pour les rendre équivalentes à ceux de l'Europe du Nord.

Ainsi, ce décret modifie les règles de soumission à évaluation environnementale systématique des projets en raison des surfaces construites , en la recentrant sur les projets de plus de 40 000 m 2 d'emprise au sol dans un espace non artificialisé au lieu de 40 000 m 2 de surface de plancher, quelle que soit la nature du lieu d'implantation, dans un objectif de lutte contre l'artificialisation des sols. Le seuil d'autorisation pour les installations relevant de la rubrique 1510 (installations pourvues d'une toiture dédiées au stockage de matières ou produits combustibles en quantité supérieure à 500 tonnes) est relevé à 900 000 m 3 ou 40 000 m 2 au sol en zone non urbanisée. Le régime d'autorisation pour la rubrique 1532 (bois ou matériaux combustibles analogues) concernera désormais les stockages de plus de 50 000 m 2 de produits susceptibles de dégager des poussières inflammables. Enfin, le régime d'autorisation est supprimé pour les rubriques 1511 (entrepôts frigorifiques), 1530 (papiers, cartons ou matériaux combustibles analogues), 2262 (stockage de polymères) et 2663 (stockage de pneumatiques et produits composés d'au moins 50 % de polymères). La procédure de soumission à évaluation environnementale au cas par cas est toutefois maintenue.

L' arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 56 ( * ) renforce les prescriptions actuelles et en crée de nouvelles pour les entrepôts. Il étend les dispositions relatives à l'état des matières stockées ( voir ci-dessous ) à tous les entrepôts relevant des régimes d'autorisation et d'enregistrement. L'obligation d'un plan de défense incendie à tous les entrepôts , quel que soit leur régime administratif 57 ( * ) . Il applique à l'ensemble des entrepôts l'interdiction à terme des récipients mobiles susceptibles de fondre pour stocker les liquides inflammables non miscibles à l'eau (rubriques H224 et H225).

Dispositions applicables à l'état des matières stockées

L' arrêté du 24 septembre 2020 58 ( * ) modifiant l'arrêté du 4 octobre 2010 prévoit à titre principal l'exigence, pour les exploitants de sites Seveso, de sites de tri-transit et regroupement des déchets dangereux, de sites de stockage de liquides inflammables, de l'ensemble des installations et entrepôts relevant du régime d'autorisation et certains entrepôts soumis à enregistrement, de tenir à jour un état des matières stockées , y compris les matières combustibles non dangereuses ou ne relevant pas d'un classement au titre de la nomenclature des ICPE. L'exploitant devra disposer des fiches de données de sécurité pour les matières dangereuses qu'il entend stocker avant leur réception . Ces documents devront être facilement accessibles et tenus en permanence à la disposition du préfet, des services d'incendie et de secours, de l'inspection des ICPE et des autorités sanitaires . L'arrêté prévoit que l'état des matières stockées doit être mis à jour a minima de manière quotidienne et recalé périodiquement avec un inventaire physique, au moins annuellement .

Commentant et présentant l'ensemble de ces évolutions réglementaires lors de son audition devant la commission, la ministre de la transition écologique a indiqué : « des investissements doivent être réalisés pour rationaliser le stockage de produits inflammables, augmenter les capacités de rétention des liquides et renforcer les capacités d'extension. Le calendrier mène à 2026 , car il s'agit d'investissements qui doivent être pensés et préparés correctement à l'échelle du site entier. Cela prend un peu de temps . On limite ainsi à la fois les risques de naissance d'un incendie et de propagation à des sites voisins par un effet domino ».

• En décembre 2020 , la ministre de la transition écologique a pris un arrêté visant à traduire l'annonce, faite en février 2020, de la création d'un bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI) 59 ( * ) .

Créé sous la forme d'un service à compétence nationale (SCN) placé auprès du vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable ( CGEDD ), le BEA-RI a pour mission de « conduire des enquêtes techniques à la suite des principaux accidents intervenant dans une installation classée pour la protection de l'environnement, une mine, une infrastructure de transport de matières dangereuses [...] , sur un réseau de transport ou de distribution de fluide 60 ( * ) ou sur un équipement à risque ».

L'objectif de son action est de « déterminer les causes certaines ou possibles de l'accident » et d'établir des recommandations , le cas échéant, à l'intention des exploitants et des autorités chargées des contrôles. Il constitue la réplique, pour la politique de prévention des risques industriels, de structures comparables mises en place dans d'autres champs de l'action publique 61 ( * ) . Ses rapports d'enquête devront être mis à disposition du public .

Une instruction du Gouvernement en date du 22 janvier 2021 62 ( * ) précise que le BEA-RI pourra intervenir en liaison avec les BEA « transports » sur une infrastructure de transport de matières dangereuses au sens de l'article L. 551-2 du code de l'environnement (port, gare de triage). Il pourra également faire appel aux services déconcentrés de l'État et aux établissements publics compétents, comme l'Ineris. L'instruction rappelle d'une part, que l'enquête technique du BEA-RI est indépendante de la gestion de crise et que celui-ci n'a pas vocation à intervenir dans les opérations de secours et, d'autre part, que son action n'entre pas dans le champ des enquêtes judiciaires et administratives qui pourraient avoir lieu, le cas échéant, en cas d'accident industriel.

Cette instruction prévoit que le BEA-RI devra procéder à une enquête technique systématique pour tous les principaux accidents intervenant sur des installations Seveso , relevant de l'annexe 6 de la directive Seveso qui impose une notification à l'Union européenne, soit une demi-douzaine d'accidents par an selon le Gouvernement. En complément, le BEA-RI pourra intervenir sur une dizaine d'accidents ou d'incidents « significatifs », qui présentent une complexité particulière ou dont l'analyse permettrait de tirer un retour d'expérience intéressant.

Artisan de la préfiguration de ce nouveau BEA, Jérôme Goellner 63 ( * ) , ingénieur général des mines, a été nommé directeur du bureau , poste qui doit être occupé par un membre permanent du CGEDD selon les termes de l'article 3 de l'arrêté du 9 décembre portant création du BEA-RI.

Lors de son audition devant la commission, le 27 octobre 2021, la ministre de la transition écologique a indiqué que le BEA-RI avait déjà ouvert 17 enquêtes approfondies sur des accidents industriels en France 64 ( * ) , dont 8 achevées. Pour la conduite de ses missions, le BEA dispose de 5 agents .

La commission demeurera attentive aux moyens dont dispose le BEA-RI pour accomplir ses missions.

• En septembre 2021 , trois arrêtés ont été pris afin de compléter les mesures prises un an plus tôt et de corriger certaines inexactitudes s'agissant des ICPE soumises à autorisation . Leurs dispositions sont entrées en vigueur au 1 er janvier 2022 , sauf pour l'arrêté modifiant l'arrêté de septembre 2020 pour les ICPE soumises à autorisation, qui est entré en vigueur le lendemain de sa publication.

Deux arrêtés déclinent, pour les ICPE soumises à déclaration 65 ( * ) et à enregistrement 66 ( * ) des rubriques concernées 67 ( * ) , les dispositions de l'arrêté du 24 septembre 2020 précité relatives au renforcement de l'encadrement des stockages de liquides inflammables dans les ICPE soumises à autorisation, notamment pour le stockage en récipients mobiles, tant en extérieur que dans les stockages couverts. L'objectif est à la fois d'améliorer la prévention du risque incendie et de prévenir les pollutions des eaux ou des sols .

Au-delà des prescriptions relatives à la hauteur de stockage des liquides inflammables, l' obligation de se munir d'un plan de défense incendie (au 1 er janvier 2024 pour les sites soumis à déclaration) ou de compléter ce plan s'il existe (au 1 er janvier 2024 pour les sites soumis à enregistrement et au 1 er janvier 2027 pour la mise à jour de la stratégie incendie dans ces suites), ou encore de renforcer la conception et l'entretien des systèmes d'extinction automatiques d'incendie (1 er janvier 2022 pour les sites soumis à déclaration et entre le 1 er janvier 2022 et le 1 er janvier 2027 en fonction des sites soumis à enregistrement), ces mesures prévoient également la remise d'une étude par les exploitants avant le 1 er janvier 2027 visant à maîtriser les effets thermiques potentiels en cas d'incendie.

Les délais d'entrée en vigueur de ces obligations s'échelonnent entre le 1 er janvier 2022 et le 1 er janvier 2027 avec des étapes intermédiaires importantes parmi lesquelles, à titre d'exemple :

- au 1 er janvier 2024 , l'entrée en vigueur de l'interdiction du stockage de liquides inflammables de catégorie 1 en contenants fusibles de type récipients mobiles de volume unitaire supérieure à 30 litres dans les sites soumis à déclaration et pour les sites soumis à enregistrement ;

- au 1 er janvier 2025 , l'entrée en vigueur des nouvelles obligations applicables à en matière de réserves d'émulseurs pour les sites soumis à déclaration ;

- au 1 er janvier 2026 et au 1 er janvier 2027 , selon les sites, l'entrée en vigueur des nouvelles obligations en matière de surveillance en dehors des heures d'exploitation des installations contenant des liquides inflammables en récipients mobiles soumises à déclaration ou soumises à enregistrement .

Un troisième arrêté 68 ( * ) ajuste plusieurs dispositions des arrêtés du 24 septembre 2020 et du 3 octobre 2010 relatifs au stockage de liquides inflammables exploités au sein d'une ICPE soumise à autorisation , pour tenir compte des points d'ombre identifiés lors de l'élaboration des guides d'accompagnement de la mise en oeuvre des textes.

Au total, selon les calculs effectués par France Chimie , l'ensemble de ces nouvelles prescriptions applicables aux ICPE :

- devraient concerner au total 2300 entrepôts et 2500 sites soumis à autorisation ou classés Seveso ;

- représenteraient un coût total allant de 1 à 3 milliards d'euros , dont 450 millions d'euros sur 6 ans spécifiquement pour le secteur de la chimie.

b) Des mesures législatives prises dans des textes très différents

En complément des mesures réglementaires précitées, pas moins de 8 lois entrées en vigueur au cours des deux dernières années ont permis d'apporter des réponses à des problématiques identifiées dans le cadre des retours d'expérience de l'accident de Rouen.

• Sur le volet du renforcement de la prévention des risques industriels et technologiques et de la culture de la sécurité :

- la loi du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque 69 ( * ) prévoit désormais, dans la partie législative du code de l'éducation, une sensibilisation de tous les élèves à la prévention des risques ;

- la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a permis la création de 30 postes d'inspecteurs des ICPE supplémentaires 70 ( * ) et a prolongé jusqu'au 31 décembre 2024 le crédit d'impôt en faveur des ménages qui réalisent des aménagements et travaux liés à la mise en oeuvre des prescriptions imposées par les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) 71 ( * ) ;

- la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience » a permis de doter le bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI) des moyens nécessaires à ses missions et de clarifier l'articulation de son action avec d'éventuelles enquêtes judiciaires diligentées sur les mêmes accidents 72 ( * ) . Elle a également autorisé le recours à des drones par l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement dans le cadre de l'exercice de ses missions de police environnementale 73 ( * ) , mis en cohérence le code de l'environnement et le code général des impôts pour permettre le financement par les exploitants et les collectivités des travaux applicables aux contribuables propriétaires de leurs logements, rendus nécessaires par les prescriptions d'un PPRT. Par ailleurs, elle a ouvert la possibilité pour le juge d'ordonner des mesures de remise en état, de mise en conformité des lieux ou ouvrages et de démolition totale ou partie en cas d'infractions en matière environnementale ainsi qu'en cas d'infractions aux règles d'urbanisme, dans le cadre des procédures de reconnaissance préalable de culpabilité et d'ordonnance pénale 74 ( * ) ;

- la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels 75 ( * ) dite « Matras » renforce les exigences applicables en matière d' exercices de sécurité civile dans le cadre des plans communaux de sauvegarde ( PCS ) et prévoit l'élaboration obligatoire d'un plan intercommunal de sauvegarde ( PICS ) dès lors qu'un EPCI à fiscalité propre compte au moins une de ses communes membres soumise à l'obligation de réaliser un PCS ;

- la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école 76 ( * ) impose aux écoles de disposer d'un plan contre les risques majeurs ;

- la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a permis la création de 20 postes d'inspecteurs des ICPE supplémentaires 77 ( * ) .

• Sur le volet de l'amélioration de l' information , de la participation du public et de l'alerte des populations :

- la loi « Matras » du 25 novembre 2021 précitée prévoit 78 ( * ) plusieurs dispositions relatives à la mise à disposition du public d'informations sur les risques majeurs et modifie les modalités de création des commissions de suivi de site (CSS) ;

- la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européen en matière économique et financière dite « DDADUE » a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer le code des communications électroniques européen 79 ( * ) , afin, notamment de mettre en oeuvre nos obligations européennes relatives à l'alerte des populations en cas de crise majeure ;

- l' ordonnance du 26 mai 2021 portant transposition de la directive établissant le code des communications électroniques européen a modifié le code des postes et des communications électroniques pour inscrire, dans les obligations des opérateurs de télécommunications, l'acheminement gratuit des communications des pouvoirs publics visant à alerter les populations notamment en cas d'urgence, d'accident, de sinistre ou de catastrophe 80 ( * ) . Cette ordonnance a été ratifiée dans le cadre de la loi « Matras » 81 ( * ) .

• Sur le volet du durcissement de la répression des atteintes à l'environnement :

- la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, a mis en place plusieurs outils pour renforcer l'efficacité de la réponse pénale en matière de lutte contre les atteintes à l'environnement 82 ( * ) ;

- la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » a enrichi notre droit de nouvelles dispositions visant à sanctionner pénalement les atteintes à l'environnement et à la santé 83 ( * ) , avec la création d'un délit général d'atteinte aux milieux physiques (eau, sol, air).

La commission se réjouit que les enseignements de l'accident des usines Lubrizol et NL Logistique aient été tirés au plan législatif et relève que le Sénat a pris toute sa part dans ces évolutions. Elle souligne l'importance de respecter les délais prévus pour la mise en oeuvre des nouvelles prescriptions applicables aux exploitants, qui s'échelonnent jusqu'en 2026, et appelle à une mise en oeuvre précoce de ces prescriptions dans le cas où cela serait possible et cohérent.

3. Des instructions ministérielles aux services d'inspection qui intègrent les retours d'expérience post-Lubrizol

En complément et à l'appui des évolutions légales et réglementaires précitées, le Gouvernement a adressé des directives aux services centraux et déconcentrés , pour intégrer dans leurs programmes d'actions, des mesures tirées du retour d'expérience post-Lubrizol.

• D'abord, la ministre de la transition écologique et solidaire a adressé une instruction en date du 2 octobre 2019 aux services déconcentrés relative aux premières mesures à prendre à la suite de l'accident survenu dans l'entreprise Lubrizol. Elle y demande à ses services de :

- rappeler aux exploitants d'établissements Seveso seuils haut et bas « leur pleine responsabilité sur la conformité de leurs installations au regard des engagements pris dans leur étude de dangers » ;

- d'inviter les exploitants « à prêter une attention particulière au caractère opérationnel des mesures de prévention, limitation et protection d'un accident , et notamment d'un incendie, et de leur demander de s'assurer à nouveau de la connaissance par tous les opérateurs des risques présentés par les installations et les attitudes à tenir en cas d'alerte » ;

- de demander aux exploitants de prévoir des exercices de préparation aux situations d'urgence pendant les périodes nocturnes ;

- et de « sensibiliser les exploitants sur l'importance du partage de la connaissance des risques accidentels », impliquant notamment de connaître avec précision la nature et les quantités maximales de produits, substances et mélanges présents dans leurs établissements.

• Ensuite, la ministre de la transition écologique a inscrit dans les priorités de l'inspection des ICPE 2021 et 2022 des actions nationales visant à traduire sur le terrain les mesures décidées tant dans les plans d'action qu'à travers les évolutions réglementaires et législatives précitées :

- l' instruction du 31 décembre 2019 prévoit, pour l'année 2020, une action systématique sur le contrôle du dimensionnement et de la conception des zones de rétention des produits et des conduites d'écoulement des fluides collectés par ces rétentions , tant à l'intérieur des bâtiments que pour les stockages en extérieur.

L'objectif est de « confronter les éléments présentés par l'exploitant dans des documents comme les études de dangers, avec la réalité du terrain , pour apprécier l'effectivité des mesures prises pour limiter les conséquences d'un incendie de liquides inflammables ou de liquides combustibles ». La ministre demande à ses services de prévoir un nombre de visites au moins égal à trois fois le nombre de départements de la région.

- l' instruction du 15 décembre 2020 mentionne ainsi, pour l'année 2021, le déploiement du dispositif de « vigilance renforcée » annoncé par la ministre pour les sites industriels faisant l'objet d'incidents, d'accidents réguliers ou non-conformités. Six exploitants concernés en particulier ont remis un plan d'action, rendu public, qui fera l'objet d'un suivi de la part des services.

Dans ce cadre, les services de l'État doivent demander aux exploitants concernés de réaliser des plans d'actions spécifiques , dont la mise en oeuvre devra être contrôlée par les inspecteurs.

Dans la rubrique des « Actions systématiques » demandées aux inspecteurs au titre des « Orientations thématiques des visites d'inspection », figure également une demande d' action sur la « bande des 100 mètres autour des sites Seveso » . Toutes les installations classées implantées à moins de 100 mètres des sites Seveso devront être inspectées pour « identifier d'éventuelles installations sensibles implantées à proximité des limites de site présentant des risques d'effets dominos ».

La ministre demandait en particulier une attention particulière aux installations dans ce même périmètre de 100 mètres qui ont fait l'objet d'un droit d'antériorité à l'occasion de changement de nomenclature des installations classées ou qui sont classées sous le régime déclaratif. L'instruction précise que « cette action a été engagée en 2020 et se déroule sur trois ans, 2020-2021-2022 ».

Ce point avait d'ailleurs été relevé par la commission d'enquête du Sénat, du fait de la situation de l'entreprise Normandie Logistique.

Enfin, l'instruction rappelle la nécessité de vérifier la réalité des contrôles périodiques sur les installations soumises à déclaration , qui doivent être effectués à la demande de l'exploitant par un organisme agréé selon la procédure prévue par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement 84 ( * ) . Elle fixe un objectif de trois inspections par département de la région pour l'année 2021 , ce qui semble assez faible ;

- l' instruction du 22 décembre 2021 prescrit, pour l'année 2022, des actions s'inscrivant dans le prolongement de celles réalisées ou prévues en 2021.

Ainsi, la ministre demande la publication des suites des inspections menées dans les ICPE sur le nouveau système d'information des services de la prévention des risques industriels (GUN S3IC), conçu comme guichet unique numérique environnemental. Les services devront également achever les contrôles demandés dans la bande des 100 mètres autour des sites Seveso, prévus pour être réalisés sur la période 2020-2022.

En outre, trois nouvelles actions liées au retour d'expérience de l'accident de Lubrizol sont demandées aux services déconcentrés.

D'abord, le contrôle du recours à la sous-traitance dans les sites classés Seveso , « si possible en lien avec l'inspection du travail ». L'objectif fixé par la ministre est un nombre de contrôles de trois fois le nombre de départements de la région . Il est demandé aux inspecteurs de mener des actions ciblées visant à contrôler la réglementation applicable à la sous-traitance 85 ( * ) concernant la formation et la sensibilisation aux risques, la maîtrise des procédures d'exploitation et la maîtrise des procédures d'urgence. L'attention doit en particulier être portée sur les activités directement liées à l'unité de production, à la maintenance ou aux contrôles effectués sur les sites, mais les autres activités comme le gardiennage et l'entretien des abords de l'installation ne sont pas concernés.

Ensuite, la prévention du risque incendie dans les installations de traitement de surface , qui ont pris une ampleur importante ces derniers mois. De la même manière, il est demandé de réaliser un nombre de visites au moins égal à trois fois le nombre de départements de la région . Dans l'attente des recommandations du BEA-RI, la ministre demande une action sur les installations soumises à autorisation ou enregistrement, visant à prévenir les incendies et leur propagation (vérification des installations électriques, systèmes de désenfumage, détection incendie ou encore moyens de lutte et confinement des eaux incendie).

Enfin, l'instruction mentionne la nécessité de renforcer substantiellement la surveillance des rejets en continu dans l'air des ICPE , soulignant que « des dérives ont été remontées de la part de l'inspection concernant les concentrations mesurées pour les rejets dans l'air entre les appareils de mesure en continu des installations et les contrôles réglementaires de rejets atmosphériques réalisés par des organismes agréés ». Le même objectif est fixé par la ministre en termes de nombre de contrôles, par rapport aux deux mesures précédemment évoquées.

• La commission constate que le ministère de la transition écologique a bien intégré la nécessité de tirer les conséquences, sur le terrain, des retours d'expérience post-Lubrizol.

Elle s'inquiète cependant du retard pris dans le déploiement du système informatique GUN S3IC, censé permettre de libérer les inspecteurs des ICPE de certaines tâches chronophages de suivi et de pilotage . Ce retard pourrait être préjudiciable à l'atteinte, par les services, des objectifs qui leur sont fixés en termes d'augmentation du nombre de contrôles sur les sites industriels.

Ainsi, après avoir annoncé, dans son instruction de décembre 2020 , que « l'année 2021 verra la mise en place du nouveau système d'information des installations classées GUN S3IC qui permettra une gestion et un suivi fluidifié des procédures liées à ces installations », qui complète la mise en place de la téléprocédure pour toutes les autorisations environnementales, la ministre a pris acte de ce retard dans son instruction de décembre 2021 selon laquelle « l'année 2022 verra la mise en place du nouveau système d'information des installations classées GUN S3IC qui permettra une gestion et un suivi fluidifié des procédures liées à ces installations ». D'ailleurs, dans sa circulaire pour l'année 2022, la ministre indique que « la migration correcte vers ce nouveau système sera une tâche importante de l'année », ce qui signifie qu'elle prendra du temps aux services, au-delà du temps nécessaire à sa prise en main.

4. Un plan spécifique pour renforcer la culture de la sécurité

Sur le volet de la culture de la sécurité , conformément à l'annonce de la ministre de la transition écologique et du ministre de l'intérieur en date du 24 septembre 2020, une mission présidée par Frédéric Courant et réunissant cinq experts a rendu ses propositions en juin 2021 ( voir recommandations de la mission en annexe ). S'agissant de l'accident de Rouen , la mission a noté que « si défiance il y a eu à Rouen, c'est d'abord celle des autorités à l'encontre de la population. Celle-ci demeure, dans l'imaginaire des services de l'État comme chez nombre d'experts, fondamentalement irrationnelle, sujette à des réactions émotives, peu douée de raison en situation de crise ».

Ce rapport souligne opportunément la multiplicité et l'intensité des risques auxquels la France est exposée. À titre d'exemple et de rappels :

- 35 000 personnes vivent dans le périmètre de l'un des 389 PPRT mis en place à partir de 520 sites industriels assujettis à cette obligation ;

- 1 Français sur 4 est exposé à au moins un risque naturel ;

- 9 millions d'emplois sont concernés par d'éventuels débordements de cours d'eau et 850 000 emplois par des submersions marines ;

- 17,1 millions d'habitants permanents sont exposés aux différentes conséquences des inondations par débordement de cours d'eau, dont 16,8 millions en métropole ;

- 1,4 million d'habitants sont exposés au risque de submersion marine et, dans ces zones, 20 % des habitations sont de plain-pied .

Ce rapport a été prolongé par un plan d'action , présenté par la ministre de la transition écologique le 18 octobre 2021.

L'utilité pratique de la culture du risque n'est plus à démontrer quand on rappelle, par exemple, que 90 % des départs de feux de forêt sont d'origine humaine (jet de mégot, barbecue en forêt...) ou qu'il faut s'abstenir en cas d' inondation de circuler en voiture ou de descendre son véhicule dans un parking.

Si la mission de Frédéric Courant n'avait pas souhaité formuler de propositions législatives, certaines propositions inscrites dans le plan Tous résilients face aux risques présenté par la ministre nécessitent des évolutions législatives. La feuille de route du plan gouvernemental comporte six propositions :

- créer ou identifier une structure pérenne telle qu'une association existante afin de promouvoir la culture de la résilience auprès de l'ensemble des acteurs (citoyens, collectivités, entreprises) ;

- organiser une journée nationale de la résilience face aux risques naturels et technologiques le 13 octobre de chaque année ;

- mettre en valeur les collectivités qui conduisent des actions de pédagogie et d'information via le label « Résilience France collectivités » ;

- développer et adapter la plateforme Géorisques pour en faire le site de référence sur la promotion de la culture de la résilience, en y diffusant des contenus éducatifs et ludiques ainsi que les informations aujourd'hui contenues dans les DDRM et les DICRIM précités ;

- réformer les dispositifs législatifs et réglementaires pour privilégier une information individuelle et pédagogique sur les risques, en renforçant le dispositif « information acquéreur locataire », en rendant obligatoire l'élaboration d'un plan communal de sauvegarde ( PCS ) pour toutes les communes exposées à un risque majeur (inondation, séisme, cyclone, volcanisme, feu de forêt), en allégeant le fonctionnement des CSS et en rendant optionnelles leurs réunions actuellement prévues par le code de l'environnement dans certains cas et en rendant plus opérationnels les secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles et des risques ( SPPPI ) ;

- mettre en place une charte graphique unique sur l'ensemble du territoire pour donner une cohérence visuelle à l'ensemble des messages de prévention.

La commission salue cette forte mobilisation autour des enjeux de sécurité civile et appelle de ses voeux le prolongement de ces actions, qui concourent à développer et enrichir notre culture de la sécurité. Elle demeure toutefois dubitative quant à la mise en oeuvre du plan présenté par la ministre de la transition écologique. Celle-ci nécessite en effet des évolutions législatives que le calendrier électoral ne permettra pas de faire aboutir rapidement. Elle suppose également des actions fortes de terrain , dont le succès repose sur un engagement et une mobilisation coordonnés de nombreux acteurs , ce qui supposera, notamment pour les collectivités territoriales, d'engager des moyens techniques et financiers dont le chiffrage est difficile à établir en l'état.


* 41 Grands récipients pour vrac, ou IBC en langue anglaise.

* 42 Par exemple : s'équiper de caméras de surveillance modernisées, améliorer les outils de communication internes aux sites.

* 43 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200224/ce_lubrizol.html#toc4 .

* 44 Réponse DGPR au questionnaire du rapporteur.

* 45 https://www.ecologie.gouv.fr/incendie-lubrizol-et-normandie-logistique-elisabeth-borne-renforce-moyens-des-inspecteurs-des .

* 46 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Orientations%20strat%C3%A9giques%20pluriannuelles%20pour%20l%27inspection%20des%20installations%20class%C3%A9es%202019-2022.pdf .

* 47 Voir notamment le rapport pour avis sur le PLF pour 2021 : https://www.senat.fr/rap/a20-142-1/a20-142-1-syn.pdf .

* 48 Décret n° 2020-1168 du 24 septembre 2020 relatif aux règles applicables aux installations dans lesquelles des substances dangereuses sont présentes dans des quantités telles qu'elles peuvent être à l'origine d'accidents majeurs.

* 49 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre I er , du livre V du code de l'environnement.

* 50 Arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables, exploités au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation.

* 51 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés exploités au sein d'une installation classée soumise à autorisation au titre de l'une ou plusieurs des rubriques numéros 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut au titre de l'une ou plusieurs des rubriques numérotées 4510 ou 4511 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.

* 52 ICPE soumise à autorisation au titre d'une ou plusieurs autres rubriques que les rubriques dites « liquides inflammables » dès lors que les quantités susceptibles d'être présentes de la substance ou du mélange dangereux avec une mention de danger H224, H225, H226 et de déchets liquides inflammables catégories HP3 dépassent 1 000 tonnes au total, ou 100 tonnes en contenants fusibles et les ICPE traitant des produits suivants : liquides de point d'éclair compris entre 60 °C et 93 °C à l'exception des boissons alcoolisées (1436), liquides inflammables de catégorie 1 (4330) et de catégorie 2 (4331), méthanol (4722), produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution (4734), propylamine (4742), acrylate de tert-butyl (4743), 2-méthyl-3-butènenitrile (4744), acrylate de méthyle (4746), 3-méthylpyridine (4747), 1-brono-3-chloropropane (4748) ou pour le pétrole brut ou au titre de l'une ou plusieurs des rubriques 4510 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie aiguë ou chronique) ou 4511 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie 2 chronique).

* 53 Décret n° 2020-1169 du 24 septembre 2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et la nomenclature annexée à l'article R. 122-2 du code de l'environnement.

* 54 1510, 1511, 1530, 1532, 2662, 2663.

* 55 Pour une chaîne logistique plus compétitivité au service des entreprises et du développement durable, Patrick Daher, Éric Hémar, CGEDD, septembre 2019.

* 56 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510, y compris lorsqu'ils relèvent également de l'une ou plusieurs des rubriques 1530, 1532, 2662 ou 2663 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, ainsi que les arrêtés de prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à enregistrement sous les rubriques n os 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663.

* 57 Stockage de matières, produits ou substances combustibles dans des entrepôts couverts (1510), stockage de bois ou de matériaux combustibles analogues (1532), entrepôts frigorifiques (1511), dépôts de papiers, cartons ou matériaux combustibles analogues (1530), stockage de polymères (2662), stockage de pneumatiques et produits composés d'au moins 50 % de polymères (2663).

* 58 Arrêté du 24 septembre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation.

* 59 Arrêté du 9 décembre 2020 portant création et organisation du bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels.

* 60 Oléoducs, gazoducs, réseau de distribution de gaz naturel, etc.

* 61 Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile, bureaux d'enquêtes accidents défense, Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre.

* 62 Instruction du Gouvernement du 22 janvier 2021 relative à la création du bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI).

* 63 Arrêté de la ministre de la transition écologique en date du 7 juillet 2021.

* 64 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20211025/dev_dur.html .

* 65 Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 22 décembre 2008 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous l'une ou plusieurs des rubriques numérotées 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut sous l'une ou plusieurs des rubriques numérotées 4510 ou 4511.

* 66 Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 1 er juin 2015 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de l'une au moins des rubriques 4331 ou 4734 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.

* 67 Pour les ICPE soumises à enregistrement : ICPE relevant de l'une au moins des rubriques 4331 (liquides inflammables de catégorie 2) ou 4734 (produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution). Pour les ICPE soumises à déclaration traitant les produits suivants : liquides de point d'éclair compris entre 60 °C et 93 °C à l'exception des boissons alcoolisées (1436), liquides inflammables de catégorie 1 (4330) et de catégorie 2 (4331), méthanol (4722), produits pétroliers spécifiques et carburants de substitution (4734), propylamine (4742), acrylate de tert-butyl (4743), 2-méthyl-3-butènenitrile (4744), acrylate de méthyle (4746), 3-méthylpyridine (4747), 1-brono-3-chloropropane (4748) ou pour le pétrole brut ou au titre de l'une ou plusieurs des rubriques 4510 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie aiguë ou chronique) ou 4511 (substances dangereuses pour l'environnement aquatique de catégorie 2 chronique).

* 68 Arrêté du 22 septembre 2021 modifiant les arrêtés ministériels du 24 septembre 2020 et du 3 octobre 2010 relatifs au stockage de liquides inflammables, exploités au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation, l'arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre I er du livre V du code de l'environnement et l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation.

* 69 Article 2 de la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020.

* 70 Programme 217 de la mission «?écologie?», loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020.

* 71 Article 117 de la loi de finances pour 2021.

* 72 Article 288 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 73 Article 282 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 74 Article 290 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 75 Article 11 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021.

* 76 Article 6 de la loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021.

* 77 Programme 217 de la mission «?écologie?», loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021.

* 78 Article 10 de la loi n° 2021-1520.

* 79 Article 38 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020.

* 80 Article 3 de l'ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021.

* 81 Article 16 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021.

* 82 Article 15 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020.

* 83 Articles 279, 280 et 281, notamment, de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

* 84 Article 65 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995.

* 85 Arrêté du 26 mai 2014 et arrêtés ministériels sectoriels.

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