N° 392

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 janvier 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les contributions de la France au financement des organisations internationales ,

Par MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné le mercredi 26 janvier 2022, la communication de M. Vincent Delahaye et M. Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Action extérieure de l'État, sur les résultats de leur contrôle consacré aux contributions internationales.

I. IGNORANT DE CE QUE L'ENSEMBLE DE SES SERVICES VERSENT AUX ORGANISATIONS MULTILATÉRALES, L'ÉTAT N'EXERCE PAS SON RÔLE DE PILOTAGE ET DE SUIVI DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES

A. AU PLAN INTERMINISTÉRIEL, L'ÉTAT A TOUTES LES PEINES À SAVOIR COMBIEN IL VERSE AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Depuis la suppression du document de politique transversale consacré à « l'action extérieure de l'État » en 2019, l'État ne produit plus aucun travail de synthèse du montant des versements effectués en faveur des organisations internationales.

Pourtant, il s'agit d'une dépense que le contrôle budgétaire a permis d'évaluer à 5,6 milliards d'euros en 2021 , supportées principalement par le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l'Économie et des Finances.

Évolution et répartition des contributions internationales
par ministère entre 2017 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Pour évaluer le montant des contributions versées par la France, les responsables ministériels se réfèrent le plus généralement aux données publiées par les organisations internationales bénéficiaires . En l'espèce, ce sont près de 215 entités différentes qui percevaient, en 2021, des versements du Gouvernement français.

Synthèse des contributions internationales
versées par la France en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Les rapporteurs estiment qu'il est plus qu'urgent de remédier à cette situation qui n'est pas acceptable. À cette fin, ils proposent de rétablir un document de politique transversale retraçant et détaillant l'emploi des contributions versées par l'ensemble des ministères aux organisations internationales

B. EN CONSÉQUENCE, IL N'EXERCE AUCUN PILOTAGE INTERMINISTÉRIEL SUR CETTE DÉPENSE

Faute d'information centralisée, d'une part, et de volonté de l'organiser, d'autre part, l'État n'exerce ni suivi ni pilotage des contributions versées aux organisations internationales . En pratique, le ministère des affaires étrangères organise pour son propre compte un tel exercice dont les rapporteurs saluent la qualité autant que l'existence.

Ce travail s'appuie sur un comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (CIOMP) qui réalise un travail rétrospectif et prospectif afin de renforcer la cohérence et le suivi des contributions du Quai d'Orsay.

Il existe, pour autant, encore des leviers d'amélioration au sein du ministère des affaires étrangères , notamment :

- le rôle du CIOMP en amont de la budgétisation pourrait être renforcé ;

- une démarche de mesure et de suivi de la performance des organisations internationales reste à mettre en oeuvre ;

- les moyens alloués au suivi budgétaire des organisations internationales pourraient être renforcés ;

- la doctrine à suivre en matière de couverture de change doit être clarifiée avec le ministère du budget.

Les rapporteurs considèrent que l'expérience accumulée par le CIOMP doit servir de modèle à la création d'un comité de suivi et de pilotage des contributions internationales au niveau interministériel.

II. DÉPASSÉE PAR SES PARTENAIRES, LA FRANCE TENTE UN TROP TIMIDE RETOUR PARMI LES FINANCEURS DU MULTILATÉRALISME

A. EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DU MULTILATÉRALISME LA FRANCE A FAIT PREUVE D'ATTENTISME PAR RAPPORT À SES PARTENAIRES

Septième contributeur en 2020 , la France voit son poids dans l'ensemble des versements du système onusien se réduire rapidement, en particulier sur le terrain des contributions obligatoires.

Ce phénomène s'observe également dans de nombreux pays développés dont l'Allemagne et le Royaume-Uni et s'explique par le recul de notre importance dans l'économie mondiale. À l'inverse, la part des contributions obligatoires chinoises progresse fortement.

Part du pays dans les contributions obligatoires versées au système onusien (1)

Variation de la part du revenu national brut du pays dans le revenu mondial brut entre 2005 et 2020

Part du pays dans les
contributions obligatoires
versées au système onusien (2)

(en pourcentage)

(en point de pourcentage)

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU et de la Banque mondiale

Cette situation a appelé les pays développés à mettre en oeuvre un « virage des contributions volontaires » que la France a entrepris avec une ampleur beaucoup plus limitée que ses partenaires.

Évolution comparée du montant des contributions volontaires
au système des Nations-Unies

(en millions de dollars)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

Notre attentisme au plan global s'observe également au niveau de chacune des organisations du système onusien. Ainsi, nous avons en moyenne bien moins augmenté annuellement nos contributions volontaires que ne l'ont fait nos partenaires, Chine comprise. La contrepartie en est de moindres gains d'influence - mesurés comme la variation de notre poids dans le financement des institutions.

Synthèse du degré d'investissement financier et de l'ampleur des gains d'influence retirés par plusieurs pays dans l'évolution de leurs contributions volontaires au système des Nations-Unies

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

B. UNE STRATÉGIE VOLONTAIRE ET COORDONNÉE AVEC L'ENSEMBLE DE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS EST NÉCESSAIRE

Dans ce contexte, les rapporteurs estiment qu' il est urgent de se doter d'une stratégie volontariste et ambitieuse de renforcement de notre position de financeur du système multilatéral.

Ils prennent acte, à cet égard, de la hausse récente des contributions volontaires (+ 960 millions d'euros en 2021) et attendent de disposer de points de comparaisons avec l'action de nos partenaires pour en apprécier l'effet sur notre capacité d'influence.

Liste des principales augmentations des
contributions volontaires de la France en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

Les rapporteurs s'accordent avec le ministère des affaires étrangères sur trois points essentiels :

- il est nécessaire de renforcer le niveau de nos contributions volontaires ;

- il faut mobiliser également l'ensemble des autres leviers d'influence que sont le placement de fonctionnaires internationaux et l'accueil sur notre sol d'implantations des organisations internationales ;

- la coordination au niveau européen sur ce sujet doit être renforcée si ce n'est inventée.

Sur le volet européen, les rapporteurs rappellent qu'en agrégeant leurs contributions, les États membres de l'Union européenne sont les principaux financeurs du système des Nations-Unies devant les États-Unis . Ils forment aussi l'ensemble qui est le principal financeur du plus grand nombre d'organisations.

Classement des principaux contributeurs
au système des Nations-Unies
en 2020

Capacité d'influence au regard du
nombre d'organisations où le
pays ou l'entité est le premier financeur

(en milliards
de dollars)

(en nombre d'organisations relevant

du système onusien)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

Dans le même temps, les rapporteurs entendent rappeler que notre souhait de renforcer la coordination européenne doit tenir compte de la position très asymétrique dans laquelle nous nous trouvons actuellement vis-à-vis de l'Allemagne et doit chercher à maximiser également le dialogue avec nos autres partenaires européens.

En effet, en 2021, l'Allemagne représentait 51,2 % des contributions volontaires versées par un États membres de l'UE. Elle était par ailleurs le premier financeur européen de 28 organisations onusiennes contre 5 pour la France. Elle n'a pas les mêmes impératifs que la France à voir se développer une coordination européenne en matière de financement des organisations internationales.

Répartition des financements aux
organisations du système
onusien entre les États membres de
l'Union européenne

Capacité d'influence au regard du

nombre d'organisations où le

l'État membre est le premier financeur

(en pourcentage)

(en nombre d'organisations relevant du système onusien)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

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