C. UNE APPLICATION LARGEMENT DÉFAILLANTE DE L'ACCORD, DONT LES PETITES PÊCHERIES FRANÇAISES SONT LES PREMIÈRES VICTIMES

Près d'un an après la conclusion de l'accord euro-britannique, une grande partie des pêcheurs français n'ont toujours pas obtenu gain de cause dans les 6-12 milles relevant des autorités britanniques et dans les eaux anglo-normandes.

Licences accordées aux pêcheurs français dans les bandes côtières :
le compte n'y est toujours pas

Source : commissions des affaires économiques et des affaires européennes du Sénat, d'après les chiffres communiqués par le ministère de la mer, au 13/12/21 11 ( * ) .

Sur 1 110 licences demandées par les pêcheurs français, 1 034 ont été définitivement accordées par les autorités britanniques, ce qui permet à celles-ci d'afficher un taux d'octroi de près de 95 %. Si les soixante-quatorze licences toujours non accordées mi-décembre 2021 peuvent sembler en apparence résiduelles, cette impression statistique doit être fortement nuancée, pour plusieurs raisons.

D'abord , ce ratio concerne le total des demandes, y compris dans la zone économique exclusive, alors que l'essentiel des difficultés s'est concentré sur les zones des 6-12 milles de la Grande-Bretagne et les eaux anglo-normandes . Eux-mêmes dépendants de l'accès à la ZEE européenne, les Britanniques ont accordé 100 % des licences pour leur zone économique exclusive (ZEE) dès janvier 2021 et obtenu la même chose de l'Union européenne. À l'inverse, le Royaume-Uni étant très peu dépendant des 6-12 milles européens, le ratio d'obtention de licences chute à 80 % après un an pour la France dans les 6-12 milles britanniques . L'un des péchés originels de cette crise est pour l'Union d'avoir accepté de sectionner les négociations entre accès aux ZEE et accès aux 6-12 milles.

Il faut en outre noter la forte surreprésentation des pêcheurs français parmi les professionnels ayant candidaté, en raison de la proximité géographique, et plus encore parmi ceux n'ayant pas reçu l'autorisation de pêcher , ce qui s'explique par le caractère encore largement artisanal de la pêche française et donc la prédominance de navires de moins de 12 mètres, qui n'étaient pas concernés par l'obligation de géolocalisation satellitaire.

Ensuite, derrière la centaine de licences non accordées, il y a des patrons de pêche et leurs salariés ainsi que leurs familles, autant de cas particuliers dont les statistiques ne rendent compte qu'imparfaitement . Alors que le commissaire européen affirmait que les licences seraient toutes octroyées en un mois, il a fallu 347 jours pour que seulement 300 licences soient accordées aux pêcheurs français pour les 6-12 milles britanniques et les eaux anglo-normandes . Le rythme d'octroi de licences aux pêcheurs pour ces zones a donc été de 0,86 par jour en moyenne, une lenteur source d'incertitude, pesante pour le moral des professionnels. Cela a conduit certains à douter du bien-fondé des assurances des autorités britanniques sur leur bonne foi et leur pleine mobilisation. Entendus par le rapporteur, les représentants des régions Bretagne et Normandie ont signalé plusieurs cas de professionnels auxquels il ne semble pas possible d'apporter une réponse positive, parfois pour un jour de pêche manquant, et qui ont en conséquence besoin d'une aide d'urgence, sans laquelle ils devront rapidement cesser toute activité.

Enfin, même si les Britanniques ont satisfait trente demandes supplémentaires de la France au lendemain de l'« ultimatum » fixé par la Commission au 10 décembre 2021, la mauvaise foi dont les Britanniques ont fait preuve dans ce dossier n'est pas de bon augure pour les discussions à venir sur la définition des futures mesures de gestion telles que les mesures techniques, la fixation des possibilités de pêche (TAC) et des mesures de contrôle.


* 11 https://www.gov.uk/guidance/united-kingdom-single-issuing-authority-uksia

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