ANNEXE

TABLEAU RÉCAPITULATIF DU NOMBRE DE FAITS DE DÉLINQUANCE COMMIS À MAYOTTE ENTRE 2008 ET 2020

Faits Constatés

Année

Variation 2008/2019

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Tous services (PN + GN) - Mayotte

Homicides

7

12

6

5

30

2

3

5

14

3

11

9

14

28,6 %

Coups et blessures volontaires
sur personnes de 15 ans ou plus

594

554

645

761

749

851

1 035

1 159

1 363

1 374

1 267

1 506

1 362

153,5 %

Violences sexuelles

98

75

99

108

96

110

132

196

233

182

219

270

236

175,5 %

Vols violents

196

154

205

346

360

404

526

976

1 072

828

706

713

1 049

263,8 %

Vols sans violence contre
des personnes

785

883

1 010

1 134

1 177

1 221

1 169

1 417

1 343

1 401

1 172

1 255

1 097

59,9 %

Cambriolages de logements

636

675

716

786

1 155

467

1 265

1 405

1 145

935

614

557

497

-12,4 %

Source : SSMSI, à partir des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie nationales.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 27 OCTOBRE 2021

M. François-Noël Buffet , président . - Le 30 juin dernier, notre commission a lancé une mission d'information sur la situation sécuritaire à Mayotte. Nous avons pu constater à quel point la situation est complexe en nous rendant sur place du 7 au 9 septembre dernier. Nous avons également mesuré le vif sentiment de lassitude et d'abandon régulièrement exprimé par nos concitoyens mahorais. Cette mission était en conséquence envisagée de longue date et le sujet n'était pas étranger à notre commission : notre collègue Thani Mohamed Soilihi s'en fait régulièrement l'écho en notre sein. M'étant rendu sur place en 2006, dans le cadre de la commission d'enquête sur l'immigration irrégulière, j'avais pu relever la particularité du contexte migratoire mahorais.

Ce second voyage m'a donné à voir une réalité bien différente... Si les pouvoirs publics m'ont paru avoir pris à bras-le-corps une situation migratoire qu'ils avaient trop longtemps délaissée, notre délégation n'a pu que constater la nette dégradation du contexte sécuritaire mahorais : l'incendie de la mairie de Koungou le 27 septembre dernier n'est que le dernier exemple en date d'un phénomène dénoncé avec une remarquable constance par les Mahorais. L'ensemble des interlocuteurs rencontrés ont ainsi déploré l'existence sur place d'une délinquance juvénile, particulièrement brutale et source de difficultés majeures pour le territoire : obérant son développement économique, diminuant son attractivité pour les fonctionnaires venus de l'hexagone, incitant les Mahorais en quête d'un cadre de vie plus serein à quitter un territoire auquel ils sont pourtant attachés, une telle délinquance est proprement inacceptable.

Les causes en sont pourtant connues : l'ancien préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, a ainsi cité pêle-mêle les rivalités entre villages, le « lâcher-prise des parents » face à l'éducation de leurs enfants, la pauvreté du territoire, sa situation migratoire spécifique, son profil démographique, la perte d'influence de l'autorité traditionnelle des cadis, ainsi que la spécificité des structures familiales mahoraises...

Notre délégation s'est donc attachée à examiner l'impact de chacun de ces phénomènes sur une situation sécuritaire dont elle a tâché d'objectiver le caractère extrêmement préoccupant. Il nous a paru particulièrement pertinent d'approfondir l'étude du lien de causalité entre le niveau élevé de délinquance et la situation migratoire exceptionnelle dans laquelle se trouve Mayotte. À la lumière des travaux menés, tant à Mayotte qu'à Paris, il nous a semblé primordial que soit apportée une réponse appropriée et adaptée à une situation dont les causes comme les conséquences sont propres à la situation mahoraise. Elle implique, dans un premier temps, une riposte énergique immédiate à l'urgence sécuritaire dans le court terme. Néanmoins, la situation sécuritaire mahoraise résulte de tendances de fond et de causes structurelles, dont les pouvoirs publics doivent se saisir pour garantir de façon pérenne la sécurité des Mahorais.

M. Stéphane Le Rudulier , rapporteur . - La situation sécuritaire à Mayotte est extrêmement préoccupante. Au-delà des difficultés habituelles à mesurer la délinquance, Mayotte se caractérise par une sous-déclaration chronique des faits de délinquance. Due pour une large part à la méfiance envers les forces de l'ordre et au défaut d'une culture du droit et d'un réflexe judiciaire dans la gestion des conflits, cette sous-évaluation conduit l'ensemble des interlocuteurs rencontrés à estimer que les chiffres de la délinquance reflètent très mal le degré de violence que connaît la société mahoraise. Cela est d'autant plus inquiétant que ces chiffres demeurent pourtant très élevés. Mayotte connaît ainsi, par comparaison à l'hexagone et aux autres territoires ultramarins, une prévalence pour au moins trois catégories de faits de délinquance : les homicides, les coups et blessures volontaires hors du cadre familial et les vols commis avec violence.

Plus inquiétant, ce bilan quantitatif montre une augmentation très nette du niveau de violence à Mayotte depuis 2008 : le nombre de vols violents a crû de 263,8 % entre 2008 et 2019, une augmentation sans commune mesure avec celle de la population sur la même période.

Cette délinquance se caractérise au surplus par des traits distinctifs particuliers. Elle est juvénile - les faits sont le plus souvent commis par des mineurs - ; elle est aussi brutale : bien que commis au moyen d'armes par destination généralement rudimentaires, les faits commis peuvent être particulièrement violents ; enfin, ses motifs sont incertains, voire gratuits : s'il existe une délinquance de subsistance - qui s'explique aisément au regard du contexte socio-économique mahorais -, nous avons été particulièrement alertés par nos interlocuteurs sur une délinquance de bandes, faite d'affrontements sans autre motivation apparente que celle de conjurer l'ennui et le désoeuvrement...

La nécessité de la réponse au défi sécuritaire est urgente. Elle passe selon nous par trois séries d'actions : prévenir, empêcher et mieux traiter les faits de délinquance.

Prévenir, en premier lieu : la lutte contre la délinquance ne doit pas être laissée aux seuls citoyens, dans le cadre de groupes d'autodéfense dont le développement doit être maîtrisé. Les pouvoirs publics ont pris des initiatives en la matière, que nous avons pu étudier sur le terrain : il convient de les encourager.

Empêcher, en deuxième lieu. En la matière, il n'est pas de solution miraculeuse : nous devons octroyer aux forces de l'ordre les moyens de leurs missions, dont l'exercice est particulièrement difficile sur le territoire mahorais. Sur le plan organisationnel, la police nationale semble avoir procédé à un « aggiornamento » bienvenu en unifiant l'ensemble de ses directions sous une seule direction territoriale. Dans la continuité de cette évolution, une étude d'éventuelles améliorations organisationnelles s'agissant de la gendarmerie pourrait être conduite. Sur le plan des moyens attribués aux forces de l'ordre, leur renforcement, déjà engagé, doit être poursuivi. Si un état des lieux des moyens faisant défaut aux forces de l'ordre doit être conduit, les difficultés ne semblent pas les mêmes s'agissant de la police et de la gendarmerie nationales. S'agissant de la police nationale, son directeur territorial a exprimé le besoin de fourrières, ou encore la création d'un commissariat à Koungou, mais la première difficulté semble davantage être celle des moyens humains. Il est primordial d'améliorer l'attractivité des affectations à Mayotte pour les fonctionnaires de police, tout en prenant en considération les spécificités de la situation mahoraise. S'agissant de la gendarmerie, l'opportunité de la création d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) au sud de Grande Terre pourrait être étudiée.

Enfin, troisième volet de cette stratégie, mieux traiter les faits de délinquance : je veux parler ici du nécessaire renforcement de l'action de l'autorité judiciaire. Ne nous trompons pas de débat : la réponse pénale est à Mayotte, autant qu'il lui est possible de l'être, à la hauteur. La mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des acteurs judiciaires rencontrés permet une réponse pénale énergique. Il n'en demeure pas moins que les moyens humains et matériels de la justice à Mayotte sont faméliques. En amont du prononcé de la peine, la création d'un troisième cabinet de juge des enfants, celle d'un quatrième cabinet de juge d'instruction et plus généralement le renforcement des moyens du parquet sont ainsi un préalable indispensable au maintien de la qualité de la réponse pénale. Plus largement, la création d'une cour d'appel de plein exercice, appelée de leurs voeux de longue date par l'ensemble des élus mahorais, est un impératif. En aval du prononcé de la peine, deux évolutions nous semblent essentielles : d'une part, afin de lutter contre la surpopulation carcérale, qui pourrait à terme inhiber la sévérité de la réponse pénale, il est nécessaire de créer un centre de détention au sud de Grande Terre et transformer l'actuel centre pénitentiaire de Majicavo en maison d'arrêt ; d'autre part, afin de rendre pérenne ce désengorgement de l'institution carcérale à Mayotte, il est nécessaire d'ouvrir les possibilités d'aménagement de peines, aujourd'hui très réduites, en créant un centre de semi-liberté ainsi qu'un centre éducatif fermé.

M. François-Noël Buffet , président . - La prison et le centre de rétention administratif (CRA) sont récents - le centre pénitentiaire ayant été rénové en 2014 et le CRA créé en 2015 - et bien entretenus. Mais ils ne permettent pas de répondre complètement aux enjeux d'aujourd'hui. Les magistrats sont motivés et soumis à une très forte pression.

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur . - Vous avez rappelé l'incendie criminel de la mairie de Koungou. Mais depuis, d'autres symboles de la République ont été attaqués. Et le 22 octobre dernier, un enseignant a été tué par arme blanche ! Il ne s'agit pas seulement de faits divers. Un véritable sentiment d'impunité se développe. C'est un phénomène nouveau depuis une dizaine d'années : d'une île paisible, Mayotte est devenue l'une des zones les plus criminogènes de France.

Notre mission s'est attachée à étudier le lien entre insécurité et immigration irrégulière. Les Mahorais établissent ce lien de longue date et les rapports produits sur Mayotte jusqu'à présent, notamment les rapports parlementaires, ne s'attachaient pas nécessairement à la démonstration de ce lien. Nos échanges avec les interlocuteurs rencontrés sur place nous ont permis d'appuyer et de crédibiliser cette hypothèse. En premier lieu, les étrangers en situation irrégulière, qui représentent environ la moitié des étrangers présents à Mayotte, sont plus souvent concernés par les facteurs de développement de la délinquance. Leur statut administratif irrégulier peut ainsi les contraindre à l'exercice d'une activité dans l'économie informelle, particulièrement développée à Mayotte, ce risque étant d'autant plus accentué par la durée de leur séjour. De façon analogue, ils tendent plus souvent à vivre en habitat précaire, comme l'a démontré l'Insee. En un mot, les conditions de vie des étrangers en situation irrégulière à Mayotte constituent un terrain propice au développement d'une délinquance de subsistance.

En second lieu, et ce me semble être un des principaux enseignements de la mission, la présence d'une part importante d'étrangers en situation irrégulière, en particulier mineurs, contribue plus généralement, selon les acteurs des forces de sécurité et judiciaires rencontrés, au développement d'affrontements entre bandes rivales, pour deux raisons au moins : tout d'abord, le défaut de perspectives des étrangers mineurs en situation irrégulière, qui engendre un désoeuvrement dont nos interlocuteurs sur place ont estimé qu'il nourrissait cette violence, souvent gratuite ; ensuite, cette présence élevée d'étrangers en situation irrégulière ne fait qu'attiser le différend persistant entre ces populations et les Mahorais, qui se sentent dépossédés de leur territoire, nourrissant le risque d'affrontements intercommunautaires.

Il nous a néanmoins semblé que les pouvoirs publics ont pris la mesure du phénomène, en particulier depuis le lancement au second semestre 2019 de l'opération Shikandra. Le renforcement des moyens attribués à la lutte contre l'immigration clandestine qui s'en est suivi, en particulier s'agissant des capacités d'interception, a produit des effets tangibles. Cet effort s'est ainsi traduit par une augmentation sensible du nombre d'éloignements, atteignant plus de 27 000 en 2019 - soit l'équivalent, selon le responsable du CRA, du total des éloignements opérés depuis l'hexagone et la Guyane ! Mesure plus précise de l'efficacité du dispositif, le taux d'interception ou de dissuasion a connu une hausse très significative : il est ainsi passé de 55 % environ en 2019 à 75,3 % sur le premier semestre 2021. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce renforcement récent, qu'il convient désormais de pérenniser et d'inscrire dans une stratégie de long terme.

En premier lieu, il paraît nécessaire de permettre aux services de police et de gendarmerie d'opérer, sous conditions, en zone contiguë, légèrement au-delà des eaux territoriales, sur le modèle de ce qui est pratiqué pour les douanes. Cette évolution permettrait aux intercepteurs d'atteindre des zones de stationnement des « kwassas », situées en dehors des eaux territoriales, à partir desquelles ceux-ci se dirigent par groupes vers les côtes mahoraises, saturant par leur nombre les capacités d'intervention des intercepteurs.

En deuxième lieu, une restriction supplémentaire des conditions d'accès à la nationalité française pourrait être envisagée. C'est un sujet que je porte à titre personnel. Nous avions procédé ensemble à une première avancée, lors de l'examen du projet de loi dit « Asile et immigration », dont le président Buffet était rapporteur, en exigeant, pour qu'un enfant né à Mayotte puisse bénéficier de la nationalité française à sa majorité, qu'« à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois ». Lors de nos auditions, il nous a été proposé d'allonger cette durée à un an. Sous réserve d'une rédaction garantissant sa constitutionnalité, cet allongement nous semble à même de mieux encadrer le phénomène des allers-retours, souvent risqués, de certaines femmes comoriennes vers Mayotte afin de pouvoir faire bénéficier leur enfant de l'octroi de la nationalité française.

Toujours au chapitre de la restriction des conditions d'accès à la nationalité et au séjour régulier, la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité doit être renforcée, moins dans ses moyens juridiques que techniques. À cet égard, la constitution d'un fichier d'état civil unique, à l'échelle de Mayotte, permettrait de faciliter l'identification d'éventuelles fraudes, sans qu'il soit besoin de contacter un à un les officiers de l'état civil des dix-sept communes du territoire.

Enfin, il est indispensable de renforcer les coopérations diplomatiques avec l'Union des Comores. Si la conditionnalité des aides au développement à la conduite d'actions en matière migratoire semble contre-productive, un ciblage plus précis de ces aides vers Anjouan nous semble utile, de même qu'un approfondissement de la coopération en matière judiciaire pour lutter contre les filières bénéficiant de l'immigration clandestine à destination de Mayotte.

Vous l'aurez compris, la situation dans mon département est, chers collègues, dramatique ; c'est pourquoi je vous interpelle régulièrement et me félicite aujourd'hui de l'adoption de ce rapport.

M. François-Noël Buffet , président . - Il y a effectivement un vrai sujet diplomatique avec les Comores.

M. Alain Marc , rapporteur . - Je salue les fonctionnaires d'État, particulièrement motivés, que nous avons rencontrés sur place.

Je conclurai notre présentation par une étude plus spécifique des défis de long terme qui ont un impact sur la situation sécuritaire mahoraise, et plus particulièrement du rôle qu'ont à jouer les collectivités territoriales dans ce cadre. Celles-ci sont engagées directement dans la lutte contre l'insécurité, au moins à deux égards. Premièrement, en matière de prévention de la délinquance, les collectivités territoriales exercent, dans le cadre contraint de leurs compétences, des missions fondamentales. L'on pense par exemple au dispositif des « cadets citoyens », auquel le conseil départemental apporte un soutien financier. Deuxièmement, les communes ont à leur charge l'éclairage public et le développement de la vidéosurveillance. Les investissements dans ces infrastructures doivent être accompagnés financièrement par l'État, faute de quoi les conditions d'intervention des forces de l'ordre demeureront insatisfaisantes. À cet égard, le montant annoncé par les ministres d'un million d'euros annuel en soutien aux communes mahoraises pour un équipement en vidéosurveillance a été décrit par nos interlocuteurs sur place comme relativement dérisoire.

Les collectivités territoriales sont, plus largement, détentrices de compétences dont le bon exercice affecte la situation sécuritaire mahoraise. Il en va ainsi du conseil départemental, attributaire depuis 2009 de la compétence de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Une part importante de la population mahoraise étant mineure ou jeune majeure, les conditions d'accompagnement de celles-ci sont primordiales pour lutter contre leur délinquance. Force est malheureusement de constater que depuis qu'il s'est saisi de cette compétence, le conseil départemental a été régulièrement critiqué pour ses modalités d'exercice de celle-ci, notamment par la Cour des comptes et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS). De même, les juges du tribunal pour enfants rencontrées sur place nous ont fait état de difficultés de coopération avec le conseil départemental.

Il convient néanmoins de noter que le département est dans une situation particulièrement délicate, dont il ne maîtrise pas l'ensemble des paramètres : la lutte contre l'immigration clandestine, qui a un impact déterminant sur le public in fine pris en charge par le département, incombe ainsi à l'État. De même, le président du conseil départemental nous a fait remarquer la faiblesse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), rapportée au nombre supposé d'habitants résidant effectivement à Mayotte au regard d'autres territoires d'outre-mer. Il convient néanmoins de noter que les dépenses associées à ces recettes sont également moindres, les compétences exercées étant moins nombreuses : à Mayotte, ce n'est pas le conseil départemental qui investit dans les collèges ou les lycées, c'est l'État.

Au demeurant, le conseil départemental semble avoir engagé des réformes dans un sens favorable, en diversifiant les modes de placement et en conduisant une politique plus attentive en termes de ressources humaines. Ces efforts sont bienvenus ; il est primordial de les encourager afin d'améliorer concrètement les modalités de prise en charge des mineurs et jeunes en errance.

Plus largement, les conditions générales d'exercice des services publics doivent être améliorées afin de favoriser une lutte efficace contre l'insécurité. Bien administrer, c'est d'abord connaître sa population ; il nous a ainsi semblé que les doutes récurrents entourant le recensement mériteraient d'être réglés définitivement, au besoin par un accompagnement renforcé des communes dans sa conduite : les clandestins à Mayotte sont-ils 50 000 ou 150 000 ? Personne ne sait... De façon analogue, l'adressage demeure très imparfait à Mayotte, ce qui complique la tâche des services d'urgence et des forces de l'ordre ainsi que des acteurs judiciaires. Cette compétence est dévolue aux communes, qui n'ont bien souvent pas les moyens de la mener à bien. Un accompagnement renforcé en la matière pourrait être envisagé.

Enfin, nous appelons de nos voeux un développement économique de Mayotte à la mesure du potentiel extraordinaire de ce territoire. Dans le long terme, un tel développement économique nous semble, à condition qu'il bénéficie effectivement aux Mahorais, à même de contribuer à l'apport d'une réponse pérenne aux difficultés sécuritaires rencontrées par ce territoire.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je remercie nos collègues pour ce remarquable travail. Nous nous étions rendus à Mayotte il y a une dizaine d'années, dans le cadre d'un rapport que j'ai cosigné avec Christian Cointat et Félix Desplan. Certains problèmes persistent, mais il y a aussi des avancées, par exemple sur le centre de rétention administrative ou le centre pénitentiaire. Ces évolutions sont certainement à porter au crédit, au moins pour partie, de l'action de notre collègue Thani Mohamed Soilihi !

La question du droit de la nationalité est complexe. Il y a certes des spécificités mahoraises, mais Mayotte fait partie de la France. Or actuellement certains ne manquent pas d'exciter des thématiques contraires à nos idéaux républicains... Il y a bien un lien entre insécurité et immigration. Nous dépensons beaucoup pour accueillir des personnes qui arrivent en kwassa, qui sont placées en centre de rétention administrative, qui repartent, puis reviennent... Tout ce processus a un coût. Mieux vaudrait affecter ces sommes aux hôpitaux et écoles des Comores. Mais cela supposerait un dispositif douanier et policier solide.

M. Alain Richard . - Mais s'il n'est pas financé, il ne sera pas solide...

M. Jean-Pierre Sueur . - Il faut également améliorer les relations diplomatiques avec les Comores.

M. Alain Richard . - Cela me semble très improbable...

M. François-Noël Buffet , président . - Un hôpital a été construit à Anjouan, mais il est inutilisé. Le revenu moyen annuel par habitant est d'environ 10 000 euros à Mayotte ; il est d'environ 1 000 euros à Anjouan...

L'effort de l'État est indéniable. Mais c'est insuffisant. La question de l'éducation est fondamentale : dans le collège que nous avons visité dans le sud de l'île, on compte treize classes par niveau ! Avec de très nombreux enfants en situation irrégulière. Et que feront-ils à 18 ans ?

Il existe des pistes de développement économique, par exemple la création d'un port en eaux profondes. Mais tant que la sécurité ne sera pas garantie, le développement économique ne sera pas possible.

La volonté de discuter des autorités de l'Union des Comores semble modeste et le rapport de forces permanent. Le développement d'Anjouan - principale source de l'immigration illégale - est fondamental.

La situation en matière d'immigration clandestine s'améliore : on intercepte ou dissuade désormais huit embarcations entrées dans nos eaux territoriales sur dix. Mais environ vingt-cinq enfants naissent chaque jour à la maternité de Mamoudzou...

La commission des lois autorise la publication du rapport d'information.

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