EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 octobre 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sur le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC).

M. Claude Raynal , président . - Nous terminons nos travaux par un contrôle budgétaire sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Je salue la présence de notre collègue Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Charles Guené , rapporteur spécial des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » . - Le FPIC est le premier et principal dispositif national de péréquation horizontale entre collectivités territoriales en France. Sa création en 2012 répondait à un besoin d'équité entre les territoires, né dans le sillage de la réforme de la taxe professionnelle en 2010. Je rappelle également qu'il répond à une exigence de péréquation posée par l'article 72-2 de notre Constitution. Depuis 2016, le montant du FPIC s'élève à 1 milliard d'euros.

La principale spécificité du dispositif est l'échelle à laquelle s'opère la redistribution des ressources. En effet, celle-ci n'est pas opérée entre les communes, mais entre les territoires. En pratique, cette notion de « territoire » est matérialisée par la création d'une catégorie nouvelle, l'ensemble intercommunal (EI), qui regroupe l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et ses communes membres.

Ainsi, de nouveaux indicateurs financiers ont été institués pour servir de socle aux prélèvements et reversements s'opérant à l'échelle agrégée des territoires. La richesse d'un ensemble intercommunal est appréciée grâce au potentiel financier agrégé. La mesure de la pression fiscale opérée par les collectivités territoriales sur ce territoire est donnée par l'effort fiscal agrégé. La redistribution est opérée en deux temps. D'abord, au niveau national, les ensembles intercommunaux sont prélevés ou sont bénéficiaires du FPIC en fonction de critères de ressources agrégées et de charges. Ensuite, ce montant ainsi prélevé ou attribué à l'EI donne lieu à une nouvelle répartition : entre l'EPCI et les communes membres dans un premier temps, puis entre les communes membres pour la part qui leur revient.

Des modalités de droit commun encadrent cette répartition interne. Toutefois, les EI ont la faculté de déterminer eux-mêmes les modalités de répartition interne du FPIC, à condition qu'une délibération en ce sens ait été adoptée, selon les cas, à la majorité des deux tiers ou à l'unanimité.

M. Claude Raynal , président, rapporteur spécial des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » . - Le système du FPIC, que vient de vous présenter Charles Guené, suscite un certain nombre de critiques.

Tout d'abord, le moins que l'on puisse dire est que son fonctionnement complexe est bien souvent assez opaque pour les élus. Mais plus fondamentalement, certains reprochent au FPIC d'opérer une redistribution entre les ensembles intercommunaux, ce qui est pourtant au coeur de son principe, plutôt qu'entre les communes.

Ces critiques ont été portées à leur paroxysme lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 au Sénat, où certains collègues sont allés jusqu'à envisager sa pure et simple suppression, comme le sait Loïc Hervé...

C'est cet épisode qui nous a décidés, avec Charles Guené, à orienter cette année nos travaux de contrôle budgétaire sur le FPIC. Nous avons mené de nombreuses auditions, et avons ainsi eu l'occasion de nous entretenir avec des élus de territoires très différents : ruraux, urbains ou territoires de montagne. Nous avons également ouvert ces auditions à ceux d'entre vous qui nous avaient fait part de leur intérêt pour ces travaux.

Le constat que nous portons est clair : la suppression du FPIC n'est pas une demande des collectivités. Même les territoires très contributeurs, comme les territoires touristiques de montagne, qui sont très critiques à l'égard du FPIC et jugent leur prélèvement excessif, ne revendiquent pas pour autant une telle suppression.

On ne peut pas réellement dire non plus que la réforme du FPIC figure « en haut de la pile » des sujets prioritaires pour les associations d'élus. La réforme de la fiscalité locale au sens large constitue pour eux une préoccupation bien plus importante. Au contraire, tout en reconnaissant que le FPIC est imparfait, les associations d'élus semblent privilégier la stabilité sur ce front.

La plus grande humilité est en effet de mise avant de réformer les paramètres nationaux du FPIC, car, à enveloppe constante, toute modification entraîne mécaniquement des gagnants et des perdants.

Or, même si ces règles sont complexes et que leurs justifications ne sont pas toujours bien claires, force est de constater que le FPIC contribue malgré tout effectivement à réduire les inégalités de richesse entre territoires. Nous le documentons dans le rapport.

Nous n'avons pas observé de dysfonctionnement caractérisé du système qui justifierait sa remise à plat de façon urgente, à plus forte raison dans le contexte actuel marqué par les incertitudes liées aux conséquences de la crise sanitaire, d'une part, et de la réforme de la fiscalité locale, d'autre part.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Si nous avons entendu ce besoin de stabilité exprimé par les élus, nous formulons tout de même dans le rapport quelques propositions.

Tout d'abord, et toujours en réponse à ce souci de prévisibilité, nous proposons de renforcer les mécanismes de garanties existants pour les territoires qui perdent le bénéfice du prélèvement. L'opacité du système actuel conduit de nombreux territoires habituellement bénéficiaires à s'apercevoir « du jour au lendemain » qu'ils ne le sont plus.

Nos travaux nous ont également conduits à réfléchir sur un sujet qui nous intéresse depuis plusieurs années : la juste prise en compte par les systèmes de péréquation des charges réelles auxquelles font face les collectivités.

S'agissant du FPIC, la prise en compte des charges s'opère uniquement via la prise en compte de la population et du revenu moyen par habitant du territoire. Nous notons en passant que la prise en compte des charges occupe une place nettement plus importante pour le calcul du reversement au titre du FPIC que pour celui du prélèvement. C'est la raison pour laquelle nous formulons d'ailleurs une recommandation tendant à un ajustement marginal des règles du FPIC, pour faire en sorte que, conformément à l'esprit de la loi, 60 % des EI en soient effectivement bénéficiaires.

Il n'en reste pas moins que la prise en compte des charges par les critères du FPIC est à ce jour un peu fruste. En particulier, le mécanisme de pondération de la population, opérée par l'application d'un coefficient logarithmique, pénalise mécaniquement les territoires peu denses. Nous ne souhaitons pas remettre en cause ce mécanisme, car il permet effectivement d'assurer la comparabilité entre des territoires différents. Sa suppression conduirait à concentrer exagérément la charge du FPIC sur les territoires urbains.

Nous traçons cependant une perspective visant à contrebalancer ses effets dans un sens favorable aux ruraux en prenant en parallèle en compte les charges spécifiques auxquelles ils font face.

Nous proposons ainsi une piste de travail : la construction d'un indicateur des « charges de spatialité » qui caractérisent les territoires peu denses. Le postulat, qui devra être justifié finement par des études économétriques, est en effet que, quelle que soit la population, les réseaux à entretenir et les distances à parcourir pour assurer le service public dans des conditions équitables peuvent être considérés, en première analyse, comme équivalents pour deux ensembles de même superficie.

M. Claude Raynal , président, rapporteur spécial . - Le coeur de nos recommandations concerne la répartition interne du FPIC, qui a lieu au sein de chaque territoire. Nous considérons en effet que l'échelon intercommunal est aujourd'hui le plus pertinent pour apprécier la richesse d'un territoire. Nous ne suivons donc pas les partisans d'un « FPIC communal », dont personne à ce jour n'est d'ailleurs capable de définir les concours précis.

Selon nous, il revient avant tout aux ensembles intercommunaux de se donner les moyens d'assurer leur solidarité financière interne. Or, jusqu'à présent, le FPIC n'a été que trop peu l'instrument d'une répartition de la ressource s'inscrivant dans un réel projet de territoire. En 2020, moins du tiers des ensembles intercommunaux ont eu recours à des modalités de répartitions internes dérogatoires ou libres. Il conviendrait pourtant d'inscrire le FPIC dans une réflexion stratégique globale sur leur solidarité financière interne, en particulier pour les EPCI ayant institué une dotation de solidarité communautaire ou ayant conclu un pacte financier et fiscal.

Développer le recours à des modalités de répartitions internes alternatives pertinentes et justes passe également par la levée de certains obstacles d'ordre administratif, mais aussi technique, que nous mettons en évidence. C'est la raison pour laquelle nous proposons un assouplissement des procédures de délibération sur la répartition du FPIC, dont le calendrier est très contraint.

Nous considérons en outre que les ensembles intercommunaux doivent développer leur expertise financière et socio-économique afin de définir un dispositif de répartition interne du FPIC adapté à leur territoire. Il faut également veiller à ce que les ensembles intercommunaux les moins bien dotés, mais motivés par le projet d'améliorer l'efficacité de leur répartition interne, puissent solliciter un appui technique renforcé des services de l'État en la matière.

Favoriser le développement d'une telle expertise passe également par la diffusion des bonnes pratiques dans les territoires et l'accessibilité des données pertinentes.

Cette communication appelle une suite. La révision en cours des indicateurs financiers suite à la suppression de la taxe d'habitation devra nous amener à nous interroger sur la pertinence des critères nationaux du FPIC : les seuils d'éligibilité, les bornes du coefficient logarithmique, les exonérations, etc . Mais il faut faire les choses dans l'ordre, en commençant par laisser aller jusqu'à son terme la réforme de la fiscalité locale. Ce travail devra être mené dès le début du prochain quinquennat. Voici donc les premiers éléments et pistes de réflexion que nous souhaitions vous donner sur ce dossier extrêmement complexe, que le PLF a eu le mérite de remettre en lumière.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis de la commission des lois . - Merci de m'accueillir sur ce sujet qui me tient à coeur et de m'avoir associé à vos travaux. Mon amendement, l'an dernier, visait à créer un électrochoc. En Haute-Savoie, toutes les communes sont contributrices au FPIC, même les communes pauvres, car elles appartiennent à des EPCI riches. Il convient donc de structurer le mécanisme au niveau de l'intercommunalité.

La question est celle de la soutenabilité de certains investissements que doivent réaliser les communes de montagne : ce ne sont pas les tableurs Excel de Bercy qui permettent de comprendre comment fonctionnent des « communes-entreprises », qui ont à gérer des services publics de remontées mécaniques ! Elles peuvent sembler riches en apparence, mais elles doivent réaliser des investissements importants et font face à des charges très lourdes liées à l'altitude, à l'entretien de la voirie, à l'explosion de la population à certaines périodes de l'année, etc .

Vous avez eu la délicatesse de m'associer à vos travaux dans le cadre d'un échange très intéressant avec des élus de Savoie et de Haute-Savoie qui ont pu vous décrire cette situation mieux encore que je ne le fais ce matin.

Enfin, il faudrait aussi se poser la question de l'utilisation du FPIC dans les territoires bénéficiaires. Les communes contributrices se demandent parfois à quoi il sert. Il ne serait pas inutile de montrer des exemples concrets de réalisations, cela rendrait le mécanisme plus acceptable.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Il est ici question de la répartition d'une enveloppe de 1 milliard d'euros. Les critères sont complexes et les élus doivent travailler ensemble.

Le FPIC est la dernière strate d'un système de fiscalité locale composé de mécanismes sédimentés et composites : ceux qui n'en bénéficient pas se plaignent, ceux qui en profitent ne savent pas toujours pourquoi ! C'est tout le système qui mériterait d'être clarifié. Espérons que le prochain quinquennat en sera l'occasion.

La répartition des crédits du FPIC suscite de nombreux débats, voire des tensions entre élus. Les EPCI peuvent se doter d'un pacte financier et fiscal ou d'un pacte de gouvernance. La conférence des maires peut être un lieu de discussion. Mais les relations humaines sont ainsi faites que des blocages peuvent apparaître et perdurer. En outre, nombre d'intercommunalités ont été créées au forceps, de manière imposée et verticale, lors du quinquennat précédent.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Vous avez raison, il est temps de revoir notre fiscalité locale. Toutefois, il ne faut pas se focaliser sur le FPIC, qui est doté de 1 milliard d'euros, alors que le montant cumulé des différents dispositifs de péréquation verticale et horizontale s'élève à près de 13 milliards d'euros. Les dispositifs de péréquation verticale sont souvent alimentés par des prélèvements en amont sur l'enveloppe normée, dans des conditions opaques, sans que personne ne s'émeuve. La difficulté avec le FPIC est qu'il repose sur un prélèvement a posteriori sur les budgets des collectivités. L'attribution d'une part d'impôts nationaux permettrait d'opérer une péréquation verticale plus claire de manière plus simple.

Loïc Hervé, nous avons été attentifs à la situation particulière des communes de montagne. Les investissements, et leurs recettes liées, relèvent souvent des communes, alors que les charges sont mutualisées au sein de l'intercommunalité. Cela contribue à expliquer le déséquilibre financier des communes. Nous proposons plutôt un soutien spécifique à l'investissement dans les zones de montagne, plutôt qu'une modification du FPIC. Nous sommes aussi d'accord sur le manque de visibilité du système. C'est pourquoi nous proposons de centraliser les données et diffuser les bonnes pratiques.

M. Claude Raynal , président, rapporteur spécial . - Si l'on attend que la réforme de la taxe d'habitation soit bouclée, il faudra attendre 2028. Nous devons donc travailler avec le Gouvernement pour régler la question du soutien à l'investissement avant cela.

Mme Christine Lavarde . - Il me semble que vous avez quelque peu oublié les 10 millions d'habitants de la région Île de France, où existe le Fonds de solidarité des communes de la région d'Île de France (FSRIF), qui a une incidence directe sur les modalités de répartition du FPIC. La contribution au FSRIF vient en déduction de celle du FPIC, mais l'ensemble intercommunal ne voit pas pour autant sa contribution réduite. Certaines communes doivent ainsi payer la part correspondant à l'exonération des communes les plus riches de la métropole.

Les communes franciliennes peuvent sembler riches pour la France, mais elles ne le sont pas au regard de leur environnement. Lorsque ces communes ont payé leurs contributions au FPIC et au FSRIF, elles n'ont plus de marges de manoeuvre pour financer leur fonctionnement et leurs investissements. En outre, la Métropole du Grand Paris percevra demain l'intégralité du dynamisme des recettes de fiscalité économique, mais les communes continueront à contribuer au FPIC. On continuera ainsi à prendre en compte des recettes qu'elles ne perçoivent plus, sans tenir compte du fait que la métropole réalise déjà une péréquation interne sur la base du dynamisme des recettes économiques. C'est donc une double péréquation pour les villes dynamiques, qui ne bénéficient plus du dynamisme de la fiscalité économique, tandis que les autres territoires toucheront le FPIC.

Enfin, je me réjouis que le ministère ait reconnu l'existence d'erreurs de calcul dans la contribution au FSRIF-FPIC à cause de la prise en compte de la dotation de compensation part salaire (CPS). Toutefois, il estime qu'il est difficile de procéder à des corrections législatives dans l'immédiat et que le traitement de cette question devra se faire dans le cadre d'une réforme plus globale.

M. Bernard Delcros . - Je remercie les rapporteurs d'avoir pris l'initiative de travailler sur ce sujet et de m'avoir invité à certaines réunions. Le FPIC est un outil de solidarité financière entre les territoires. Le Sénat, représentant des territoires, doit y être attaché. Le fonds devait être doté à l'origine de 1,2 milliard d'euros ; finalement, il l'a été de 1 milliard.

L'approche intercommunale, avec une double répartition ensuite entre les intercommunalités et les communes, me semble préférable pour évaluer les richesses. Cela permet de mieux mettre en oeuvre la solidarité intercommunale. Ainsi, en Haute-Savoie, les intercommunalités sont riches et elles ont pris en charge la contribution des communes.

Vous avez raison, on ne peut pas faire une réforme globale, si on n'a pas d'aperçu sur les effets complets de la réforme de la fiscalité et des indicateurs financiers.

Les charges s'apprécient en fonction du nombre d'habitants, mais avec le coefficient logarithmique, plus les agglomérations sont peuplées, plus elles sont favorisées. On peut le comprendre, mais les charges peuvent aussi augmenter avec la superficie des EPCI. Je suis donc favorable à ce que, sans remettre en cause l'existence du coefficient logarithmique, même si l'on peut toujours modifier celui-ci, ces effets puissent être pondérer par un indicateur de spatialité.

Je soutiens la proposition visant à ce que l'application des mécanismes de garantie de sortie du FPIC soit bien notifiée aux collectivités territoriales et que leurs effets soient lissés dans le temps, afin de donner plus de visibilité aux élus et d'éviter les sorties brusques du dispositif. On peut s'inspirer du mécanisme mis en place pour la part cible de la dotation de solidarité rurale (DSR). Je ne peux enfin qu'être favorable à ce que 60 % des intercommunalités soient effectivement bénéficiaires du FPIC.

M. Marc Laménie . - La péréquation est un sujet très complexe. Nous sommes souvent saisis par des élus, et nous avons du mal à trouver des éléments de réponse. On se tourne vers les préfectures ou l'antenne locale de la direction générale des finances publiques, mais les services nous renvoient souvent vers Bercy. On manque d'interlocuteurs. Je partage les recommandations de nos rapporteurs. Pourriez-vous préciser la notion de coefficient de Gini ?

M. Didier Rambaud . - Ayant été président d'une intercommunalité, j'ai écouté avec attention ce rapport. Il est vrai que sur le terrain, nul n'y comprend plus rien, et que le mécanisme crée des tensions entre bénéficiaires et contributeurs. Parmi les recommandations, le lissage du mécanisme de sortie sur plusieurs années pourrait être très utile, à défaut d'une réforme rapide, notamment pour les intercommunalités issues des anciennes villes nouvelles qui ont à entretenir des équipements très lourds.

M. Claude Raynal , président, rapporteur spécial . - Notre collègue Alain Richard avait interrogé le Gouvernement à ce sujet l'an dernier.

M. Stéphane Sautarel . - La péréquation horizontale semble importante, mais il faut relativiser. Il ne faut pas que l'organisation de la solidarité au niveau des territoires, la péréquation horizontale, limite la solidarité nationale par le biais de la péréquation verticale. Soyons vigilants.

J'espère qu'une réforme globale de la fiscalité locale aura lieu après les élections présidentielles.

Je salue la recommandation n o 4 qui vise à instaurer un indicateur de charges de spatialité. Pourquoi ne pas s'inspirer du potentiel financier superficiaire : des charges comme la voirie communale sont indépendantes de la population et dépendent de la superficie. Le rapport ouvre des pistes prometteuses.

M. Dominique de Legge . - Merci à nos rapporteurs d'avoir étudié ce sujet, véritable serpent de mer depuis la suppression de la taxe professionnelle. La solidarité est toujours complexe : quand on reçoit, on ne reçoit jamais assez, et quand on contribue, on contribue toujours trop ! Je comprends la proposition visant à lisser la garantie de sortie du FPIC. Mais n'est-ce pas une manière de différer la réforme ?

Je trouve intéressante l'introduction d'un nouveau critère de spatialité, mais cela va-t-il dans le sens de la simplification ? Chaque année, on plaide pour une grande réforme, mais finalement rien ne bouge ; on se contente de bricolages à la marge, car au fond chacun est attaché au statu quo , nul ne voulant prendre le risque de recevoir moins que ce qu'il perçoit actuellement.

M. Christian Bilhac . - Je suis un fervent partisan du FPIC, créé par Nicolas Sarkozy mais négligé, étonnamment, par François Hollande. Plutôt qu'un nouveau critère reflétant les charges de spatialité, pourquoi ne pas supprimer tout simplement le coefficient logarithmique ? Ce serait plus simple. Et je ne comprends pas la logique de ce coefficient, dans la mesure où l'on ne cesse, depuis des années, de demander aux communes de se regrouper, en nous expliquant que plus les intercommunalités sont grosses, plus les économies d'échelle sont importantes...

Pourquoi ne pas avoir retenu de créer en parallèle un FPIC communal qui serait versé à la commune ? La DGCL possède toutes les données nécessaires. Le système actuel crée des injustices. Imaginez deux communes de même richesse : la commune située dans un territoire pauvre sera bénéficiaire du FPIC, alors qu'elle ne l'aurait pas été dans une intercommunalité riche. Des communes sont devenues contributrices en changeant d'intercommunalité, et inversement.

Vous soulignez la nécessité d'une répartition territoriale, mais il ne faudrait pas que l'appel à la solidarité locale devienne un voeu pieux. Après une phase d'incitations, la situation financière des intercommunalités s'est tendue. Il ne faudrait pas que le FPIC communal et intercommunal devienne peu à peu un FPIC simplement communal parce que les intercommunalités n'auront plus les moyens d'aider les communes. C'est pourquoi je suis favorable un FPIC à la fois communal et intercommunal.

Mme Isabelle Briquet . - Le FPIC crée un sentiment d'injustice entre communes : on trouve de petites communes qui sont contributrices et d'autres qui ont plus de ressources, mais qui sont bénéficiaires. Tout dépend de l'intercommunalité. Mais, même si le FPIC est décrié, le principe de la péréquation horizontale n'est pas remis en cause pour autant. Il convient donc de l'aménager. Les propositions formulées vont dans le bon sens. Je suis favorable à l'introduction d'un indicateur reflétant les charges de spatialité. On peut aussi encourager la mise en place de mécanismes dérogatoires de répartition. Actuellement, il faut l'unanimité des communes. Quelle majorité proposez-vous ?

M. Rémi Féraud . - On parle beaucoup des bénéficiaires, mais il ne faut pas oublier les contributeurs. La question de l'utilisation des crédits du FPIC n'est pas illégitime si l'on veut renforcer son acceptabilité. La ville de Paris contribue à hauteur de 200 millions d'euros au FPIC, en plus de sa contribution au FSRIF... L'accumulation des mécanismes s'avère très complexe et la question mériterait d'être revue.

Pourquoi proposez-vous que 60 % des ensembles intercommunaux soient bénéficiaires du FPIC ? Cela devrait correspondre à peu près à la situation actuelle. Cela signifie-t-il que le droit actuel n'est pas appliqué ?

M. Michel Canévet . - Je suis favorable à un lissage de la sortie du FPIC. Les critères du potentiel financier agrégé et de l'effort fiscal agrégé ne sont pas pertinents et doivent être modifiés. L'introduction d'un critère de spatialité serait positive ; il faudrait aussi tenir compte de la situation des communes entrepreneuriales, dans les zones de montagne ou littorales, par exemple. Leur situation apparaît souvent comme un facteur de richesse s'accompagne de charges importantes.

L'exclusion du bénéfice du FPIC des communes ayant un effort fiscal inférieur à 1 me semble pénalisante : il convient de conserver une certaine modération fiscale. Il n'est pas logique d'inciter les collectivités à augmenter les impôts.

Enfin, j'ai été président de la communauté de communes du Haut Pays Bigouden. Le FPIC a servi à financer le déploiement du très haut débit. Le fonds est utile pour l'aménagement du territoire.

M. Jean-Marie Mizzon . - Je ne peux que féliciter celui qui a eu l'idée du FPIC en 2012, qui permet de financer la solidarité sans rien coûter à celui qui a pris la décision ! Je suis favorable à l'introduction d'un indicateur de spatialité. Mais pourquoi ne proposez-vous pas la suppression des coefficients logarithmiques, qui sont arbitraires, et posent des problèmes similaires pour d'autres dotations, comme la DGF ?

M. Claude Raynal , président, rapporteur spécial . - Merci pour ces questions, qui montrent d'une certaine façon que nous avions eu raison de nous pencher sur le FPIC et, dans le prolongement du débat que nous avons eu l'an passé, de sérier les sujets. Nous consacrerons dans le rapport une annexe à la situation francilienne. Rémi Féraud, je veux rappeler que la ville de Paris bénéficie du mécanisme de plafonnement à 14 % de ses ressources, sans lequel sa contribution serait encore supérieure...

Le cas des villes nouvelles est spécifique. Notre collègue Alain Richard avait fait des propositions, mais le gouvernement avait estimé qu'il était trop tard et qu'il fallait appliquer le droit commun. Il faudra reprendre la question dans le cadre d'une réforme globale.

Comme pour le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), les prélèvements et les reversements du FPIC apparaissent dans les budgets des communes. Lorsque le mécanisme a été mis en place, chacun comprenait bien la logique, mais, avec les changements d'équipes municipales, le dispositif devient moins lisible. Plusieurs maires considèrent que le FNGIR est une charge, oubliant que si l'on rétablissait le système de la taxe professionnelle, ils pourraient y perdre.

La suppression du coefficient logarithmique est une vieille demande. Il vise à compenser les différentiels de charges entre les communes liés à la population, des études économétriques précises ont été menées sur le sujet. On peut discuter indéfiniment de ses bornes, mais nul ne peut dire précisément à ce stade s'il faut, et, le cas échéant, comment, le modifier pour tenir compte de la réalité des charges. En tout cas, il semble dangereux de le supprimer...

M. Dominique de Legge . - Progressivement !

M. Claude Raynal , président, rapporteur spécial . - Soit. D'après les simulations réalisées sur le sujet, la suppression du coefficient logarithmique aurait, en 2019, fait passer le nombre de territoires contributeurs de 643 à 276 ! À enveloppe constante, les plus gros contributeurs, comme la ville de Paris, verraient donc leur contribution doubler ! C'est pourquoi nous proposons plutôt d'étudier les bornes du dispositif.

Certains plaident pour un FPIC communal, mais les transferts de compétences ne sont pas les mêmes selon les intercommunalités. Il faut donc régler la question à l'échelle du grand territoire pour tenir compte du taux d'intégration, des transferts et des charges mutualisées. Sinon, on risque de donner de l'argent aux communes qui n'exercent plus ces compétences. Qu'on l'approuve ou non, le mouvement intercommunal s'est réalisé et on ne peut pas l'ignorer. C'est pourquoi j'appelle à la plus grande prudence à l'égard des solutions radicales.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Il faudra attendre 2026 pour mesurer les effets de l'évolution des indices à la suite de la réforme des valeurs locatives des locaux d'habitation et 2028 pour ce qui est de la réforme de la taxe d'habitation.

La complexité du dispositif soulignée par Marc Laménie est réelle. Nous avons tenté d'exposer dans notre rapport les mécanismes de la façon la plus claire possible. Sur le terrain, l'administration doit faire oeuvre de pédagogie auprès des élus. Pour répondre à la seconde question, le coefficient de Gini est l'indicateur communément utilisé par les économistes pour mesurer les inégalités de richesse. Nous appliquons ici cette méthode aux potentiels financiers agrégés des ensembles intercommunaux.

Pour répondre à Dominique De Legge, toute réforme d'importance de notre fiscalité appelle un lissage. Dans la pratique, les élus ne se réfèrent pas à un principe d'équité appréhendé au niveau national, mais à l'historique de leurs propres ressources, ce qui est parfaitement naturel. Sans lissage, je ne vois pas comment les collectivités pourraient s'en sortir. Le FNGIR, pour la taxe professionnelle, devait disparaître au bout de vingt ans, à raison de 5 % par an. C'est d'ailleurs le Sénat qui l'a refusé.

Il n'est pas évident d'utiliser pour le FPIC le critère de potentiel superficiaire existant pour la DSR, comme le suggère Stéphane Sautarel : s'il est logique que la DSR prévoit des critères adaptés aux territoires ruraux, le FPIC est en effet un dispositif national et ses critères doivent être adaptés à tous types de territoires. Je rappelle par ailleurs que les communes les plus pauvres éligibles à la DSR cible sont exonérées de prélèvement au titre du FPIC.

Le coefficient logarithmique n'est pas une idée idiote - à vrai dire, nous n'avons rien trouvé de mieux pour prendre en compte les charges inhérentes à la population. Il faut non pas s'en priver, mais le pondérer par l'indice de spatialité.

S'agissant de l'appréhension communale du FPIC, je rejoins ce qui a été dit par Claude Raynal : il faudrait être en mesure de neutraliser les différences de choix fiscaux entre EPCI, ce qui n'est pas possible. Je note en outre qu'il est plus aisé de régler les comparatifs de richesse entre 1 260 entités qu'entre 36 000. Il revient ensuite aux ensembles intercommunaux de répartir la charge ou le bénéfice du FPIC équitablement en leur sein.

Pour répondre à Isabelle Briquet, la mise en place d'une répartition interne dite « dérogatoire » exige une majorité des deux tiers et celle d'une répartition entièrement libre l'unanimité. Il est cependant délicat de modifier ces seuils de majorité : le Conseil d'État a formulé un avis très clair sur ce point, considérant que cela pourrait constituer une atteinte au principe constitutionnel de libre administration.

En principe, 60 % des ensembles intercommunaux sont éligibles au reversement. Cependant, compte tenu de l'exclusion des ensembles intercommunaux dont l'effort fiscal agrégé est inférieur à 1, il ne reste que 56 % de collectivités effectivement bénéficiaires. Ce que nous demandons, c'est d'inverser l'ordre d'application des critères pour que, sans remettre en cause le critère d'effort fiscal agrégé, la part des ensembles intercommunaux bénéficiaires atteigne effectivement 60 %. Cela n'aurait aucun impact sur les ensembles contributeurs, tout en rendant un plus grand nombre de collectivités éligibles à la redistribution.

M. Claude Raynal , président, rapporteur spécial . - Il s'agit pour nous de revenir à l'esprit de la loi.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - En conclusion je veux insister sur le fait que si le FPIC est très emblématique et nous fait beaucoup parler, il ne redistribue, chaque année, « que » 1 milliard d'euros entre les entités du bloc communal.

La commission a autorisé la publication de la communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sous la forme d'un rapport d'information.

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