B. UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT QUI ENTEND RÉTABLIR LA CONTESTABILITÉ ET L'ÉQUITÉ SUR LE MARCHÉ NUMÉRIQUE

Dès lors, il est plus que temps de mettre en place une régulation harmonisée qui ne soit pas une variation autour du droit de la concurrence mais intervienne à titre préventif ( ex ante ) pour prohiber des comportements identifiés comme portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur numérique.

La Commission européenne a ainsi présenté une proposition de règlement relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique dite DMA (pour Digital Market Act) 11 ( * ) , fondée sur l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE), qui n'a pas pour objectif la protection d'une concurrence non faussée sur le marché, mais, comme l'indique le considérant 10, de la protection d'un intérêt juridique différent et sans préjudice de celui-ci, à savoir la contestabilité et l'équité du marché intérieur numérique, en particulier en matière de partage de la valeur .

La proposition de règlement cible en conséquence les grandes plateformes pour leur imposer des obligations adaptées aux principaux services qu'elles offrent.

1. Une régulation asymétrique

Annoncé en février 2020 12 ( * ) dans la communication de la Commission intitulée « Façonner l'avenir numérique de l'Europe » 13 ( * ) et faisant suite à une consultation publique lancée en juin 2020, ce texte s'inscrit dans un projet législatif dual : le DMA, rééquilibre pour l'essentiel les relations entre les grandes plateformes et les entreprises utilisatrices, tandis que la proposition de règlement relatif à un marché intérieur des services numériques (Législation sur les services numériques dite DSA, pour Digital Services Act , qui modifie la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique, encadre avant tout les relations entre les plateformes et les consommateurs et prévoit un régime de responsabilité renforcée à l'égard des plateformes, pour contenir la prolifération des contenus illicites 14 ( * ) .

La Commission constate en effet que la toute-puissance des grandes plateformes structurantes « leur permet d'agir en tant que régulateurs privés et de constituer des goulets d'étranglement entre les entreprises et les consommateurs ». Elle souhaite donc rendre le marché numérique plus équitable alors même qu'« il arrive que ces sociétés contrôlent des écosystèmes de plateformes complets ».

L'objectif affiché par la Commission dans le DMA, présenté en décembre 2020, est double : permettre à des concurrents de contester la domination des plateformes systémiques et rééquilibrer les relations avec leurs utilisateurs, particuliers et entreprises. Il s'agit en effet de rendre les « marchés numériques plus équitables et plus ouverts pour chacun », afin de favoriser l'innovation, la croissance et la compétitivité et faciliter le développement de plateformes de taille plus modeste, de petites et moyennes entreprises et de start-up.

2. Une régulation ex ante

Le texte définit en conséquence un ensemble d'obligations et d'interdictions spécifiques auxquelles seraient soumises de plein droit les seules grandes plateformes structurantes, qu'il qualifie de « contrôleurs d'accès », sous la supervision de la Commission européenne.

Il s'agit d'encadrer des pratiques particulièrement nuisibles au bon fonctionnement du marché intérieur, notamment les modalités contractuelles que ces plateformes imposent aux entreprises utilisatrices, - comme les clauses limitant la vente des biens ou services à un prix inférieur sur des plateformes concurrentes et sur le site de l'offrant -, d'assurer une interopérabilité effective et de permettre aux fournisseurs de services complémentaires d'opérer en partageant des données avec eux.


* 11 Proposition de règlement COM(2020) 842 final du 15 décembre 2020 du Parlement européen et du Conseil relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (Législation sur les marchés numériques).

* 12 Quelques jours auparavant la France, l'Allemagne, la Pologne et l'Italie avaient appelé à la mise en place d'une régulation ciblée des plateformes numériques structurantes pour faire face aux enjeux liés à l'essor de l'économie numérique. Quant au Sénat, il y a d'ores et déjà pris positions sur la nécessité d'une régulation du marché numérique (voir annexe).

* 13 COM(2020) 67 final Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions - Façonner l'avenir numérique de l'Europe .

* 14 Les rapporteures présenteront prochainement un rapport d'information sur ce second texte.

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