III. 3ÈME RECOMMANDATION : AMÉLIORER LE CONTRÔLE DES POLICES MUNICIPALES

A. DES MANQUEMENTS LIMITÉS À LA DÉONTOLOGIE D'APRÈS LE DÉFENSEUR DES DROITS

Le Défenseur des droits, qui a repris en 2011 les attributions de la CNDS (Commission nationale de la déontologie de la sécurité), a été interrogé par vos rapporteurs sur les réclamations dont il est saisi mettant en cause des policiers municipaux. Il en ressort que celles-ci ne représentent, chaque année, que 5 à 7 % des saisines en matière de manquement à la déontologie des forces de sécurité 17 ( * ) , comme l'illustre le tableau suivant.

Extrait du rapport d'activité du Défenseur des droits sur l'année 2019 (page 26) 18 ( * )

Les griefs évoqués sont majoritairement la violence et le manque d'impartialité ou le non-respect de la procédure Par comparaison, la police nationale totalise à elle seule plus de 50 % des saisines du Défenseur des droits, soit près de dix fois plus de saisines pour six fois plus d'effectifs. Par ailleurs, le Défenseur des droits indique qu'entre 85 et 90 % des saisines concernant la police municipale ne révèlent aucun manquement à la déontologie.

Ces statistiques s'expliquent probablement par le caractère limité des compétences des policiers municipaux et la faiblesse de leurs pouvoirs de contrainte, là où la majorité des cas impliquant des policiers nationaux ont trait aux conditions d'interpellation, de garde à vue, de contrôle d'identité ou de dépôt de plaintes, soit des prérogatives dont les agents municipaux sont dénués. En outre, les services du Défenseur des droits suggèrent que les litiges se règlent plus facilement à l'amiable par un recours direct au maire, rendant inutile toute intervention d'un autre médiateur.

B. UN CONTRÔLE À RENFORCER

Si les manquements de la police municipale aux règles déontologiques demeurent limités - ce dont vos rapporteurs ne peuvent que se réjouir -, l'élargissement progressif de ses attributions soulève la question de son contrôle , qui présente actuellement certaines insuffisances.

Les polices municipales sont dotées, depuis 2003, d'un code de déontologie régi par le CSI. Ce dernier prévoit notamment que « L'agent de police municipale est intègre, impartial et loyal envers les institutions républicaines. Il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance » (article R. 515-7).

Le contrôle des polices municipales par l'État intervient de manière systématique au moment de l'entrée dans la profession. Tous les agents de police municipale font l'objet d'une double enquête d'honorabilité menée par le procureur de la République et le préfet. Une procédure d'autorisation similaire est prévue pour l'armement des policiers municipaux, qui doivent pouvoir justifier au préalable du suivi de la formation délivrée par le CNFPT.

Outre ces contrôles à l'entrée, le CSI prévoit une procédure de vérification de l'organisation et du fonctionnement d'un service de police municipale par le ministre de l'Intérieur. Répondant à la volonté de renforcer la qualité des polices municipales, cette procédure a été instituée par la loi n o 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales (art. 4). Elle prévoit qu'à la demande du maire, du préfet ou du procureur et après avis de la Commission consultative des polices municipales (CCPM), « le ministre de l'Intérieur peut décider de la vérification de l'organisation et du fonctionnement d'un service de police municipale » (article L. 513-1 du CSI). Le contrôle est alors réalisé par « les services d'inspection générale de l'État », à savoir l'Inspection générale de l'administration (IGA), l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) ou l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

Ce dispositif de contrôle externe présente certaines faiblesses . En particulier, le contrôle susmentionné prévu à l'article L. 513-1 du CSI s'avère quasiment impossible à réaliser en pratique, en raison de la procédure d'avis préalable de la CCPM qui, sous sa forme actuelle, ne se réunit pas assez régulièrement. Le rapport de la Cour des comptes sur les polices municipales relève ainsi que l'IGA n'a été saisie qu'à deux reprises depuis la création de cette disposition par la loi précitée de 1999 19 ( * ) .

Toute la responsabilité du contrôle repose in fine sur le pouvoir hiérarchique exercé par les maires, ce qui peut paraître insuffisant au regard de l'extension du champ d'intervention des polices municipales, ainsi que la banalisation de leur armement.

À cet égard, vos rapporteurs jugent intéressante l'idée, proposée par nos collègues députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, de créer au sein de l'IGA une mission permanente, mais à condition qu'elle s'adjoigne les compétences d'un collège consultatif 20 ( * ) placé auprès d'elle et composé notamment d'élus locaux disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de sécurité.

Sauf demande expresse du maire, cette mission ne pourra naturellement pas porter sur la doctrine d'emploi des forces municipales, celle-ci relevant de la seule décision du maire, conformément au principe de libre administration.

Le champ d'intervention de cet organe devrait pouvoir aussi inclure le contrôle des dispositifs de vidéoprotection et des centres de supervision urbain, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n'est actuellement pas en mesure de contrôler efficacement.


* 17 Soit une centaine de dossiers par an.

* 18 Les chiffres de l'année 2020 ne sont pas encore connus.

* 19 L'article 6 ter de la proposition de loi « sécurité globale » propose de supprimer l'avis de la CCPM (art 513-1 du CSI).

* 20 Sur le modèle des collèges placés auprès du Défenseur des droits. Ces groupes de réflexion, composés de personnalités qualifiées dans leur domaine, aident le Défenseur des droits à prendre des décisions pertinentes en lui apportant un regard pluridisciplinaire.

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