CONCLUSION

Ces dix dernières années, une partie de nos concitoyens a dû faire face à une augmentation inédite des prix de l'immobilier. Cette tendance n'a évidemment pas concerné toute les communes de France, le phénomène ayant été circonscrit à certains territoires en particulier.

Différentes variables macro-économiques expliquent très largement la dynamique inflationniste. Or les élus locaux, et au premier chef les maires, n'ont aucune prise sur ces variables. Ils subissent en effet des décisions monétaires prises au niveau européen ou, s'agissant de la politique du logement, des décisions prises au niveau national.

Il leur reste donc à faire preuve d'inventivité et à se saisir des modestes moyens à leur disposition pour tenter de réguler, au niveau de leur commune, les prix de l'immobilier.

La crise sanitaire actuelle a précipité le marché de l'immobilier dans l'incertitude, au même titre que d'autres secteurs de l'économie. Ces incertitudes sont notamment liées aux restrictions d'accès au crédit. Sauf que le logement reste fondamentalement un besoin primaire, dont la demande dépendra certes de la solvabilité des acquéreurs mais aussi et surtout de leur nombre. Tant que celle-ci sera dynamique et excèdera l'offre disponible, les prix se maintiendront à un niveau élevé. À l'aube de la nouvelle mandature municipale, les maires bâtisseurs seront très attendus sur ce sujet par nos concitoyens.

PRÉSENTATION DU RAPPORT EN RÉUNION DE DÉLÉGATION LE 28 MAI 2020

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous allons aborder le second point à l'ordre du jour qui concerne la table ronde que nous avions organisée le 5 mars dernier, juste avant la pandémie. Cette table ronde va faire l'objet d'un rapport actualisé à l'aune de cette crise sanitaire. Ce rapport, qui a pour thème les communes face à l'inflation des prix de l'immobilier, s'interroge sur les moyens d'action dont elles disposent pour réguler le marché. La table ronde avait réuni les représentants des plateformes de location saisonnière (notamment Airbnb), un professeur d'économie spécialiste de l'immobilier, et un élu, le maire de Suresnes. Elle avait bien illustré l'inflation des prix de l'immobilier ces dernières années. Les conclusions du mini rapport que je vais vous présenter en sont donc issues, et ont été actualisées au cours de la période de confinement.

Il va de soi qu'un certain nombre d'observations, de constats et de pistes de réflexion mériteront évidemment d'être réévaluées et confirmées dans les prochains mois pour conserver toute leur pertinence. La crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 a plongé le marché de l'immobilier dans l'incertitude, comme beaucoup de secteurs de l'économie.

On ignore encore quelle sera l'ampleur des restrictions au crédit de la part des banques : l'Observatoire Crédit Logement CSA table sur 220 000 ménages qui pourraient être exclus de l'accès au crédit immobilier d'ici à 2021. Quel en sera l'impact sur la demande de logement ? Cela est difficile à prévoir.

Ce que l'on sait d'ores et déjà, c'est qu'avec le confinement le secteur a connu une paralysie historique : 120 000 professionnels de l'immobilier ont été au chômage technique.

Comme vous, je constate ici et là, dans nos territoires, des dynamiques contradictoires : les demandes de maison avec jardin explosent ; des habitants se disent prêts à quitter les grandes métropoles pour avoir plus d'espace ; et puis, inversement, l'inadaptation des transports en commun et les risques sanitaires associés conduisent certains à se rapprocher des centres-villes.

Juste avant le déclenchement de la crise sanitaire, l'année 2019 avait été celle de tous les records : des taux d'emprunt historiquement faibles, une explosion des transactions immobilières et, bien sûr, des prix en constante augmentation, ce qui avait d'ailleurs motivé notre table ronde de début mars. En à peine dix ans, les prix à l'achat ont augmenté de 61 % à Paris, 62 % à Lyon, 25 % à Strasbourg et même 79 % à Bordeaux. Certaines villes où les prix sont plus raisonnables sont toutefois restées attractives, comme Mulhouse par exemple.

Si le marché de l'immobilier se portait bien, il y a toutefois eu quelques dommages collatéraux :

- les difficultés à se loger : je pense aux jeunes ménages primo-accédants et aux familles ;

- l'éloignement forcé des centres villes : je pense aux foyers modestes, qui subissent l'augmentation des temps de transport, l'impact sur les rythmes de vie, etc. ;

- la dévitalisation de certains territoires en relégation économique : le marché a en effet exacerbé les disparités territoriales entre centres villes, périphéries, zones rurales ;

J'évoque tous ces aspects sans compter les effets récents des plateformes de location saisonnière, accusées de muséifier nos centres, de faire disparaitre le commerce de proximité, ou encore d'entrainer la fermeture d'écoles suite à l'exode des familles avec enfants. Les représentants de ces plateformes ont d'ailleurs eu l'occasion, lors de notre table ronde, de répondre à certaines accusations qu'elles considèrent injustifiées.

Comment expliquer en tout cas un tel niveau de prix ? Tout simplement par le dynamisme de la demande, comme l'avait fait remarquer fort justement notre collègue Alain Richard : « l'immobilier est un produit de marché soumis à l'offre et à la demande. Tant que la demande excédera l'offre, les prix seront tirés vers le haut. »

Une telle demande s'explique d'abord le dynamisme économique de certains territoires : les métropoles notamment, avec des effets en cascade. Je pense à Paris, qui a dépassé la barre des 10 000 euros le mètre carré, causant une flambée des prix en première et deuxième couronnes et ce sans compter le retour des expatriés après le Brexit .

Il y a ensuite l'amélioration des réseaux de transport. Je pense notamment à Bordeaux ou Brest, où les prix ont augmenté subitement avec le déploiement d'une Ligne à grande vitesse (LGV).

II y a également des raisons financières : les taux sont bas, les banques prêtent sur de plus longues durées des volumes plus importants et sans exiger de gros apports... Bref, les marchés ont solvabilisé la demande.

Et puis, il y a enfin des causes démographiques : la population française gagne des habitants et les structures familiales évoluent : les divorces, la monoparentalité, le célibat sont autant de phénomènes qui alimentent la demande de logement, sans compter les gains d'espérance de vie qui maintiennent une demande forte des personnes âgées... Or tous ces phénomènes ne sont pas arrivés à maturité.

Au total, nous devons loger en moyenne 350 000 habitants supplémentaires chaque année...

Mais, par ailleurs, l'offre ne suit pas car on ne construit pas suffisamment : les mises en chantier ont baissé de 6 % l'an dernier, avant même la crise du Covid. L'offre est également mal répartie : on construit trop dans certaines zones et pas suffisamment en zones tendues. Sur ce point, il faudra sans doute réorienter les dispositifs de défiscalisation en oeuvre depuis trente ans. Ils ont trop souvent favorisé la construction dans des zones où l'offre était déjà abondante.

Alors que faire ? Comment mieux réguler le marché ? C'est une question que devront bientôt se poser de nombreux maires, nouvellement élus ou réélus ou qui le seront d'ici fin juin.

Le rapport dresse quelques pistes de réflexion. Je les rappelle succinctement :

1. Encourager les mises en chantier bien sûr, ce qui permet de doper l'offre ;

2. Mieux aménager le territoire pour que la population soit mieux répartie : cela permet d'élargir l'offre ;

3. Lutter contre les logements vacants afin de réinjecter de l'offre sur le marché ;

4. Réhabiliter les logements anciens dégradés, notamment dans les centres villes et les centres bourgs. Outre l'aspect revitalisation, cela permet de renouveler l'offre.

C'est donc en agissant prioritairement sur l'offre que l'on pourra limiter l'inflation immobilière. À l'inverse, jusqu'à présent les politiques de restriction de la demande ont montré leurs limites. Je pense au renforcement des contraintes à l'égard des plateformes : elles payent la taxe de séjour, elles permettent à des propriétaires d'arrondir leur fins de mois, tout cela est positif mais, en réalité, ces contraintes n'ont que peu d'impact sur les prix de la pierre, et elles touchent surtout le marché de la location.

Je pense également à l'encadrement des prix des loyers. Mais, même en zone tendue, cela n'a pas enrayé l'augmentation des prix à l'achat... Les Parisiens le savent très bien !

Je pense enfin à la fiscalité sur l'immobilier. On a récemment créé l'impôt sur la fortune immobilière, ce qui n'a pas eu d'effet très probant sur les prix. Bref, nos politiques publiques n'ont pas démontré d'efficacité réelle pour enrayer l'inflation des prix du logement.

Nous venons de traverser une crise sanitaire inédite... On peut en craindre les effets, y compris sur l'immobilier, mais on peut penser que le marché restera soutenu par 2 piliers structurels qui alimentent la hausse des prix : d'une part, une demande de logement qui excède le stock d'offre et, d'autre part, des investisseurs qui s'orientent vers des actifs jugés plus sûrs, surtout dans un contexte d'incertitude boursière en temps de crise économique. Cela est particulièrement vrai dans le contexte actuel ; on peut lire que les épargnants risquent d'être touchés au lendemain de la crise. Tout cela poussera naturellement à privilégier des choix plus sûrs, notamment dans le domaine de l'immobilier.

Voilà ce qu'on pouvait dire sur cette table ronde qui visait à ouvrir le débat. Il reste à en approfondir les constats. Nous allons avoir quelques échanges dans l'instant. Ce rapport pourrait constituer un pré-rapport prélude à l'approfondissement de cette question. Je vous remercie de votre patience, mes chers collègues.

Mme Sonia de la Provôté . - Cette table ronde avait été assez longue et passionnante. Quelques-uns des sujets évoqués méritent, à mon sens, d'être observés de manière plus précise. Je tiens d'abord à rappeler que la question du logement n'est pas qu'une question quantitative. On a souvent tendance à la traiter comme telle de manière prioritaire notamment dans les Programmes locaux de l'habitat (PLH), alors qu'en réalité un Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) ou un Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) nourrissant des objectifs qualitatifs en termes de logement sont très importants. Le logement, c'est une politique globale d'aménagement du territoire.

L'indépendance alimentaire est essentielle pour la question de l'offre et de la construction en périphérie. C'est donc la préservation des terres agricoles qui est également cruciale. On risque de se retrouver encore face à une situation de grande tension entre le besoin de développement des territoires d'accueil et le besoin de préservation de certaines terres agricoles. La politique du « zéro artificialisation nette » est donc partie prenante dans la politique du logement.

La question de l'urbanisation est également primordiale. Jouir d'un espace extérieur a été un élément essentiel durant le confinement. Cela illustre la nécessité d'une politique de logement de qualité et non uniquement de quantité. Il faut donc développer des outils fiscaux adaptés pour favoriser une politique de logement plus qualitative et mieux adaptée aux besoins. Les ilots de chaleur urbains, par exemple, ont été créés de toute pièce. C'est l'exemple à ne pas suivre. Le confinement a montré qu'il était vital de bénéficier d'un espace extérieur. La densification urbaine ne va pas être envisageable à tous crins et n'importe comment. Il faut équilibrer le développement des territoires.

M. Philippe Dallier . - Il serait intéressant d'observer l'impact de cette crise du coronavirus et du confinement sur le comportement des Français en matière de logement à l'avenir. La possibilité de télétravailler, que nous avons expérimentée à très grande échelle, va peut-être ralentir le phénomène de métropolisation. Je pense en effet qu'on n'arrêtera pas cette tendance lourde qui génère d'importants besoins en logement. Certains auront peut-être néanmoins envie de respirer et de vivre différemment.

J'ai le sentiment que nous avons déjà un peu tout essayé pour aborder cette question des prix de l'immobilier : des niches fiscales, des documents réglementaires assouplis, de nouvelles formules permettant de dissocier la propriété du foncier de la propriété du bâti pour tenter de faire baisser le prix de l'acquéreur, les emprunts sur 25 ans... Je ne sais pas ce qui, en dehors d'une mise en adéquation de l'offre et de la demande, pourrait ralentir cette flambée des prix de l'immobilier. Tant que nous aurons ce décalage entre la demande d'un côté et l'offre, toujours trop faible, de l'autre, je crains que nous ne fassions que courir après des solutions qui ne seraient que des pansements sur une jambe de bois.

Il convient néanmoins de relativiser. Cette problématique est immense dans certains territoires, notamment bien évidemment en région Île-de-France. Dans certains territoires, faute de demande, il n'existe pas de tension sur le logement et les prix en viennent même à décroître. C'est bien le différentiel entre l'offre et la demande qui explique le prix de l'immobilier sur un territoire.

Mme Sonia de la Provôté . - La massification de la réhabilitation du logement est un point important. Un logement réhabilité et accessible aux normes peut être considéré comme un logement neuf.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous propose d'autoriser la publication du rapport.

La publication du rapport est autorisée.

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