B. UN EFFORT À NE PAS RELÂCHER

Les plus récents travaux menés par la DCPAF et le Sandia, qui sont les seuls à être allés au bout de la démarche visant à mesurer le préjudice financier lié à l'existence de NIR obtenus au moyen de documents irréguliers et non régularisables, tendent donc à montrer que ce préjudice se chiffre en centaines de millions d'euros . Ces estimations, sans être négligeables, tempèrent donc nettement, ce dont chacun peut se féliciter, les chiffres ayant circulé jusqu'alors dans le débat public en l'absence de données précises. La « fraude aux NIR » n'apparaît donc pas comme un phénomène plus massif, par son ampleur 13 ( * ) , que les autres types de fraudes 14 ( * ) .

Dès lors, en faisant la balance entre l'effort à mener et le gain prévisible, une opération aussi massive que la revue complète du stock du Sandia (plus de 21 millions de NIR) paraît disproportionnée - d'autant que l'obtention d'un NIR ne permettant pas à lui seul d'obtenir une prestation, la lutte contre les autres causes de fraude peut également se révéler efficace contre ces fraudeurs particuliers.

Pour autant, le rapporteur général considère que non seulement la fraude documentaire est un phénomène qui existe mais également que, comme l'usurpation d'identité dans son ensemble, il s'agit d'un phénomène d'avenir contre lequel il n'est pas simple de lutter, notamment avec le développement des nouvelles technologies numériques.

Les résultats relativement rassurants qui ressortent des dernières études ne doivent donc pas inciter les organismes concernés à relâcher leur effort. Au contraire, de nouvelles mesures devraient être mises en place afin de couper encore mieux le robinet de la fraude au NIR.

1. Le face-à-face, meilleur moyen de recueillir les demandes d'inscription

En premier lieu, alors que la plupart des demandes d'immatriculation s'effectuent aujourd'hui par correspondance, avec des photocopies ou des scans des pièces justificatives, il est clair que le face-à-face entre le demandeur et la représentation d'un organisme constitue le moyen le plus efficace de lutter à la racine contre la fraude documentaire.

D'une part, parce que l'agent pourra avoir sous les yeux les documents originaux, ce qui améliorera la qualité du contrôle dans l'ensemble de la chaîne.

D'autre part, parce que, dans le cadre de la problématique plus large de la lutte contre l'usurpation d'identité, le face-à-face permet un contrôle de cohérence de base entre l'aspect physique du demandeur et les papiers qu'il présente. Il ne s'agit évidemment pas de transformer les agents des organismes de sécurité sociale en agents de police mais simplement de leur permettre d'assurer un contrôle de base, par ailleurs de nature à dissuader certaines tentatives de fraudes.

Le rapporteur général recommande donc de généraliser le face-à-face au moment de l'inscription des personnes nées hors de France . A minima , il est nécessaire de donner aux agents les moyens réglementaires d'exiger un tel face-à-face dès lors qu'un doute existe sur le dossier (par exemple, si la consultation de la base AGDREF n'est pas concluante).

2. La nécessaire amélioration de la qualité des documents transmis au Sandia

En deuxième lieu, les documents transmis au Sandia doivent présenter un niveau de qualité suffisant pour assurer l'efficacité du contrôle réalisé à ce niveau.

Certes, comme le rapporteur général a d'ailleurs pu le constater en se rendant au Sandia, les documents les plus difficilement lisibles sont un motif de rejet du dossier par le Sandia et de renvoi à l'organisme demandeur.

Néanmoins, ces documents sont encore trop souvent des scans de photocopies de photocopies qui, même en étant lisibles, atténuent la qualité de certains points de contrôles, en particulier sur les documents d'identité (filigrane, etc .).

Outre la base qui, comme indiqué ci-dessus, doit être le document original présenté par l'intéressé dans le cadre d'un face-à-face, il importe d'améliorer la qualité du document transis au Sandia en généralisant le scan couleurs et en limitant autant que possible le nombre de photocopies .

3. La généralisation du taux de retours du Sandia comme critère d'intéressement des caisses

En troisième lieu, il serait de bonne pratique de renforcer la motivation des agents des différents réseaux au sujet de la qualité des dossiers transmis au Sandia.

Un bon moyen d'y parvenir serait de généraliser la pratique existant déjà dans le réseau des CAF et consistant à faire du taux de retours sans validation des dossiers par le Sandia un critère d'intéressement des caisses au sein d'un réseau donné.

4. Le renforcement du partage d'informations et des dépôts de plaintes communs

Le rapporteur général relève que des progrès importants ont été accomplis depuis 2011 en termes de partage d'informations entre les différentes administrations au sujet de la lutte contre la fraude documentaire (et même auparavant depuis la mise en place des comités opérationnels départementaux anti-fraude en 2008).

Les représentants de la DNLF, du ministère de l'intérieur et des organises qu'il a rencontrés dans le cadre de la préparation de ce rapport d'information l'ont tous souligné.

Il convient de poursuivre cet effort et de le renforcer.

A cet égard, lorsqu'une fraude à l'identité est détectée dans une administration ou un organisme, il faut s'assurer que l'information est systématiquement partagée entre tous les acteurs de sorte que les droits des intéressés soient bien systématiquement suspendus et que, le cas échéant, les organismes de sécurité sociale puissent s'associer à un dépôt de plainte si un préjudice est constaté.

5. La poursuite des contrôles communs entre le Sandia et la DCPAF

Enfin, il est nécessaire que les contrôles communs entre le Sandia et la DCPAF se poursuivent, sur un rythme de l'ordre d'un contrôle tous les trois ans .

Il convient en effet de s'assurer par ce moyen de l'évolution de l'efficacité de la procédure d'immatriculation des personnes nées à l'étranger au fil du temps, ainsi que de la lutte contre des moyens de fraude qui risquent de devenir de plus en plus sophistiqués.

Il souhaite que les caisses à l'origine des immatriculations figurant dans l'échantillon retenu puissent être associées autant que possible à ces travaux. Une telle association renforcerait encore l'implication de ces caisses et permettrait aux enquêteurs de bénéficier des documents sources, de meilleure qualité que ceux qui se trouvent dans les dossiers du Sandia.

Le rapporteur général souhaite que, dans ce cadre, la méthodologie exigeante mise en place depuis 2018 soit systématiquement employée. Elle est la seule qui permet de déterminer de manière rigoureuse le risque financier réel associé aux NIR créé sur la base de documents faux ou frauduleux.


* 13 L'évaluation en cette matière occulte est toujours un art délicat mais, dans des rapports déjà anciens, la Cour des comptes a évalué le montant de la fraude aux cotisations sociales à 20 milliards d'euros et celui de la fraude aux prestations sociales à 3 milliards d'euros.

* 14 Le rapport que la Mecss a consacré à ce sujet ne l'avait, au demeurant, pas identifié comme une priorité. Cf. Lutter contre la fraude sociale, un impératif pour le juste droit, rapport d'information n° 599 (2016-2017) par Mmes Agnès Canayer et Anne Emery-Dumas.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page