II. UN RISQUE FINANCIER À RELATIVISER MÊME SI DE NOUVELLES AMÉLIORATIONS RESTENT NÉCESSAIRES

Si les données précédentes conduisent à souligner les progrès accomplis depuis le début de la décennie dans le traitement des demandes d'immatriculation à la sécurité sociale des personnes nées à l'étranger, elles ne disent pas, non plus d'ailleurs qu'aucune des données issues des enquêtes conduites auparavant, quel est le niveau réel de dossiers non régularisables actuellement en stock au Sandia ni le montant du risque financier pour la sécurité sociale associé à ces dossiers.

Afin de disposer enfin d'une base robuste, le rapporteur général a sollicité le ministre de l'intérieur et la ministre des solidarités et de la santé afin qu'ils diligent un nouveau contrôle commun DCPAF - Sandia, conduit selon la méthodologie du contrôle de l'année dernière sur le flux de dossiers de 2017, mais portant, lui, sur un échantillon représentatif du stock actuel du Sandia .

A. LES RÉSULTATS DE NOUVEAUX TRAVAUX SUR LES STOCKS EFFECTUÉS À LA DEMANDE DU RAPPORTEUR

Afin de conduire la nouvelle étude, un échantillon de 2000 dossiers représentatifs du stock du Sandia (c'est-à-dire de personnes nées hors de France) a été constitué - avec une bonne représentativité en matière de sexe, de nationalité et d'année de création du dossier.

Les contrôleurs ont constaté que seuls 1 127 de ces dossiers 10 ( * ) correspondaient à des assurés ayant perçu des prestations sur les douze mois glissants précédant l'enquête .

Par souci d'efficacité, les contrôleurs ont traité la totalité de ces 1 127 dossiers ainsi qu'une partie seulement des dossiers « sans prestation », soit un total de 1 575 dossiers .

La répartition de ces dossiers, selon les quatre mêmes catégories que pour le contrôle de 2018, est retracée par le graphique suivant.

Résultats du contrôle effectué à la demande du rapporteur général
sur un échantillon représentatif du stock actuel du Sand
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Sources : Sandia - DCPAF

Ces résultats appellent plusieurs commentaires.

Tout d'abord, le nombre de dossiers en « anomalies mineures » ou « indéterminés » augmente très fortement par rapport au contrôle portant sur le flux de 2017. Selon les éléments transmis au rapporteur général par les deux administrations ayant procédé à ces travaux, l'ancienneté de certains documents est un facteur important à prendre en compte pour l'analyse . Dans l'ensemble des documents qui n'entrent pas dans la catégorie « favorable », près des deux tiers ont été établis avant 2000, environ 30 % l'ont été entre 2000 et 2010 et un peu plus de 3 % seulement depuis 2011. De plus, les fiches d'état civil, qui étaient considérées comme recevables avant 2000 ne le sont plus depuis lors et entrent donc désormais dans la catégorie « anomalies mineures » ou « indéterminés » en fonction des précisions apportées par celles-ci.

De même, sur les dossiers anciens, certains facteurs de contrôle existant depuis 2012 (typiquement, le contrôle de cohérence entre les deux pièces fournies par les demandeurs) sont évidemment impossibles .

C'est ainsi que s'explique en partie un taux de dossiers en anomalies critiques très faible, de 3 % seulement ( 3,5 % des dossiers hors « indéterminés » , c'est-à-dire sur lesquels les enquêteurs ont pu se prononcer), correspondant à un total de 47 dossiers .

Comme ce fut le cas en 2018 et conformément à la demande du rapporteur général, chacun de ces dossiers fait l'objet d'une revue individuelle avec, si nécessaire, relance de l'assuré. Ce travail a été commencé en avril mais, du fait des délais inhérents à la procédure, n'est pas encore achevé à l'heure où les présentes lignes sont écrites.

Plus précisément, 21 dossiers restent à ce jour en cours de traitement par les organismes de sécurité sociale . Les montants des prestations versés de mai 2018 à avril 2019 aux assurés correspondant à ces dossiers sont les suivants :

- prestations versées par les caisses d'allocations familiales : 30 892 euros ;

- prestations versées au titre de l'assurance vieillesse : 33 416 euros ;

- prise en charge de dépenses au titre de l'assurance maladie : 29 498 euros.

Soit un total de prestations monétaires de 64 308 euros et un total de prestations sociales de toute nature de 93 806 euros .

Un bilan définitif ne pourra être tiré que lorsque les organismes de sécurité sociale auront achevé leurs contrôles et distingué les dossiers finalement régularisés des dossiers non régularisables. Pour mémoire et sans préjuger que le résultat sera le même, les trois quarts des dossiers en anomalies critiques détectés lors de l'étude sur les dossiers créés en 2017 avaient pu, in fine , être régularisés .

À partir de là, on peut considérer qu'en extrapolant à la totalité du stock du Sandia le résultat connu à ce jour à partir de cet échantillon représentatif de 2 000 dossiers, le risque financier associé aux faux numéros de sécurité sociale serait :

- compris entre 170 et 677 millions d'euros 11 ( * ) en considérant les seuls dossiers identifiés en anomalies critiques ;

- compris entre 200 et 802 millions d'euros 12 ( * ) en appliquant le même taux d'anomalies critiques aux dossiers indéterminés .

Comme cela a été indiqué auparavant, l'intégration du risque maladie présente évidemment un intérêt, cependant nettement amoindri par l'existence de la Puma et de l'AME. De plus, le risque maladie se caractérise par une assez forte concentration. Ainsi, les deux tiers de la dépense totale de l'échantillon correspondent à un seul dossier ; de ce fait, la régularisation ou non de ce seul dossier fera beaucoup varier le résultat final relatif à ce risque. L'échantillon reste donc peut-être d'une taille un peu trop réduite pour une analyse correcte de ce risque.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, et dans l'attente des résultats définitifs après les relances des assurés par les différents organismes concernés, le risque total en termes de dépenses de prestations sociales lié aux dossiers en anomalies critiques serait compris entre 245 et 987 millions d'euros (ou entre 290 et 1 170 millions d'euros en appliquant aux dossiers indéterminés le même taux d'anomalies critiques que celui constaté sur les autres dossiers).


* 10 Soit 56,4 % du stock, ce qui est en soi une donnée intéressante. L'échantillonnage ayant été réalisé à partir d'une requête se limitant aux assurés nés à l'étranger non enregistrés comme décédés (soit 17,2 millions de personnes), une extrapolation de ce pourcentage à l'ensemble du stock du Sandia laisse supposer un nombre de dossiers avec prestations de l'ordre de 9,7 millions. À titre de comparaison, selon les dernières données encore provisoires d'Eurostat, environ 8,177 millions de personnes nées à l'étranger vivaient en France au 1 er janvier 2018.

* 11 Le haut de la fourchette, dans l'hypothèse où, cette fois, aucun dossier en anomalie critique ne serait régularisable, est le résultat du calcul 64 308 euros x 21 054 984 dossiers en stock au Sandia / 2000 dossiers de l'échantillon représentatif. Le bas de la fourchette, fondée sur l'observation qu'en 2018, les trois quarts des dossiers réexaminés se sont révélés régularisables, est le quart de ce montant.

* 12 Là encore, il s'agit de « neutraliser » les dossiers indéterminés, soit 246 sur les 1575 examinés, donc 246 x 2000 /1575 dans l'échantillon total. Ce qui donne, pour le haut de la fourchette, la formule 64 308 euros x 21 054 984 dossiers en stock au Sandia / (2000 - 246 x 2000 / 1575) dossiers de l'échantillon représentatif.

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