ANTICIPER LES RELATIONS AVEC L'IRLANDE POST BREXIT RESTE POSSIBLE

La dimension la plus simple consiste à rendre les deux règlements du 11 décembre 2013 relatifs au RTE-T et au MIE cohérents avec le retrait du Royaume-Uni. Un vrai travail en profondeur, indispensable que le Brexit s'accompagne ou non d'un accord (A).

La seconde direction est plus ardue, car elle consiste à redéfinir non pas un, mais deux corridors (B).

ACCOMPLIR À TEMPS UN TRAVAIL EN PROFONDEUR

À en croire la proposition du 1 er août 2018, il suffirait d'ajouter une ligne dans l'une des annexes du règlement n°1316/2013 du 11 décembre 2013 pour que le dispositif soit adapté au Brexit , singulièrement à sa version « dure ». Curieuse affirmation pour qui a lu ses règlements et leurs annexes !

En effet, il est donc indispensable de revoir des dizaines de pages
- comportant des cartes, listes et descriptions des « noeuds » de toute nature (principalement des ports, des aéroports et des canaux de communication), outre l'énumération des points de passages frontaliers par exemple. Simple sur le plan conceptuel, ce travail, qui reste à accomplir, est matériellement substantiel 7 ( * ) . Il devrait être achevé d'ici le 29 mars 2019, sauf à conserver des dispositions obsolètes dans des textes fondateurs pour la politique des transports. L'inconvénient serait alors très supérieur au douteux avantage procuré par la modification d'une liste elle-même datée.

Une obligation comparable de mise à jour s'appliquera aux autoroutes de la mer, dont le réseau très dense dans la Manche et en mer du Nord sera inévitablement amputé de ses nombreux embranchements qui desservent aujourd'hui les ports britanniques 8 ( * ) .

Mais l'essentiel n'est pas dans cette simple mise à jour documentaire, car il faudra bien adapter les voies de communication terrestres inscrites dans le réseau transeuropéen de transports.

REVOIR DEUX CORRIDORS

La tentation peut être forte de limiter l'adaptation des corridors à la seule liaison « Mer du Nord - Méditerranée ». C'est d'ailleurs ce que la Commission européenne a préconisé, au moins à titre transitoire. Il est évidemment exclu d'écarter cette modification, ne serait-ce que pour les raisons exposées précédemment. Mais la géographie et les temps de trajet maritime se conjuguent pour imposer que la révision porte également sur le corridor atlantique.

CORRIDOR MÉDITERRANÉEN

En effet, poids-lourds et remorques non accompagnées vont massivement emprunter des ferries afin de rejoindre le continent européen depuis l'Irlande, ou d'effectuer le voyage en sens inverse.

Les conditions de ces transports justifient deux observations :

- la brusque hausse de la demande pour ce type de navire aura fatalement une incidence très sensible sur le prix des trajets ;

- la voie routière étant dès aujourd'hui la moins coûteuse pour les opérateurs, sa compétitivité devrait s'accroître très nettement, si bien que la demande de transport maritime direct entre l'Irlande et le continent privilégiera au maximum les itinéraires les plus courts. Les quantités en cause n'ont rien de modeste, puisque l'Irlande exporte annuellement des biens atteignant 20,5 millions de tonnes en direction de ports britanniques, y compris via le « long bridge » 9 ( * ) .

En vertu de cette seconde observation, le trafic entre les ports irlandais, d'une part, les ports bretons ou normands, d'autre part, devrait s'accroître très sensiblement, à condition toutefois que la liaison avec leur hinterland se déroule sur des infrastructures dont les capacités seront cohérentes avec une circulation accrue.

Or, la carte ci-après met en évidence un fait nouveau directement imputable au Brexit : le corridor atlantique récupérera nécessairement, au moins sur une partie de son itinéraire, les poids-lourds participant aux relations commerciales avec l'Irlande via des ports bretons ou normands qui font actuellement partie du réseau général (Brest, Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg et Caen, le port de Dieppe étant situé entre ce corridor et celui qui relie aujourd'hui la mer du Nord à la Méditerranée).

Il conviendra donc d'intégrer ce corridor dans le schéma européen des liaisons avec l'Irlande, au moins par des embranchements - à définir - vers les ports français concernés.

C'est ici le moment d'observer que la révision de ces corridors devra prendre en compte notamment le rapprochement programmé entre ports français de Caen à Marseille, en passant par Le Havre, Rouen et Paris, sans négliger les incidences à venir de la liaison Lyon-Turin, située sur le corridor méditerranéen, mais après une section commune avec le corridor « mer du Nord - Méditerranée ». Voilà qui risque fortement d'influencer les données à prendre en compte pour examiner un éventuel aménagement du contournement de Lyon...

Les ports du réseau global et ceux du réseau central concernés

Source : Motorways of the sea. Detailed Implementation Plan of the European Coordinator, Brian Simpson

Légende :

Port du réseau central (Le Havre, Rouen, Calais et Dunkerque)

Port du réseau global (Brest, Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg, Caen et Dieppe)


* 7 L'éventuelle mise en oeuvre de l'article 46, point 6, du règlement n° 1315/2013 sur le RTE-T, qui autorise la Commission à établir par acte délégué « des cartes indicatives de pays voisins » suppose des « accords à haut niveau concernant les réseaux d'infrastructures de transport conclus entre l'Union européenne et les pays voisins concernés ». Les réseaux effacés dans les annexes au règlement de 2013 seront peut-être rétablies, mais dans un document distinct...

* 8 Par ailleurs, M. Simpson devra quitter son poste, puisqu'il est de nationalité britannique.

* 9 Source : European Parliament. Research for TRAN Committee - BREXIT : transport and tourism - the consequences of a no-deal scenario. Policy Department for Structural and Cohesion policies. Septembre 2018. Cette étude rappelle en outre que les exportations représentent 42 % du PIB irlandais, contre 39 % pour le PIB allemand et 20 % pour le France.

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