B. RAPPROCHER LES STRATÉGIES DES ÉTATS MEMBRES

1. Les divergences des stratégies nationales...

Bien que la loi allemande du 12 mai 2017 ne vise pas de façon plus particulière telle ou telle variété de transport routier, la réalité industrielle, notamment dans les salons de l'automobile, montre que les grandes marques automobiles d'outre-Rhin concentrent leurs efforts sur le véhicule familial , avec une priorité marquée pour les itinéraires autoroutiers, ainsi que les embouteillages urbains. Les prototypes de véhicules totalement autonomes tiennent de la démonstration technologique plus que d'une adaptation aux réalités du marché automobile pour les particuliers.

En France , une réflexion a été conduite sur les véhicules autonomes dans le cadre du plan « Nouvelle France industrielle », dont la principale conclusion sur ce point était que l'autonomie comme valet de parking, dans des embouteillages ou sur autoroute pourrait être atteinte avant 2020, cependant qu'il faudrait une dizaine d'années supplémentaires pour obtenir des véhicules capables de parcourir de façon autonome les mêmes trajets réguliers, alors que l'autonomie totale en tout contexte serait inaccessible au moins jusqu'en 2030. L'ordonnance n° 2016-1057, du 3 août 2016, permet, sous un strict encadrement, la circulation expérimentale de véhicules « à délégation partielle ou totale de conduite », sous réserve d'un décret en Conseil d'État et d'un arrêté interministériel. Publié en février 2017, sous le titre L'automatisation des véhicules , le rapport conjoint produit par l'Inspection générale de l'administration (IGA) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGDD) préconise de nommer un responsable national de la conduite automatisée, d'accroître l'effort de recherche, de renforcer les réseaux de communication, enfin d'envisager les modifications que devront connaître les politiques routières et de sécurité. Fin octobre 2017, Mme Anne-Marie IDRAC a été nommée « Haute représentante pour le développement des véhicules autonomes ».

Les industriels français travaillent également à l'autonomie du véhicule familial, mais leur avance est notable pour un segment très spécifique : la prolongation des transports en commun par des navettes, également utilisable sur les sites privés de grandes entreprises. Présenté le 8 novembre 2017, le dernier modèle de navettes (sans volant ni pédales) a presque la taille d'un véhicule familial, avec six places. Son prix (250 000 euros environ) le destine cependant à des entreprises plus qu'à des particuliers.

Enfin, le Royaume-Uni affiche une ambition planétaire en matière de conduite sans chauffeur. La première étape remonte à juillet 2015, avec l'énoncé de règles détaillées organisant les essais de véhicules sans chauffeur 27 ( * ) . Plus récemment, une stratégie nationale en ce sens a été explicitée le 30 mars 2017 et dotée de subventions supérieures à 100 millions de livres au départ.

Dès le 24 avril, le consortium d'entreprises britanniques Driven annonçait que des convois de véhicules connectés seraient essayés sur les routes britanniques à l'horizon 2019, grâce à une subvention de 10 millions d'euros versés par le gouvernement. De tels convois pourraient avoir bientôt pour application pratique la circulation de poids-lourds connectés parcourant des milliers de kilomètres sur les autoroutes européennes .

2. ... surmontées grâce aux corridors d'essais

La déclaration d'Amsterdam, du 14 avril 2016, constitue une première : réunis à Amsterdam les 14 et 15 avril 2016, les ministres des transports ont adopté dès le premier jour une « déclaration » constatant la nécessité d'une approche « plus coordonnée » entre États membres. Les ministres ont affirmé cinq objectifs : travailler à la mise en place d'un réseau cohérent destiné à la conduite automatique et connectée, si possible à l'horizon 2019 ; mettre en commun les développements obtenus en matière de transport automatique et connecté, afin de d'améliorer la sécurité routière, la fluidité du trafic et de réduire le coût environnemental du transport routier ; adopter une approche fondée sur le principe « apprendre par l'expérience » incluant la coopération transfrontalière et l'élaboration du guide pratique destiné à garantir l'interopérabilité des systèmes et des services ; soutenir l'innovation afin de renforcer la place de l'industrie européenne dans le marché global ; protéger les données nominatives et la vie privée .

La plate-forme « C-ROADS » (abréviation de « connected roads » : routes connectées), créée en octobre 2016, réunit douze États membres 28 ( * ) , ainsi que des représentants de l'industrie. Financée par l'Union européenne via le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), cette plate-forme doit favoriser la formation mutuelle sur les essais réalisés. Elle doit aussi planifier les expériences transfrontalières, de façon « intensive ».

Sans plus attendre, la France et l'Allemagne ont annoncé en février 2017 leur intention de créer un site expérimental transfrontalier de voitures autonomes, entre Metz et la Sarre.

Ce corridor est agrandi jusqu'à la Suisse et la Norvège par la déclaration du 23 mars 2017, afin d'éviter la fragmentation juridique de l'espace européen, d'offrir un environnement favorable au secteur des télécommunications  et de proposer à l'industrie automobile un espace d'expérimentation à grande échelle .

Le 22 mai 2007 , la Commission européenne a déclaré vouloir lancer fin 2017 des appels d'offres portants sur l'utilisation de couloirs transeuropéens expérimentaux destinés aux voitures connectées . Ces couloirs doivent être définis avec les États membres pour décembre 2017 au plus tard. L'étude d'impact portant sur les systèmes de transport intelligent coopératifs (STI-C) annonce dans ce même document doit permettre d'estimer le niveau d'harmonisation pertinent pour assurer « l'interopérabilité et la continuité des STI-C à travers l'Europe en vue d'améliorer de manière significative la sécurité routière et l'efficacité du trafic ». L'étude d'impact devrait s'étaler sur le second semestre 2017.

Le deuxième dialogue de haut niveau sur le véhicule autonome, qui s'est déroulée à Francfort les 14 et 15 septembre, déjà mentionné, a également débouché sur l'engagement de réaliser de nouveaux tests transfrontaliers entre la Finlande, la Norvège et la Suède.

Ainsi, les départs en ordre dispersé des États membres tendent à se structurer autour du besoin d'offrir aux opérateurs industriels concernés un champ d'expérimentation en conditions réelles à la hauteur du défi planétaire à relever. Une véritable réussite au vu des obstacles à surmonter pour présenter l'indispensable front européen sur la scène mondiale.

Encore faut-il que les acteurs industriels et scientifiques rapprochent leurs moyens au sein de consortiums économiques.

Le programme eCall , une initiative modeste à ce jour

Constitués en application de la directive 2010/40/UE du 7 juillet 2010 concernant le déploiement de systèmes de transport routier intelligent, plusieurs groupes d'experts ont remis en février 2013 des recommandations à la Commission européenne, qui les a reprises à son compte.

Une seule, cependant, est parvenue au terme de son parcours législatif : eCall , un dispositif gratuit d'alerte en cas d'accident, dont la mise en oeuvre devrait sauver quelque 2 500 vies chaque année sur le réseau routier de l'Union . Les informations transmises dans ce cadre seront limitées à la catégorie de véhicules, au carburant utilisé, à l'heure et au lieu de l'accident. Elles ne pourront être transférées à aucune tierce partie. La mise en conformité des infrastructures a été décidée début 2014.

eCall devrait être généralisé sur les véhicules mis en en circulation à compter de mars 2018.

Afin de préparer cette mise en oeuvre, un test grandeur nature a été réalisé du 10 au 31 octobre 2017, par des camions ayant parcouru l'itinéraire Turin-Lubliana-Athènes-Ostrava (en République tchèque).


* 27 Department for transport. The pathway to Driverless Cars: A Code of Practice for testing. Moving Britain Ahead (Le chemin vers les voitures sans chauffeur : un code de bonnes pratiques pour les essais. Pousser la Grande Bretagne en avant).

* 28 L'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Finlande, la France, la Hongrie, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Un,i la Slovénie, la Suède et la République tchèque.

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