LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

1. Développer à grande échelle des essais de voitures sans chauffeur 2 ( * ) sur les routes de l'Union européenne et au maximum sur celles d'États voisins.

2. De même, expérimenter les protocoles de communication susceptibles d'être utiles aux futurs véhicules coopératifs.

3. Agir au sein des Nations unies pour adapter les textes élaborés dans cette enceinte aux nécessités des expérimentations à conduire, puis pour tirer les conséquences juridiques des résultats obtenus dans l'assistance poussée aux conducteurs.

4. Lorsque des formes très poussées d'assistance auront été autorisées à emprunter les voies de communication terrestres, mettre progressivement fin à la circulation de véhicules par trop dépourvus d'assistance, afin d'éviter que l'hétérogénéité du parc ne devienne cause d'accidents.

5. Accompagner l'apparition de voitures autonomes avec des prescriptions juridiques spécialement élaborées à leur intention, afin de pallier d'avance l'irréalisme - dans leur cas - de procédures judiciaires courantes lorsque des conducteurs humains sont mis en cause.

5. Favoriser le développement de services autonomes de transport public empruntant des axes routiers spécialement aménagés à cet effet, par exemple des navettes empruntant un itinéraire déterminé, avec des arrêts à la demande pour charger ou décharger des passagers.

6. Agir au niveau international pour garantir la protection des données personnelles recueillies sur le territoire de l'Union européenne.

7. S'opposer à l'homologation de véhicules dépourvus de volant et de pédales, pouvant circuler sans personne à bord, jusqu'à ce que leur cybersécurité soit parfaitement assurée.

AVANT-PROPOS

Présentée comme un moyen radical de réduire la mortalité sur les routes - surtout aux États-Unis, où la mortalité routière atteint un record parmi les pays développés, avec un taux deux fois plus élevé qu'en Europe, proportionnellement à la population -, la conduite sans chauffeur devrait diminuer drastiquement les accrochages caractérisant les zones urbaines, ainsi que les accidents sur autoroute. Pour le reste du réseau, trop de paramètres interviendront et trop d'incertitudes demeurent aujourd'hui pour formuler une prévision sérieuse, mais il semble réaliste d'envisager une baisse substantielle des sommes versées par les assureurs, sauf à réévaluer substantiellement les barèmes d'indemnisation, comme l'Allemagne l'a fait pour les véhicules autonomes au printemps 2017. L'incertitude demeure également quant à l'acceptation par les consommateurs d'un voyage effectué sans volant ni pédales...

Le robot-voiture conçu comme un salon sur roues - prenant toujours en charge la totalité du trajet quels que soient l'état de la route ou les conditions météorologiques et se garant tout seul - reste une vision de long, voire de très long terme.

La perspective temporelle est incontestablement bien plus rapprochée si l'on envisage la circulation autonome restreinte à une partie du domaine routier, par exemple sur autoroute : le délai ne devrait pas dépasser deux ou trois ans, au maximum.

D'autre part, sont déjà disponibles des équipements de sécurité basés sur l'intelligence artificielle et déléguant à celle-ci une large part du rôle traditionnellement confié aux chauffeurs. Ainsi, les régulateurs de vitesse les plus avancés ralentissent au besoin pour éviter la collision avec les véhicules qui précèdent ; ils peuvent lire les indications de vitesse maximale et les respecter ; ils sont à même de reconnaître la signalisation à l'entrée des agglomérations, afin de réduire la vitesse dans la mesure exigée par le code de la route. Ces dispositifs de sécurité procurant une assistance poussée à la conduite connaissent aujourd'hui une diffusion comparable à celle qui présida jadis à la généralisation d'équipements de confort comme l'autoradio, la climatisation, la condamnation centralisée des portes ou le réglage électrique des sièges. Dès aujourd'hui, des camions autonomes opèrent déjà sur des chantiers et des navettes dépourvues de chauffeur transportent des salariés sur les voies parcourant des sites industriels.

La réflexion sur la conduite sans conducteur porte donc sur le présent et sur un avenir pour l'essentiel imminent à un niveau planétaire.

Les enjeux de la circulation sans chauffeur sont cruciaux (I), mais l'absence d'un cadre juridique commun entrave l'action de l'Union européenne (II), qui voit son rôle confiné pour l'essentiel à l'incitation (III).

I. LES ENJEUX CRUCIAUX DE LA CIRCULATION SANS CHAUFFEUR

Les plus grands enjeux de la conduite sans chauffeur concernent la sécurité routière (A), l'équipement des infrastructures (B) et le rôle de l'intelligence artificielle au volant (C).

A. SÉCURITÉ ROUTIÈRE : VRAIE PROMESSE OU MIRAGE ?

La mortalité routière est extrêmement diverse de part et d'autre de l'Atlantique, avec deux fois plus de morts aux États-Unis qu'en Europe en proportion de la population, soit 33 000 décès annuels au nord du Rio Bravo pour 323 millions d'habitants 3 ( * ) , contre 25 000 morts sur les routes du Vieux continent, où résident quelque 510 millions de personnes 4 ( * ) . Pourtant, la faute humaine semble jouer un rôle comparable dans les deux cas, puisqu'elle expliquerait quelque 90 % des morts . Dans ces conditions, on pourrait idéalement espérer qu'une robotisation intégrale éliminant ce facteur pourrait diviser par dix l'incidence de cette mortalité.

Accueillant Mme Bulc, commissaire européenne chargée des transports, et ses homologues du G7 au salon de Francfort, le 17 septembre 2015, le ministre allemand des transports a loué les mérites de la conduite automatique, telle qu'elle est mise en route par une célèbre marque automobile de luxe du groupe VAG. Le président du directoire d'Audi s'est également adressé à ses éminents visiteurs en les assurant que l'intelligence artificielle appliquée aux transports automobiles pourrait sauver 900 000 vies par an à l'échelle du globe et réduire de 36 millions le nombre annuel de blessés.

La conduite sans chauffeur devrait diminuer drastiquement les accrochages caractérisant les zones urbaines 5 ( * ) , ainsi que les accidents sur autoroute. Pour le reste du réseau, trop de paramètres interviendront, trop d'incertitudes interdisent aujourd'hui de formuler une prévision chiffrée, mais il semble réaliste d'envisager une baisse conséquente des sommes versées par les assureurs, sauf à réévaluer substantiellement les barèmes d'indemnisation, comme l'Allemagne l'a fait au printemps 2017 6 ( * ) .

L'expérience des rares accidents impliquant des véhicules circulant en mode autonome met en évidence les risques inhérents à la coexistence de conducteurs humains et de robots , l'automatisation n'étant guère compatible avec la part d'irrationalité qui subsiste toujours parmi les humains, en sus du principal point faible de la conduite autonome : l'acquisition et le traitement des images.

Les images acquises peuvent être mal interprétées, ainsi que le montrent les exemples ci-dessous : l'interprétation d'un panneau « stop », parfaite avec une vue de face bien éclairée, peut être détériorée en raison d'une simple inclinaison de ce panneau, a fortiori lorsque celui-ci est plus ou moins modifié. 7 ( * )

De façon générale, le talon d'Achille de l'Internet des objets reste aujourd'hui la cyber-vulnérabilité . La présence de passagers à bord de véhicules connectés rend cette problématique particulièrement prégnante. L'acceptabilité sociale de la conduite connectée dépendra en partie de la cybersécurité. L'automatisation de la conduite automobile suppose une connectivité généralisée, complétée par un système de communication entre véhicules, entre les véhicules et l'infrastructure, enfin, une communication homme-véhicules un point qui mérite de figurer dans la réflexion prospective.

Des individus mal intentionnés ne peuvent a priori susciter que des inconvénients d'ampleur limitée, mais un État hostile ou une organisation terroriste suffisamment puissante pourraient provoquer des dommages de grande ampleur. La connectivité généralisée des véhicules comporte aujourd'hui le risque de les voir transformés en robots tueurs.

Conduite automatisée et emplois

Faut-il craindre une hémorragie d'emplois, à plus ou moins long terme dans le fret routier ?

À court terme, il faut plutôt s'attendre au recrutement de techniciens et d'ingénieurs.

Pour la suite, une étude publiée au printemps 2017 8 ( * ) fournit une estimation de l'évolution des emplois d'ici 2040 : l'Europe perdrait quelque 400 000 chauffeurs routiers, dont le nombre passerait de 3,2 à 2,8 millions. Cette évolution réduirait les débouchés pour les jeunes générations, mais ne serait pas source de chômage pour leurs aînés , car la pyramide des âges provoquera des départs à la retraite en nombre supérieur aux réductions d'effectifs.


* 2 L'essai de voitures sans chauffeur consiste à faire circuler un véhicule équipé pour être autonome, mais l'opération est habituellement supervisée à bord par un conducteur chevronné qui intervient en cas de besoin.

* 3 Chiffres pour 2016. Source : United States census bureau (Bureau du recensement des États-Unis).

* 4 Au 1 er janvier 2016. Source : Eurostat.

* 5 Les spécificités de la mobilité en zone urbaine (francilienne) sont abordées dans le rapport du Boston Consulting Group Réinventer la mobilité urbaine et périurbaine à l'horizon 2030 , publié en novembre 2017.

* 6 La loi définitivement adoptée le 12 mai 2017, tendant à faciliter l'expérimentation de la conduite autonome sur les routes allemandes, a doublé le montant maximal des indemnisations, portées à 2 millions d'euros pour les dommages matériels et à 10 millions pour les dommages corporels.

* 7 Source : Robust Physical-Word Attacks on Deep Learning Models, 13 septembre 2017.

* 8 Managing the Transition to Driverless RoadFreight Transport (Gérer la transition vers un fret routier sans chauffeurs) publiée le 30 mai 2017 par l'International transport forum (Forum international du transport).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page