D. COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 20 JUILLET 2017, SUITE À LA VISITE DU SALON INTERNATIONAL DE L'AÉRONAUTIQUE ET DE L'ESPACE AU PARC DES EXPOSITIONS DU BOURGET LE 20 JUIN 2017

Mme Élisabeth Lamure , présidente de la Délégation aux entreprises . - La parole est à notre collègue Jérôme Durain qui nous présente aujourd'hui le compte rendu du déplacement au salon international de l'aéronautique et de l'espace de Paris-Le Bourget que nous avons effectué le 20 juin dernier.

M. Jérôme Durain . - En effet, la présidente ainsi que huit membres de notre délégation, dont moi-même, nous sommes rendus mardi 20 juin au salon du Bourget, à l'invitation du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (le GIFAS), pour y rencontrer plusieurs entreprises du secteur aéronautique et aérospatial. Cet évènement, dont la première édition remonte à 1909 au début de l'aventure de l'aviation, rassemble tous les deux ans les professionnels et le grand public autour des dernières innovations technologiques du secteur. Comme vous le savez, il est également l'occasion de rencontres permettant la signature de contrats d'achat ou de partenariat. L'enjeu économique du salon du Bourget est majeur pour toute la filière de l'aéronautique et du spatial. Cette année, « Le Bourget » a reçu 2300 exposants en provenance de 50 pays, 27 pavillons nationaux et près de 330 000 visiteurs dont 140 000 professionnels. Le chiffre d'affaires réalisé lors de la présente édition du salon est estimé à 150 milliards de dollars. Même en considérant que certains des contrats signés au Bourget avaient été négociés et acquis en amont, l'importance de cette somme illustre le rôle international majeur de l'évènement pour les constructeurs et l'ensemble de leurs filiales et sous-traitants.

De fait, ces entreprises se structurent en véritable « filière » de l'aéronautique et du spatial, du grand constructeur à la petite start-up en passant par les différentes filiales nationales ou PME régionales. C'est en fonction de ces différentes spécificités du secteur que nous avons construit notre parcours de visite -un vrai parcours du combattant avec un minutage serré et une chaleur intense !- . Nous avons ainsi été reçus aussi bien par des acteurs publics de l'aérospatial comme le CNES (Centre National d'Études Spatiales) que par des grandes entreprises bien connues du grand public (Dassault, ArianeGroup). Mais nous avons également visité le pavillon de Stelia. Cette filiale à 100 % d'Airbus Group, implantée notamment en France, compte 6 600 employés dans le monde. Elle assure la conception et la fabrication d'aérostructures, de sièges pilotes et des fauteuils des classes « Affaires » et « Première classe ». Stelia travaille pour la plupart des constructeurs internationaux - Airbus bien sûr mais également Dassault, Boeing et Bombardier-. Lors de nos rencontres, nous avons évidemment évoqué l'impact économique du secteur au travers des PME sous-traitantes qui structurent une grande partie de nos territoires, par exemple autour de Toulouse et Bordeaux. Stelia sous-traite ainsi près de 80 % de son activité. 85 % de cette activité sous-traitée concerne des sous-traitants français. Avec 70 millions d'euros investis dans la production et 20 millions dans la recherche, cette filiale joue un rôle d'entraînement de l'ensemble de la filière en France.

Stelia nous a notamment présenté son projet d'usine du futur à Méaulte dans la Somme. Cette usine, qui a nécessité deux ans de travail et 70 millions d'euros d'investissement, permet de réorganiser désormais l'ensemble des flux de l'établissement spécialisé dans la construction des pointes avant d'Airbus et d'ensembles pour Embraer et Bombardier. Le système s'est modernisé avec le regroupement des étapes de production en un lieu unique et l'installation de « cobots », terme utilisé pour décrire des « robots collaboratifs ». L'usine du futur de Méaulte a ainsi permis des gains de productivité de l'ordre de 15 %. Les usines en France se spécialisent ainsi dans les travaux techniques et de pointe nécessitant une certaine qualification. La production plus basique est localisée dans d'autres pays, notamment au Maghreb. Refusant le terme de délocalisation, Stelia qualifie son système de production de « colocalisation » garantissant ainsi à la fois des emplois en France et le maintien de la compétitivité de l'entreprise. Les dirigeants rencontrés estiment que ce système est la clef de leur réussite et devrait pouvoir inspirer les autres PME et ETI françaises.

À la fin de notre visite, nous avons pu avoir un bref échange avec les responsables de la fédération professionnelle, le GIFAS. Ce groupement réunit à lui seul 20 constructeurs, 167 équipementiers et 177 PME avec un poids de 185 000 employés. Toutefois, le GIFAS estime à 350 000 le nombre d'emplois totaux concernés par l'aéronautique et le spatial tout en évaluant à 10 000 le nombre de recrutements du secteur par an.

L'aéronautique et l'aérospatial sont ainsi au coeur des métiers d'avenir et un des premiers secteurs d'innovation où la recherche et le développement jouent un rôle majeur. Les atouts du crédit impôt recherche ont encore été soulignés à cette occasion. Le salon du Bourget a souhaité cette année dédier tout un espace aux laboratoires des grands groupes, aux start-ups et aux PME spécialisées dans l'innovation et la recherche de demain. Cet espace novateur appelé « Paris Air Lab » nous a ainsi permis de prendre conscience des différents potentiels de la réalité augmentée, de la simulation par ordinateur ou des applications pratiques de la construction de drones de nouvelle génération. Nous y avons rencontré plusieurs PME et start-ups innovantes qui souhaitent pouvoir continuer à travailler dans ces secteurs avec l'aide des différents investisseurs publics et privés.

Naturellement, l'ensemble des entreprises nous ont également fait part des difficultés rencontrées à l'occasion de certaines commandes publiques ou de changements de réglementation fiscale. Plus particulièrement, les représentants des starts-ups et PME innovantes ont souhaité attirer notre attention sur la nécessité de favoriser le développement du capital-risque en France et en Europe. Ces fonds d'investissement apparaissent comme essentiels dans l'accompagnement des jeunes entreprises innovantes. Leur développement représente un enjeu économique majeur : « Les start-ups sont les forces spéciales de notre économie » nous indiquait ainsi Arnaud Le Maout, ancien militaire et fondateur d'Airborne, concepteur de drones. Dans le cadre de ses prochains travaux et en amont des débats sur la prochaine loi de finances, la délégation pourra reprendre contact avec ces entreprises qui restent en attente de simplification administrative et de stabilité réglementaire et fiscale.

Sur ce dernier point, les grands groupes ont également souligné leur besoin de visibilité à long terme, en matière de fiscalité et de réglementation mais aussi de gestion de la commande publique. Les représentants de Dassault ont évalué à 25 % le surcoût du travail en France par rapport aux États-Unis sur une unité de production similaire. Faute de flexibilité horaire et salariale, Dassault nous a dit avoir été contraint de renoncer à des embauches. L'entreprise indique que, malgré sa fibre patriotique, elle pourrait envisager de partir à l'étranger si rien ne changeait. Il nous faut veiller à ce que ces filières d'excellence ne soient pas entravées par des règlementations qui pénalisent leur compétitivité internationale.

Je finirai mon intervention en évoquant une autre inquiétude qui nous a été signalée par les représentants de la fédération professionnelle de l'aéronautique et du spatial: le secteur manque parfois de compétences qui se font de plus en plus rares. Il y a une inadéquation persistante entre le niveau de formation attendue par l'industrie aéronautique et l'enseignement délivré en France. Stelia a ainsi dû créer à Méaulte son propre lycée privé spécialisé dans l'aéronautique pour permettre aux jeunes d'acquérir les savoirs nécessaires.

Enfin, le représentant de la fédération professionnelle a conclu son propos en nous précisant que, selon lui, il était plus efficace pour l'ensemble de la filière de soutenir les entreprises qui gagnent, comme en Allemagne, plutôt que de soutenir celles qui perdent.

Nous ne manquerons pas d'évoquer l'excellence de la filière aéronautique et aérospatiale lors de notre prochain déplacement en Guyane où nous visiterons le Centre Spatial Guyanais. Arianespace et le CNES nous ont déjà décrit plusieurs programmes ambitieux concernant l'exploration martienne et le nouveau pas de tir à Kourou pour Ariane 6 qui permettra d'améliorer sensiblement les procédés et la cadence de lancement des prochains satellites. Dans un secteur devenu particulièrement concurrentiel avec de nouveaux acteurs publics (Chine, Japon, Inde) et privés (SpaceX aux États-Unis), l'Europe et la France doivent pouvoir continuer à soutenir leurs industries et maintenir leur savoir-faire. À ce sujet, il est intéressant de noter qu'il existe dans le secteur aéronautique de nombreux projets collaboratifs entre différentes entreprises issues de différents pays. Dassault a notamment évoqué une coopération étroite entre la France et le Royaume-Uni en matière de drones de combat. Pour l'instant, ces coopérations franco-britanniques ne sont pas remises en cause par le Brexit.

L'enjeu en termes de compétitivité et d'emplois pour nos territoires n'est pas à négliger. Les représentants d'Ariane Group estiment ainsi que les emplois indirects générés par le seul spatial représentent jusqu'à 9 fois le nombre d'emplois directs : un emploi créé dans le spatial en vaut donc dix sur le territoire !

Nous avons été nombreux à participer à ce déplacement. Peut-être que d'autres souhaiteraient également faire part de leurs impressions à la suite de cette visite qui fut, de mon point de vue, particulièrement intéressante et instructive.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Merci pour ce compte rendu fidèle de nos différentes rencontres au Bourget. Nous pouvons être fiers de cette filière particulièrement innovante et essentielle pour notre commerce extérieur.

Mme Nicole Bricq . - La filière aérospatiale est en pleine expansion commerciale. Toutefois, l'entreprise Stelia nous a alertés sur la question de la fragilité de certaines PME en lien avec les équipementiers et les constructeurs. La filière aérospatiale est constituée non seulement de grands groupes mais également d'une myriade de petites entreprises implantées dans nos régions. Je pense notamment à la Mecanic Vallée du côté du Lot et de l'Aveyron mais également à l'Ile-de-France, première région aéronautique française avec Safran. Avec Airbus, la France et ses partenaires européens participent à l'assemblage des avions mais cette économie repose en France sur des petites entreprises qui, parfois, hésitent à rénover leur outil de production et à investir dans les compétences ou le savoir-faire. Or, la concurrence de l'étranger est croissante, notamment en provenance de Chine : notre industrie aéronautique doit parer à cette concurrence sur le bas et le moyen de gamme. Notre mission est donc d'encourager ces entreprises de deuxième et de troisième rang à investir.

Le déplacement au Bourget était particulièrement intéressant. J'ai eu plaisir d'y retourner à l'invitation d'Augustin de Romanet, président d'Aéroport de Paris (ADP), qui, à cette occasion, a souligné la perte d'attractivité de nos plateformes aéroportuaires. Les multiples contrôles de sécurité et les attentes que subissent les passagers à Paris pénalisent ADP. Les autres aéroports européens tels qu'Amsterdam-Schiphol ou Francfort semblent assurer un niveau de sécurité équivalent à nos aéroports tout en limitant les nuisances que les contrôles engendrent pour les passagers.

M. Olivier Cadic . - Pour les grands groupes, l'attractivité de la France et de l'Europe dépend effectivement du savoir-faire local des PME à la pointe de la technologie et de l'innovation : c'est une question stratégique. Les représentants d'Ariane Groupe nous ont également rappelé qu'une grande partie de la technologie utilisée pour les lanceurs provient de la recherche liée à la défense nucléaire. Les investissements publics en faveur de la défense nationale ont donc des effets induits positifs sur le développement de l'industrie spatiale civile. Un engagement financier qui peut paraître important à une époque peut ainsi se traduire à terme par des effets positifs sur notre industrie locale.

S'il existe des sociétés en fin de cycle, il existe aussi des sociétés en formation dont il faut pouvoir aider le développement. Ce sont ces jeunes pousses de l'industrie du futur qu'il est nécessaire d'accompagner en priorité.

Mme Élisabeth Lamure , présidente . - Merci pour ces analyses que je partage.

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