II. LES NOUVELLES RÈGLES DE COMPTABILISATION DE L'AIDE POURRAIENT CONDUIRE À DIMINUER L'APD DE LA FRANCE COMPTABILISÉE DANS CETTE ZONE

Le Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est chargé de comptabiliser l'aide publique au développement accordée par ses États membres. C'est à l'aune de ces chiffres qu'est apprécié le respect de l'objectif d'accorder 0,7 % de son RNB au développement. Si comptabiliser les dons ne soulève pas de difficulté particulière, calculer l'aide résultant des prêts est plus complexe. Des règles ont été fixées en 1972 par l'OCDE et ont été modifiées en décembre 2014. Ces nouvelles règles s'appliqueront à compter de 2018 et pourraient avoir des conséquences importantes sur l'APD engendrée par les interventions de la France en Amérique latine .

A. JUSQU'EN 2018 : DES RÈGLES FAVORABLES EN PHASE D'AUGMENTATION DES ENGAGEMENTS MAIS DÉFAVORABLES À MOYEN TERME

La première étape pour comptabiliser l'APD générée par un prêt est de calculer son « élément don » . Pour cela, on calcule la différence entre, d'une part, la valeur nominale du prêt accordé et, d'autre part, la somme des annualités (capital et intérêts) versées par l'emprunteur, actualisée à un taux de 10 % par an. L'élément don est égal au rapport, exprimé en pourcentage, entre la différence ainsi définie et le montant nominal du prêt.

Exemple de calcul de l'élément don d'un prêt

La France accorde un prêt de 150 millions d'euros à un taux annuel de 6 % sur 30 ans, avec une période de grâce (aucun remboursement en capital) de 10 ans. Les échéances sont annuelles.

Le montant nominal du prêt est de 150 millions d'euros.

La somme des annualités est égale à 90 millions d'euros durant la période de grâce (9 millions d'euros par an correspondant aux seuls intérêts), auxquels s'ajoutent 261 millions d'euros d'annualités pendant les 20 années suivantes (13 millions d'euros environ par an), soit un total de 351 millions d'euros. Une fois actualisé à un taux annuel de 10 %, ce montant est ramené à 98,2 millions d'euros.

On obtient donc une différence entre le montant nominal du prêt et la somme actualisée des annualités égale à 51,8 millions d'euros. En faisant le rapport entre ce montant et le montant nominal du prêt (51,8/150) on obtient un élément don de 34,5 %.

Selon les règles actuellement en vigueur, un prêt peut être déclaré en APD dès lors qu'il présente un élément-don d'au moins 25 % , quel que soit le pays destinataire de l'aide.

Lorsqu'un prêt est déclarable en APD, il génère :

- de l'APD « positive » lors des décaissements : chaque versement effectué au profit du pays bénéficiaire est comptabilisé comme s'il s'agissait d'un don ;

- de l'APD « négative » lors des remboursements : chaque remboursement (uniquement en capital) du pays bénéficiaire est comptabilisé comme un don « négatif ».

Il en résulte que sur la durée de vie d'un prêt, l'APD générée est nulle en valeur absolue et légèrement positive en pourcentage du RNB , sous réserve que celui-ci ait augmenté au cours de la période de vie du prêt. Il en résulte également que dans une phase d'augmentation importante de l'encours de prêts - comme cela est le cas pour l'AFD aujourd'hui - l'APD générée est positive et importante, tandis qu'elle deviendra progressivement négative quand les nouveaux prêts accordés ne suffiront plus à compenser les remboursements des prêts antérieurs .

Ces règles ont été critiquées par des organisations non gouvernementales (ONG) ou des organisations internationales pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, le taux d'actualisation de 10 % a été régulièrement critiqué . Étant donné la baisse des taux de financement des principaux bailleurs à la fin des années 90 et au cours des années 2000, son niveau a pu paraître excessif et obsolète. De plus, le fait d'appliquer un taux d'actualisation unique, quel que soit le pays, ne permet pas de tenir compte de son niveau de développement. Or, le financement d'un projet dans un PMA est plus coûteux (règles prudentielles plus contraignantes et risque de crédit plus élevé) et plus complexe à réaliser que dans un pays plus développé 3 ( * ) .

Par ailleurs, les modalités de calcul de l'APD générée par les prêts n'incitent pas les bailleurs à aller au-delà de 25 % de concessionnalité, puisque le montant d'APD générée ne change pas, que l'élément don soit de 25 % ou de 80 % : dans tous les cas, il sera égal aux décaissements (APD « positive ») puis aux remboursements en capital (APD « négative ») et nul à moyen terme.

Enfin, les bailleurs ne sont pas non plus incités à privilégier les pays les plus pauvres, puisque les règles ne sont pas différenciées selon le pays bénéficiaire. On observe d'ailleurs une concentration des prêts sur les pays à revenu intermédiaire.


* 3 Voir Léonardo Puppetto, « Les nouvelles règles pour les prêts d'aide publique au développement : quels enjeux ? », Trésor-Éco n° 161, mars 2016.

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