Rapport d'information n° 665 (2016-2017) de Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2017

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N° 665

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' aide publique au développement de la France en Amérique du Sud ,

Par Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Parfois incomprise et décriée, l'aide de la France en Amérique latine se justifie pleinement dans la mesure où elle permet de renforcer une relation de plus en plus importante, à un coût très raisonnable . En effet, les interventions de l'Agence française de développement (AFD) sur cette zone mobilisent très peu d'argent public et les frais de fonctionnement des agences sur place sont également très modestes, alors même que ces interventions participent de façon importante au résultat brut d'exploitation de l'agence.

2. Les nouvelles modalités de comptabilisation de l'aide publique au développement (APD) générée par les prêts, définies par l'OCDE, risquent de conduire à diviser par deux, à court terme, le montant de l'APD résultant de notre activité en Amérique latine. En revanche, à moyen terme, ces nouvelles règles augmenteront l'aide générée par ces prêts . Selon l'évolution des conditions de financement de la France, il pourra être judicieux d'augmenter les bonifications de prêts sur cette zone, dans des proportions raisonnables , pour permettre de passer le seuil de « déclarabilité », faute de quoi il sera plus difficile d'atteindre l'objectif de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut (RNB) au développement.

3. La Colombie souffrait il y a encore dix ans de l'image d'un pays submergé par la violence et les cartels de la drogue ; elle est aujourd'hui la troisième économie d'Amérique latine et l'un des pays de la zone dont les finances publiques sont les mieux gérées . L'année France-Colombie doit permettre de mettre en lumière l'évolution fulgurante de ce pays , dont les rapporteurs spéciaux ont pu apprécier le dynamisme, l'optimisme, la qualité de l'administration et la place importante que les femmes y occupent.

4. La Colombie est le pays où l'AFD présente l'activité non-souveraine la plus importante (1 milliard d'euros d'encours environ). Les succès constatés dans ce pays doivent conduire à développer l'activité non-souveraine de l'AFD de façon générale , afin d'augmenter ses engagements dans le respect des règles prudentielles et sans mobiliser plus de fonds propres.

5. Sans pour autant gommer tout particularisme, les rapporteurs spéciaux ont pu constater que les problématiques urbaines se posaient souvent dans des termes similaires dans les pays développés et en Colombie. Cette proximité illustre parfaitement la nouvelle logique des objectifs du développement durable , adoptés en 2015 : il s'agit désormais d'un agenda de convergence et les objectifs sont les mêmes dans les pays du Nord et du Sud. Cette convergence des objectifs conduit également à rapprocher notre banque de développement international, l'AFD, et notre banque de développement domestique, la Caisse des dépôts et consignations .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'aide publique au développement (APD) accordée par la France aux pays d'Amérique latine suscite parfois des interrogations . En effet, ces territoires ne correspondent pas à une zone d'influence traditionnelle de la France, malgré une présence sur le continent américain. Cette zone ne représente pas non plus un enjeu direct de sécurité et les échanges commerciaux avec la France y sont relativement limités. Enfin, ces pays ont pour la plupart déjà atteint un niveau de développement important, qui les classe dans la dernière catégorie des pays pouvant bénéficier d'APD. Certains sont même de « grands émergents ». Pourtant, l'Amérique latine représente plus de 20 % de l'aide publique au développement de la France, au sens de l'OCDE .

De même, l'année France-Colombie a permis de mettre en lumière l'évolution fulgurante de ce pays . Il y a dix ans encore, son image était celle d'un pays submergé par la violence et les cartels de la drogue ; elle est aujourd'hui la troisième économie d'Amérique latine et un des pays de la zone dont les finances publiques sont les mieux gérées . Elle est aussi, sans que cela soit connu, l'un des premiers bénéficiaires de l'aide française et la troisième contrepartie de l'Agence française de développement, avec un encours de près de deux milliards d'euros .

Ainsi, afin d'étudier l'aide de la France en Amérique latine et d'en évaluer le coût, tout en examinant spécifiquement les actions entreprises en Colombie, vos rapporteurs spéciaux se sont rendus à Bogotá et Medellín du 27 au 31 mars dernier . Le présent rapport retrace leurs conclusions.

LE BIEN FONDÉ DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE EN AMÉRIQUE LATINE

L'aide publique au développement (APD) accordée par la France aux pays d'Amérique latine peut susciter des interrogations . En effet, ces territoires ne correspondent pas à une zone d'influence traditionnelle de la France, malgré une présence sur le continent américain. Cette zone n'est pas non plus un enjeu direct de sécurité et les échanges commerciaux avec la France y sont relativement limités. Enfin, ces pays ont pour la plupart déjà atteint un niveau de développement important, qui les classe dans la dernière catégorie des pays pouvant bénéficier d'APD. Certains sont même de « grands émergents ».

Cette aide se justifie cependant, en raison des conditions financières dans lesquelles elle est attribuée et de l'enjeu diplomatique que représente cette zone .

I. L'AIDE DE LA FRANCE EN AMÉRIQUE LATINE PERMET DE RENFORCER UNE RELATION DE PLUS EN PLUS SOUTENUE

A. UNE RELATION ANCIENNE QUI PREND DE L'IMPORTANCE

1. Une relation culturelle ancienne et des liens commerciaux en croissance

L'Amérique du Sud n'est pas un partenaire commercial central pour la France : nos échanges avec ces pays ne représentaient ainsi que 2 % de nos importations (énergie et produits agricoles notamment) et 3 % de nos exportations en 2013 (notamment dans le secteur de l'aéronautique civile, de l'automobile, de la pharmacie et de la parfumerie).

Solde échanges de la France
avec les principaux pays d'Amérique du Sud

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Client de
la France

Colombie

259

522

619

461

251

61 ème

Équateur

- 121

- 235

- 226

-214

- 252

109 ème

Mexique

913

1 004

796

834

1 229

25 ème

Argentine

611

774

516

853

692

50 ème

Brésil

408

1 325

1 436

1 878

1 624

19 ème

Pérou

- 98

- 100

- 124

-180

- 126

77 ème

Source : direction générale du Trésor

L'Amérique du sud est néanmoins la seule région émergente avec laquelle la France conserve un excédent commercial (10 milliards d'euros en 2010), de surcroît en augmentation, bien que depuis 2015, la crise que connaît la région l'ait effrité. Comme le montre le tableau, cet excédent est en croissance importante. Si l'on se limite à la période 2012-2015, soit avant la crise, l'augmentation est de 80 % environ en Colombie, de 40 % en Argentine et de 360 % au Brésil.

L'ensemble des grandes entreprises françaises sont présentes dans la zone et la France y est un investisseur important . Son stock d'investissement direct à l'étranger (IDE) est ainsi de 800 millions d'euros en Colombie, de plus de 2 milliards d'euros au Mexique, de près de 3 milliards d'euros en Argentine et de près de 15 milliards d'euros au Brésil.

Au-delà de ces liens commerciaux, la France entretient une relation ancienne avec les pays d'Amérique latine , fondée sur une convergence des valeurs et des références culturelles et philosophiques. L'identité de l'Amérique du Sud est fortement marquée par les mouvements d'indépendance, qui se réclamaient souvent des idéaux de la Révolution française. Malgré l'absence de passé colonial français, on observe une « francophilie », qui s'illustre dans les 250 alliances françaises, qui comptent 140 000 élèves.

De même, cette relation repose également sur le fait que la France est une puissance américaine , à travers les départements de Guadeloupe et de Martinique et de Guyane. Notre plus longue frontière terrestre est ainsi celle avec le Brésil, tandis que la France est membre observateur de l'organisation des États américains.

2. Des pays appelés à jouer un rôle important sur la scène internationale avec lesquels la France partage de nombreuses positions

Au cours des années 2000, l'Amérique latine a connu une période de croissance solide et durable (+ 3,4 % par an entre 2003 et 2008), portée notamment par les prix élevés des matières premières, et a bien résisté à la crise économique mondiale de 2008-2012. Le Brésil constituait la sixième puissance économique mondiale en 2012 et le Mexique la quinzième. Ces résultats ont permis une amélioration de la situation des finances publiques des pays de la zone et une réduction importante de la pauvreté.

Depuis 2015 néanmoins, ces économies affrontent des situations difficiles , à la suite de la chute du prix des matières premières. Ainsi, le real brésilien a perdu 30 % de sa valeur entre octobre 2015 et février 2017 avant de remonter depuis 1 ( * ) , tandis que l'État colombien voyait ses recettes fiscales diminuer de 20 % du fait de la baisse du prix du pétrole. Ces difficultés ne remettent cependant pas en question l'émergence de ce continent sur la scène internationale , symbolisée par exemple par le souhait du Brésil de devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU).

Cette émergence rend encore plus nécessaire le renforcement des liens entre la France et l'Amérique du Sud , d'autant plus qu'on observe une convergence sur de nombreux dossiers internationaux. Ainsi, nous partageons la vision d'un monde multipolaire, le souci du développement et de la diversité culturelle ou encore de la protection de l'environnement .

Ce dernier point s'illustre notamment dans la place de ces pays dans la lutte contre le changement climatique et dans les négociations climatiques : la COP 16 de Cancun en 2010 avait permis de relancer ces négociations après l'échec de la COP de Copenhague en 2009 et de préparer la mise en place du Fonds vert pour le climat, tandis que la « Déclaration de Lima » a servi de base aux discussions de la COP 21 à Paris. De même, le Brésil, qui a annoncé sa volonté de réduire de 37 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2025 et de 43 % d'ici à 2030, joue un rôle moteur dans les négociations et se révèle un conciliateur fondamental entre les pays en développement et les pays développés.

B. L'AIDE DE LA FRANCE EN AMÉRIQUE LATINE

1. Une zone qui représente plus de 20 % de notre APD

La loi de 2014 d'orientation et de programmation de l'aide publique au développement 2 ( * ) prévoit que la France différencie ses modalités d'intervention selon les pays : « la France doit tirer les conséquences de cette hétérogénéité en adaptant ses objectifs et ses modalités d'intervention aux enjeux propres à chaque catégorie de pays. C'est pour répondre à cet objectif et tenir compte des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, que la France met en oeuvre des partenariats différenciés avec quatre catégories de pays . »

S'agissant spécifiquement de l'Amérique latine et des Caraïbes, la loi de 2014 précise qu'il faut aller au-delà de l'aide et que la France y interviendra pour promouvoir une croissance verte et solidaire : « [dans ces pays], qui comptent majoritairement des pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, il s'agira d'aller au-delà du concept de l'aide qui n'est plus adapté à leur situation : la France aura pour objectif de rechercher des solutions partagées à des défis communs et d'associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres. La France y interviendra pour promouvoir une « croissance verte et solidaire » , en y favorisant notamment des partenariats économiques. Le partenariat avec les « très grands émergents », qui mobilisera les acteurs français dans leur diversité, est essentiel pour renforcer le dialogue et préparer ensemble les négociations internationales sur les enjeux partagés. Il se fera sans coût financier pour l'État (hors expertise technique). »

Le cadre d'intervention posé est donc relativement restrictif , dans la mesure où il limite les interventions à la croissance verte et en précisant qu'elles se feront sans coût financier, s'agissant des très grands émergents. Malgré ce cadre, la part de cette zone dans l'aide publique au développement de la France, au sens de l'OCDE, est de plus en plus importante . Comme le montrent les tableaux ci-dessous, cette zone représentait 4 % de l'APD de la France en 2006, contre 21 % en 2015.

Part de l'Amérique latine dans l'APD de la France au sens de l'OCDE
(2006-2015)

APD totale de la France
(en millions de dollars)

Part de l'Amérique latine dans l'APD de la France

2006

10 601

4 %

2007

9 884

6 %

2008

10 908

3 %

2009

12 602

3 %

2010

12 915

8 %

Source : documents budgétaires

APD totale de la France
(en millions de dollars)

Part de l'Amérique du Sud dans l'APD de la France

Part de l'Amérique du Nord et centrale dans l'APD de la France

2012

12 028

13 %

4 %

2013

11 376

6 %

4 %

2014

10 620

12 %

5 %

2015

9 226

18 %

3 %

Source : documents budgétaires

2. Une aide essentiellement sous forme de prêts

L'Amérique latine est une zone d'intervention récente pour l'AFD , qui a été autorisée à intervenir au Brésil en 2006, en Colombie et au Mexique en 2009, au Pérou en 2013, en Équateur et en Bolivie en 2014. Sa présence dans les Caraïbes est plus ancienne, du fait de la proximité avec les départements français d'Amérique. Ainsi, elle intervient depuis 1976 en Haïti et depuis 1997 en République Dominicaine. Dans les années 1990 des opérations ont été réalisées à Sainte-Lucie et en Dominique. Enfin, en 2000, des opérations ont été menées au Suriname, à la suite de l'inscription du pays dans la Zone de solidarité prioritaire (ZSP).

L'AFD compte six agences en Amérique latine (Brésil, Mexique, Colombie, Pérou, Haïti et République Dominicaine) et trois bureaux de représentation (Suriname, Équateur, Bolivie). Un quatrième bureau a été mis en place à Cuba en 2016 et une agence a été ouverte cette année en Argentine.

Dans les pays d'Amérique du Sud, le mandat de l'AFD est de promouvoir une croissance verte et solidaire , conformément à la loi de 2014 précitée. Concernant les cas particuliers du Brésil et du Mexique, deux « très grands émergents », membres du G20, et respectivement septième et quinzième économie mondiale, l'AFD, ses interventions sont réalisées à coût nul pour l'État. Concernant les Caraïbes, le mandat de l'AFD porte sur la coopération régionale - en promouvant notamment des projets présentant un intérêt en termes de coopération régionale pour les départements d'outre-mer français - et la réduction de la pauvreté , en particulier à Haïti, à travers des subventions.

Depuis 2010, les engagements annuels de l'AFD en Amérique latine se sont stabilisés à près d'un milliard d'euros. La répartition par pays peut être très variable en revanche, en fonction des projets. En 2015, l'AFD est intervenue dans 11 pays de la région, avec 20 projets correspondant à 32 concours.

Les engagements de l'AFD en Amérique latine

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Dons projet

8

1

7

2

7

8

Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences

0

0

0

0

0

2

Aides budgétaires globales

20

18

8

0

0

0

Conversions de dettes (dont C2D)

0

0

0

0

0

0

Prêts concessionnels

414

382

782

702

560

598

Prêts non concessionnels et garanties

522

526

152

191

310

201

Autres mandats spécifiques

19

19

0

0

0

0

ONG

0

2

0

3

6

3

Total

983

948

949

898

883

812

Part des engagements

20 %

19 %

20 %

17 %

16 %

14 %

Coût État des prêts

0

1

1

1

5

2

Part du coût État total

0 %

0 %

0 %

0 %

2 %

1 %

Effort financier total

47

41

16

5

21

18

Part de l'effort financier total

6 %

4 %

2 %

0 %

2 %

1 %

Source : documents budgétaires

On observe que les prêts constituent la quasi-totalité des engagements : 98 % en moyenne sur 2010-2015. On note également que la part de l'Amérique latine dans les engagements de l'AFD diminue, passant de 20 % en 2010 à 14 % en 2015, ce qui peut s'expliquer par les limites prudentielles auxquelles est déjà confrontée l'agence sur cette zone. Enfin, l'effort financier est extrêmement réduit : il représente moins de 2 % de l'effort financier total depuis 2012 .

Les interventions de l'AFD en Amérique latine prennent également la forme de projets multi-pays, correspondants aux prêts aux banques régionales de développement : la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Corporation pour le développement andin (CAF).

Les interventions de l'AFD en Amérique latine s'articulent autour du soutien aux « politiques urbaines durables, intégratrices et créatrices d'activités » et de l'accompagnement des politiques de lutte contre le changement climatique et de protection de l'environnement. Ainsi, 70 % des financements octroyés doivent comporter des co-bénéfices climat (contre un objectif global de 50 %), objectif qui a été dépassé en 2015 (77 %).

Ces financements s'accompagnent souvent de programmes de coopération technique.

3. Un coût d'intervention en Amérique latine extrêmement réduit

Le tableau ci-contre détaille, par pays, le coût de ces interventions de l'AFD en Amérique latine. Ainsi, le budget total des agences est de six millions d'euros, sachant que ce coût est autofinancé par l'AFD sur sa marge : l'agence étant un établissement public industriel et commercial (EPIC), elle ne reçoit donc pas de subvention de fonctionnement.

Par ailleurs, le « coût État »», c'est-à-dire les bonifications d'intérêt, y est extrêmement limité et s'élevait à peine à 2,3 millions d'euros en 2015. Les chiffres des années précédentes sont analogues. Les projets financés en République Dominicaine et en Haïti bénéficient quasi systématiquement d'une bonification, mais en dehors de ces cas - et deux prêts souverains au Pérou - l'ensemble des interventions de l'AFD dans cette zone sont effectués à condition de marché, c'est-à-dire à prix coûtant.

Le coût des interventions de l'AFD en Amérique latine

(en millions d'euros)

Budget agence

Autorisations d'engagement

Décaissements

Encours de prêts

Coût État

Effet de levier

Bolivie

1,00

0,30

Brésil

1,37

252,40

1 163,20

Colombie

1,65

277,00

461,70

1 638,90

Grenade

2,00

Équateur

183,30

49,90

49,00

Haïti

1,02

9,20

8,10

Île de la Dominique

1,90

28,60

Mexique

0,80

80,50

-

945,30

Pérou

50,80

40,10

40,00

République dominicaine

0,82

30,00

165,00

429,10

1,20

24,00

Saint Vincent

2,40

Sainte Lucie

5,20

Suriname

0,34

1,60

38,30

Uruguay

1,00

Multi-pays

180,00

100,40

291,10

1,10

Sous-total

6,00

812,80

1 081,40

4 633,10

2,30

343,40

Source : Agence française de développement

Effort financier de l'État consacré à l'Amérique latine et aux Caraïbes

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Dons pays en crise

15

4

7

9

11

Dons hors pays en crise

4

3

12

4

7

Coût État des prêts

1

1

5

2

5

Total

20

8

24

15

23

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'AFD

Par ailleurs, l'Amérique latine et les Caraïbes occupent une place importante dans le résultat brut d'exploitation de l'AFD. En 2015, le résultat brut sur la zone s'est élevé à 25 millions d'euros, soit plus de 20 % du résultat total de l'agence , comme le retrace le tableau ci-dessous. La Colombie, le Brésil et le Mexique sont respectivement le deuxième, le cinquième et le septième contributeur au résultat brut d'exploitation de l'agence.

Contribution des zones géographiques au résultat brut d'exploitation des prêts et subventions de l'AFD

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

Projets non géographisés et exceptionnels

-

-

-

1

2

Outre-mer

7

5

5

4

11

Méditerranée et Moyen-Orient

16

22

26

27

26

Asie et Pacifique

- 4

- 4

- 4

- 1

-

Amérique latine et Caraïbes

- 2

7

9

13

25

Part dans le résultat total

- 8,7%

15,2%

17,3%

21,3%

21,2%

Afrique subsaharienne

6

16

16

17

54

Total

23

46

52

61

118

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'AFD

En définitive, les interventions de l'AFD dans cette région mobilisent très peu d'argent public, sont rentables pour l'agence et sont un véritable atout pour développer notre relation avec l'Amérique latine. Elles sont naturellement également bénéfiques pour les pays concernés et permettent par exemple à la Colombie de se financer deux fois moins cher que sur les marchés.

II. LES NOUVELLES RÈGLES DE COMPTABILISATION DE L'AIDE POURRAIENT CONDUIRE À DIMINUER L'APD DE LA FRANCE COMPTABILISÉE DANS CETTE ZONE

Le Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est chargé de comptabiliser l'aide publique au développement accordée par ses États membres. C'est à l'aune de ces chiffres qu'est apprécié le respect de l'objectif d'accorder 0,7 % de son RNB au développement. Si comptabiliser les dons ne soulève pas de difficulté particulière, calculer l'aide résultant des prêts est plus complexe. Des règles ont été fixées en 1972 par l'OCDE et ont été modifiées en décembre 2014. Ces nouvelles règles s'appliqueront à compter de 2018 et pourraient avoir des conséquences importantes sur l'APD engendrée par les interventions de la France en Amérique latine .

A. JUSQU'EN 2018 : DES RÈGLES FAVORABLES EN PHASE D'AUGMENTATION DES ENGAGEMENTS MAIS DÉFAVORABLES À MOYEN TERME

La première étape pour comptabiliser l'APD générée par un prêt est de calculer son « élément don » . Pour cela, on calcule la différence entre, d'une part, la valeur nominale du prêt accordé et, d'autre part, la somme des annualités (capital et intérêts) versées par l'emprunteur, actualisée à un taux de 10 % par an. L'élément don est égal au rapport, exprimé en pourcentage, entre la différence ainsi définie et le montant nominal du prêt.

Exemple de calcul de l'élément don d'un prêt

La France accorde un prêt de 150 millions d'euros à un taux annuel de 6 % sur 30 ans, avec une période de grâce (aucun remboursement en capital) de 10 ans. Les échéances sont annuelles.

Le montant nominal du prêt est de 150 millions d'euros.

La somme des annualités est égale à 90 millions d'euros durant la période de grâce (9 millions d'euros par an correspondant aux seuls intérêts), auxquels s'ajoutent 261 millions d'euros d'annualités pendant les 20 années suivantes (13 millions d'euros environ par an), soit un total de 351 millions d'euros. Une fois actualisé à un taux annuel de 10 %, ce montant est ramené à 98,2 millions d'euros.

On obtient donc une différence entre le montant nominal du prêt et la somme actualisée des annualités égale à 51,8 millions d'euros. En faisant le rapport entre ce montant et le montant nominal du prêt (51,8/150) on obtient un élément don de 34,5 %.

Selon les règles actuellement en vigueur, un prêt peut être déclaré en APD dès lors qu'il présente un élément-don d'au moins 25 % , quel que soit le pays destinataire de l'aide.

Lorsqu'un prêt est déclarable en APD, il génère :

- de l'APD « positive » lors des décaissements : chaque versement effectué au profit du pays bénéficiaire est comptabilisé comme s'il s'agissait d'un don ;

- de l'APD « négative » lors des remboursements : chaque remboursement (uniquement en capital) du pays bénéficiaire est comptabilisé comme un don « négatif ».

Il en résulte que sur la durée de vie d'un prêt, l'APD générée est nulle en valeur absolue et légèrement positive en pourcentage du RNB , sous réserve que celui-ci ait augmenté au cours de la période de vie du prêt. Il en résulte également que dans une phase d'augmentation importante de l'encours de prêts - comme cela est le cas pour l'AFD aujourd'hui - l'APD générée est positive et importante, tandis qu'elle deviendra progressivement négative quand les nouveaux prêts accordés ne suffiront plus à compenser les remboursements des prêts antérieurs .

Ces règles ont été critiquées par des organisations non gouvernementales (ONG) ou des organisations internationales pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, le taux d'actualisation de 10 % a été régulièrement critiqué . Étant donné la baisse des taux de financement des principaux bailleurs à la fin des années 90 et au cours des années 2000, son niveau a pu paraître excessif et obsolète. De plus, le fait d'appliquer un taux d'actualisation unique, quel que soit le pays, ne permet pas de tenir compte de son niveau de développement. Or, le financement d'un projet dans un PMA est plus coûteux (règles prudentielles plus contraignantes et risque de crédit plus élevé) et plus complexe à réaliser que dans un pays plus développé 3 ( * ) .

Par ailleurs, les modalités de calcul de l'APD générée par les prêts n'incitent pas les bailleurs à aller au-delà de 25 % de concessionnalité, puisque le montant d'APD générée ne change pas, que l'élément don soit de 25 % ou de 80 % : dans tous les cas, il sera égal aux décaissements (APD « positive ») puis aux remboursements en capital (APD « négative ») et nul à moyen terme.

Enfin, les bailleurs ne sont pas non plus incités à privilégier les pays les plus pauvres, puisque les règles ne sont pas différenciées selon le pays bénéficiaire. On observe d'ailleurs une concentration des prêts sur les pays à revenu intermédiaire.

B. À COMPTER DE 2018 : DES RÈGLES PLUS FAVORABLES À MOYEN TERME

Les nouvelles règles portent notamment sur trois points. Tout d'abord, le taux d'actualisation utilisé pour calculer l'élément don ne sera plus uniforme : trois taux sont mis en place, en différenciant les PMA (pays les moins avancés) ou PFR (pays à faible revenu), les PRITI (pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure) et les PRITS (pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure). Chacun de ces trois taux est défini en ajoutant, d'une part, le taux de financement des bailleurs - égal au taux d'actualisation utilisé par le FMI pour calculer la soutenabilité de la dette - et, d'autre part, la prime de risque de la catégorie de pays bénéficiaires, qui sera revue régulièrement. Ainsi, pour les PMA et PFR le taux d'actualisation sera de 9 %, pour les PRITI de 7 % et enfin pour les PRITS de 6 %.

Par ailleurs, la règle d'éligibilité du prêt à l'APD sera également différenciée par catégorie de pays bénéficiaire . Le taux minimal de concessionnalité sera de 45 % pour les PMA et PFR, de 15 % pour les PRITI et de 10 % pour les PRITS.

Enfin, l'APD générée par un prêt sera désormais égale au taux de concessionnalité du prêt multiplié par son montant et comptabilisée au moment du décaissement. Par exemple, un prêt de 150 millions d'euros avec un élément don de 35 % générera une APD de 52,5 millions d'euros, comptabilisée au moment de son décaissement.

En définitive, les bailleurs seront donc incités à augmenter la concessionnalité de leurs prêts et à prêter davantage aux pays les plus pauvres. De plus, l'APD générée par les prêts ne sera plus nulle à moyen terme.

Nouvelles modalités de calcul de l'APD générée par un prêt

Catégorie de pays

Taux d'actualisation pour le calcul de l'élément don

Taux de concessionnalité minimum pour l'éligibilité du prêt à l'APD

Calcul de l'APD générée par le prêt

Règles actuelles

Tous pays

10 %

25 %

Décaissements (APD « positive ») et remboursements en capital (APD « négative ») = APD nulle à moyen terme en valeur absolue

Règles 2018

PMA/PFR

9 %

45 %

Élément don du prêt multiplié par son montant nominal

PRITI

7 %

15 %

PRITS

6 %

10 %

Source : commission des finances du Sénat

Effet des nouvelles règles de calcul de l'APD découlant des prêts

Maturité du prêt / période de grâce

10 ans / 3 ans

15 ans / 3 ans

20 ans / 5 ans

25 ans / 5 ans

Règles actuelles : seuil
de 25 % et TA de 10 %

Taux d'intérêt maximum

4,51 %

5,42 %

6,15 %

6,41 %

Équivalent don avec TA de 10 %

25,0

25,0

25,0

25,0

PRITS : seuil de 10 %
et TA de 6 %

Taux d'intérêt maximum

4,06 %

4,45 %

4,75 %

4,86 %

Équivalent don avec TA de 10 %

27,1

30,6

34,8

36,6

PRITI : seuil de 15 %
et TA de 7 %

Taux d'intérêt maximum

4,01 %

4,59 %

5,03 %

5,20 %

Équivalent don avec TA de 10 %

27,4

29,8

32,8

34,1

PFR/PMA : seuil de 45 % et TA de 9 %

Taux d'intérêt maximum

Négatif

1,31 %

2,64 %

3,11 %

Équivalent don avec TA de 10 %

-

48,7

49,2

49,7

Source : Agence française de développement

Le tableau ci-dessus montre les efforts supplémentaires qui devront être fournis par les bailleurs du fait de l'application de ces nouvelles règles. Ainsi, le taux d'intérêt maximum diminuera considérablement pour les prêts aux PMA et PFR et diminuera légèrement pour les PRITI et les PRITS . On observe également l'augmentation de l'élément don qui découle du relèvement de seuil d'éligibilité (pour les PMA et PFR) et de l'abaissement du taux d'actualisation.

Comptabilisation des prêts accordés
aux organisations internationales

Dans la continuité de la réforme décrite ci-dessus, le CAD a également revu en avril 2016 les règles applicables à la comptabilisation en APD des prêts en faveur d'organisations internationales, en reprenant la logique d'une comptabilisation en équivalent-don et en différenciant en fonction du type de récipiendaire.

Ainsi, l'équivalent-don des prêts aux organismes multilatéraux sera dorénavant comptabilisé :

- avec un taux d'actualisation de 5 % pour les Global institutions and multilateral development banks , telles que le FMI, l'AID (le guichet concessionnel de la Banque mondiale), la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), la Banque africaine de développement (BAfD, la Banque asiatique de développement (BAsD), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque interaméricaine de développement (BID), la Banque islamique de développement, le Fonds vert pour le climat, etc.

- avec un taux d'actualisation de 6 % pour les autres organisations ( Corporacion Andina de Fomento (CAF), Banque de développement des États de l'Afrique centrale (BDEAC), etc.).

Le seuil minium de concessionnalité sera de 10 %.

Par ailleurs, une réforme est également en cours concernant la comptabilisation en APD des prêts en faveur du secteur privé.

C. LES RISQUES PESANT SUR L'APD COMPTABILISÉE EN AMÉRIQUE LATINE

Les prêts de l'AFD en Amérique latine concernent essentiellement des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (PRITS), pour lesquels le seuil de concessionnalité sera abaissé de 25 % à 10 %. Tant que les taux d'intérêt français - et par conséquence ceux de l'AFD - demeurent peu élevés, ces prêts devraient donc rester déclarables en APD, malgré la diminution importante du taux d'actualisation (6 % au lieu de 10 %).

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, l'APD générée par ces prêts pourrait être divisée par deux à court terme . En effet, lorsque l'aide est égale aux décaissements et remboursements, elle est naturellement importante en début de vie du prêt puis négative à partir du début des remboursements en capital. En revanche, l'équivalent-don sera stable dans la durée. À terme, il pourrait être judicieux de mobiliser de la ressource État sur cette zone, dans des proportions raisonnables, pour permettre de passer le seuil de « déclarabilité », faute de quoi il sera plus difficile d'atteindre l'objectif de consacrer 0,7 % de notre RNB au développement.

L'AIDE DE LA FRANCE EN COLOMBIE

Avec un montant total d'encours de prêts de l'ordre de 1,8 milliard d'euros, la croissance de l'activité de l'AFD dans le pays a été rapide et spectaculaire, conduisant l'agence à occuper la place de premier bailleur bilatéral de la Colombie . Sa présence s'inscrit dans le contexte plus large d'une présence française dynamique, au plan économique comme au plan culturel.

I. L'AIDE À LA COLOMBIE : LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET URBAIN

A. LES MODALITÉS D'INTERVENTION DE L'AFD

Dans le cadre du mandat de « croissance verte et solidaire » qui lui a été assigné (cf. supra ), l'AFD intervient en Colombie autour de trois objectifs :

- favoriser la convergence et le développement durable des territoires ;

- promouvoir les politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique ; dans le cadre de ses programmes de planification, la Colombie a ainsi mis en place une « mission croissance verte », destinée à assurer un développement plus respectueux de l'environnement. Elle bénéficie d'un important soutien international : les travaux de diagnostic sont en partie financés par les Allemands, la Banque mondiale et le programme des Nations-Unies pour l'environnement, tandis que l'AFD finance la moitié du coût de fonctionnement de la mission.

- accompagner les politiques de cohésion sociale y compris de réduction des inégalités.

Deux objectifs transversaux complètent ces objectifs thématiques : la contribution à la diplomatie économique et aux engagements de la France sur le climat.

L'AFD intervient en accompagnant des politiques publiques nationales (décentralisation, eau, protection sociale, climat et développement territorial), à travers des prêts de politiques publiques, et en finançant directement des collectivités territoriales (villes et départements) et des institutions qui leur sont associées (entreprises publiques, banques). Les prêts de l'AFD sont accordés à conditions de marchés, c'est-à-dire à « prix coûtant » pour l'agence .

Ces prêts sont accompagnés de coopérations techniques , financées sur ressources propres de l'AFD, sur fonds délégués de l'Union Européenne ou par le Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences (FEXTE).

Place Bolivar à Bogotá

Carte de la Colombie

Source : Ministère des affaires étrangères

Situation économique et politique de la Colombie

Situation économique

La République de Colombie compte 50 millions d'habitants dont 76 % vivent en zone urbaine. La croissance démographique s'élève à 1,29 % par an, l'espérance de vie à 74 ans et le taux d'alphabétisation à 94 %. Le pays se situe en milieu de classement en matière d'indice de développement humain (97 ème pays sur 188) avec un IDH de 0,72 (0,89 pour la France), soit environ le même niveau que la Tunisie ou la Chine. Il se situe en revanche autour de la dixième place des pays les plus inégalitaires , avec un coefficient de Gini de 52 % (France : 33 %).

Dans le champ économique, la Colombie se situe au 70 ème rang en matière de PIB par habitant (6 060 USD), au même niveau que l'Algérie ou la Thaïlande . Le taux de croissance s'élève à 3,1 % en 2015, l'inflation à 7,6 % (contre une cible de 3 % +/- 1 point) et le taux de chômage à 9 %. Le déficit public s'établit à 2,7 % (1,8 % en 2014) et la dette publique représente pour sa part 44 % du PIB (notation BBB), dont la moitié est détenue à l'étranger.

Le pays a été durement touché par la chute du prix des matières premières en 2015 (- 7 %) et en particulier des hydrocarbures (- 48 %), ces derniers représentant la moitié de ses exportations, un tiers des investissements étrangers et 17 % des recettes budgétaires. En conséquence, le peso colombien s'est déprécié de 37 % après plusieurs années de quasi stabilité.

Situation politique intérieure

Dans le contexte des difficultés liées au narco-trafic et au développement des mouvements paramilitaires, Alvaro Uribe est élu président de la Colombie en 2002. Il mène un programme de restauration de l'autorité de l'État et est réélu en 2006. Son ancien ministre de la Défense, Juan Manuel Santos, lui succède en 2010 et prend le contre-pied sur les questions de sécurité en lançant des négociations avec les FARC en novembre 2012, sous l'égide de Cuba et de la Norvège. Il est réélu en 2014 face à un adversaire hostile au processus de paix. Après le rejet par referendum en octobre 2016 d'une première version d'accord, la seconde version a été signée fin novembre 2016 et ratifié dans la foulée par le Parlement.

Situation politique extérieure

Après de nombreuses années de relations quasi exclusives avec les États-Unis dans le contexte de la lutte contre les guérillas et le narcotrafic, le président Santos a élargi les orientations diplomatiques de la Colombie . Il a rétabli les relations diplomatiques avec le Venezuela, bien que des tensions persistent, et l'Équateur. Le pays est candidat à la zone de libre-échange Asie-Pacifique (APEC : Coopération économique pour l'Asie-Pacifique) et a créé en 2011, avec le Pérou, le Chili et le Mexique, l'Alliance pour le Pacifique.

Un accord de coopération a été signé avec l'Otan en 2013.

En matière de négociations climatiques, la Colombie appartient au groupe de l'Alliance indépendante d'Amérique latine et des caraïbes (Ailac) et a joué un rôle constructif dans le cadre des négociations de la COP 21 .

La Colombie se rapproche également de l'Europe , avec la conclusion d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne en 2013 et la suppression de l'obligation de visa pour les ressortissants colombiens dans l'espace Schengen.

Source : ministère des affaires étrangères

B. LES GRANDES LIGNES DU PORTEFEUILLE DE L'AFD

Les principales interventions de l'AFD en Colombie portent sur :

- les secteurs de la ville durable : en cette matière, les interventions de l'AFD prennent principalement la forme de financements non-souverains (cf. infra ) ;

- la décentralisation : l'AFD a accordé, dès 2009, un prêt budgétaire d'appui à la politique de décentralisation de la Colombie (140 millions de dollars). Il s'est accompagné d'une coopération technique pour la mise en place de contrats de plan avec l'École nationale d'administration (ENA) et la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) 4 ( * ) ;

- la gestion des ressources en eau : l'AFD a par exemple octroyé en 2011 un prêt de 100 millions de dollars à l'État colombien pour appuyer son « plan hydrique 2014 », qui visait à améliorer la qualité et la quantité de la ressource en eau. Ce prêt s'est accompagné d'une coopération technique, sur fonds européens ;

- la protection sociale : en 2013 l'AFD a accordé un prêt important (400 millions de dollars) pour financer la réforme de la protection sociale menée par l'État. Il s'accompagne d'un programme de coopération technique permettant de valoriser l'expertise française sur ce sujet (contrôle et régulation des médicaments, panier de soins remboursable, inspection, échanges entre donneurs d'ordre colombiens et entreprises françaises, etc.) ;

- le climat et le développement des territoires ruraux : en 2015, - c'est-à-dire l'année de la COP 21 à Paris - l'AFD a octroyé un premier prêt (300 millions de dollars) à l'État colombien en appui à sa politique de lutte contre le changement climatique et au développement des territoires ruraux . D'un point de vue symbolique, ce prêt permettait à la France de valoriser le volontarisme colombien sur cette politique et ses efforts en matière de diplomatique climatique. Un deuxième prêt a été accordé en novembre 2016.

Les interventions en matière de développement rural revêtent une importance particulière dans le cadre du processus de paix, dans la mesure où ces zones étaient souvent contrôlées par la guérilla des FARC . Ainsi, 88 % des municipalités les plus touchées par le conflit se trouvent en milieu rural.

À la suite de la ratification par le Congrès des accords de paix en Colombie, la France appuie ce processus à travers :

- le nouveau prêt de développement rural évoqué ci-dessus ;

- une nouvelle ligne de crédit à la banque de développement local Findeter (cf. infra ), pour accompagner le renforcement des infrastructures publiques dans les villes et zones « libérées » ;

- une contribution de trois millions d'euros au « Trust Fund de l'Union européenne pour la Paix en Colombie » ;

- des opérations d'assistance technique pour maximiser l'impact de ces opérations de financement et favoriser l'échange d'expériences entre la Colombie et la France.

Le processus de paix en Colombie

Débutées à l'automne 2012, les discussions entre l'État colombien, sous l'égide du Président Juan Manuel Santos, et les forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont permis d'aboutir à un accord en août 2016, afin de mettre fin à un conflit qui, depuis les années 1960, a fait 260 000 morts, plus de 60 000 disparus et 7,1 millions de déplacés. L'accord portait notamment sur un cessez-le feu, le désarmement des FARC, la lutte contre les organisations criminelles et une réforme rurale.

Cet accord est rejeté par referendum le 2 octobre 2016, à 50,21 % des voix. Un nouvel accord est signé et ratifié par le congrès en novembre 2016. Le 27 juin dernier, a été célébrée la fin du processus de désarmement des FARC.

Les retombées pour les entreprises françaises sont importantes, notamment dans le domaine des transports : par exemple, Translohr a obtenu la fourniture des rames de tramway de Medellín (42 millions d'euros) ; Alstom a remporté le marché de la fourniture électrique de ces lignes (10 millions d'euros) ; enfin, Pomagalski a fourni et installé le métro-câble de Medellín (28 millions d'euros). On observe également une présence française importante dans le domaine de la santé, facilitée par le prêt « protection sociale » accordé par l'AFD.

II. LES AXES ORIGINAUX DE L'AIDE À LA COLOMBIE

Vos rapporteurs spéciaux se sont rendus à Bogotá et Medellín du 27 au 31 mars dernier, pour y étudier l'aide de la France en Amérique latine et spécifiquement les actions qui sont menées en Colombie.

Ce pays souffre encore aujourd'hui d'une image dégradée, qui mériterait d'être restaurée . L'année France-Colombie est d'ailleurs l'occasion de mieux connaître ce pays. D'un point de vue économique et financier, la Colombie est aujourd'hui la troisième économie d'Amérique latine et un des seuls pays de la zone à ne pas avoir fait défaut sur sa dette dans les années 90 et 2000. Durement touché par la crise des matières premières - le peso colombien s'est déprécié de plus d'un tiers et l'État a perdu 20 % de ses recettes fiscales -, la Colombie a néanmoins réussi à limiter son déficit public à 3 % et à contenir sa dette publique à 50 % du PIB environ.

Vos rapporteurs spéciaux ont été sensibles au dynamisme et à l'optimisme de ce pays, à la qualité de son administration, à la place importante que les femmes y occupent, et à la richesse de son patrimoine culturel et naturel.

Deux points ont particulièrement retenu leur attention : le développement inégalé de l'activité non-souveraine de l'AFD et la similitude des problématiques urbaines entre les pays du Nord et du Sud.

A. UN DÉVELOPPEMENT INÉGALÉ DE L'ACTIVITÉ NON-SOUVERAINE

1. L'activité non-souveraine de l'AFD en Colombie
a) Les raisons de cette activité non-souveraine

La Colombie est l'État où l'AFD accorde le plus de prêts non-souverains : cet encours représente ainsi la moitié de son encours total dans le pays, soit près d'un milliard d'euros. Cette pratique est d'autant plus importante à souligner que l'agence est le seul bailleur international à accorder des prêts non-souverains (à part la CAF).

Pour l'AFD, les prêts non-souverains sont un moyen de surmonter les limites que lui imposent le respect des ratios prudentiels . En effet, comme vos rapporteurs spéciaux ont eu l'occasion de le présenter à de nombreuses reprises, l'AFD est un établissement financier soumis aux règles prudentielles de droit commun, parmi lesquelles le « ratio grand risque », qui lui impose que l'encours total auprès d'une seule contrepartie ne dépasse pas 25 % de ses fonds propres. Cette limite correspondait en 2016 à 1,4 milliard d'euros environ, soit un montant inférieur à l'encours total de l'AFD en Colombie. En d'autres termes, si elle ne prêtait qu'à l'État colombien, l'AFD n'aurait pas pu atteindre son encours actuel en Colombie. Les prêts non-souverains ont donc permis de développer l'activité de l'AFD dans ce pays. On peut d'ailleurs noter que le ratio grand risque a déjà été atteint à Medellín 5 ( * ) .

Le développement des activités non-souveraines implique néanmoins pour l'agence d'étudier les risques propres à chaque contrepartie . Elle a ainsi étudié les opportunités de prêts auprès de l'ensemble des grandes villes, des départements, des entreprises publiques et des banques locales. En définitive, seules les trois villes les plus importantes du pays - Bogotá, Medellín et Cali -, quelques départements, banques de développement et grandes entreprises ont été retenus.

Enfin, les prêts non-souverains sont plus difficilement compétitifs , car l'AFD doit intégrer un niveau de risque plus élevé, ce qui conduit à un taux de 6,5 % environ, contre à peine plus de la moitié pour ses prêts à l'État colombien.

Du point de vue des entités colombiennes non-souveraines, le recours aux prêts de l'AFD est très apprécié. Il est un moyen de s'autonomiser par rapport à l'État , notamment pour les collectivités territoriales dont les finances sont très encadrées. Il leur permet également de se donner une projection internationale et d'accéder directement à l'expertise française .

b) Le portefeuille non-souverain de l'AFD en Colombie

Le portefeuille non-souverain de l'AFD comporte notamment des prêts auprès :

- de banques de développement local :

o Findeter , banque du développement urbain (croissance verte et solidaire, climat, transport collectif, etc.) (191 millions de dollars) ;

o Finagro , banque du développement rural (agenda post conflit, croissance verte et solidaire, climat, etc.) ;

o Icetex , institution financière d'accès aux études supérieures des populations défavorisées (agenda post conflit, croissance solidaire, etc.) ;

- de villes ou de départements :

o Bogotá, avec un projet de métro notamment ;

o Cali, avec notamment un projet de tramway ;

o Medellín (250 millions de dollars pour une ligne de tramway et deux lignes de métro câble) ;

o département d'Antioquia (région de Medellín) (70 millions de dollars) ;

- d'entreprises locales de services publics :

o Empresas publicas de Medellín (EPM), société d'aménagement de Medellín, pour un programme d'investissement dans le secteur énergétique (338 millions de dollars) ;

o Empresa de Acueducto, Alcantarillado y Aseo de Bogotá (EAAB), entreprise d'eau et d'assainissement de Bogota, pour des projets de gestion de l'eau et d'épuration ;

o Empresa de Energía de Bogotá ( EEB), entreprise d'électricité de Bogota, pour des projets d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique ;

o Empresas Municipales de Cali, entreprise d'eau, d'assainissement et d'électricité de Cali .

2. Exemples de coopération non-souveraine en Colombie
a) La coopération avec Empresas Publicas de Medellín

Empresas Publicas de Medellín (EPM), est l'entreprise publique de Medellín (détenue à 100 % par la ville) qui gère les grands services publics de réseau . Elle intervient ainsi dans les secteurs de l'énergie (76 % du chiffre d'affaires du groupe), de l'eau et de l'assainissement (9 %) et des télécommunications (15 %). À l'origine limitée à Medellín et son aire urbaine, EPM s'est développée au niveau national puis international (Panama, Guatemala, Salvador, Espagne, États-Unis). Ces activité correspondent par ailleurs à des secteurs où l'expertise française est reconnue.

Le groupe bénéficie d'une excellente notation financière, puisqu'il est noté un grade au-dessus de l'État colombien. EPM se distingue par ses pratiques en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Elle a ainsi remporté de nombreux prix en cette matière et jouit à ce titre d'une reconnaissance nationale et internationale.

EPM porte de nombreux projets sur les énergies renouvelables, auxquels l'AFD participe . La convention de prêt de 275 millions d'euros signée en 2012 a ainsi financé des projets dans la génération d'énergie renouvelable, la transmission et la distribution d'électricité ainsi que la transmission et la distribution de gaz. L'AFD a ainsi participé au financement de la construction du barrage Porce III (660 MW de puissance), qui s'est accompagné d'un important travail de gestion environnementale et sociale : dialogue avec les populations, études d'impact pour préserver ou restaurer les écosystèmes, etc. Ce prêt s'est accompagné de coopérations techniques portant par exemple sur la gestion des bassins versants (coopération avec l'Office national des forêts français), sur la gouvernance des entreprises publiques locales (échanges de bonnes pratiques avec la fédération des entreprises publiques locales) ou sur les réseaux électriques intelligents ou la gestion des déchets. L'AFD pourrait accorder un nouveau prêt à EPM, mais en est pour l'instant empêchée par le ratio grand risque, déjà atteint à Medellín (cf. supra ).

Au-delà des réunions techniques portant sur la situation financière et les projets d'investissements d'EPM, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater son activité sociale en visitant « l'unité de vie articulée » de La Armonia , mise en place dans un quartier défavorisé lorsque celui-ci a été raccordé aux différents réseaux. Ces « unités de vie » consistent à aménager, lors de l'installation des infrastructures d'EPM - en l'occurrence un réservoir d'eau -, des zones et bâtiments consacrés à la vie locale : activités culturelles, sportives, sociales et éducatives, comme la mise à disposition de salles informatiques, des crèches, de bibliothèques, etc.

Visite de l'unité de vie articulée « La Armonia », installée dans un quartier défavorisé de Medellín à la suite de son raccordement aux différents réseaux.

b) La coopération avec Findeter

Financiera de desarrollo territorial (Findeter) est une banque publique de développement territorial, destinée à financer des projets d'infrastructures, de développement social et de soutien au secteur productif. Elle joue un rôle important dans les plans de développement de la Colombie, qui entendent renforcer le rôle des collectivités territoriales. Elle a également développé une activité d'assistance technique au secteur public.

L'AFD lui a octroyé, en 2012, une première ligne de crédit de 191 millions de dollars pour le financement du développement territorial et urbain des collectivités locales. À la suite de la signature des accords de paix en Colombie fin de 2016 (cf. supra ), ses opérations devraient se développer, notamment pour renforcer la présence de l'État et développer ces territoires.

Entretien avec Luis Fernando Arboleda, président de Findeter

Dans ce cadre, l'AFD devrait octroyer une nouvelle ligne de crédit à Findeter , d'un montant total de 150 millions de dollars, pour financer des projets dans les services urbains de base (santé, éducation, accès à l'eau, assainissement, etc.) dans les municipalités identifiées comme prioritaires dans le cadre du post-conflit.

B. DES PROBLÉMATIQUES URBAINES COMMUNES AUX PAYS DU SUD ET DU NORD

La question urbaine revêt une importance particulière en Amérique latine , qui abrite la population la plus urbanisée au monde. Le taux d'urbanisation est ainsi de 80 %, comme en Amérique du Nord, contre 73 % en Europe, moins de 50 % en Asie et 40 % en Afrique. La Colombie s'inscrit pleinement dans ce cadre , avec l'agglomération de Bogotá (11 millions d'habitants) et, dans une moindre mesure, celles de Medellín et Cali.

Sans pour autant gommer tout particularisme, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que les problématiques urbaines se posaient souvent dans des termes similaires, en France et en Colombie .

À ce titre, cette proximité illustre parfaitement la nouvelle logique des « objectifs du développement durable », adoptés à New York en septembre 2015 et qui se sont substitués aux « objectifs du millénaire pour le développement ». En effet, il ne s'agit plus d'un agenda de rattrapage, mais d'un agenda de convergence : en d'autres termes, les objectifs sont les mêmes dans les pays du Nord et du Sud. C'est d'ailleurs cette convergence des objectifs qui conduit également à vouloir rapprocher notre banque de développement international, l'AFD, et notre banque de développement domestique, la Caisse des dépôts et consignations 6 ( * ) .

1. La coopération avec des urbanistes

Vos rapporteurs spéciaux ont souhaité rencontrer des spécialistes de l'aménagement urbain et territorial. Ils ont ainsi étudié la coopération entre l'AFD et le « groupe Sur » ( Sostenibilidad Urbana y Regional ), laboratoire d'urbanisme de l'Université de Los Andes de Bogotá. Cette coopération a été mise en place fin 2014 pour travailler au développement d'outils d'évaluation des politiques urbaines. Il s'agit notamment de développer des outils d'analyse et des indicateurs pour mieux comprendre les conséquences des politiques publiques en matière de transport.

Daniel Paez, directeur du groupe Sur, leur a présenté le modèle développé au terme de cette coopération, qui permet d'étudier les changements dans les usages et les prix du foncier ainsi que les conséquences des nouveaux systèmes de transport. Ce modèle est un outil d'aide à la décision, appliqué par la ville de Bogotá pour évaluer l'impact sur l'étalement urbain de mesures règlementaires (urbanisation d'une zone environnementale protégée) et d'un projet de train de banlieue. L'AFD participe également à sa promotion, en proposant de l'appliquer dans les villes de Medellín et de Cali.

Ce projet pourrait d'ailleurs également être utile en France. La similarité des questions urbaines dans les deux pays a également été constatée lorsque vos rapporteurs spéciaux ont été invités à partager leur expérience d'élu local en matière d'aménagement du territoire devant les étudiants en urbanisme de l'université de Los Andes .

Présentation devant les étudiants en urbanisme de l'université de Los Andes

De même, vos rapporteurs spéciaux ont rencontré à Medellín l'équipe universitaire « Urbam », centre d'études urbaines et environnementales de l'université EAFIT de Medellín . Alejandro Echeverri, son directeur, leur a présenté les travaux qu'ils ont menés, avec le soutien de l'AFD, sur l'aménagement de l'Uraba, dans le département d'Antioquia (région de Medellín). Là encore on observe des similarités entre pays du Nord et du Sud, puisque Urbam coopère avec l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), l'agence d'urbanisme de la ville de Paris .

2. Le métro-câble de Medellín

Mondialement connue dans les années 1980 pour la violence qui y régnait et ses cartels, la ville de Medellín - deuxième ville du pays avec une aire urbaine rassemblant 3,5 millions d'habitants - est depuis redevenue un centre économique et financier de première importance, qui réunit 80 sièges des 100 plus grandes entreprises du pays et connait une croissance de 4,4 % par an, contre 3,1 % dans le pays, tandis que la violence y a été très fortement réduite (division par 15 du nombre d'homicides). Elle est aujourd'hui connue pour sa politique innovante en matière d'aménagement social , dans la mesure où son plan de développement accordait la priorité aux quartiers les plus populaires, théâtres des violences les plus importantes. Il fut choisi d'y investir massivement et simultanément dans tous les secteurs, afin de faire basculer rapidement les conditions de vie et donc les mentalités. Ce projet fut résumé par la formule « le plus beau pour les plus pauvres ».

L'AFD a participé au financement de ces projets, à travers le volet transport du « Projet Urbain Intégral » du centre-est de Medellín, permettant de relier ces quartiers périphériques au centre de la ville, afin de les réintégrer. Ainsi, l'agence a octroyé à la ville de Medellín, en 2011, un prêt de 250 millions de dollars visant à financer le projet du Corridor Ayacucho, comprenant une ligne de tramway (4,3 km pour 9 stations) et deux lignes de métro-câble (respectivement 1 et 1,5 km). Les entreprises françaises New TransLohr et Pomagalski ont respectivement fourni les rames de tramway (42 millions d'euros) et les lignes de métro-câble (28 millions d'euros).

Métrocable de Medellín, installé par l'entreprise Pomagalski, pour désenclaver les quartiers populaires des hauteurs de la ville.

Les populations concernées ont vu leurs conditions de mobilité s'améliorer, mais également leurs conditions de vie et de sécurité, grâce au désenclavement de ces zones.

Premier projet de téléphérique urbain, l'exemple de Medellín a inspiré de nombreuses autres villes dans le monde, que ce soit dans des pays du Sud (Équateur par exemple) ou en France, où la ville de Brest notamment s'est récemment équipée d'un tel moyen de transport .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 juillet 2017, sous la présidence de M. Francis Delattre, vice-président, la commission a entendu une communication de Mme Fabienne Keller et M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, sur l'aide publique au développement en matière de développement urbain.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - L'aide publique au développement (APD) de la France en Amérique latine suscite souvent des interrogations : ce territoire ne correspond pas à une zone traditionnelle d'influence française, les pays qui la composent ont souvent atteint un niveau de développement déjà important, voire font partie des « grands émergents », et les liens économiques et commerciaux avec la France sont limités. Nous allons néanmoins essayer de vous convaincre du bienfondé de cette aide.

Tout d'abord, les liens commerciaux sont effectivement limités puisqu'ils ne représentaient en 2013 que 2 % de nos échanges totaux. Ils sont cependant en croissance et l'Amérique latine est la seule région émergente avec laquelle nous conservons un excédent commercial, en croissance depuis 2012. J'ajoute que toutes nos grandes entreprises sont présentes dans la zone et que la France est le quatrième investisseur au Brésil, avec 15 milliards de dollars de stock d'investissement.

Au-delà des liens commerciaux, nous entretenons une relation ancienne avec ces pays, fondée sur une convergence des valeurs et des références culturelles et philosophiques. L'identité de l'Amérique du Sud est fortement marquée par les mouvements d'indépendance, qui se réclamaient souvent des idéaux de la Révolution française. Malgré l'absence de passé colonial français, on observe une « francophilie », qui s'illustre dans les 250 alliances françaises, qui comptent 140 000 élèves.

L'Amérique du Sud est appelée à occuper une place importante sur la scène internationale et il est fondamental d'y préserver notre influence, d'autant plus que l'on observe une convergence d'approche sur de multiples sujets, comme par exemple sur les sujets environnementaux.

Ce dernier point s'illustre notamment sur le sujet du changement climatique. Ainsi, les pays latino-américains sont très impliqués dans les négociations climatiques internationales : la COP 16 de Cancun en 2010 avait permis de relancer ces négociations, tandis que la « Déclaration de Lima » a servi de base aux discussions de la COP 21 à Paris.

L'Amérique latine est donc un partenaire fondamental et cette relation doit être préservée voire développée.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - J'en viens à l'aide publique que la France accorde à cette zone géographique, qui doit servir à « promouvoir une croissance verte et solidaire », pour reprendre les termes de la loi d'orientation de 2014. Cette aide a fortement augmenté depuis le début des années 2000, passant de 4 % de notre APD au sens de l'OCDE en 2006 à 21 % en 2015.

La présence de l'agence française de développement (AFD) y est relativement récente : elle a été autorisée à intervenir au Brésil en 2006, en Colombie et au Mexique en 2009, au Pérou en 2013 et en Équateur et en Bolivie en 2014. La présence dans les Caraïbes est plus ancienne : depuis 1976 en Haïti et depuis 1997 en République Dominicaine. Ses engagements annuels s'élèvent aujourd'hui à environ 1 milliard d'euros et le Brésil et la Colombie sont parmi les plus importantes contreparties de l'AFD. Enfin, elle compte six agences dans la zone et trois bureaux de représentation, donc celui de Cuba qui a ouvert en 2016, tandis qu'un bureau devrait ouvrir en Argentine en septembre.

Le coût de cette présence en Amérique latine est modeste. Tout d'abord, le budget total des agences est de 6 millions d'euros ; je rappelle que ce coût est auto financé par l'AFD sur sa marge. L'agence est un établissement public industriel et commercial, elle ne reçoit donc pas de subvention de fonctionnement. Par ailleurs, la « ressource État », c'est-à-dire les bonifications d'intérêt, sont extrêmement limitées : 2,3 millions d'euros au total en 2015. Enfin, l'Amérique latine et les Caraïbes représentent 21 % du résultat brut d'exploitation de l'AFD, soit 25 millions d'euros environ. La Colombie, le Brésil et le Mexique sont respectivement le deuxième, le cinquième et le septième contributeur au résultat brut d'exploitation de l'agence.

Si je résume, les interventions de l'AFD dans cette région mobilisent très peu d'argent public, sont rentables pour l'agence et sont un véritable atout pour développer notre relation avec l'Amérique latine. Elles sont naturellement également bénéfiques pour les pays concernés. Elles permettent par exemple à la Colombie de se financer deux fois moins cher que sur les marchés.

L'OCDE est chargée de comptabiliser l'aide publique au développement accordée par ses États membres. Comptabiliser les dons ne pose pas de difficultés, mais comptabiliser l'aide résultant des prêts est plus complexe. Des règles ont été fixées dans les années 1970 par l'OCDE et ont été modifiées en décembre 2014. Ces nouvelles règles s'appliqueront à compter de 2018 et pourraient avoir des conséquences importantes sur l'APD générée par nos interventions en Amérique latine.

Actuellement, un prêt doit avoir un certain niveau de concessionnalité pour être considéré comme de l'aide au développement ; lorsqu'un prêt est « déclarable », tous les décaissements sont comptabilisés comme s'il s'agissait d'un don, mais tous les remboursements en capital seront comptabilisés comme des « dons négatifs ». À moyen terme, l'aide au développement des prêts est donc nulle en valeur absolue.

Sans entrer excessivement dans les détails, les nouvelles règles prévoient trois modifications principales : le seuil de concessionnalité minimal sera différencié selon les pays bénéficiaires : il sera ainsi de 10 % pour l'essentiel de l'Amérique latine contre 25 % actuellement pour tous les pays ; le taux d'actualisation retenu pour calculer « l'équivalent don » du prêt sera également différencié par pays : il sera ainsi de 6 % pour la plupart des pays de la zone, contre 10 % actuellement ; enfin, l'APD générée par un prêt ne sera plus nulle à moyen terme, mais égale à l'élément don ainsi calculé.

L'application de ces nouvelles règles aura des conséquences sur l'APD générée par les prêts accordés en Amérique du Sud. Tant que les taux d'intérêt de la France restent faibles, les prêts devraient continuer à être déclarables en APD. Néanmoins, en première approximation, l'APD qu'ils génèrent devrait être divisée par deux à court terme. À moyen terme elle ne sera plus nulle et sera donc forcément supérieure. À terme, il sera peut être judicieux de mobiliser de la ressource État sur cette zone, pour permettre de passer le seuil de « déclarabilité », faute de quoi il sera plus difficile d'atteindre l'objectif de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut au développement.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Je rappelle à cet égard que nous ne sommes qu'à la moitié de cet objectif...

J'en viens plus précisément à l'aide de la France en Colombie, qui prend deux formes principales : d'une part, l'accompagnement des politiques publiques nationales (décentralisation, eau, protection sociale, climat et développement territorial) ; d'autre part, le financement direct des collectivités locales (villes et département) et d'institutions qui leur sont associées (entreprises publiques, banques).

Avec un montant total d'encours de prêts de l'ordre de 1,8 milliard d'euros, la croissance de l'activité de l'AFD dans le pays a été rapide et spectaculaire, conduisant l'agence à occuper la place de premier bailleur bilatéral de la Colombie. Sa présence s'inscrit dans le contexte plus large d'une présence française dynamique, au plan économique comme au plan culturel.

Les retombées pour les entreprises françaises sont importantes, notamment dans le domaine des transports : par exemple, Translohr - dont le siège est à 15 kilomètres de Strasbourg - a obtenu la fourniture des rames de tramway de Medellín, qui a donc le même tramway que Clermont-Ferrand, grâce à une technologie de tramway sur pneus qui permet de gravir de fortes pentes ; Alstom a remporté le marché de la fourniture électrique de ces lignes ; enfin, Pomagalski a fourni et installé le métro câble de Medellín dont nous reparlerons dans un instant. On observe également une présence française importante dans le domaine de la santé, facilitée par le prêt « protection sociale » accordé par l'AFD.

Nous souhaitions dire quelques mots sur le processus de paix en cours en Colombie, à la suite de la ratification en décembre dernier des accords passés avec les FARC. Ceux-ci prévoient un important volet « développement », auquel la France participe, à destination des zones rurales précédemment dominées par la guérilla. Elle a notamment accordé un prêt de politique publique consacré au développement rural afin de valoriser l'expertise française sur ce sujet, une ligne de crédit à une banque de développement local pour renforcer les infrastructures publiques dans ces zones et enfin une contribution au « Trust fund de l'Union européenne pour la paix en Colombie ».

Enfin, un dernier mot moins « financier » sur ce pays. Il y a dix ans, la Colombie était un quasi-pays paria et elle souffre encore aujourd'hui d'une image dégradée, que nous souhaiterions contribuer à restaurer. L'année France-Colombie sera d'ailleurs l'occasion pour nos compatriotes de mieux connaître ce pays. D'un point de vue économique et financier, la Colombie est aujourd'hui la troisième économie d'Amérique latine et un des seuls pays de la zone à ne pas avoir fait défaut sur sa dette dans les années 90 et 2000. Durement touchée par la crise des matières premières - le peso colombien s'est déprécié de plus d'un tiers et l'État a perdu 20 % de ses recettes fiscales -, la Colombie a néanmoins réussi à limiter son déficit public à 3 % et à contenir sa dette publique à 50 % du PIB environ.

On peut ajouter que nous avons été sensibles au dynamisme et à l'optimisme de ce pays, à la qualité de son administration, à la place importante que les femmes y occupent, mais également à la richesse de son patrimoine culturel et naturel.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - L'exemple colombien permet également d'illustrer l'importance des financements non-souverains. En effet, c'est dans ce pays que l'AFD atteint son record de financements non souverains (50 %). Certaines de ces contreparties représentent des montants considérables. Ainsi, Empresas publicas de Medellín (EPM) est la quatorzième contrepartie de l'AFD (540 millions d'euros), ce qui la place au même niveau que des États comme le Sénégal ou le Cameroun.

Pour l'AFD, cela permet de surmonter les contraintes prudentielles, qui lui imposent que son encours auprès d'une contrepartie ne dépasse pas 10 % de ses fonds propres. Cela permet aussi de diversifier ses actions et de financer directement des projets, quand ses interventions auprès de l'État colombien sont « noyées » dans le budget général. Cette modalité d'intervention rend cependant nécessaire d'étudier spécifiquement le risque associé à chacune de ces contreparties. L'agence se limite à quelques « grandes contreparties » : les plus grandes villes du pays, quelques départements et quelques banques de développement, ne serait-ce que pour éviter des concours de montants trop réduits, qui augmenteraient les coûts de gestion.

Du point de vue colombien, cela permet aux entités non souveraines de « s'autonomiser » par rapport à l'État et de se donner une projection internationale, ainsi qu'un accès direct à l'expertise française.

Nous avons pu particulièrement observer ces enjeux à travers l'entreprise Empresas publicas de Medellín (EPM), deuxième entreprise du pays, qui intervient dans les secteurs de l'énergie, de l'eau et de l'assainissement et des télécommunications. Ses pratiques ambitieuses en matière de responsabilité sociale et environnementale lui ont apporté une reconnaissance nationale et internationale. À travers son financement, l'AFD a ouvert la voie à une collaboration avec des entreprises françaises telles qu'EDF et Veolia ou encore des fournisseurs de matériel industriel.

Au-delà des réunions « techniques », nous avons pu constater son activité sociale en visitant « l'unité de vie articulée » de « La Armonia », mise en place dans un quartier défavorisé lorsque celui-ci a été raccordé aux différents réseaux. Nous avons pu ainsi observer les différentes activités culturelles, sociales et éducatives, comme la mise à disposition de salles informatiques, des crèches, des bibliothèques, etc.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - La question urbaine revêt une importance particulière en Amérique latine, qui abrite la population la plus urbanisée au monde. Le taux d'urbanisation est ainsi de 80 %, comme en Amérique du Nord, contre 73 % en Europe, moins de 50 % en Asie et 40 % en Afrique. Nous avons tous en tête les images des grandes villes surpeuplées d'Amérique du Sud.

La Colombie s'inscrit pleinement dans ce cadre, avec les agglomérations de Medellín et Cali mais surtout de Bogotá, qui compte 11 millions d'habitants, mais ne dispose toujours pas de métro mais d'un système de bus à haut niveau de service qui nous a semblé saturé.

Nous avons pu constater que les problématiques urbaines se posaient souvent dans des termes similaires, en France et en Colombie, sans pour autant gommer tout particularisme.

À ce titre, cette proximité illustre parfaitement la nouvelle logique des « objectifs du développement durable », adoptés à New York en septembre 2015 et qui se sont substitués aux « objectifs du millénaire pour le développement ». En effet, il ne s'agit plus d'un agenda de rattrapage, mais d'un agenda de convergence : en d'autres termes, les objectifs sont les mêmes dans les pays du Nord et du Sud.

J'en profite pour rappeler que c'est cette convergence des objectifs qui conduit également à vouloir rapprocher notre banque de développement international, l'AFD, et notre banque de développement domestique, la Caisse des dépôts et consignations.

Sur ces problématiques urbaines, nous avons pu échanger avec le département d'urbanisme de l'Université de Los Andes , que l'AFD a financé pour développer des outils d'évaluation de politiques urbaines. Il s'agit, notamment, de développer différents types d'analyse et d'indicateurs pour une meilleure compréhension des conséquences des politiques publiques en matière de transport.

Par ailleurs, le projet le plus emblématique de la coopération française, le métro câble de Medellín, est aussi un exemple de la convergence des problématiques urbaines entre le nord et le sud. Premier système de télécabine urbain au monde, il a depuis été exporté en Équateur, mais aussi dans les pays développés, à commencer par la France où la ville de Brest s'en est équipée, même si elle a préféré une technologie suisse, contrairement à la ville de Medellín...

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Enfin, pour conclure notre intervention, nous voudrions insister sur le choix colombien de promouvoir une « croissance verte ». Le respect de l'environnement, d'une part, et la croissance économique des pays en développement, d'autre part, sont souvent vus comme contradictoires ; cette image est de plus en plus souvent fausse.

Nous l'avons dit précédemment, l'Amérique latine est très impliquée dans la lutte contre le changement climatique et nous avons pu constater cela sur le terrain en Colombie. Ainsi, dans le cadre de ses programmes de planification, la Colombie a mis en place une « mission croissance verte » destinée à assurer un développement plus respectueux de l'environnement. Elle repose sur quatre objectifs : promouvoir la compétitivité économique, assurer la protection du capital naturel, promouvoir une croissance résiliente au changement climatique et garantir le bien-être et l'inclusion sociale.

Cette mission bénéficie d'un important soutien international. Ainsi, les travaux de diagnostic sont en partie financés par les Allemands, la Banque mondiale et le programme des Nations-Unies pour l'environnement, tandis que l'AFD finance la moitié du coût de fonctionnement de la mission.

Tout n'est pas « rose » naturellement : nous avons pu constater les difficultés à construire un métro à Bogotá, alors qu'il est beaucoup plus facile de de mettre en place un système de bus à haute capacité qui sillonne la ville. Mais nous avons le sentiment d'une véritable prise de conscience.

Je conclurai notre intervention en insistant sur le fait que notre aide en Colombie - et plus largement en Amérique latine - est un outil diplomatique efficace, qui ne nous coûte pas cher.

M. Bernard Lalande . - Les retombés économiques pour la France sont-elles équilibrées par rapport au niveau des interventions de l'AFD en Amérique latine ? Par ailleurs, on compare souvent la France et l'Allemagne : en matière d'aide publique au développement, l'Allemagne a-t-elle une puissance supérieure à celle de la France, et surtout, intervient-elle avec des instruments financiers comparables ?

M. Michel Canevet . - La réduction des crédits dédiés à l'aide publique au développement est-elle susceptible d'affecter les programmes de soutiens qui nous ont été présentés ? Par ailleurs, le Chili fait-il partie des pays bénéficiaires des concours de l'AFD ?

M. Marc Laménie . - Disposez-vous d'éléments relatifs à la situation financière de la Colombie, et notamment son endettement et son déficit budgétaire ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Les investissements allemands ne sont pas particulièrement élevés dans cette région dont les liens sont historiquement plus forts avec l'Espagne et les États-Unis.

La baisse des crédits de l'APD de la France n'aura pas d'effet en Amérique latine - ou alors de façon marginale - dans la mesure où notre aide sur cette zone prend essentiellement la forme de prêts à condition de marché, c'est-à-dire qui ne mobilisent pas de « ressource État ». En effet, l'AFD prête à la Colombie à hauteur de 4 % - quand l'État colombien s'endette autour de 8 % - mais se finance sur les marchés à un taux bien inférieur, ce qui lui permet de prêter et de couvrir sa marge sans recourir aux bonifications. Tout fonctionne bien tant qu'il n'y a pas de défaillance. J'ajoute que les prêts de l'AFD sont également un signal positif vis-à-vis des investisseurs privés.

L'AFD n'intervient pas au Chili, mais est désormais présente en Argentine. Comme nous l'avons dit la Colombie est une des principales contreparties de l'agence. Ce pays a une grande expérience des questions urbaines, qui résulte notamment de l'exode rural provoqué par les guérillas.

La situation économique est compliquée, du fait de la chute du cours des matières premières. La Colombie a ainsi perdu 20 % de ses recettes budgétaires avec la chute du prix du pétrole. La situation financière est en revanche saine, malgré des dépenses militaires et de sécurité très importantes. En tant que passionnée de ferroviaire, j'ajoute que le réseau est essentiellement limité au transport de matières premières, hors réseaux urbains, du fait de la géographie du pays : Bogotá et Medellín sont sur des plateaux très élevés et la forêt amazonienne occupe une grande partie du pays.

Alors que nous débattons actuellement du cumul des mandats dans le temps en France, j'ajoute que j'ai été frappée par les règles relatives aux mandats locaux en Colombie : pour éviter d'éventuels risques de corruption, les mandats ne sont pas reconductibles. Ainsi, le mandat de maire est un mandat de quatre ans non renouvelable.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Concernant l'accord de paix, vous le savez, il a été rejeté par référendum en octobre dernier. Le Parlement colombien l'a finalement ratifié en novembre, dans une version un peu différente. L'accord est désormais effectif. Le processus de remise des armes a été complexe mais sa fin a été récemment célébrée. La question est aussi celle du développement des territoires précédemment aux mains des FARC. La culture de la coca et la drogue étaient au coeur du financement de leur système et armement : il s'agit aujourd'hui pour les agriculteurs de transformer les productions. Il faut que la confiance revienne, mais cette situation reste fragile.

En termes de contrepartie pour la France, je rappelle que les aides de l'AFD ne sont pas liées ; cette règle est absolue. Si les cahiers des charges établis peuvent cependant parfois correspondre à ce que les entreprises françaises savent faire, les projets font l'objet d'appels d'offres internationaux obéissants à des règles très strictes.

Enfin l'AFD est peu connue, elle est pourtant le bras séculier de l'aide publique au développement et un outil diplomatique extraordinaire qu'il faut encourager. La discussion budgétaire s'ouvrira bientôt et je regrette aujourd'hui les coupes claires qui affectent son budget.

La commission a donné acte de leur communication à Mme Fabienne Keller et M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

PROGRAMME DU DÉPLACEMENT EN COLOMBIE

Bogotá (27 et 28 mars 2017)

Agence française de développement

- M. Maurice Bernard, Directeur AFD Colombie et Équateur

- Mme Natalia Cardenas, Chargée de projets

- M. Thierry Bruckner, Traducteur, interprète, référent communication

Financiera de Desarrollo Territorial (Findeter)

- M. Luis Fernando Arboleda, Président

- M. Rodolfo Enrique Zea Navarro, Secrétaire général

- Mme Ana Maria Palau, Planning vice president

- Mme Maria Paz Uribe, Head of international banking

Mairie de Bogotá

- M. Juan Pablo Bocarejo Suescún, Secrétaire à la mobilité de Bogotá

Departamento Nacional de Planeación (DNP)

- Mme Silvia Calderón, Sous-directrice du développement durable

- M. Hernando José Gómez, Directeur de la mission croissance verte

- M. José Manuel Sandoval, Asesor Crecimiento Verde

Ministère des finances de Colombie

- Mme Ana Milena López, Directrice du crédit public et du trésor

- Mme Lina Maria Mandragón, Sous-directrice des financements multilatéraux

Departamento Nacional de Planeación (DNP)

- M. Luis Felipe Lota, Sous-directeur transports

- Mme Sandra Rueda, Gérante de structuration de projets de l'Agence nationale des infrastructures

- M. Manuel Fernando Castro, Sous-directeur des territoires et de l'investissement public

- Mme Mónica Peñuela, Sous-directrice de crédit

Ambassade de France

- M. Laurent Charpin, Chef du service économique de Bogotá

Medellín (29 et 30 mars 2017)

ACI - Agence de coopération et d'investissement de Medellín

- Mme Carolina Correa, Local & international relations professional

Visite du tramway Ayacucho et de la ligne H du métrocâble

Métro de Medellín

- M. Iván Dario Upegui Velasquez, Associated business division

- M. Alexander Jiménez Laverde, Planning department

Pomagalski

- Mme Olga Luz Jaramillo, Gestora social

Université EAFIT - Urbam

- M. Alejandro Echeverri, Directeur

- M. Carlos Cadena Gaitán, Coordinador académico urbam - EAFIT

- Mme Isabel Basombrío, Líder unidad de proyectos urbam-EAFIT

- Mme Ana María Arango, Coordinadora unidad de proyectos

Visite technique de l'unité de vie articulée « La Armonia »

Empresas publicas de Medellín (EPM)

- Mme Margarita Salazar Henao, Gérante du développement durable

- Mme Marcela Grajales, Profesional financiero-dirección gestión de capitales

- M. Juan Carlos Sampedro Tobón, Directeur de la gestion des capitaux

Bogotá (31 mars 2017)

Universidad de los Andes - groupe SUR

- M. Daniel Paez, directeur du Groupe Sur - Sostenibilidad Urbana Régional

- M. Ricardo Camacho Castilla, Professeur

Intervention des sénateurs auprès des étudiants de la faculté d'ingénierie de l'université des Andes

Ambassade de France

- M. Jean-Marc Laforêt, ambassadeur de France en Colombie

-


* 1 Il est en effet passé sur cette période de 0,22 euro à 0,31 euro avant de se stabiliser aujourd'hui autour de 0,27 euro.

* 2 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 3 Voir Léonardo Puppetto, « Les nouvelles règles pour les prêts d'aide publique au développement : quels enjeux ? », Trésor-Éco n° 161, mars 2016.

* 4 Depuis 2014 la DATAR a été remplacée par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).

* 5 Les règles prudentielles internes à l'AFD prévoient que son encours auprès d'une contrepartie non-souveraine ne peut dépasser 10 % de ses fonds propres.

* 6 Voir le rapport d'information n° 532 (2015-2016) de vos rapporteurs spéciaux : « Pour un rapprochement ambitieux de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations », 6 avril 2016.

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