III. EN DÉPIT D'UNE EFFICACITÉ DIFFICILE À MESURER, LE « RETOUR SUR INVESTISSEMENT » QU'OFFRENT LES IFRE À LEURS TUTELLES EN TERMES DE RECHERCHE ET DE DIPLOMATIE D'INFLUENCE NE FAIT GUÈRE DE DOUTE EU ÉGARD À LA MODESTIE DE LEUR BUDGET

A. DES SUBVENTIONS DE FONCTIONNEMENT QUI DEMEURENT TRÈS RAISONNABLES, DES RESSOURCES PROPRES À DÉVELOPPER ENCORE DAVANTAGE

En 2016, la dotation budgétaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères consacrée aux IFRE a représenté, selon le rapport annuel de performances pour 2016 de la mission « Action extérieure de l'État », une somme de 4,79 millions d'euros en exécution (AE=CP) , soit une diminution de - 5 % des crédits par rapports aux montants votés en loi de finances initiale (5,05 millions d'euros) . La somme votée pour 2017 est de 4,80 millions d'euros .

Cette dotation, qui représente environ 180 000 euros par institut , est destinée, selon les documents annexés au projet de loi de finances pour 2017, à financer des dépenses de fonctionnement des vingt-sept IFRE. En pratique, elle sert surtout à financer des dépenses de proximité : loyer, eau, électricité, téléphone, fournisseurs locaux, aides à la mobilité internationale des doctorants et post-doctorants, etc.

Cette somme s'impute sur les crédits de l'action 4 « Attractivité et recherche » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » , qui porte par ailleurs la subvention pour charges de service public de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Campus France.

Le CNRS, pour sa part, a consacré aux IFRE en 2016, selon les services de l'Institut des sciences humaines et sociales (Inshs), une subvention de fonctionnement de 846 000 euros , à laquelle il convient d'ajouter 8,2 millions d'euros qui correspondent aux traitements bruts de ses personnels affectés au sein du réseau des IFRE . La subvention de fonctionnement du CNRS sert surtout à financer les missions (chercheurs invités pour des missions de terrain par exemple) et toutes dépenses payables en France (aides à la publication par exemple).

Au total, les financements publics en faveur des IFRE , hors masse salariale, se sont donc limités à 5,64 millions d'euros en 2016 , soit un montant de 209 000 euros par IFRE en moyenne . Cette somme apparaît très modeste au regard de l'envergure du réseau des IFRE et de son rôle dans la recherche et la diplomatie scientifique de notre pays .

Exemples de subventions de fonctionnement du CNRS et du MEAE
perçues par des IFRE
13 ( * ) en 2016

(en milliers d'euros)

IFPO

CRFJ

IFEA

IFP

CJB

MEAE

905

135,2

189

355,1

188,7

CNRS

145,5

102,2

43,9

31

26

Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Parallèlement, les IFRE sont parvenus à obtenir 4,8 millions d'euros de ressources propres hors dotations du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du CNRS en 2016, soit près de la moitié de leurs ressources dédiées au financement de leurs dépenses de fonctionnement, qui ont représenté au total 10,4 millions d'euros en 2016.

Le tableau ci-dessous, relatif au budget de fonctionnement du Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ) permet de donner une idée des principaux postes de recettes et de dépenses d'un IFRE . Pour obtenir son budget consolidé , il convient d'ajouter 1 183 114 euros de masse salariale supportée par le CNRS et 139 000 euros de masse salariale supportée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères .

Exemple du budget de fonctionnement 2016
du Centre de recherche français de Jérusalem

(en euros)

Subvention CNRS

135 240

Subvention MEAE

102 249

Remboursement TVA

28 000

Ressources propres

67 000

Total recettes

332 489

Loyer TTC

149 105

Frais de fonctionnement

50 709

Missions administratives

5 412

Aides à la mobilité étudiante

44 349

Dépenses d'action scientifique

44 349

Total dépenses

298 272

Source : Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ)

Alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères fait l'objet depuis de nombreuses années d'une diminution régulière de ses crédits , et que, de l'avis général, le CNRS devrait avoir le plus grand mal à s'engager davantage financièrement en faveur des IFRE , leur bon fonctionnement et, a fortiori, leur développement , reposera donc à l'avenir sur le dynamisme de leurs ressources propres .

Celles-ci peuvent être de plusieurs natures.

Les IFRE peuvent tout d'abord obtenir des subventions de la part des autorités ou des institutions universitaires et de recherche de leurs pays d'accueil , à l'instar du ministère fédéral allemand de l'éducation et de la recherche (BMBF) qui contribue depuis 2001 au financement du Centre Marc-Bloch de Berlin. C'est du reste également l'une des raisons pour lesquelles la conclusion de partenariats avec les établissements scientifiques de leurs pays d'accueil doit être une priorité absolue pour les IFRE (voir infra ).

Ils peuvent également bénéficier du mécénat de fondations privées , comme le Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ), qui a bénéficié de 2013 à 2015 d'une subvention de 210 000 euros de la fondation Bettencourt Schueller pour financer des mobilités étudiantes ou la Section française de la direction des antiquités du Soudan (SFDAS) qui a perçu en 2016 298 500 euros de financements provenant de différents partenaires (Haute autorité des musées du Qatar, Musée d'histoire naturelle de New York, Fondation Giorgini, etc.).

Ce recours au mécénat et ces partenariats avec des institutions muséales doivent être développé et encouragé avec vigueur par les tutelles des IFRE .

Un enjeu très important pour les IFRE est également d'essayer d'obtenir des financements en répondant aux appels à projets internes au CNRS , mais également à ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du Conseil européen de la recherche (ERC) , le succès obtenu à ces appels à projets très sélectifs étant par ailleurs une reconnaissance de l'excellence scientifique d'un projet .

En 2016, année faste pour lui, le Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ) a pu ainsi bénéficier de 30 000 euros au titre du programme ANR SILPAST 14 ( * ) , de 16 000 euros au titre de deux projets de recherche du CNRS relatifs aux migrations de Français en Israël ainsi qu'aux stratégies de communication de Daesh et de 4 000 euros grâce au programme ERC Open Jerusalem 15 ( * ) , l'un des trois projets ERC obtenu par le CRFJ au cours de ces cinq dernières années, ce qui, au regard de sa taille très réduite, constitue une très belle performance .

Autre exemple de réussite, celle du Centre français des études éthiopiennes (CFEE), qui fait actuellement partie de deux consortiums lauréats de financements quadriennaux de l'ANR 16 ( * ) qui apporteront au CFEE 121 000 euros sur quatre ans .

Si votre rapporteur spécial est bien conscient de la difficulté d'obtenir de tels financements , dans un contexte où le taux de sélection des appels à projets de l'ANR a atteint un niveau extrêmement bas pour cause de disette budgétaire, il considère néanmoins qu'il est du devoir des directeurs des IFRE de pousser leurs chercheurs à candidater au maximum à des appels à projets compétitifs qui permettent de faire vivre leurs instituts et de les confronter aux exigences très relevées qui sont celles de ce type de procédures .


* 13 IFPO : Institut français du Proche-Orient - CRFJ : Centre de recherche français de Jérusalem - IFEA : Institut français d'études anatoliennes - IFP : Institut français de Pondichéry - CJB : Centre Jacques-Berque de Rabat.

* 14 Ce projet porté par Michèle Baussant, chercheuse affectée au CRFJ pour la période 2015-2018, est intitulé « SILPAST - Silenced past: mediations and social appropriations of the past in immigration and post-conflict societies ». Il porte sur les formes de refoulement et de réappropriation du passé, envisagées dans une perspective anthropologique, dans des sociétés profondément marquées par l'expérience migratoire et/ou par la conflictualité.

* 15 Ce programme, obtenu en 2014 par Vincent Lemire, enseignant-chercheur en délégation au CRFJ de 2012 à 2014, intitulé « Opening Jerusalem archives : for a connected history of « citadinite » in the Holy City (1840-1940) » porte sur le recensement, l'analyse et la mise en relation des différents fonds d'archive intéressant l'histoire de Jérusalem entre 1840 et 1940, qu'ils soient préservés à Jérusalem ou ailleurs dans le monde (Turquie, Italie, Russie, Éthiopie, etc.).

* 16 Le premier, aux côtés de l'EHESS à Paris et du Forschungszentrum Gotha de l'Université d'Erfurt, est un projet franco-allemand ANR-BMBF ETHIOMAP intitulé « Cartographic sources and territorial transformations of Ethiopia since the late 18th century » (2016-2019, 185 000 euros alloués, dont 44 500 euros pour le CFEE sur quatre ans). Le projet entend interroger le rôle de la cartographie dans la construction de l'État en Éthiopie. Le second est un projet soumis par Anne Delagnes et Jean-Renaud Boisserie sur la culture matérielle des premiers hominidés (« Oldowan ») à l'extrême-sud de l'Éthiopie, sélectionné par l'ANR (2017-2020), avec une dotation pour le CFEE s'élevant à 77 000 euros.

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