B. UN STATUT ADMINISTRATIF COMPLEXE, SUSCEPTIBLE DE SOULEVER DES DIFFICULTÉS PRATIQUES, MAIS DONT LES IFRE SEMBLENT PLUTÔT S'ACCOMODER

1. Les IFRE sont des établissements à autonomie financière, un statut qui pose toujours des difficultés au regard de la loi organique relative aux lois de finances

Ainsi que le précise l'accord interministériel du 5 décembre 2000 conclu entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la recherche relatif à l'organisation des Instituts de recherche français à l'étranger, les IFRE sont dotés de l'autonomie financière .

Juridiquement, ce sont donc des établissements à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères , un statut dont bénéficient également d'autres services en charge de la diplomatie française d'influence, et en particulier le réseau des Instituts français . La liste des EAF est fixée par un arrêté du 24 janvier 2011 qui fait l'objet d'une actualisation tous les ans 6 ( * ) .

Le statut des EAF, prévu par un décret du 24 août 1976 7 ( * ) , prévoit notamment que ceux-ci ne disposent pas de la personnalité morale mais peuvent conserver les recettes qu'ils perçoivent grâce à leur activité (subventions des autorités locales, mécénat, etc.) et employer des agents non soumis au plafond d'emplois ministériel . Il est généralement considéré comme efficace et adapté aux établissements de petite taille à l'étranger .

Ces dernières années, plusieurs rapports parlementaires 8 ( * ) et de la Cour des comptes ont toutefois mis en lumière la fragilité juridique de ce statut au regard des dispositions de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) .

De fait, il n'est pas conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaires , qui prévoient l'enregistrement intégral des recettes et dépenses dans le budget général de l'État et la non affectation des recettes à des dépenses .

À la suite de ces réflexions, plusieurs pistes d'évolution du statut des EAF ont été examinées par le département en concertation avec le ministère du budget, telles que leur transformation en établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ou bien encore la mise en place de circuits financiers complexes pour leurs ressources propres (attributions de produits, fonds de concours).

Aucune solution satisfaisante n'ayant été trouvée , le Gouvernement a décidé au premier semestre de n'apporter que quelques retouches au décret n° 76-832 du 24 août 2016, rendues effective par la publication du décret n° 2017-655 du 27 avril 2017 9 ( * ) .

Le statut des EAF a donc été maintenu et avec lui l'incertitude juridique qui menace sa pérennité , même si un groupe de travail conjoint du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances devrait être créé pour réfléchir à l'évolution de ce statut .

Recommandation n° 4 : pour assurer la sécurité juridique des IFRE, résoudre enfin le lancinant problème de la non-conformité à la loi organique relative aux lois de finances du statut des établissements à autonomie financière (EAF) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères .

2. Les IFRE sont également des unités de service et de recherche du CNRS, ce qui implique une double gestion administrative fastidieuse

Le CNRS est composé de dix Instituts , dont l'Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) , dont relèvent les IFRE.

Cet Institut, à l'instar des neuf autres Instituts du CNRS, est lui-même composé d'unités de service et de recherche (USR) 10 ( * ) , autrement dit, de laboratoires , au sein desquels sont regroupés des équipes de chercheurs , d'ingénieurs , de techniciens , de personnels administratifs , d'enseignants-chercheurs et d'étudiants de troisième cycle universitaire (doctorants et post-doctorants).

C'est dans ces laboratoires que sont concrètement menés les travaux de recherche , la valorisation de leurs résultats , leur diffusion et la formation par et pour la recherche.

Depuis la signature du premier accord-cadre du 20 avril 2007 conclu entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le CNRS, tous les IFRE accueillent en leur sein une unité de service et de recherche (USR) de l'Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS .

Ils hébergent donc deux structures administratives distinctes , un établissement à autonomie financière (EAF) et un USR 11 ( * ) , dotés chacun de personnels , d'un budget et d'une comptabilité séparés , ce qui est source de complexité et peut rendre leur gestion plus difficile au quotidien , en particulier lorsqu'il s'agit de structures ne comptant qu'un nombre très réduit de personnels administratifs.

Dans le même temps, cette dualité de règles permet aux IFRE , bon an mal an, de jongler avec les règles de leurs deux budgets pour faire face à toutes leurs dépenses de façon régulière : emplois de personnels locaux , régie de recettes et de dépenses grâce au statut d'EAF d'une part, facilités de gestion offertes par le statut d'USR d'autre part.

Les explications fournies par un directeur d'IFRE dans ses réponses au questionnaire que lui avait adressé votre rapporteur spécial permettent de résumer le sentiment général : « la cotutelle se traduit principalement par la mise en place et le traitement de deux budgets distincts , obéissant chacun à des règles comptables et à des calendriers différents pour traiter chacune des deux subventions.

« En outre, les règles comptables qui s'appliquent à la subvention du ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'ont pas été pensées pour un centre de recherche à l'étranger et s'avèrent particulièrement inadaptées à la nature de nos dépenses (frais de mission pour chercheur invité par exemple). Symétriquement, les règles comptables qui s'appliquent au budget CNRS ne permettent pas de prendre en charge les dépenses de proximité .

« Au total, la gestion simultanée de deux budgets permet certes de trouver une solution à la plupart des besoins de l'IFRE , mais au prix d'une débauche de travail sans proportion avec les montants des dépenses impliquées ».

Dès lors, faut-il chercher à faire évoluer ce modèle administratif chronophage et intellectuellement peu satisfaisant pour un esprit cartésien ? Ou s'en accommoder en constatant qu'il permet , vaille que vaille, aux équipes administratives des IFRE de faire fonctionner convenablement leurs établissements ?

Bien qu'un observateur extérieur ne puisse qu'être frappé par le niveau de complexité administrative induite par la gestion des IFRE au regard du montant somme toute très faible de leurs budgets (voir infra ), préconiser une forme juridique unique pour les IFRE alors que la pérennité de leur statut d'établissement à autonomie financière (EAF) n'est toujours pas assurée engendrerait probablement plus de difficultés qu'elle ne résoudrait de problèmes : ainsi que le résume un autre directeur d'IFRE, la dualité administrative des instituts « ne facilite pas leur administration, mais elle est gérable ».

Votre rapporteur spécial se limitera donc à sa seule proposition n° 4 en ce qui concerne le statut administratif des IFRE.


* 6 À noter le cas unique de l'Institut français d'Afrique du Sud-recherche (IFAS), qui n'est pas par lui-même un établissement à autonomie financière (EAF), mais constitue la section « recherche » de l'Institut français d'Afrique du Sud, qui, quant à lui, est un EAF.

* 7 Décret n° 76-838 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle à l'étranger.

* 8 Rapport d'information de la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture réalisé par Mme Geneviève Colot, députée, mai 2010 - Rapport d'information du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale sur l'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger réalisé par M. François Loncle et Mme Claudine Schmid, députés, novembre 2013.

* 9 Décret n° 2017-655 du 27 avril 2017 modifiant le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération.

* 10 Le CNRS compte quelque 1 100 unités de service et de recherche (USR).

* 11 Le cas du Centre Marc-Bloch de Berlin, qui héberge également deux structures administratives supplémentaires, à savoir un Verein et un An-Institut de droit allemand, est un cas spécifique qui sera abordé infra .

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