II. FAIRE MIEUX CONNAÎTRE LES IFRE, EN FRANCE COMME DANS LEURS PAYS D'ACCUEIL

A. LA COMMUNICATION DES IFRE, BIEN QU'ELLE AIT PROGRESSÉ DANS LES ANNÉES RÉCENTES, NE LEUR CONFÈRE PAS ENCORE UNE VISIBILITÉ SUFFISANTE

Jusqu'à une date relativement récente, les instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) n'étaient pas assez valorisés par leurs tutelles et souffraient d'un cruel déficit de notoriété .

Si une prise de conscience semble s'être opérée ces dernières années, le réseau demeure encore trop méconnu et devrait faire l'objet de mesures vigoureuses destinées à améliorer sa visibilité , en France comme à l'étranger.

1. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en partenariat avec la fondation Maison des sciences de l'homme, a consenti des efforts notables ces dernières années pour accroître la visibilité des IFRE et la valorisation de leurs recherches

Afin de donner aux IFRE une plus grande visibilité , le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a chargé depuis 2004 la fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH) d'assurer la communication institutionnelle du réseau , financée par une dotation de 25 000 euros du ministère .

La fondation Maison des sciences de l'homme

La fondation Maison des sciences de l'homme (FMSH) est une fondation reconnue d'utilité publique qui a été créée en 1963 par Fernand Braudel pour contribuer au rayonnement international des sciences humaines et sociales françaises.

Dans cette perspective, elle propose de nombreux services à une large communauté internationale de chercheurs : diffusion de leur production scientifique, accès à des dispositifs de mobilité, accueil de collègues étrangers à la Maison Suger au coeur du Quartier Latin, accès à une bibliothèque de référence en sciences humaines et sociales, etc. La FMSH participe également à de grands programmes internationaux tels que le Collège d'études mondiales.

Depuis 2015, elle appartient à la communauté d'universités et établissements (COMUE) Université Sorbonne Paris Cité.

Source : site internet de la Fondation Maison des sciences de l'homme

Cette communication passe d'abord par le site internet www.ifre.fr , entièrement refondu en juin 2015 , dont la FMSH assure l'entretien et mesure la fréquentation . Selon les chiffres fournis par la fondation, celle-ci a augmenté de 10 % entre 2015 et 2016 , passant de 40 000 à 45 000 visiteurs annuels . Sur la même période, le nombre d'ouverture de sessions a augmenté de 12 % et celui de pages vues de 20 % .

Au total, le site compte quelque 30 000 pages , nombre qui augmente automatiquement à chaque publication ou dépôt de nouveaux documents par les IFRE.

La FMSH utilise également les réseaux sociaux pour assurer la promotion des IFRE . La page Facebook du réseau compte ainsi 5 400 abonnées et 5 500 mentions « j'aime » . Le compte Twitter , pour sa part, sert depuis septembre 2016 à diffuser les publications des instituts dans le but de les faire connaître à d'autres milieux que ceux de la recherche : journalistes, grand public, etc.

Enfin, la FMSH publie depuis début 2015 « Les Cahiers des IFRE », recueils d'articles de chercheurs des IFRE consacrés à une problématique contemporaine . À ce jour, trois numéros ont été publiés : « Urbanisme et dérèglement climatique » en février 2015, « L'Afrique dans la globalisation » en décembre 2015 et « Migrations, reconfigurations » en décembre 2016.

Parallèlement, la direction de la communication et de la presse du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui est chargée de mettre à jour le site www.diplomatie.gouv.fr, a enfin mis en place une page de présentation du réseau des IFRE ainsi qu'un renvoi vers le site www.ifre.fr , afin d'assurer une meilleure valorisation de ce sous-ensemble peu connu du réseau diplomatique français .

Le CNRS, de son côté, joue au quotidien un rôle relativement modeste dans la valorisation des IFRE, même s'il veille à faire figurer leurs activités en interne dans le Journal du CNRS .

Si la refonte du site Internet des IFRE et la mise en place d'un accès dédié sur le site du ministère de l'Europe et des affaires étrangères constituent des progrès tangibles , la communication du réseau des IFRE au niveau global demeure perfectible. Une hausse du rythme de parution des « Cahiers des IFRE » serait par exemple une initiative louable .

Mais comme l'ont souligné plusieurs directeurs dans leurs réponses au questionnaire que votre rapporteur spécial leur avait fait parvenir, le nom « Institut français de recherche à l'étranger » est sans doute en lui-même beaucoup trop administratif pour véritablement valoriser ce réseau et représente un fardeau en termes de communication . S'ajoute en outre le problème de sa trop grande proximité avec celui des Instituts français .

Dès lors, il pourrait être souhaitable de le faire connaître sous un label plus porteur , tel que par exemple le réseau des « Instituts Fernand Braudel » ou des « Instituts Michel Foucault », pour reprendre les noms de deux grands intellectuels qui ont contribué au rayonnement mondial des sciences humaines et sociales françaises au cours de la seconde moitié du XX e siècle. Un nom plus neutre pourrait également être imaginé .

Recommandation n° 12 : rebaptiser le réseau des IFRE pour lui donner une visibilité accrue.

2. La communication de chaque IFRE doit se professionnaliser et répondre à un cahier des charges précis

Tant les réponses au questionnaire que les visites qu'il a pu effectuer sur leurs sites Internet ont laissé à penser à votre rapporteur spécial que la communication individuelle des IFRE n'était pas actuellement à la hauteur de la qualité de leur travail scientifique et du dynamisme de leur programmation en termes de colloques, débats, séminaires, etc.

Il lui paraît donc indispensable que cette communication fasse l'objet d'un cahier des charges précis des tutelles mentionnant ce que doivent contenir leurs sites internet et rendant obligatoire une présence effective sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter .

En outre, il est indispensable que les directeurs des IFRE s'approprient les comptes Facebook et Twitter du réseau pour publier leurs offres d'emplois, appels à contribution et annonces évènementielles, dans la mesure où ces comptes sont susceptibles de leur offrir un niveau d'exposition très supérieur à celui qu'ils sont susceptibles d'atteindre par leur propre moyens.

Ceci étant dit, le problème du manque de personnels administratifs dont pâtissent les IFRE ne doit pas être minimisé. Dès lors, pourquoi ne pas procéder à une mutualisation complète de tous leurs moyens de communication ?

Une solution consistant à ce que la cellule de valorisation des IFRE de la FMSH soit étoffée pour pouvoir être en mesure de gérer tous les sites et comptes sur les réseaux sociaux des vingt-sept IFRE devrait être sérieusement étudiée .

Recommandation n° 13 : rédiger un cahier des charges relatif à la communication des instituts français de recherche à l'étranger et étudier la mise en place d'une gestion mutualisée de celle-ci.

3. La diffusion des travaux des IFRE doit réussir le défi de s'adresser à la fois à la communauté scientifique mais également à un plus large public

La diffusion des travaux des IFRE s'effectue dans les cercles scientifiques par des publications dans des revues , de préférence des revues à comité de lectures .

Mais plusieurs IFRE possèdent également des supports de publication qui leur sont propres , que ceux-ci soient des revues papiers ou soient rendus publics en format numérique .

L'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC) de Bangkok édite ainsi de nombreuses monographies , évaluées par des comités de lecture, et publiées en partenariat avec des éditeurs reconnus. Parallèlement, il publie sur son site des Carnets et Notes de l'IRASEC destinées au public intéressé par les analyses de ses chercheurs sur cette région du monde en pleine mutation .

Le Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC), pour sa part, publie une revue interdisciplinaire trimestrielle intitulée Perspectives chinoises , adossée à un comité de lecture, qui traite de sujets politiques, économiques, sociaux et culturels sur la Chine contemporaine. Cette revue, qui vise à mettre l'actualité en perspective grâce à l'expertise des chercheurs du centre , est également éditée en anglais, afin d'assurer une plus large diffusion.

L'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) d'Istanbul publie sur son site internet les Dossiers de l'IFEA , qui visent à analyser une question d'actualité ainsi que des Dipnots (notes de bas de page en turc), notes et réflexions destinées à approfondir des sujets relatifs à la Turquie et au Caucase .

Autre exemple, les Presses de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) assurent la publication d'une quinzaine de titres tous les ans (auxquels il faut ajouter les coéditions), susceptibles de porter sur l'ensemble du champ des sciences humaines et sociales, qui viennent enrichir les quelques 600 titres publiés depuis 1922 par les institutions françaises de recherche au Proche-Orient dont il est l'héritier.

Enfin, les conférences organisées par les IFRE peuvent être l'occasion de valoriser leurs travaux . En juin 2016 a ainsi eu lieu au Centre d'études franco-russe (CFER) de Moscou la présentation du livre de deux anciens du réseau des IFRE, Marlène Laruelle (post-doctorante à l'IFEAC de Tachkent en Ouzbékistan) et Jean Radvanyi (ancien directeur du CFER), La Russie : entre peurs et défis .

Toutes les démarches de valorisation des travaux des chercheurs des IFRE citées supra doivent être soutenues et les tutelles devraient veiller à ce que tous les IFRE développement des supports analogues , ce qui est presque toujours, mais pas systématiquement, le cas.

4. Digitaliser les fonds documentaire et les publications

Outre leurs sites internet, les IFRE utilisent de plus en plus les plateformes en « open edition » comme OpenEdition Freemium , un programme pour le développement de l'édition scientifique en libre accès dans le domaine des sciences humaines et sociales (revues, livres, carnets de recherche, annonces scientifiques).

C'est là l'un des aspects de ce que l'on appelle les « humanités numériques » , domaine dans lequel l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) s'est particulièrement investi, au point de créer en 2017 un poste de « responsable des humanités numériques » , après avoir déjà créé en 2008 un poste de « responsable médiateur des ressources électroniques ».

Dans le numéro n° 86 de la revue « Arabesques » 22 ( * ) , le premier titulaire du poste, Jean-Christophe Peyssard, résume les enjeux et les opportunités de ce défi que doivent relever les chercheurs en sciences humaines et sociales , et en particulier ceux des IFRE : « depuis 2008, l'IFPO a mis en place un dispositif cohérent de communication scientifique numérique , a amorcé la numérisation des fonds , a fait entrer les publications dans l'ère de l'édition électronique et a formé ses membres aux enjeux et pratiques des outils numériques connectés pour les sciences humaines et sociales ».

S'il est bien conscient que tous les IFRE ne disposent pas des mêmes moyens que l'IFPO, votre rapporteur spécial ne peut que saluer la démarche ambitieuse de cet institut et inviter les autres IFRE , dans la mesure du possible, à suivre son exemple .


* 22 Arabesques, n° 86, juillet - août -septembre 2017.

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