IV. M. Roger Genet, directeur général de l'ANSES

Je vous remercie de m'avoir convié à ce colloque, dont le sujet est au coeur des préoccupations de l'ANSES et, plus largement, de celles de nos concitoyens. Les connaissances scientifiques progressent en permanence. L'ANSES a organisé voilà une quinzaine de jours, à la demande de la Direction générale de l'environnement, un colloque sur la perturbation de la fonction thyroïdienne liée à la perturbation endocrine. Les nouveaux acquis de la recherche confirment la très grande complexité de la fonction endocrine. Cela ne nous aide pas à établir une définition des perturbateurs endocriniens. Surtout, de façon cruciale, nous manquons de tests permettant de fonder cette définition et d'affirmer le caractère de perturbateur endocrinien.

L'ANSES est mobilisée sur ce sujet depuis plus d'une dizaine d'années, depuis le lancement du programme national de recherche environnement-santé-travail. Elle est notamment l'opérateur d'un programme de recherches. J'insiste sur ce point, car on a besoin de connaissances nouvelles pour trancher les controverses et les débats au sein de la communauté scientifique. Depuis une dizaine d'années, l'agence a financé plus d'une quarantaine de projets, le ministère de l'environnement a consacré environ 5 millions d'euros à cette thématique et les travaux qui ont été conduits dans ce cadre ont donné lieu à plus d'une centaine de publications. Beaucoup d'initiatives publiques ont été prises. Les connaissances scientifiques progressent, mais nous restons confrontés à une difficulté pour établir une définition des perturbateurs endocriniens.

L'ANSES a également énormément contribué à l'expertise concernant la classification de ces substances, les facteurs et critères permettant de définir le caractère de perturbateur endocrinien. Nous avons publié de nombreux travaux, qui couvrent principalement trois domaines. Il ne s'agit pas seulement de définir le caractère de perturbateur endocrinien de certaines substances, c'est-à-dire de caractériser le danger intrinsèque de ces dernières. Il s'agit aussi, pour une agence sanitaire comme la nôtre, de définir les populations vulnérables, c'est-à-dire celles qui peuvent être plus exposées que d'autres du fait de situations particulières - d'ordre médical, social, génétique, biologique.... ou du stade de la vie, le foetus étant par exemple plus sensible à une exposition aux perturbateurs endocriniens. Il s'agit enfin d'identifier les situations de surexposition momentanée, par exemple au travail.

L'ANSES, qui s'intéresse aux risques sanitaires dans toutes les circonstances de la vie, est particulièrement bien placée pour conduire ces travaux d'expertise. Elle oeuvre avec une vision intégrative : il faut en effet mettre en cohérence l'ensemble des voies d'exposition, que ce soit par inhalation, par ingestion ou par contact, pour définir, à partir du danger potentiel d'une substance, le risque auquel on est soumis par l'exposition à celle-ci. Il importe de graduer ce risque pour parvenir à déterminer le lien de causalité potentiel, proposer un classement et, le cas échéant, faire des recommandations aux pouvoirs publics en vue de restreindre l'utilisation de telle ou telle substance.

Il faut acquérir des connaissances nouvelles sur le danger et la définition du caractère de perturbateur endocrinien des substances chimiques, ainsi que sur les risques d'exposition, et remédier au déficit de méthodes validées. On a évoqué des méthodes qui permettent de définir le caractère oestrogénique ou anti-androgénique de certaines substances, mais, en ce qui concerne par exemple la fonction thyroïdienne, dont la régulation est extrêmement complexe, on manque cruellement de tests, de méthodes permettant d'identifier le caractère de perturbateur endocrinien.

Nous sommes surtout confrontés à un déficit chronique de données d'exposition. Il faut parvenir à caractériser les différentes situations et, à partir du danger présenté par l'exposition, pouvoir définir le risque potentiel. C'est en partant de l'analyse du risque que l'on peut formuler des recommandations pour classer une substance, éventuellement restreindre son utilisation, voire l'interdire quand elle a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché.

C'est un enjeu crucial pour nous, experts, pour les régulateurs que vous êtes, pour la communauté scientifique. Traiter cette problématique extrêmement complexe nécessite le soutien du Parlement et une très grande coopération entre États membres de l'Union européenne, afin d'aboutir à une position univoque en Europe. Dans ses recommandations sur le classement des substances, l'ANSES a surtout préconisé aux pouvoirs publics de promouvoir l'instauration, à l'échelle européenne, d'une unique instance chargée de la classification de ces substances, car nous sommes confrontés à une situation d'une très grande complexité.

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