III. M. Jacques Young, endocrinologue

Traiter de cette question en cinq minutes n'est pas simple...

Une hormone est une substance sécrétée par une glande qui agit à distance sur un organe cible, à des concentrations extrêmement faibles. Les substances qui perturbent le fonctionnement d'une hormone ou d'une glande endocrine agissent-elles également à de telles concentrations, quand elles sont présentes sous forme de traces, comme cela peut être le cas dans l'environnement ?

Par exemple, la cryptorchidie - un testicule ne descend pas dans les bourses de façon physiologique normale - a été imputée à l'action de perturbateurs endocriniens pendant la vie foetale, mais il est extrêmement difficile d'évaluer la concentration de ces substances dans le testicule du foetus. On raisonne alors de façon indirecte, faute, en général, d'études d'intervention. Comment procède-t-on ? Quand on associe une substance à une situation pathologique, on commence par se demander si cette substance a un effet perturbateur sur la physiologie. Pour la migration testiculaire, on sait que la testostérone joue un rôle majeur. Il pourrait y avoir une substance qui neutralise l'effet physiologique de cette hormone, empêchant ainsi la migration, et l'on va essayer d'accumuler des éléments de preuve en ce sens. Pour certaines substances, la preuve est forte et il n'y a alors pas de discussion, pour d'autres, elle est très faible : quand les outils classiques d'évaluation de l'effet anti-androgénique ne permettent pas de démonstration claire, peut-on exclure l'existence d'un tel effet ? Là est la difficulté. Nos outils actuels sont-ils suffisamment sensibles ? C'est un problème qui se pose de façon générale en médecine.

Pour étudier un composé pouvant entraîner la cryptorchidie, on commence par procéder à son analyse structurale. Ressemble-t-il à l'hormone qu'il neutralise ? Ce peut être le cas, mais les recherches en pharmacologie montrent chaque jour plus nettement qu'une substance peut avoir un effet perturbateur du fonctionnement de l'hormone en ayant une structure tout à fait différente. Il y a donc des limites à ces études de prédiction structurale.

Par ailleurs, la molécule suspectée d'être un perturbateur endocrinien inhibe-t-elle le fonctionnement des récepteurs des hormones androgènes ou de ce que l'on appelle les voies de signalisation androgénique au sein de la cellule ? Cela peut faire l'objet de tests, mais le problème est que, pour démontrer un effet, il faut en général recourir à des concentrations plus élevées que celles que l'on rencontre dans la nature, ce qui affecte la crédibilité de la démarche. C'est une difficulté.

En outre, puisqu'il n'est naturellement pas possible de procéder à des mesures de concentration au niveau du foetus, on utilise des substituts, des surrogates . On réalise des mesures dans le liquide amniotique, chez la mère ou l'enfant au moment de la naissance, soit à une période très éloignée de celle où le composé a agi : on ne peut pas extrapoler, car rien ne dit que la concentration n'a pas diminué au fil du temps.

Enfin, la mesure d'une concentration dans un fluide ne reflète pas toujours ce qui se passe dans un organe donné : c'est un fait bien connu en pharmacologie.

Nous sommes donc confrontés à un ensemble de problèmes méthodologiques.

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