B. LA SOUTENABILITÉ DES INTERVENTIONS FINANCIÈRES

Le deuxième enjeu qui se pose à la politique de décentralisation culturelle est la sauvegarde de la soutenabilité des interventions financières.

En dépit des quelques inflexions qui ont été récemment consenties par le Gouvernement, avec la diminution de moitié de l'effort budgétaire demandé aux communes et à leurs groupements en 2017 23 ( * ) , et la réévaluation des crédits de la Mission Culture de 13,9% de 2014 à 2017... après une baisse de 3,6% de 2012 à 2014 24 ( * ) , le contexte budgétaire demeure peu favorable aux politiques culturelles.

L'action culturelle locale est en effet durablement entravée par la réduction des concours de l'État aux collectivités, qui atteint tout de même 10,7 Mds d'euros sur la période 2014 à 2017 25 ( * ) .

En 2015, nos collègues Jacques Mézard et Charles Guené, dans le tome II de leur rapport d'information « L'évolution des finances locales à l'horizon 2017 », mettaient notamment en évidence le risque d'impact négatif des baisses des dotations de l'État sur les projets culturels locaux.

D'après l'enquête conduite dans ce cadre par l'Institut français d'opinion publique (IFOP), 14% des élus locaux interrogés identifiaient alors la culture comme le secteur susceptible d'être le plus touché par le nouveau contexte financier, ce chiffre étant de 14% pour les communes, 21% pour les intercommunalités, 22% pour les conseils départementaux et 17% pour les conseils régionaux. Par ailleurs, les subventions aux associations, dont beaucoup peuvent avoir un objet culturel, étaient citées par 45% d'entre eux.

Au total, le rapport faisait ainsi le constat qu' « une diminution aussi importante dans toutes les collectivités laisse présager une situation difficile pour tous les projets qui bénéficient de financements croisés. Parmi les exemples cités figurent les projets culturels » 26 ( * ) .

Depuis lors, le risque identifié par ce rapport s'est en partie réalisé.

Après avoir continuellement progressé, l'implication financière des collectivités dans le domaine de la culture doit parfois être redimensionnée tant les contraintes budgétaires à surmonter sont fortes, notamment pour les conseils départementaux dont les finances sont très sollicitées par la hausse exponentielle des prestations sociales. Par sa politique de modération budgétaire, l'État contraint les collectivités les plus en difficulté à se recentrer sur leurs dépenses obligatoires , ce qui peut fragiliser les co-financements sous-jacents à certaines politiques culturelles.

Loin de demeurer hypothétiques, ces évolutions budgétaires ont été mesurées par l'Observatoire des politiques culturelles (OPC), dans son étude conduite en janvier 2017 auprès d'une dizaine de conseils régionaux, de 42% des conseils départementaux et de 34% des communes de plus de 100 000 habitants.

Il ressort de cette enquête que 59% des collectivités - tous échelons confondus - déclarent avoir diminué leurs budgets de fonctionnement dans le domaine culturel entre 2015 et 2016, contre une hausse pour 30% et une stabilité pour 11% d'entre elles. Cette baisse a atteint en moyenne 4% pour les conseils régionaux, 5% pour les conseils départementaux et 7% pour les communes de plus de 100 000 habitants. Les deux domaines les plus touchés par ces réductions sont le spectacle vivant et les festivals, alors que ceux les plus concernés par les hausses sont les musées et le patrimoine.

Parmi les facteurs explicatifs 27 ( * ) de ce repli, l'étude cite « la baisse des dotations aux collectivités par l'État » , qui « constitue évidemment un élément d'explication structurel primordial pour comprendre la dynamique plutôt négative de ces dernières années. » 28 ( * )

En définitive, la diminution des concours de l'État vient perturber l'effort budgétaire des collectivités en faveur de la culture, suscitant par là même de vives inquiétudes chez les élus locaux quant à l'équilibre financier de la politique de décentralisation culturelle.

Pour preuve, la FNCC, dans sa note adressée à la délégation, a affirmé que « l'importante baisse des dotations de l'État aux collectivités territoriales risque de mettre un coup d'arrêt à la croissance jusqu'alors continue de l'engagement culturel des collectivités ».

Selon la fédération, ce contexte déséquilibre les relations entre les collectivités et l'État : « on assiste ainsi à une modification du dialogue d'égal à égal puisque l'autonomie des collectivités se replie sur une capacité et une volonté de résilience plus ou moins grande face aux contraintes financières. »

Plus grave, il crée un décalage entre les promesses du nouveau cadre législatif et la réalité des contraintes budgétaires : « la réforme territoriale [...] peut être une chance (à condition que les moyens existent, c'est-à-dire à condition qu'elle s'accompagne d'une réforme de la fiscalité territoriale cohérente). Pour le moment, les collectivités ont la "compétence partagée" pour la culture, mais non les moyens de l'assumer. »

La table ronde a largement porté sur ces difficultés de financement des politiques culturelles.

M. Florian Salazar-Martin, président de la FNCC, a d'emblée relevé les difficultés budgétaires auxquelles sont confrontées les collectivités, et notamment les conseils départementaux, rappelant que la situation d'un échelon local a des répercussions sur tous les autres dans un domaine de compétence partagé tel que la culture.

Dans le même esprit, M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines, a dit constater le retrait de certains conseils départementaux du financement de l'entretien et de la restauration des monuments historiques , et fait part de certaines préoccupations pesant sur les musées de France .

Quant à M. Pierre Oudart, directeur adjoint chargé des arts plastiques, ce sont les écoles d'art territoriales qui suscitent son inquiétude.


* 23 Annonce faite par le Président de la République au Congrès des Maires de 2016, le 2 juin 2016.

* 24 Rapport général n° 140 (2016-2017) de MM. Vincent Éblé et André Gattolin, fait au nom de la commission des Finances, déposé le 24 novembre 2016, p. 19.

* 25 Rapport général n° 140 (2016-2017) de MM. Charles Guené et Claude Raynal, fait au nom de la commission des Finances, déposé le 24 novembre 2016, p. 33.

* 26 Rapport d'information « L'évolution des finances locales à l'horizon 2017 : comment les collectivités territoriales s'adaptent-elles à la baisse des dotations de l'État ? » n° 616 (2014-2015), de MM. Charles Guené et Jacques Mézard, fait au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, déposé le 9 juillet 2015, p. 30.

* 27 L'autre facteur identifié par l'étude est « l'affaiblissement de l'ambition politique ».

* 28 Observatoire des politiques culturelles, « Note de conjoncture sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales (2015-2017) », janvier 2017, p. 7.

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