II. UNE PRIORITÉ AFFICHÉE PAR LE GOUVERNEMENT ET PORTÉE PAR UNE DÉMARCHE INNOVANTE, MAIS MANQUANT DE SUIVI

Lancé en novembre 2012 par le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, le Pacte national pour la croissance , la compétitivité et l'emploi comporte huit leviers et 35 mesures « pour mettre la compétitivité au service de tous » : parmi les leviers identifiés, figure précisément la simplification des normes et obligations pesant sur les entreprises. De 2012 à 2013, le Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP), en tant qu'instance centralisée de décision et d'arbitrage en matière de modernisation de l'action publique, a pris des décisions pour assurer la mise en oeuvre de cet objectif affiché de simplification. Le CIMAP du 18 décembre 2012 a d'abord mis en place une nouvelle gouvernance des simplifications à destination des entreprises, reposant sur un dispositif permanent de consultation des entreprises et un groupe interministériel de coordination des simplifications pour les entreprises. Le Secrétaire général du Gouvernement s'est aussi vu confier la coordination des démarches de simplification des normes applicables aux citoyens, aux collectivités locales et aux entreprises et assister, à cette fin, d'un adjoint initialement désigné « Commissaire général à la simplification ».

Par une circulaire du 7 janvier 2013, le Premier ministre a demandé à chaque ministre de préparer un « programme ministériel de modernisation et de simplification » (PMMS) pour les années 2013-2015, notamment destiné à améliorer les services rendus aux usagers, dont les entreprises.

C'est dans ce cadre que, le 28 mars 2013, le président de la République, M. François Hollande, annonçait aux Français un « choc de simplification » . Il a engagé ce chantier le 14 mai, lors d'une première réunion sur la simplification des normes et des procédures administratives mobilisant les membres du Gouvernement. Le 17 juillet 2013, le Gouvernement dévoilait 200 premières mesures de simplification destinées à simplifier la vie quotidienne des Français, des entreprises et de l'administration.

A. UNE NOUVELLE MÉTHODE : LA SIMPLIFICATION « COPRODUITE » AVEC LES ENTREPRISES

La dispersion des actions de simplification, menées jusque-là par le biais de divers processus administratifs, a conduit le Gouvernement à privilégier une démarche innovante, consistant à recueillir auprès des entreprises leurs attentes prioritaires et réduire la complexité qu'elles vivent et perçoivent. Pour mesurer cette complexité administrative ressentie par les entreprises, le baromètre de la qualité des services publics selon leurs usagers a d'ailleurs été étendu aux entreprises dès 2013.

Parallèlement à la mission conduite par MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard sur la lutte contre l'inflation normative pesant sur les collectivités locales 52 ( * ) , M. Thierry Mandon, alors député, s'est vu charger par le Premier Ministre d'une mission visant à « définir, en étroite relation avec les entreprises, une méthode systématique, complète et de long terme permettant d'animer le dialogue avec les entreprises et de nourrir le programme de simplification ». Le rapport, remis par M. Mandon en juillet 2013, préconisait d'engager une démarche de « coproduction » de la simplification avec les entreprises, par grand « chantier », et d'en confier le pilotage au Premier Ministre.

S'appuyant sur ce rapport, le Gouvernement, lors du CIMAP du 17 juillet 2013, a lancé un programme de simplification pour les années 2014, 2015 et 2016, prévu pour être construit de manière :

- transparente (programme complet disponible sur le site Internet : www.modernisation.gouv.fr);

- collaborative, grâce à la participation des entreprises, des administrations centrales, des préfets et des services déconcentrés et à l'ouverture d'une plate-forme internet collaborative permettant à chacun de participer a` la construction des projets de simplification ;

- pragmatique, certains chantiers étant préparés par des expérimentations conduites en région (sous le pilotage des préfets d'Aquitaine, de Champagne-Ardenne, de Corse, de Franche-Comté', de Midi-Pyrénées, du Nord-Pas-de-Calais, de Basse-Normandie et de Provence- Alpes- Côte d'Azur).

C'est aussi sur ce fondement qu'a été mis en place le Conseil de la simplification pour les entreprises . Institué pour trois ans 53 ( * ) par le décret n° 2014-11 du 8 janvier 2014, cette instance assure le dialogue avec le monde économique et veille à la mise en oeuvre des simplifications et à leur valorisation. De composition mixte (7 chefs d'entreprises, 5 parlementaires, 3 hauts fonctionnaires et 3 experts), le Conseil de la simplification est présidé conjointement par un parlementaire et un chef d'entreprise : initialement MM. Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal, aujourd'hui M. Laurent Grandguillaume et Mme Françoise Holder. Notre collègue Mme Nicole Bricq, sénatrice de la Seine-et-Marne et ancienne ministre, qui appartient à votre délégation aux entreprises, en est membre 54 ( * ) .

Comme l'a souligné M. Thierry Mandon lors de son intervention au Sénat le 10 juin 2015 55 ( * ) , la politique de simplification « ne peut être que collaborative. La délégation sénatoriale aux entreprises partage d'ailleurs ce point de vue puisqu'elle va à la rencontre des entreprises. La politique de simplification ne peut pas être décidée par les administrations. Ce n'est pas à elles de faire ce qui les arrange, en considérant que c'est cela la simplification. La politique de simplification part de la complexité vécue par les entreprises et des cibles de complexité qu'elles-mêmes désignent et auxquelles il faut s'attaquer parce qu'elles polluent leur vie quotidienne. »

Les propositions de simplification sont donc élaborées par une cinquantaine d'ateliers participatifs , associant administrations et acteurs de l'entreprise 56 ( * ) , et remontent ensuite au Conseil de la simplification. Ces ateliers, au sein desquels les entreprises exposent leurs difficultés afin de construire avec les administrations des solutions innovantes, sont structurés autour de dix moments-clefs de la vie de l'entreprise (créer une entreprise ; développer son entreprise ; exercer son activité ; reprendre, transmettre, rebondir ; importer et exporter ; répondre aux obligations comptables, fiscales et sociales ; employer et former ; répondre aux marchés publics ; aménager et construire ; échanger avec l'administration).

De la conception des chantiers à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets, le monde de l'entreprise, les élus, les administrations centrales et déconcentrées, les organisations professionnelles et consulaires, les experts sont associés, ce qui permet « d'ouvrir les écoutilles de tous », selon les mots de Mme Françoise Holder lors de son audition par vos rapporteurs. Comme l'ont indiqué à vos rapporteurs les représentants du monde de l'entreprise qui ont collaboré aux réunions de ces ateliers, la pluralité des participants à ces ateliers induit le plus souvent une présence minoritaire des représentants d'entreprises autour de la table . Par ailleurs, des propositions destinées à enrichir le programme de simplification sont adressées par le Conseil national de l'industrie (CNI), dont vos rapporteurs ont entendu le président de la section Réglementation et simplification, M. Alain Devic. Cette section du CNI réunit régulièrement des représentants des entreprises, du monde syndical et des fonctionnaires ; sans grande visibilité, il travaille depuis plusieurs années à identifier des difficultés rencontrées par diverses industries sur le sol français, les instruire et proposer des simplifications. D'autres propositions sont recueillies via le portail faire-simple.gouv.fr , auquel toute entreprise peut contribuer. D'autres enfin peuvent remonter du terrain via des fiches validées localement, généralement par le préfet.

Saisi de l'ensemble de ces propositions, le Conseil de la simplification fait office de « gare de triage » pour reprendre l'expression de Mme Françoise Holder. Il en suit la mise en oeuvre et contribue à en faire connaître les résultats. Semestriellement, il annonce un train de nouvelles mesures : il a ainsi présenté cinq vagues de mesures en avril 2014 (50 mesures), en octobre 2014 (50 mesures), en juin 2015 (52 mesures), en février 2016 (90 mesures) et en octobre 2016 (48 mesures). Ces annonces sont faites avec plus ou moins de solennité, le Président de la République s'en chargeant une fois par an. Il s'en fait notamment l'écho devant le Conseil stratégique de l'attractivité auquel il a confié le soin de veiller sur la capacité du territoire français à attirer des entreprises étrangères et qui réunit régulièrement des dirigeants d'entreprises, notamment étrangères, et les invite à mesurer les efforts que la France fait dans le domaine de la simplification de la vie des entreprises.

Ce sont ainsi 290 mesures de simplification pour les entreprises qui ont été proposées par le Conseil ; dans la présentation de son action de simplification au bénéfice des entreprises, le Gouvernement y ajoute 173 mesures 57 ( * ) qui ont été lancées avant l'institution du Conseil ou en dehors de lui. Les services du Premier ministre, notamment le secrétariat général du Gouvernement (SGG) et le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), ont été chargés d'en assurer le pilotage opérationnel et la coordination interministérielle.

La mise en oeuvre de ces propositions a été facilitée par l'adoption de plusieurs lois et un fréquent recours aux ordonnances :

- loi n° 2013-569 du 1 er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction ;

- loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens ;

- loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises ;

- loi n° 2014-1545 du 21 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives ;

- loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ;

- loi n° 2016-563 du 10 mai 2016 ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.


* 52 Qui a donné lieu à un rapport plein d'humour, publié en mars 2013 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000199.pdf

* 53 Sa durée de vie a été prolongée jusqu'au 1er juin 2017 par le décret n° 2016-1342 du 11 octobre 2016 modifiant le décret n° 2014-11 du 8 janvier 2014.

* 54 Cf. sa présentation des 48 dernières mesures annoncées en octobre 2016 par le Conseil de la simplification pour les entreprises devant la délégation aux entreprises le 3 novembre 2016 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20161031/entreprises.html

* 55 À l'occasion de la question orale avec débat sur le gel de la réglementation concernant les entreprises, posée par la Délégation aux entreprises.

* 56 Pas nécessairement leur dirigeant, mais aussi bien la personne -comptable, responsable RH...- directement en butte à la complexité.

* 57 Si l'on s'en réfère à la page 4 du rapport du SGMAP d'octobre 2016 intitulé La simplification : une dynamique à l'épreuve des faits , qui évalue à 242 mesures celles proposées par le Conseil depuis sa création -sans comptabiliser la dernière vague de mesures présentées fin octobre 2016- mais à 415 le nombre global de mesures de simplification pour les entreprises, initiées depuis 2013.

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