III. RAPPROCHER LA CULTURE POLITICO-ADMINISTRATIVE DES BESOINS DES ENTREPRISES

Simplifier les règles en vigueur ne suffira pas à simplifier la vie des entreprises si la culture politico-administrative n'évolue pas également pour mieux rencontrer les besoins des entreprises.

A. ORIENTER L'ADMINISTRATION VERS UNE MISSION DE SERVICE AUX ENTREPRISES

1. Orienter l'administration vers le service aux entreprises

Pour que les entreprises bénéficient d'une réelle simplification dans leurs relations avec l'administration, il convient de faire porter la complexité par l'administration plutôt que par les entreprises.

À cet égard, la Cour des comptes, dans son rapport précité, indique que la direction de la législation fiscale utilise un indicateur de complexité en tant qu'aide à la décision des mesures proposées au ministre. Toutefois cet indicateur, qui n'est pas transmis au Parlement, ne distingue pas la complexité pour les administrations de celle pour les entreprises. Les projets de loi de financement de la sécurité sociale, pour leur part, comportent deux indicateurs de complexité des prélèvements sociaux, mais cela n'a pas conduit à réduire la complexité déclarative (l'un se dégradant continûment depuis le milieu des années deux mille, l'autre ne s'améliorant pas). Les coûts de gestion induits par la collecte des prélèvements sociaux et fiscaux vont donc croissant.

Votre délégation recommande donc de publier dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale des indicateurs synthétiques de complexité dédiés aux entreprises, au titre des principaux prélèvements en vigueur et des mesures proposées.

Plus généralement, la complexité des règles et procédures doit être gérée en interne par l'administration. C'est le fondement du principe « Dites-le nous une fois » qui amène les administrations à moins solliciter les entreprises et à mutualiser entre elles les données recueillies auprès des entreprises. Ce n'est que depuis l'ordonnance du 7 mai 2015 que les administrations ne peuvent plus s'opposer mutuellement le secret professionnel dans les cas où elles sont déjà habilitées à obtenir l'information auprès de l'entreprise : le changement de culture ne fait que s'amorcer mais ce décloisonnement des administrations devrait, à terme, faciliter les guichets unique et alléger les procédures imposées aux entreprises, notamment pour les commandes publiques et les aides publiques.

Ceci repose sur la connexion des bases de données entre ministères et avec l'URSSAF : il convient de prévoir le budget informatique nécessaire pour accompagner l'administration dans cette mutation essentielle qui consiste à faciliter d'abord la vie de l'entreprise 167 ( * ) .

Proposition n° 10 : orienter l'administration vers le service aux entreprises, en donnant la priorité à la simplification pour les entreprises et en gérant en interne sa propre complexité

2. Sécuriser l'environnement juridique des entreprises

Les entreprises ont besoin d'être accompagnées pour se développer. Or elles se sentent trop souvent en insécurité dans leurs relations avec l'administration, même si certaines administrations, comme la Direction générale des finances publiques (DGFiP), se distinguent par une attitude que les entreprises jugent plus coopérante.

Cet accompagnement passe notamment par la sécurisation de l'interprétation des textes . Cette sécurisation serait accrue par une plus grande unification de la jurisprudence : ceci pourrait résulter d'un recours accru à la procédure d'avis contentieux permettant à un tribunal de solliciter l'avis de la Cour suprême sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. Dans sa dernière étude annuelle 168 ( * ) , le Conseil d'État fait valoir que cette procédure devrait être facilitée, en ce qui concerne la juridiction judiciaire, par la loi de modernisation de la justice du XXI ème siècle 169 ( * ) mais qu'elle gagnerait également à se développer au sein de la juridiction administrative. En ouvrant la possibilité de saisir le Conseil d'État d'une question, même si elle ne se pose pas dans un grand nombre de litiges, on pourrait utilement éviter l'apparition de jurisprudences divergentes.

Contribuant aussi à la sécurité juridique nécessaire pour les entreprises, les avancées en matière de rescrit , de réponses-garanties , de certificat de projet , déjà évoquées plus haut, doivent être soutenues. Dans le même esprit, les entreprises auraient besoin d'une plus grande sécurité lors des contrôles fiscaux . Lors de son audition par vos rapporteurs, M. Jean- François Clédel, Président de la commission Simplification du MEDEF, a fait part de son expérience d'entrepreneur : à la tête d'une entreprise en Allemagne, il a eu à connaître un contrôle fiscal. Après avoir régularisé les points signalés par le fisc allemand, il s'est trouvé en conformité de manière durable, alors que, selon ses mots, l'administration française « tire la pelote », sans que l'entreprise ne sache où et quand cela s'arrêtera. Il a fait valoir que cette incertitude juridique rendait difficile tout provisionnement, ce qui pouvait notamment entraver la reprise d'une entreprise sous contrôle fiscal.

Comme l'a souligné le rapport du Club des Juristes, Sécurité juridique et initiative économique 170 ( * ) , il est indispensable que l'entreprise puisse adresser à l'administration fiscale des questions sur certains points évoqués lors du contrôle, et non pas à son terme, les réponses fournies étant alors opposables à l'administration et ne pouvant être remises en cause à l'occasion d'un contrôle ultérieur. Un tel « rescrit-contrôle » risquant de rencontrer l'hostilité des vérificateurs, comme ce fut le cas pour le dispositif expérimental de « garantie fiscale » 171 ( * ) abandonné depuis par l'administration, il conviendrait de consacrer ce dispositif au sein du Livre des procédures fiscales.

De même, il conviendrait de limiter la durée des contrôles fiscaux, certains pouvant s'étendre sur des années, et d'encadrer dans le temps la durée des interruptions intervenant au cours de ces contrôles. Votre délégation appuie même l'idée, avancée par le Club des juristes dans son rapport précité, de sanctionner financièrement l'inertie de l'administration fiscale lors de la procédure contentieuse : un dégrèvement d'office pourrait être prévu si l'administration fiscale ne répond pas, dans le délai imparti, à la mise en demeure du juge de produire ses observations.

Proposition n° 11 : sécuriser l'environnement juridique des entreprises, notamment en facilitant l'unification de la jurisprudence et en encadrant les délais et les incertitudes du contrôle fiscal


* 167 Lors de son audition par vos rapporteurs, M. Jean-Pierre Viola, Conseiller maître à la Cour des comptes, avait ainsi déploré que des services publics majeurs ne soient pas dotés de budgets informatiques à la hauteur.

* 168 Ibid. p.117-118.

* 169 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

* 170 Sous la présidence de MM. Henri de Castries et de Nicolas Molfessis, mai 2015.

* 171 Le rapport susmentionné explique que ce dispositif, équivalent au « rescrit-contrôle», a été expérimenté en interne par la DGFiP, sans grand succès, les vérificateurs n'adhérant pas à la mission de service de l'administration. (Ibid. p. 255)

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