B. QUEL AVENIR POUR LE FACÉ ?

1. Les besoins d'amélioration de la qualité de la distribution d'électricité en milieu rural demeurent importants
a) La poursuite des travaux d'amélioration de la qualité de la desserte électrique est indispensable

Les aides apportées par le FACÉ ont incontestablement permis d'améliorer la qualité de la distribution d'électricité dans le monde rural ces dernières décennies .

Un exemple parlant est celui du département de Calvados, qui a fortement réduit ces dernières années ses linéaires de fils nus en milieu rural, qui représentaient 557 kilomètres en 2014 contre 970 kilomètres en 2008. Comme le montre le graphique ci-dessous, ces travaux menés par le syndicat départemental d'énergies du Calvados (SDEC) ont permis de rapprocher le nombre de kilomètres de fils nu des communes rurales de celui des communes urbaines.

Évolution des fils nus basse tension
du département du Calvados

Source : Syndicat départemental d'énergies du Calvados (SDEC)

Malgré cette amélioration notable des réseaux de distribution, des besoins importants de renforcement et de sécurisation des réseaux demeurent .

Les réponses apportées par les AODE au questionnaire de votre rapporteur spécial ont fait remonter l'état des besoins de sécurisation des réseaux recensés sur leurs territoires. Pour ne prendre que quelques exemples, il reste : 2 039 kilomètres de fils nus à sécuriser (dont 604 kilomètres de fils nus de faible section) dans les communes rurales du département de l'Ille-et-Vilaine, 1912 kilomètres (dont 591 kilomètres de fils nus de faible section) dans le département de Maine-et-Loire, 2 353 kilomètres (dont 760 kilomètres de fils nus de faible section) dans le département de la Mayenne, 1126 kilomètres (dont 608 kilomètres de fils nus de faible section) dans le département de l'Aveyron ou encore 1 315 kilomètres dans le département du Morbihan et 1 333 kilomètres dans le département du Tarn-et-Garonne.

De même, si le nombre de départs alimentés est globalement en baisse, la situation est contrastée selon les départements et implique de poursuivre des efforts de renforcement des réseaux.

Lors des déplacements effectués à l'occasion de ce contrôle budgétaire, votre rapporteur spécial a pu également constater les besoins de travaux restants à financer.

Dans le département des Pyrénées-Atlantiques, le taux de fils nus a été réduit de 21 % au cours des quatre derniers exercices, passant de 2 041 kilomètres en 2012 à 1 610 kilomètres en 2015, grâce aux travaux menés par le syndicat d'énergie des Pyrénées-Atlantiques (SDEPA). Malgré ces efforts, le temps moyen de coupure d'alimentation par abonné du département demeure très élevé par rapport à la moyenne nationale : 131 minutes en 2015, soit plus du double de la moyenne nationale comme l'illustre le graphique suivant.

Durée moyenne annuelle de coupure
par an et par usager (dit critère B)

(en minutes)

Source : Syndicat d'énergie des Pyrénées-Atlantiques (SDEPA)

Il paraît donc indispensable, au regard des besoins encore importants, de sécuriser le montant des aides du FACÉ et de continuer à investir dans le renforcement et la sécurisation des réseaux . Les syndicats interrogés par votre rapporteur spécial ont d'ailleurs indiqué que, compte tenu du montant des aides actuel et du rythme de réalisation des travaux, dix à vingt années supplémentaires seraient nécessaires avant de résorber les réseaux de fils nus restants.

Certains départements y parviendront plus tôt, comme celui de la Dordogne, le syndicat départemental d'énergies de ce département ayant mis en place un programme de sécurisation visant à éradiquer l'ensemble des fils nus sur quatre ans. D'autres auront besoin de plus de temps, comme le département des Côtes-d'Armor qui totalise encore 4 300 kilomètres de fils nus sur le territoire sous maîtrise d'ouvrage du syndicat et qui, au regard du volume traité annuellement (un peu moins de 200 kilomètres par an), pourra sécuriser l'ensemble du réseau dans un peu plus de 22 ans.

Proposition 14 : Au regard des importants besoins de travaux restant à financer, maintenir à niveau constant le montant des aides du FACÉ.

b) Une spécificité des contraintes rencontrées dans les zones non-interconnectées (ZNI) mal prise en compte par le FACÉ

Les zones non interconnectées (ZNI) au réseau électrique métropolitain , qui comprennent la collectivité territoriale de Corse ainsi que les départements et collectivités d'outre-mer, font face à des difficultés particulières en matière de qualité de distribution d'électricité .

Le département de la Corse-du-Sud dans lequel votre rapporteur spécial s'est rendu fait face à des besoins importants de travaux d'électrification rurale. Le coût des travaux nécessaires à la suppression de l'ensemble des fils nus sur le territoire est estimé à près de 14 millions d'euros. Par ailleurs, plus de 20 millions d'euros de travaux de renforcement des réseaux ont été répertoriés dans le cadre de l'évaluation des besoins réalisé en partenariat avec les services d'EDF Systèmes énergétiques insulaires (SEI). Au rythme actuel, les aides actuelles du FACÉ dédiées aux travaux de sécurisation (175 00 euros en 2015) ne permettront donc pas de résorber les fils nus avant des dizaines d'années.

La Corse constitue par ailleurs une situation atypique compte tenu de l'évolution dynamique de sa démographie et donc du nombre de clients à raccorder, dont beaucoup sont en milieu rural. Ainsi, environ 1 200 documents d'urbanisme sont instruits tous les ans par la commune de Porto-Vecchio. En outre, des contraintes particulières pèsent sur les réseaux en raison de l'attractivité touristique : la population de Porto-Vecchio passe de 12 000 habitants à 60 000 habitants en période estivale.

Comme l'ont indiqué les services d'EDF SEI en Corse à votre rapporteur spécial, cette spécificité de la situation corse mériterait d'être prise en compte dans la répartition des dotations du FACÉ .

En dehors de la Corse, d'autres ZNI présentent des besoins importants, comme les départements de la Réunion, de la Guadeloupe et de Mayotte, qui bénéficient en conséquence de dotations élevées (dans le cadre des règles de répartition du programme principal).

Par ailleurs, d'après les services du FACÉ, « certains territoires présentent des problématiques de première électrification qui ne se présentent plus en métropole depuis près d'un siècle. La situation est particulièrement sensible en Guyane, où la croissance démographique exponentielle que connaît le territoire (taux de croissance moyen annuel d'environ 10 % dans certaines communes de l'ouest guyanais) génère des besoins importants en matière d'électrification » 65 ( * ) .

Dans un récent rapport sur le système électrique guyanais, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) constate que le territoire se caractérise par des distances importantes qui séparent les lieux d'habitation. Les communes de l'intérieur sont « éloignées des centres de vie du littoral et, la plupart du temps, ne sont accessibles que par voie aérienne ou surtout par voie fluviale » 66 ( * ) . Cette disparité territoriale et l'importance des distances posent des difficultés importantes de production et de distribution d'électricité dans les endroits reculés.

La CRE constate par ailleurs que « les mécanismes de soutien du FACÉ ne sont pas adaptés à la réalité du développement de la Guyane », ce qui conduit à ce que les aides ne soient pas sollicitées, hormis quelques cas particuliers. En effet, la Guyane fait face à des besoins importants en matière d'extension des dessertes électriques . Or, en vertu des règles actuelles de répartition des aides, ce sont les critères liés au besoin de renforcement des réseaux qui déterminent le niveau de la dotation « extension » (cf. supra ). Cette règle pénalise la Guyane, dont le réseau est relativement récent et peu développé et qui présente donc peu de besoins en matière de renforcement, ce qui se traduit par une faible enveloppe « extension ».

Afin de tenir compte de cette particularité, le conseil du FACÉ a décidé à titre expérimental de modifier la clé de répartition entre les enveloppes « renforcement » et « extension » pour la Guyane en passant d'une répartition 80/20 à 70/30. Cependant, cette nouvelle répartition « n'a pas apporté de réponse suffisante aux problèmes guyanais 67 ( * ) . Cette clé de répartition a été portée à 50/50 en 2016. Il conviendra si besoin de procéder à un nouvel ajustement dans les années à venir.

Proposition 15 : Constituer un groupe de travail commun aux services du FACÉ et aux représentants des AODE pour réfléchir à une possible adaptation des règles de répartition des aides dans les zones non-interconnectées (ZNI).

2. Élargir progressivement le FACÉ au financement de la transition énergétique en milieu rural

Si les travaux d'amélioration de la qualité de l'électricité en milieu rural doivent rester prioritaires, il convient de s'interroger sur les nouveaux usages qui pourraient être faits, à moyen terme, des crédits du FACÉ .

En effet, comme il a été rappelé plus haut, certains syndicats engagés dans une démarche très volontariste de sécurisation de leurs réseaux auront à l'avenir moins de besoins, et par conséquent moins de dotations.

Le programme spécial du CAS-FACÉ permet déjà de soutenir des projets de maîtrise de la demande d'énergie (MDE).

Il pourrait également être envisagé d'élargir les aides du FACÉ à d'autres dépenses soutenant la transition énergétique dans les territoires ruraux, comme l'ont suggéré plusieurs syndicats comme le syndicat départemental d'énergie de la Seine-Maritime (SDE 76) ou le syndicat de l'électricité et du gaz de l'Eure (SIEGE). Le SIEGE propose ainsi que le FACÉ puisse permettre le financement du raccordement des énergies renouvelables au réseau, en particulier les projets développés à travers des initiatives citoyennes. Le FACÉ pourrait également soutenir le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques.

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) propose que les aides du FACÉ puissent soutenir des mesures de rénovation de l'éclairage public des petites communes 68 ( * ) , par la création d'un sous-programme spécial dédié doté de 20 millions d'euros par an.

Une réorientation à terme d'une partie modeste des crédits du FACÉ au soutien de telles opérations permettrait d'associer plus étroitement encore les territoires ruraux à la réalisation des objectifs de transition énergétique et d'économies d'énergies.

Proposition 16 : Élargir à terme les aides du FACÉ au soutien à la transition énergétique en milieu rural (rénovation de l'éclairage public, raccordement des énergies renouvelables, etc.).


* 65 Réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 66 Commission de régulation de l'énergie, Rapport sur la mission de la CRE en Guyane, février 2017.

* 67 600 000 euros de dotation « renforcement » n'ont pas été consommés en 2015 alors que l'enveloppe « extensions » a été rapidement saturée.

* 68 Sur le modèle de la démarche de rénovation de l'éclairage public des communes de moins de 2 000 habitants qui a été engagée par l'ADEME en 2012 et qui a bénéficié à 2 081 communes.

Page mise à jour le

Partager cette page