II. EN COURS DE GESTION : AMÉLIORER LA GESTION DES CRÉDITS PAR LES AODE AINSI QUE LA PROCÉDURE D'ENGAGEMENT ET DE VERSEMENT DES AIDES

A. PERMETTRE PLUS DE SOUPLESSE AUX SYNDICATS DANS LA GESTION DES AIDES ET ENCOURAGER LE RECOURS AUX SUBVENTIONS DU PROGRAMME SPÉCIAL

1. Autoriser une certaine fongibilité entre les différentes enveloppes du FACÉ

Les crédits du FACÉ attribués aux AODE sont répartis par sous-programmes correspondant à diverses catégories de travaux. Sauf exceptions, ces enveloppes sont étanches et il n'est pas possible pour un syndicat qui a consommé l'ensemble des aides d'un sous-programme de financer les travaux de cette catégorie en utilisant les crédits d'un autre sous-programme.

Cette absence de fongibilité entre les enveloppes du FACÉ a été conçue pour que les AODE se concentrent prioritairement sur les travaux de renforcement et de sécurisation des réseaux.

Cependant, à mesure que les travaux d'amélioration de la qualité de la distribution électrique progressent, certains syndicats ont moins besoins de recourir à ces crédits ; en revanche, les demandes d'enfouissement des réseaux de la part des communes sont fortes , tout comme les besoins d'extension des réseaux dans certains territoires.

Votre rapporteur spécial rappelle à ce titre que les travaux d'enfouissement n'ont pas pour seule finalité d'améliorer l'esthétique des paysage, mais qu'ils participent à la sécurisation des réseaux , et donc à la résorption des coupures d'alimentation liés aux intempéries. Ceci est particulièrement vrai dans les zones de montagne soumises à des événements climatiques récurrents. La récente tempête Leiv qui a touché le Sud-Ouest du pays et privé 200 000 foyers d'électricité est là pour rappeler que l'enfouissement des lignes aériennes participe directement de leur sécurisation. De même, les travaux d'extension des réseaux permettent d'accompagner le développement démographique et économique des territoires ruraux.

Comme le fait remarquer le syndicat de l'électricité et du gaz de l'Eure (SIEGE), « l'absence de passerelle entre les sous-programmes limite les capacités opérationnelles de l'AODE dans la déclinaison de ses politiques publiques. En calant son programme d'investissement sur le niveau de dotation FACÉ alloué par sous-programme, la collectivité s'inscrit dans une stricte logique d'opportunité financière, guère compatible avec un processus d'évaluation de la qualité de la distribution » 55 ( * ) .

La diversité des situations locales est difficile à appréhender lors de la conduite de l'inventaire - et compte tenu des limites de l'outil statistique utilisé par Enedis -, ce qui complique la juste répartition des crédits entre enveloppes en fonction des besoins.

De nombreux syndicats consultés par votre rapporteur spécial demandent donc à ce qu'une certaine souplesse dans la gestion des crédits soit autorisée afin d'adapter au mieux la répartition des aides aux besoins en cours d'année. Aujourd'hui, il existe deux exceptions prévues par les textes réglementaires 56 ( * ) à l'interdiction de la fongibilité des crédits des sous-programmes du FACÉ :

- le sous-programme « renforcement » peut être majoré par tout ou partie des crédits alloués au titre du sous-programme « extension » ;

- le sous-programme « sécurisation des fils nus de faible section » peut être majoré de tout ou partie des crédits alloués au titre du sous-programme « sécurisation des fils nus » lorsque tous les départs restants sur le réseau basse tension en fils nus de faible section peuvent être résorbés dans l'année.

Il conviendrait d'étendre cette possibilité de fongibilité à l'ensemble des sous-programmes du FACÉ , en la limitant par exemple à 30 % du montant de chaque enveloppe afin d'éviter tout déséquilibre.

Proposition 4 : Autoriser jusqu'à 30 % de fongibilité des crédits entre les sous-programmes du FACÉ afin d'assurer une gestion plus souple des aides en cours d'année.

En vertu des règles actuelles de répartition des aides du programme principal, le montant de l'enveloppe « extension des réseaux » dépend directement de celui consacré aux travaux de renforcement 57 ( * ) . Ce mode de calcul n'est pas satisfaisant puisque l'enveloppe « renforcement des réseaux » a vocation à diminuer progressivement au gré des travaux d'amélioration de la tenue de tension des réseaux de distribution - elle a d'ailleurs baissé de 6,5 % entre 2016 et 2017.

Par définition, il n'est pas possible pour les syndicats d'anticiper en amont le nombre de demandes de raccordement qu'ils auront à traiter l'année de programmation des travaux et de faire remonter cette donnée aux services ministériels pour procéder à la répartition des crédits. Il pourrait être envisagé une formule de répartition des crédits qui tienne compte de la moyenne des projets d'extension financés par les AODE les trois dernières années, afin de cerner les territoires qui connaissent des expansions démographiques et des besoins d'extension des réseaux continus.

Proposition 5 : Changer les modalités de calcul de l'enveloppe « extension des réseaux » afin de découpler son montant de celui de l'enveloppe « renforcement des réseaux ».

Par ailleurs, les modalités de calcul de l'enveloppe « enfouissement » pourraient être adaptées afin de prendre en compte certaines contraintes particulières que rencontrent les collectivités , par exemple celles situées en zone de montagne ou qui comportent beaucoup de sites classés (impliquant des travaux d'enfouissement plus complexes donc plus coûteux) - à l'instar du coefficient du haute montagne appliqué au calcul de l'enveloppe « renforcement ».

Enfin, plusieurs AODE proposent de fusionner les sous-programmes « sécurisation des fils nus hors faible section » et « sécurisation des fils nus de faible section » . Le syndicat départemental d'énergies d'Ille-et-Vilaine (SDE 35) estime ainsi que « la distinction [entre ces deux catégories] est parfois difficile à faire, notamment au travers des éléments du GDO-SIG remis par le concessionnaire » et qu' « un même départ aérien compte souvent à la fois les deux catégories de fils nus » 58 ( * ) .

De même, le syndicat intercommunal d'énergies de la Marne (SIEM) estime qu' « il n'existe qu'à de très rares endroits des départs, ou portions de départ basse tension constitués uniquement de réseaux nus de faible section rendant plus compliquée la mise en place d'un programme de travaux » 59 ( * ) . L'existence d'une enveloppe distincte pour les fils nus de faible section pénalise les départements qui ont effectué des travaux importants de sécurisation et dans lesquels ce type de réseau est fortement résorbé. Le SIEM propose ainsi de supprimer la distinction entre les deux enveloppes de travaux pour les concessions qui ne possèdent plus que 50 ou 100 kilomètres de réseaux constitués de fils nus de faible section.

Le syndicat intercommunal d'énergies du département de l'Aveyron (SIEDA) propose pour sa part de fusionner ces deux sous-programmes avec les sous-programme « renforcement des réseaux » en une seule catégorie « amélioration de la qualité des réseaux », considérant que les travaux financés par ces différentes enveloppes concourent tous à l'amélioration de la qualité de la desserte d'électricité.

À terme, le programme principal du FACÉ pourrait n'être composé que de trois enveloppes principales : une enveloppe « amélioration de la qualité des réseaux », une enveloppe « enfouissement » et une enveloppe « extension ».

Ces différentes propositions méritent d'être étudiées. De telles fusions de catégories pourraient être utiles à terme à mesure que les besoins de sécurisation et de renforcement se réduisent. Dans l'immédiat, votre rapporteur spécial propose de s'en tenir à sa proposition de permettre une certaine fongibilité entre les enveloppes, ce qui devrait permettre de répondre aux demandes exprimées par les syndicats.

Proposition 6 : Envisager, à terme, une fusion entre les sous-programmes « sécurisation des fils nus hors faible section » et « sécurisation des fils nus de faible section » voire « renforcement des réseaux » afin de simplifier les modalités de répartition des crédits du FACÉ.

2. Lever les obstacles à l'utilisation des aides du programme spécial

Le programme spécial, qui regroupe les aides à la production d'électricité à partir de sources renouvelables dans les sites isolés, à la production à partir d'installations de proximité dans les zones non interconnectées ainsi qu'aux opérations de maîtrise de la demande d'énergie, est marquée par une sous-consommation chronique des crédits qu'il porte.

Le nombre de projets financés chaque année par le programme spécial est faible : 31 en 2014 comme en 2015, pour 1,1 million et 1,9 million d'euros.

Nombre de projets financés au titre du programme spécial du FACÉ
en 2014 et 2015

Nombre de projets validés

Aides du FACÉ correspondantes

(en millions d'euros)

Sites isolés

2014

30

1,02

2015

26

0,829

Installations de proximité en zone non interconnectée

2014

0

0

2015

2

1,048

Maîtrise de la demande d'énergie

2014

1

0,072

2015

3

0,0353

Total

2014

31

1,092

2015

31

1,912

Source : ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer

Ainsi, sur les 7,4 millions d'euros de crédits ouverts en 2015 au sein du programme 794, seuls 25 % ont été consommés.

Cette sous-utilisation des aides du programme 794 résulte au premier chef du faible nombre de projets déposés par les AODE pouvant bénéficier de subventions.

D'après le ministère de l'environnement, s'agissant des opérations de production décentralisées en ZNI, « les difficultés des AODE à monter des projets et à les mener à bien dans les délais semblent être le principal problème : les besoins sont avérés, mais les spécificités du terrain (inaccessibilité) ainsi que les difficultés en matière de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre donnent lieu à des surcoûts et des retards importants dans la réalisation des projets » 60 ( * ) .

En ce qui concerne les projets de maîtrise de la demande d'énergie (MDE), malgré des possibilités de financement relativement larges permises par les textes réglementaires 61 ( * ) , il semble que les AODE ne se soient pas suffisamment emparé de cette thématique, soit par méconnaissance, soit en raison d'une trop grande difficulté à monter des projets et à réunir les informations nécessaires 62 ( * ) . Plusieurs AODE ont d'ailleurs indiqué avoir rencontré des difficultés à produire de telles études pour justifier leurs dossiers de demande de subvention.

Tirant les conséquences de cette non-consommation des crédits du programme, votre rapporteur spécial a proposé, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, un amendement de crédit visant à abonder les crédits du programme principal (793) à partir des ceux du programme spécial (794) de 4 millions d'euros, correspondant au montant des crédits non consommés en 2015. En effet, ces crédits non-consommés pourraient utilement contribuer aux travaux d'électrification rurale portés par le programme principal.

Cette réponse, visant à répondre à une situation immédiate, n'est toutefois pas satisfaisante à plus long terme. Il convient donc d'encourager le recours par les AODE aux subventions du programme spécial , en identifiant les points de blocage qui limitent le nombre de dossiers présentés.

Pour remédier au manque d'information des syndicats, votre rapporteur spécial propose par exemple que les services du FACÉ, en lien avec la FNCCR, élaborent un guide exhaustif présentant les types de projets pouvant faire l'objet d'un soutien financier , avec des exemples précis de réalisations soutenues par le FACÉ. Par ailleurs, une réunion d'information des AODE pourrait être organisée par les services du FACÉ afin de présenter les modalités d'utilisation des crédits du programme spécial.

Proposition 7 : Mieux informer les AODE des projets susceptibles d'être soutenus au titre du programme spécial du FACÉ par la réalisation d'un guide pratique comportant des exemples précis de projets subventionnés et l'organisation d'une réunion d'information.


* 55 Réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 56 Articles 4 et 7 de l'arrêté du 27 mars 2013 précité.

* 57 Ce montant correspond à 20 % des crédits sous-programme « renforcement des réseaux ».

* 58 Réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 59 Ibid.

* 60 Réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 61 L'article 13 de l'arrêté du 27 mars 2013 précité prévoit ainsi que : « Le sous-programme « maîtrise de la demande d'électricité » a pour objet d'aider à la réalisation d'opérations de maîtrise de la demande d'électricité ainsi qu'à la réalisation d'opérations tendant à maîtriser la demande en électricité des personnes en situation de précarité énergétique dans les communes rurales. Ces opérations doivent permettre d'éviter ou de différer durablement le renforcement du réseau public de distribution d'électricité dans de bonnes conditions économiques ».

* 62 L'article 24 de l'arrêté du 27 mars 2013 précité prévoit que les projets de MDE sont examinés au cas par cas et que leur intérêt économique est apprécié « au moyen d'une fiche synthétique établissant une comparaison détaillée entre le coût actualisé de l'opération classique de renforcement évitée ou différée et celui de la solution alternative de maîtrise de la demande d'électricité envisagée ».

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