II. MODERNISER L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET BUDGÉTAIRE

A. POURSUIVRE UNE POLITIQUE AMBITIEUSE DE RATIONALISATION ET D'ATTRACTIVITÉ

1. Concrétiser les synergies et les pistes d'économies identifiées

Si cette rationalisation des compétences du préfet de police se traduirait déjà par une simplification appréciable de l'organisation de la préfecture de police, des réformes complémentaires ont été évoquées afin de réduire l'enchevêtrement actuel des missions et des périmètres d'action.

À titre d'exemple, la mission IGA-IGPN suggère d'étudier l'opportunité de regrouper trois structures au sein d'une même direction 91 ( * ) :

- la sous-direction régionale de la police des transports, actuellement rattachée à la DSPAP ;

- la sous-direction régionale de la circulation et de la sécurité routière, qui relève de la DOPC ;

- la brigade fluviale et l'unité de contrôle technique de lutte contre la pollution, rattachée à la DOSTEL.

Comme cela a été précédemment rappelé, ces trois unités présentent en effet la particularité d'exercer leur compétence sur l'ensemble de la région - contrairement aux directions auxquelles elles sont actuellement rattachées - et de traiter de sujets proches liés aux problématiques de déplacement , pour lesquels des synergies existent.

À ce stade, votre rapporteur spécial considère en revanche qu'il ne serait pas opportun de fusionner la DSPAP et la DOPC , comme cela a parfois été évoqué lors des entretiens.

S'il existe indéniablement une certaine porosité entre les effectifs des deux directions lorsque les circonstances l'exigent (ex : COP21, Euro 2016), l'étanchéité reste la règle et la DOPC s'efforce de ne pas « ponctionner » les effectifs des commissariats pour participer au maintien de l'ordre - en sollicitant lorsque cela est possible les seuls services spécialisés ainsi que les effectifs sortis d'école n'ayant pas encore été affectés à la DSPAP. Plus fondamentalement, revenir sur la séparation des missions de sécurité publique et des fonctions de maintien de l'ordre décidée en 1999 risquerait de renforcer cette porosité , au détriment de la lutte contre l'insécurité au quotidien.

S'il reste des synergies à exploiter pour simplifier l'organisation interne de la préfecture de police, il apparaît également nécessaire de concrétiser les opportunités de mutualisation et de rationalisation ouvertes par la mise en place du SGAMI au 1 er janvier 2016 .

Comme cela a été précédemment rappelé, « depuis le 1 er janvier 2016, le SGAMI Île-de-France est chargé de la gestion et de la paye de plus de 52 000 agents dont 42 000 fonctionnaires de police, 9 500 personnels administratifs et techniques et 750 personnels civils de la gendarmerie nationale en Île-de-France » 92 ( * ) .

Dans ce cadre, force est de constater que de nombreux chantiers de modernisation ont déjà été lancés.

La fusion des secrétariats généraux pour l'administration de la police (SGAP) de Paris et de Versailles a ainsi permis de regrouper sur un site unique l'ensemble des plates-formes Chorus préexistantes , pour un gain de 21 ETP 93 ( * ) . Une nouvelle étape a été franchie en 2016 avec la mise en place d'une plate-forme Chorus commune à la police et à la gendarmerie, pour un gain supplémentaire de 9 ETP.

La rationalisation des « missions support » au sein des directions d'emploi de la préfecture de police constitue désormais un chantier prioritaire du préfet de police . Après un examen des organisations internes réalisé par la direction de projet entre octobre 2015 et janvier 2016, les pistes d'amélioration identifiées devraient progressivement être mises en oeuvre. À titre d'illustration, « l'économie liée à cette rationalisation sur la partie "ressources humaines" pourrait s'élever à une cinquantaine d'emplois » 94 ( * ) .

Recommandation n° 5 : concrétiser les opportunités de mutualisation et de rationalisation ouvertes par la mise en place du SGAMI au 1 er janvier 2016 afin de permettre des économies d'échelle.

Votre rapporteur spécial souhaite néanmoins attirer l'attention sur la stratégie immobilière de la préfecture de police .

En effet, il apparaît que cette question a été trop longtemps délaissée , le dernier schéma immobilier ayant été élaboré en 2008, alors même que le périmètre de compétence du service des affaires immobilières a été étendu en 2011 à l'ensemble des services de police de la petite couronne puis, à compter de la fusion des SGAP au 1 er janvier 2014, à la grande couronne 95 ( * ) .

Cette lacune apparaît d'autant plus surprenante que le parc immobilier de la préfecture de police représente un million de mètres carrés et génère des coûts consolidés d'occupation estimés à 100 millions d'euros , dont 84 millions au titre du programme « Police nationale » 96 ( * ) .

Surtout, votre rapporteur spécial a pu constater que ce parc, essentiellement « opérationnel », est aujourd'hui en bien mauvais état , ce qui pèse sur le moral des policiers.

Il apparaît en effet que la maintenance a été délaissée ces dernières années, au profit de la construction . D'après les informations recueillies lors des auditions, la préfecture de police consacre environ six euros par mètre carré au titre des dépenses d'entretien, alors que le niveau de quinze euros par mètre carré est considéré comme un seuil minimum en-deçà duquel il n'est pas opportun de descendre - la norme dans le secteur privé étant comprise entre vingt euros et vingt-cinq euros par mètre carré dans le cadre d'une stratégie de maintenance dite « préventive ».

Compte tenu de ces difficultés - mais également des opportunités de mutualisation et de rationalisation induites par la mise en place du SGAMI -, un nouveau schéma immobilier pluriannuel est en cours d'élaboration.

Un avant-projet élaboré par les services de la préfecture de police a toutefois été transmis à votre rapporteur spécial, qui partage pleinement ses principales orientations :

- augmenter progressivement les dépenses de maintenance, avec un objectif cible compris entre 10 millions d'euros et 15 millions d'euros ;

- mettre en oeuvre un programme volontariste de rénovation ;

- rationaliser les emprises locatives ;

- regrouper les commissariats ;

- réorganiser les garages.

S'agissant de la maintenance, il apparaît impératif, compte tenu de l'état du parc, de retenir une cible de 15 millions d'euros au minimum (soit environ 15 euros par mètre carré).

Recommandation n° 6 : augmenter les dépenses de maintenance immobilière afin de remédier à l'état de délabrement du parc et d'améliorer le cadre de travail des policiers.

2. Renforcer l'attractivité de la plaque parisienne

En complément, une politique visant à remédier au déficit d'attractivité de la préfecture de police auprès des personnels doit être poursuivie.

En effet, comme cela a été précédemment montré, les demandes de mutation de la préfecture de police sont en sans cesse compensées par les sorties des écoles de police, alors même que l'agglomération parisienne comprend de nombreux territoires difficiles sur lesquels la présence de policiers expérimentés apparaît nécessaire.

Les incitations financières constituent à cet égard un levier d'action privilégié , dans la mesure où le différentiel entre le coût de la vie en région parisienne - et plus particulièrement à Paris et en petite couronne - ne cesse de se creuser par rapport au reste du territoire métropolitain.

Dans une étude parue en avril 2016, l'Insee indique ainsi que les prix pratiqués dans l'agglomération parisienne sont en moyenne 9 % plus élevés que ceux observés en province (hors Corse), après neutralisation des différences d'habitudes de consommation 97 ( * ) .

De ce fait, les personnels de la préfecture de police affectés en Île-de-France bénéficient déjà de différents dispositifs d'incitation financière.

Récapitulatif des dispositifs d'incitation financière dont peuvent bénéficier les personnels du corps d'encadrement et d'application affectés en Île-de-France

Nom

Nature

Ciblage

Dispositifs interministériels

Indemnité de résidence

Indemnité majorée égale à 3 % du traitement brut

Agents franciliens

Avantage spécifique d'ancienneté

Avancement accéléré à l'échelon supérieur

Agents affectés dans une circonscription « difficile » (18 600 agents concernés à la préfecture de police)

Prime spécifique d'installation

2 068 euros

Nouveaux fonctionnaires franciliens ou lillois dont l'indice est inférieur à un certain seuil

Dispositifs spécifiques à la police nationale

Indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques

145 euros par mois,
soit 1 740 par an

SGAMI Île-de-France, services centraux et Corse

Indemnité de fidélisation

Versement dont le montant évolue pour atteindre un plafond annuel de 1 805 euros à la 11 ème année

Fonctionnaires actifs affectés en secteur « difficile », après 2 ans ou 5 ans de service continu selon l'affectation

Complément de fidélisation

9 000 euros versés en trois fois (lors de la titularisation, après 5 ans, après 10 ans d'affectation)

Lauréats du concours avec affectation régionale en Île-de-France

Source : commission des finances du Sénat

Comme le montre le tableau ci-dessus, il s'agit moins d'un ensemble cohérent de mesures visant à fidéliser les personnels qu'un empilement de dispositifs hétéroclites aux caractéristiques et objectifs partiellement contradictoires.

À cet égard, trois logiques semblent s'affronter :

- une logique de « compensation » visant à réduire le différentiel de coût de la vie entre Paris et la province - qui conduit à mettre en place des primes mensuelles versées à l'ensemble des agents tout au long de leur service en Île-de-France (ex : indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques) ;

- une logique de « fidélisation » visant à inciter les policiers franciliens à rester dans la région au-delà de leur obligation minimale de service - qui conduit à mettre en place des primes d'un montant élevé mais versées en une seule fois afin de maximiser leur effet déclencheur (ex : complément de fidélisation) ;

- une logique de « pénibilité » visant à rémunérer davantage les agents exerçant dans des secteurs sensibles - qui conduit à mettre en place des primes mensuelles auxquelles sont éligibles les seuls policiers franciliens exerçant des missions opérationnelles dans les circonscriptions de police « difficiles » (ex : avantage spécifique d'ancienneté).

L'empilement des différents dispositifs a pour conséquence qu'il est très difficile pour un policier de calculer ce qu'il « perdrait » en quittant l'agglomération parisienne , ce qui est de nature à porter atteinte à l'effet déclencheur de ces mesures.

En outre, plutôt que de disposer d'un instrument par objectif, chaque dispositif semble poursuivre plusieurs objectifs simultanément, au risque de n'en atteindre aucun .

À titre d'illustration, le complément de fidélisation de 9 000 euros est versé en trois fois (lors de la titularisation, après cinq ans et après dix ans d'affectation). Or, comme cela a été rappelé précédemment, les policiers affectés en Île-de-France après leur réussite au concours ont une obligation minimale de service de huit ans avant de pouvoir obtenir leur mutation. Le « profil » du complément de fidélisation apparaît donc incohérent : si l'objectif - comme le nom du dispositif le suggère - était réellement de fidéliser ces personnels, les primes seraient versées après la fin de l'obligation de service de huit ans. À l'inverse, si l'objectif consiste en réalité à réduire le différentiel de coût de la vie entre Paris et la province, il serait préférable de forfaitiser la prime et de la verser mensuellement.

Cet enchevêtrement d'objectifs n'est d'ailleurs pas sans poser d'importantes difficultés sur le plan juridique, comme en témoigne le contentieux relatif à l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA).

Le contentieux de l'ASA

L'ASA a été mis en place sur le fondement de l'article 11 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, qui dispose que « les fonctionnaires de l'État et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'État dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ».

L'arrêté interministériel du 17 janvier 2001 a toutefois limité la liste des secteurs éligibles à l'ASA aux circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles - basculant ainsi d'une logique initiale de « pénibilité » à une logique de « compensation » du coût de la vie propre à la région francilienne .

Dans une décision n° 327428 rendue le 16 mars 2011, le Conseil d'État a toutefois annulé l'arrêté , estimant qu'en écartant par principe du bénéfice de l'ASA les fonctionnaires affectés en dehors des secteurs franciliens précités, sans tenir compte de la situation concrète des circonscriptions de police au regard du critère géographique du « quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles », les ministres avaient commis une erreur de droit .

Depuis cette décision, 16 409 recours ont été déposés devant les tribunaux administratifs, qui ont déjà donné lieu à 10 399 jugements condamnant le ministère de l'intérieur à reconstituer la carrière des requérants .

Un nouvel arrêté interministériel est venu en décembre 2015 abroger l'arrêté du 17 janvier 2001 et fixer la liste des 161 circonscriptions de police éligibles à l'ASA. Il a notamment pour effet d'exclure du bénéfice de l'ASA les fonctionnaires franciliens non affectés dans une circonscription « difficile ». Aussi, une majoration de la prime de fidélisation devrait en compensation être accordée aux fonctionnaires affectés en Île-de-France ne pouvant plus bénéficier de l'ASA.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial)

Ainsi, il apparaît indispensable de simplifier et d'améliorer la cohérence des dispositifs d'incitation financière dont bénéficient les agents de la préfecture de police, ce qui suppose en particulier de rechercher une meilleure articulation avec les durées minimales d'affectation, dans un objectif de fidélisation.

Recommandation n° 7 : modifier les dispositifs visant à fidéliser les personnels afin de renforcer leur caractère incitatif et de tenir compte des durées minimales d'affectation.

En complément, le logement peut également constituer un moyen d'action privilégié pour restaurer l'attractivité de la plaque parisienne et freiner le mouvement de « fuite » vers la province.

Compte tenu de leur niveau de rémunérations, les policiers rencontrent d'importantes difficultés pour se loger . En effet, « un tiers des écarts de prix [par rapport à la province] est dû au coût des loyers, supérieurs de près de 50 % pour les habitants de la région parisienne » 98 ( * ) .

Ces difficultés sont encore aggravées par le fait que, lorsque des logements sociaux sont disponibles, ils sont souvent situés dans des quartiers présentant un climat d'insécurité tel qu'il peut être difficile pour un policier de s'y installer, eu égard à la nature de ses fonctions. Selon la préfecture de police, le principal problème réside ainsi dans le type et la localisation des logements sociaux du parc actuel , constitué de près de 12 000 logements 99 ( * ) .

Des efforts ont toutefois été engagés, conjointement avec la mairie de Paris, auprès des bailleurs sociaux , afin d'obtenir des logements adaptés aux besoins des policiers et situés dans des quartiers plus accueillants pour leurs familles. À titre d'illustration, un nouveau programme constitué de 73 logements situés dans le 19 e arrondissement de la capitale et exclusivement réservés aux jeunes actifs de la préfecture de police a été inauguré le 12 janvier dernier 100 ( * ) .

Cette politique de réservation ciblée doit être poursuivie, dans l'objectif de remédier au problème d'inadaptation de l'offre de logement - au besoin en cédant les logements dont le profil et la localisation apparaissent structurellement inadaptés à la demande.


* 91 Inspection générale de l'administration (IGA) et Inspection générale de la police nationale (IGPN), « Évaluation de la mise en place de la police d'agglomération parisienne », mars 2016, p. 16.

* 92 Réponse au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial.

* 93 Ibid .

* 94 Ibid .

* 95 Depuis le 1 er janvier 2016, ce périmètre s'est de nouveau élargi dans le cadre de la mise en place du SGAMI, le service étant devenu le service constructeur de la gendarmerie pour la région.

* 96 Service des affaires immobilières de la préfecture de police, « Avant-projet - Schéma pluriannuel de la stratégie immobilière de la préfecture de police », 2016, p. 1.

* 97 Insee Première, « En 2015, les prix en région parisienne dépassent de 9% ceux de la province », n° 1590, avril 2016.

* 98 Insee Première, « En 2015, les prix en région parisienne dépassent de 9 % ceux de la province », précité, p. 1.

* 99 Informations recueillies dans le cadre des auditions menées par votre rapporteur spécial.

* 100 Mairie de Paris, « 73 logements pour les jeunes actifs de la Préfecture de Police », 11 janvier 2017.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page