AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Création de Bonaparte fortement inspirée de la lieutenance générale de police d'Ancien régime, la préfecture de police de Paris est née en 1800 afin de « réunir, entre les mains d'un seul homme, tous les pouvoirs de police de la capitale » 1 ( * ) , siège des institutions et point de départ des bouleversements révolutionnaires.

Si, comme le rappellent les historiens Jean-Marc Berlière et René Levy, cette « " institution consulaire" honnie par les républicains » a réussi à survivre « à toutes les révolutions et à tous les changements de régime » pour « occuper - jusqu'à nos jours - une position éminente dans la pyramide administrative et la hiérarchie policière » 2 ( * ) , la préfecture de police semble actuellement traverser une période de doute .

L'institution est tout d'abord confrontée à un mouvement de contestation politique qui traverse les clivages partisans. Dans son livre-programme consacré à la sécurité, l'actuel ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas caractérisait ainsi la préfecture de police d'« hérésie juridique qu'il est urgent d'abolir » 3 ( * ) . Plus récemment, notre collègue député Philippe Goujon indiquait dans une tribune que la préfecture de police, « malade », serait devenue « l'ombre d'elle-même » 4 ( * ) .

Cette crise se traduit également par un certain « désamour » des policiers , qui demandent à quitter l'institution dès la fin de leur obligation minimale de service - phénomène qui a conduit en 2015 à contingenter à mille le nombre de départs de la préfecture de police. Ainsi, les policiers « ne choisissent plus de servir à la Préfecture de police (...) et dans ses unités prestigieuses, alors qu'elle était le point de passage obligé pour les carrières d'exception » 5 ( * ) .

Cette insatisfaction a naturellement trouvé un écho au Parlement : alors que la dernière remise en cause des pouvoirs du préfet de police remontait à 1999 6 ( * ) , deux propositions de loi 7 ( * ) visant à revenir sur l'exception parisienne ont été déposées en l'espace de seulement trois ans - l'une d'elles ayant même été adoptée par le Sénat.

Même si le changement proposé est d'une ampleur limitée, le projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain 8 ( * ) actuellement en discussion vise également à transférer au maire de Paris certaines des compétences jusqu'alors confiées au préfet de police, afin de recentrer l'institution sur ses missions régaliennes. Cette évolution apparaît d'autant plus remarquable que la période récente avait au contraire été marquée par un renforcement des pouvoirs du préfet de police , qui ont notamment été étendus en 2009 aux départements de la petite couronne dans le cadre de la réforme de la police d'agglomération.

C'est donc précisément pour évaluer la pertinence de ces inquiétudes que la commission des finances a confié à votre rapporteur spécial une mission de contrôle sur la préfecture de police de Paris. Les enjeux financiers sont en effet considérables pour le programme « Police nationale », qui représente 98 % des 3,15 milliards d'euros de crédits relevant du budget de l'État exécutés par le préfet de police en 2014.

Ce choix apparaît d'autant plus légitime que l'institution a paradoxalement été très peu étudiée par les parlementaires, en dépit de son importance dans l'organisation administrative et policière. Ainsi, les travaux de contrôle récents n'évoquent son action qu'à titre incident, dans le cadre de missions plus larges portant par exemple sur le renseignement 9 ( * ) ou l'ordre public 10 ( * ) . La dernière étude transversale sur la préfecture de police réalisée par une institution indépendante de l'exécutif remonte ainsi au contrôle effectué par la Cour des comptes en 1998 11 ( * ) .


* 1 Jean-Marc Berlière et René Lévy, Histoire des polices en France. De l'ancien régime à nos jours , Paris, Nouveau Monde Éditions, 2011, p. 57.

* 2 Jean-Marc Berlière et René Lévy, Histoire des polices en France. De l'ancien régime à nos jours, précité, p. 59.

* 3 Jean-Jacques Urvoas, 11 propositions chocs pour rétablir la sécurité , Fayard, 2011, p. 83.

* 4 Philippe Goujon, « La préfecture de police de Paris est malade », Le Figaro, 20 octobre 2016.

* 5 Ibid .

* 6 Proposition de loi visant à modifier le titre Ier du livre V du code général des collectivités territoriales sur l'organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon, présentée par Laurent Dominati, Gilbert Gantier et Claude Goasguen et enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 septembre 1999.

* 7 Proposition de loi tendant à la suppression du régime d'exception applicable à Paris en matière de pouvoirs de police de Yves Pozzo di Borgo, déposée au Sénat le 11 octobre 2012. Proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police n° 391 (2014-2015) de Yves Pozzo di Borgo, Pierre Charon et Philippe Dominati, déposée au Sénat le 1 er avril 2015.

* 8 Projet de loi n° 815 (2015-2016) de Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, déposé au Sénat le 3 août 2016.

* 9 Voir par exemple : rapport d'enquête n° 2794 chargée d'établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l'ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens de Pascal Popelin, déposé le 21 mai 2015.

* 10 Voir par exemple : « Renforcer l'efficacité du renseignement intérieur », rapport d'information n° 36 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 7 octobre 2015.

* 11 Cour des comptes, rapport au président de la République, 1998, pp. 130-175.

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