EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 12 OCTOBRE 2016

M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur . - Notre mission avait initialement pour objet d'examiner l'avenir des SDIS dans l'hypothèse d'une suppression des départements alors envisagée. Les départements n'ayant pas disparu, nous l'avons recentrée sur la place des SDIS dans le secours à personne, mission à laquelle collaborent de nombreux acteurs et dont le financement n'est pas parfaitement assuré. L'assurance de recevoir les soins que leur état requiert en cas d'accident est l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. C'est particulièrement vrai dans les zones rurales, désertées par des praticiens libéraux déchargés depuis 2001 de toute obligation en matière de gardes, et dans lesquelles hôpitaux et maternités de proximité ferment les uns après les autres au profit de grands hôpitaux plus performants certes, mais à condition d'y arriver à temps...

Le défi est donc simple : assurer une présence médicale minimale permettant le traitement sur place des cas simples, et disposer d'un service de transports médicalisés permettant l'évacuation rapide des cas les plus sérieux vers les plateaux techniques où ils seront pris en charge.

Jusqu'à présent, malgré les problèmes et les dysfonctionnements sur lesquels Catherine Troendlé reviendra et qui justifieraient à eux seuls une réforme en profondeur du secours à personne, le système remplit sa mission. La question est de savoir pendant combien de temps encore il pourra résister à une double évolution : d'une part, les sollicitations de plus en plus nombreuses des SDIS, du fait de la concentration de l'offre de soins dans les secteurs les plus urbanisés, du transfert sur ces services de missions jusqu'alors assumées par d'autres et de leur moindre coût pour les bénéficiaires ; d'autre part, l'impossibilité pour les financeurs des SDIS - les départements et le bloc communal - de continuer à assumer l'essentiel du coût de cette inflation de la demande. Nous nous sommes en conséquence attachés à comprendre comment nous étions arrivés à cette situation, et à formuler des réponses pour y faire face.

En matière de secours à personne, sur le « papier réglementaire » en tout cas, tout est clair : les SDIS, financés par les collectivités locales mais sous tutelle du ministère de l'intérieur, sont sollicités lorsque la dimension médicale de l'intervention est faible ; les services d'aide médicale urgente (SAMU), relevant du ministère de la santé, appuyés par les services mobiles d'urgence et de réanimination (SMUR) et les ambulanciers privés, interviennent lorsque la dimension médicale domine. Les SDIS n'interviennent donc hors de leurs attributions qu'en cas de carence des moyens des SAMU, à leur demande ou avec leur accord.

Preuve que cette répartition n'était pas aussi pertinente qu'il y paraissait : les conflits de territoires n'ont pas manqué, empoisonnant les relations entre services en cas de crise d'égotisme des responsables locaux, que l'on s'est contenté de régler par l'adoption de chartes de bonnes conduites ou référentiels communs. En même temps, et paradoxalement, les missions relevant des SAMU exécutées par les SDIS prenaient de plus en plus d'importance. De supplétifs, les SDIS sont devenus indispensables dans le domaine du secours à personne, tout particulièrement dans les territoires ruraux.

Ainsi, s'est construit progressivement et pragmatiquement un système de secours à personne qui, pour répondre aux besoins, s'est affranchi du plan initial de ses architectes. Les raisons en sont multiples : certaines sont bonnes, d'autres mauvaises. Parmi les bonnes figurent l'image très positive des pompiers dans la population, leur proximité et leur présence sur l'ensemble du territoire, même là où le service public de santé s'est fait particulièrement discret, les SDIS réalisant le travail délaissé par d'autres car n'ayant pas les moyens de faire autrement... Parmi les mauvaises raisons, citons, d'une part, l'aisance budgétaire des SDIS, aux frais des collectivités locales, situation appréciée par un ministère de la santé vertueux et, en réalité, pas fâché de voir sa charge réduite d'autant ; d'autre part, la nécessité de justifier, par un supplément de charges de travail, la montée en puissance des moyens et des effectifs des SDIS.

Les évolutions du mode d'occupation et d'équipement sanitaire du territoire et le bon usage des deniers publics ne permettent plus de maintenir le statu quo , sous peine de décevoir les attentes - légitimes - de nos concitoyens. Une réorganisation de notre dispositif de secours à personne est indispensable. Elle passe par quatre principes : coordination et généralisation des plateformes communes, sectorisation des intervenants de premier rang en fonction des moyens disponibles et des territoires, mutualisation de l'usage des hélicoptères, mutualisation et mise en cohérence des moyens. Mais nous ne nous berçons pas d'illusions : nos conclusions ont peu de chances de trouver un écho favorable chez des responsables qui estiment que tout fonctionne très bien... Cela n'empêche toutefois pas de faire des propositions !

Mme Catherine Troendlé, co-rapporteur . - Lorsque nous avons débuté cette mission, Pierre-Yves Collombat et moi-même avons conclu un pacte : prendre beaucoup de recul et ne rien laisser au hasard ; approfondir toute question qu'il nous semblerait utile de clarifier, sans préjugé ni complexe. C'est ainsi que nous avons, au gré de nos auditions et de nos déplacements et par la synthèse des questionnaires que nous avons adressés à tous les SDIS de France, mis en évidence un véritable décalage entre ce qui devrait être et ce en quoi consiste réellement le secours à personne. Aller au bout de cette démarche a été très valorisant pour moi, qui présente chaque année un rapport pour avis sur le budget de la sécurité civile et qui n'avais à ce jour pas trouvé le temps nécessaire pour mettre en lumière ces difficultés.

Premier axe de réflexion : les carences ambulancières. Les SDIS sont amenés à intervenir, à la demande des SAMU, en cas d'indisponibilité d'une ambulance privée. Ces carences ambulancières sont réparties de façon très variable sur le territoire : si elles constituent en moyenne 7 % des interventions des SDIS, le taux est de 0,5 % dans l'Indre, 25 % dans l'Oise et 53,33 % à Mayotte. Cette part s'explique tout d'abord par le sous-dimensionnement des permanences de soins ambulatoires, le désengagement des médecins libéraux ou la disparition totale de la permanence dans tel département ; ensuite, par l'indisponibilité des transporteurs privés en raison de l'organisation de la profession, de la taille des entreprises ou de la répartition géographique des ambulances, moins nombreuses, voire absentes, dans certains territoires ruraux.

Le remboursement aux SDIS de leurs frais d'intervention pour carence du transport sanitaire s'effectue sur la base d'un forfait fixé à 118 euros en 2015. Plusieurs SDIS, dont le nombre de carences a presque triplé en quatre ans, entre 2010 et 2014, estiment que le montant de l'indemnisation pour carence ne couvre pas les charges réellement supportées. Certains évoquent même le « scandale de l'insuffisance du remboursement au titre des carences ambulancières », et avancent que le coût d'une intervention s'élève parfois jusqu'à 500 euros. Le remboursement pour frais d'intervention en cas de carence ambulancière représente la seule contribution des organes de santé au fonctionnement des SDIS, alors même que l'aide médicale d'urgence est une mission du ministère de la santé.

Deuxième axe de réflexion : la part croissante du secours à personne dans l'activité des SDIS. Les SDIS sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies, qui constitue leur coeur de métier, et dont ils ont l'exclusivité. À titre supplétif seulement, en collaboration avec les autres services et professionnels concernés, ils concourent aux secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi qu'à leur évacuation. Pourtant, cette dernière mission représente aujourd'hui 69 % de leurs interventions, la lutte contre les incendies seulement 8,5 %. Entre 2004 et 2014, alors que le nombre des interventions des SDIS a crû de 20 %, leurs interventions au titre du secours à personne ont augmenté de plus de 55 %. Cette tendance de fond cache des disparités selon les départements : cette part représente 55,5 % dans la Sarthe, 87,2 % dans le Lot.

Outre la popularité des pompiers auprès de nos concitoyens, cette part croissante s'explique par l'évolution de la carte médicale et par la diminution des permanences médicales de proximité, en particulier dans les territoires ruraux. Pour certains SDIS, la multiplication des interventions ne présentant pas d'urgence est liée à la désertification médicale. Pour nos concitoyens, elle est compensée par le maillage territorial des casernes de sapeurs-pompiers. Aussi les SDIS sont-ils sollicités pour des interventions de « bobologie » qui ne relèvent pas de leurs compétences...

Troisième axe de réflexion : les compétences respectives du SAMU, du SMUR et du SDIS dans l'aide médicale urgente. Le service public de l'aide médicale urgente n'est pas clairement organisé, et les moyens qui y sont consacrés ne sont pas rationnellement utilisés. Les missions du SAMU reposent sur une logique de régulation : le médecin régulateur du SAMU détermine et déclenche la réponse médicale qu'il estime la plus adaptée à l'état du patient, en l'orientant au besoin vers l'unité d'hospitalisation la plus appropriée. Les SMUR sont chargés, par le SAMU, des patients dont l'état requiert une prise en charge médicale et de réanimation urgente ainsi que des transferts inter-hospitaliers. Les transporteurs sanitaires privés apportent un concours à l'aide médicale urgente : l'agrément dont ils bénéficient leur ouvre droit à titre principal à la participation à ce service public et, à titre subsidiaire, aux missions de transport sanitaire sur prescription.

Aux côtés des SAMU, des SMUR et des transporteurs privés, les SDIS sont très actifs en matière d'aide médicale urgente. Leur intervention repose sur le principe du « départ réflexe » qui leur permet d'engager des moyens avant régulation médicale par le SAMU lorsque le délai de la réponse à l'appel est de nature à induire une perte de chance de survie pour la personne en détresse. Ainsi, les missions exercées au titre du secours à personne pour les SDIS en font un acteur incontournable de l'aide médicale urgente, ce qui renforce la nécessité d'une meilleure coordination entre les intervenants. Mais le risque du départ réflexe est, comme le souligne la Cour des comptes, de « générer des doublons injustifiés dans les interventions », car rien n'empêche les SDIS d'intervenir dans les cas où leur présence n'est pas utile, ce qui peut aussi expliquer la part croissante du secours à personne dans leur activité. Une solution réside dans une régulation commune SAMU-SDIS : c'est le quatrième axe de nos réflexions.

Pour répondre aux appels d'urgence, toute personne peut composer le « 15 » pour le SAMU, le « 18 » pour le SDIS, et le « 112 » qui est le numéro d'appel européen unique. Si le « 15 » est dédié au traitement des appels d'urgence médicale, un grand nombre d'entre eux transitent par le « 18 » qui doit en conséquence les transférer au centre de régulation des appels du « 15 », celui-ci faisant de même à l'attention du « 18 ». La mutualisation de deux plateformes - « 15 » et « 18 » - en relation quotidienne permettrait de réaliser des gains d'efficacité importants. Si 19 SDIS ont mis en place un centre commun avec le SAMU, le « chacun chez soi » prédomine encore largement. D'abord en raison de l'éloignement physique du SAMU de l'hôpital : la dissociation de la communauté hospitalière entraînerait une perte de lien pour le personnel médical et conduit à un déficit de renforts par les médecins du SMUR. Cet inconvénient peut être réglé par l'implantation de la plateforme commune dans l'enceinte du centre hospitalier universitaire (CHU).

Autre raison invoquée : les différents régimes de rémunération des opérateurs du « 15 » et du « 18 », qui relèvent respectivement de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale. L'obstacle majeur au regroupement résiderait surtout, selon certains, dans la spécificité des deux métiers et le fait qu'en matière de secours à personne, c'est l'expertise du médecin qui s'impose. Argument étonnant dans la mesure où la création de plateformes communes et l'élaboration de référentiels communs vise à séparer la masse des appels qui ne nécessitent pas d'expertise médicale de ceux qui la requièrent tout en permettant le traitement rapide des cas douteux puisque les régulateurs médicaux sont là.

M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur . - Nous avons formulé dix propositions. Je présenterai les cinq premières qui nous paraissent fondamentales.

Notre première proposition vise à programmer la mutualisation physique des plateformes d'appel « 15/18 » dans l'ensemble des départements, en y intégrant les permanences ambulancières, et à prescrire à court terme l'obligation d'interconnecter les deux centres.

Deuxième proposition : sectoriser les compétences des différents services intervenant dans le secours à personne : les sapeurs-pompiers seraient compétents dans des territoires ruraux précisément délimités selon leur éloignement d'une antenne SMUR, ces derniers le seraient dans les agglomérations et partout en cas d'urgences graves.

Notre troisième proposition tend à mutualiser les hélicoptères des services d'urgence au niveau zonal et à établir des règles d'implantation des appareils.

Quatrièmement, instituer auprès du Premier ministre une autorité responsable de l'application du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente car, sauf dans les colloques, les services ne coopèrent guère.

Cinquième proposition : généraliser et organiser la sectorisation territoriale pour la permanence des soins ambulatoires, avec un système d'astreintes comme porte d'entrée des secours.

Mme Catherine Troendlé, co-rapporteur . - Toutes ces propositions que je qualifierai de « décomplexées » ont été construites sur la base des réponses au questionnaire que nous avions soumis à tous les SDIS de France, des auditions et des déplacements que nous avons effectués. Elles ne sont donc pas théoriques, mais bien empiriques.

M. Philippe Bas, président . - Ce rapport est au confluent de plusieurs problèmes. D'abord, il pose la question de la santé en milieu rural, alors que l'offre de soins se concentre sur des plateaux techniques performants pilotés par des équipes expérimentées, mais plus éloignés des territoires ; or cela ne peut fonctionner qu'avec des services d'urgence efficaces. Le dispositif actuel a été construit de manière très empirique, en s'écartant des principes proclamés, puisque les SDIS participent désormais massivement aux missions qui relèvent en principe du ministère de la santé. Pour l'instant, il tient la route, mais rien ne garantit sa pérennité. Or la santé est le premier sujet de préoccupation des Français avant même l'emploi. Il n'est pas dit que les SDIS pourront supporter longtemps leur saturation.

Ce rapport soulève ainsi un deuxième problème, que notre commission connaît bien : celui du transfert de charges insidieux et sournois qui résulte de la prise en charge par les services départementaux de missions qui incombent à l'État, alors même que leur situation financière se dégrade... Est-ce durable ? La réponse ne peut être que négative.

M. Alain Vasselle . - Je veux d'abord féliciter les deux rapporteurs pour la pertinence de leur analyse et de leurs propositions. Je ne suis toutefois pas convaincu que nous arriverons à régler ce problème, qui se pose depuis au moins trente-cinq ans. Nous en parlions déjà régulièrement lorsque je suis entré au Sénat, en 1992, mais aucune solution n'a jamais pu aboutir... Vous avez concentré votre propos sur l'aspect opérationnel du problème, en passant sous silence son volet financier. Qui paye quoi ? Voilà la vraie question, à laquelle le président Bas a fourni une piste de réponse. Vous avez cité deux chiffres, 118 euros et 500 euros, mais quel est le véritable coût de revient d'une intervention du SAMU d'une part, du SMUR de l'autre ? Je rêve de l'époque où, maire d'une petite commune, je ne payais que 1 300 francs au titre de la contribution communale au budget du SDIS... qui sont devenus 5 000 euros en raison de la professionnalisation des sapeurs-pompiers. L'engagement des sapeurs-pompiers volontaires est victime d'une véritable crise des vocations, en raison des normes de plus en plus fortes qui leur sont imposées.

La réglementation est de plus en plus exigeante. Même s'ils suivent des formations, les jeunes s'investissent de moins en moins dans le corps des sapeurs-pompiers volontaires.

Enfin, c'est enfoncer une porte ouverte que de pointer le problème de la carte médicale. Dans l'Oise, les sapeurs-pompiers interviennent dans 25 % des cas, lorsqu'il s'agit du secours à personne. L'ex-Picardie souffre d'une désertification du service de médecine de proximité. On peine à créer et à développer les maisons médicales. La mutualisation peut être une solution ; pourquoi ne pas mettre en place un guichet unique d'appel ? Cela pose le problème de l'expertise médicale. Doit-on considérer que le médecin pompier a les mêmes capacités d'appréciation et les mêmes compétences que le médecin urgentiste d'un CHU ? Telle est la question. Il faudra établir clairement qui paie quoi, entre les départements et les assurances, notamment.

M. Michel Mercier . - Je remercie les deux rapporteurs pour leur travail intéressant et d'autant plus difficile que les situations varient d'un département à l'autre. Monsieur Vasselle, votre analyse se justifie certainement dans votre village. Pour avoir présidé le SDIS du Rhône pendant plus de vingt ans, je ne me situe pas tout à fait sur la même ligne. Une solution efficace pour faire travailler ensemble les « blancs » et les « rouges », les médecins et les pompiers, consiste à leur proposer de travailler un jour sur deux en blanc, payés par la structure hospitalière, et l'autre jour en rouge, avec un salaire de sapeur-pompier volontaire, non imposable...

La proposition n° 7 des rapporteurs est particulièrement pertinente, qui ouvre la faculté pour les SDIS d'armer un véhicule de secours et d'assistance aux victimes avec un équipage de deux sapeurs-pompiers. Monsieur Collombat, vous avez dû vous faire violence, car on ne peut pas tout à la fois défendre les syndicats et l'économie !

M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur . - Cette proposition ne me pose pas de problème.

M. Michel Mercier . - Les syndicats de sapeurs-pompiers sont favorables à un équipage de quatre sapeurs-pompiers. Cette proposition contribuera à diminuer le nombre des sapeurs-pompiers professionnels présents sur le lieu d'intervention, en ville comme à la campagne. La sectorisation que vous proposez - sapeurs-pompiers en milieu rural, SMUR en ville - n'est pas tenable. Quoi que l'on fasse, les pompiers arriveront toujours les premiers sur les lieux de l'accident. Et si vous choisissez de leur interdire les interventions en ville, vous n'aurez pas moins de six mois de grève.

Dans mon territoire, la départementalisation a eu pour effet d'augmenter le contingent des sapeurs-pompiers volontaires, avec plus de mille jeunes sapeurs-pompiers qui rejoignent les rangs chaque année, dont beaucoup d'étudiants, en ville, qui trouvent ainsi un moyen de financer leurs études. Votre proposition n° 7 est essentielle. Elle devrait conduire à maîtriser une part importante des dépenses car, dans 80 % des cas, les pompiers interviennent pour des missions de secours à personne.

M. Alain Marc . - Je remercie les rapporteurs. Les sapeurs-pompiers volontaires sont nombreux en milieu rural. On en compte plus de 1 000 dans l'Aveyron, contre 100 sapeurs-pompiers professionnels. On pourrait comparer les rapports entre les pompiers et le SAMU à ceux qu'entretiennent la police et la gendarmerie. La situation ne va pas de soi, malgré les principes affichés. Avez-vous eu accès à des enquêtes attestant que certaines victimes auraient été mises en danger par des problèmes de régulation entre les deux corps ?

En ce qui concerne les hélicoptères, on sait qu'ils ne peuvent pas fonctionner la nuit, ni en cas de tempête. Il me paraît également difficile d'équiper les hélicoptères de la gendarmerie à des fins d'intervention médicale.

Le secours à personne doit être envisagé de manière globale. Il existe des maisons de santé et des permanences de soins. Cependant, en milieu rural, le maillage est extrêmement lâche, notamment les week-ends. Il faudra que nous légiférions un jour sur ce point. Les médecins français sont formés gratuitement, aux frais de l'État, pendant neuf à onze ans. Ce n'est pas le cas aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Ils sont redevables à la Nation. Il serait légitime qu'ils soient d'astreinte obligatoire certains jours de l'année, notamment les week-ends en milieu rural.

M. René Vandierendonck . - Je félicite le binôme décomplexé que forment nos rapporteurs. Leur travail ne manque pas d'intérêt. Comparer les performances économiques et le fonctionnement du service public d'un territoire à l'autre a son utilité. Un autre binôme formé par nos collègues Éric Doligé et Marie-Françoise Pérol-Dumont travaille, sous l'égide de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur l'efficacité de l'État déconcentré. Je suis assez surpris par l'étanchéité quasi-absolue qui caractérise le fonctionnement de l'administration des agences régionales de santé (ARS) avec les autres services de l'État. Beaucoup de préfets se plaignent de ne pas pouvoir travailler avec l'agence. Tout cela manque de transversalité.

M. Jacques Bigot . - Je formule le voeu que les propositions concrètes des rapporteurs trouvent leur aboutissement. Le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR) est élaboré par le préfet ; le statut des sapeurs-pompiers professionnels et celui des volontaires sont fixés à l'échelle nationale, non pas par un ministre dédié, mais par des sapeurs-pompiers oeuvrant au sein du ministère de l'intérieur. Aux départements d'assurer ensuite le financement, en fonction des ordres donnés. Cela pose une difficulté que nous devons dénoncer encore et encore.

Lorsque le SDIS a été créé dans mon département, un très grand nombre de volontaires se sont déclarés dans les communes hors Strasbourg, et très peu de professionnels. Les candidatures se sont ensuite taries. Les pompiers volontaires ont été encouragés à suivre des formations de plus en plus longues, acquérant ainsi des compétences identiques à celles des professionnels sans en avoir forcément l'usage, ce qui n'a pas manqué de susciter un certain découragement. Mieux vaudrait déterminer précisément les missions qui reviendront aux pompiers volontaires, si l'on veut susciter les vocations. Pour l'instant, les jeunes pompiers volontaires n'aspirent qu'à passer le concours pour devenir professionnels. Ce n'est pas idéal.

M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur . - Nous avons voulu mettre les pieds dans le plat. Faire la liste de toutes les réformes à mener n'aurait servi à rien, car nous savons tous que, tant que certains blocages subsisteront, elles ne seront pas appliquées. Il est essentiel de valoriser un système centré sur la coordination, plutôt que chacun reste sur son pré carré. Les plateformes communes d'appel seront des gares de triage d'autant plus efficaces pour se répartir les tâches, qu'elles ne relèveront ni des services de santé, ni des sapeurs-pompiers. Dès que cette ventilation commune fonctionnera, on pourra parler d'argent et aborder la question du financement du service. En effet, on ne peut pas se contenter de diviser la somme des dépenses par le nombre d'heures d'intervention, sans tenir compte du coût marginal, car les pompiers mobilisés sont toujours plus nombreux que ceux qui interviennent.

Dans la flotte des hélicoptères, il y a ceux qui sont affrétés et payés par le ministère de la santé et ceux qui sont financés par la sécurité civile. La mutualisation fonctionne déjà au niveau local, en zone maritime, par exemple. Dans l'ensemble, la situation s'est rigidifiée et chacun campe sur ses positions, tant pour ce qui est des problèmes syndicaux, que pour les luttes de corporatisme ou pour les difficultés d'argent.

Loin de nous l'idée de confier le rural aux pompiers et le reste aux autres. En zone rurale, on recense davantage de centres de secours. Nos propositions consistent à favoriser les discussions entre les acteurs, à étendre la compétence des pompiers au domaine médical, et inversement celle des SMUR. Lors des auditions, M. Patrice Pelloux nous a indiqué que, dans certains cas, mieux valait l'intervention de pompiers musclés, capables d'agir dans la « pétarade », plutôt que celle d'un médecin qui n'aurait pas les moyens de parvenir jusqu'à la victime.

Quant à l'ARS, son fonctionnement n'est pas optimal, mais certaines agences ont commencé à évoluer dans certains endroits et la situation s'améliore. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas persuadé que la socialisation des coûts et la privatisation des recettes constituent un mode de fonctionnement qui durera à perpétuité.

Mme Catherine Troendlé, co-rapporteur . - Malgré toutes les réticences, la plateforme commune de traitement des appels de Haute-Savoie est totalement aboutie et fonctionne parfaitement bien, avec une coopération entre les « blancs », les « rouges », le SAMU social et les ambulanciers. Pourquoi cela serait-il possible dans certains départements et pas dans d'autres ?

À la suite de la signature d'une charte de 25 mesures au Congrès des sapeurs-pompiers de France, en 2013, on a constaté un gel de la chute du nombre des sapeurs-pompiers volontaires, grâce à une formation allégée et plus spécialisée. Il y a également eu un regain d'engouement pour former les volontaires, avec la création de sections dédiées dans le système scolaire, et la possibilité donnée aux entreprises de signer des conventions avec les SDIS. L'hémorragie est désormais contenue. Dans ma petite commune de 800 habitants, certains sapeurs-pompiers volontaires assurent des gardes pour valoriser leur formation.

Pour les transports sanitaires, les sapeurs-pompiers sortent à quatre, alors que les ambulanciers se déplacent à deux. L'expérimentation d'une sortie de VSAV à deux à laquelle s'est livrée la brigade des sapeurs-pompiers de Paris s'est révélée peu concluante dans la mesure où les sapeurs-pompiers de Paris ont un statut militaire qui les oblige à être opérationnels à tout moment. Cependant, en raison du statut des sapeurs-pompiers professionnels qui relèvent de la fonction publique territoriale et du régime de leur temps de travail, cet exercice peut être transposé aux SDIS, ce qui leur garantirait une meilleure efficience.

Il n'est pas envisageable que les sapeurs-pompiers n'interviennent qu'en ville. Cependant, il faut prioriser leurs interventions, en zone de désertification médicale et surtout en « nuit profonde ».

À Tours, la délégation de l'ARS a été très offensive, en dédiant une enveloppe financière sur le budget de l'agence à l'indemnisation des médecins libéraux qui assureraient des gardes.

M. René Vandierendonck . - C'est beau comme un conte de fée...

Mme Catherine Troendlé, co-rapporteur . - Cela fonctionne. Quand l'ARS veut être offensive....

M. Philippe Bas, président . - Nous vous remercions.

La commission autorise la publication du rapport.

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