Rapport d'information n° 747 (2015-2016) de M. Richard YUNG , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 30 juin 2016

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N° 747

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 juin 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur l' achèvement de l' union bancaire ,

Par M. Richard YUNG,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle.

AVANT-PROPOS

Le principe même d'une Union bancaire trouve son origine bien avant la crise financière de 2007 - l'article 67 du traité de Rome prévoyait déjà la libre circulation des capitaux - mais cette ambition de créer un marché financier unique s'est longtemps heurtée à la persistance de pratiques bancaires organisées sur des bases nationales et à l'absence d'une réelle volonté politique. La crise financière et, plus spécifiquement, la crise de la dette souveraine en zone euro ont donné l'impulsion politique nécessaire à la mise en chantier de ce projet essentiel au sein de l'Union économique et monétaire dans la construction européenne récente. L'Union bancaire constitue aujourd'hui, au-delà de sa complexité apparente ou parfois réelle, une des avancées les plus significatives de l'Union économique et monétaire.

Sous la pression de la crise de la zone euro, les gouvernements des États membres et les institutions européennes sont parvenus à trouver des solutions politiquement acceptables pour répondre aux difficultés financières des banques européennes. Il y avait urgence, ainsi que le reconnaissaient les chefs d'État et de gouvernement lors du sommet de la zone euro de juin 2012 ; ils appelaient pour la première fois à la création d'une Union bancaire afin de « briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États » 1 ( * ) . En un temps record à l'échelle européenne, un chemin considérable a été parcouru, depuis cette date, vers la mise en place de l'Union bancaire, un mariage de raison porté par une forte volonté politique. C'est en novembre 2014, soit en à peine plus de deux ans, que le mécanisme de supervision unique (MSU) confiant à la Banque centrale européenne (BCE) des responsabilités de supervision est entré en vigueur. Le mécanisme de résolution unique (MRU) a créé un Conseil et un Fonds de résolution unique pour la zone euro. Il est en place depuis le 1 er janvier 2016 mais des travaux importants restent en cours. En novembre 2015, la Commission européenne a adopté une proposition législative sur un mécanisme unique de garantie des dépôts bancaires, le troisième et dernier pilier de l'Union bancaire au sujet duquel les discussions qui s'amorcent s'annoncent toutefois particulièrement difficiles.

L'Union bancaire est un projet ambitieux aux objectifs multiples. En tant que réponse politique et institutionnelle à la crise financière de la zone euro, l'Union bancaire vise à renforcer la stabilité du système financier, à rétablir la confiance et à rompre le cercle vicieux entre dettes bancaires et dettes souveraines. Elle doit aussi permettre de réduire la fragmentation du système bancaire au sein de la zone euro et participer en cela à l'établissement d'un véritable marché unifié des services financiers. Enfin, en harmonisant les conditions de crédit au sein de la zone euro, l'Union bancaire doit permettre de faciliter la transmission de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne. Qu'en est-il aujourd'hui de la réalisation de ces objectifs ?

Le système bancaire de la zone euro s'est indéniablement renforcé : le ratio moyen de fonds propres de catégorie 1 ( Common Equity Tier 1-CET1 ) des établissements importants de la zone euro est passé, depuis 2012, de 9 % à 13 % 2 ( * ) . Toutefois, la BCE en résumant ainsi la situation du secteur financier européen : « tensions contenues et progrès réalisés vers l'Union bancaire », pointe des difficultés persistantes. Les banques de l'Union bancaire continuent d'être affectées par une faible rentabilité et un encours de créances douteuses important dans certains pays. Dans son rapport annuel sur l'intégration financière en Europe 3 ( * ) , la BCE reconnaît aussi que l'intégration financière bancaire, mesurée par l'exposition des banques de la zone euro aux autres pays de la zone, n'a pas suffisamment progressé et que, malgré une légère croissance depuis 2013, elle n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant la crise de 2007. Les turbulences boursières sur les valeurs bancaires en début d'année 2016 pourraient d'ailleurs être le reflet d'inquiétudes sur la solidité des banques notamment européennes et, partant, sur la capacité de l'Union bancaire à réaliser les objectifs qui lui ont été assignés.

Ce rapport d'information propose de dresser un point d'étape sur les trois piliers de l'Union bancaire - la supervision, la résolution et la garantie des dépôts - ainsi que sur le corpus réglementaire et les moyens financiers qui la composent 4 ( * ) .

I. LE MÉCANISME DE SUPERVISION UNIQUE : UN PREMIER PILIER DE L'UNION BANCAIRE GLOBALEMENT OPÉRATIONNEL

A. UNE SUPERVISION DIRECTE PAR LA BCE DE PLUS DE 80 % DES ACTIFS BANCAIRES DE LA ZONE EURO

Le mécanisme de supervision unique repose sur une supervision directe par la BCE de plus de 80% des actifs bancaires de la zone euro laissant 3 000 banques sous supervision nationale dont près de 50 % en Allemagne.

1. Un règlement confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques en matière de surveillance prudentielle

L'adoption, le 15 octobre 2013, du règlement confiant à la Banque centrale européenne (BCE) un rôle clé dans la supervision des banques de la zone euro 5 ( * ) a ouvert la voie à la mise en place effective du premier pilier de l'Union bancaire. Le mécanisme de surveillance unique (MSU) est formellement composé de la BCE, qui est l'autorité de supervision directe pour les banques les plus importantes de la zone euro 6 ( * ) , et des autorités de contrôle nationales des États participants qui restent en charge de la supervision des autres banques. Le règlement adopté confie à la BCE des missions très larges parmi lesquelles figurent non seulement le contrôle de l'application des exigences prudentielles réglementaires en vigueur et des systèmes internes d'évaluation des risques des plus grandes banques mais aussi l'octroi et le retrait des licences bancaires pour l'ensemble de la zone euro, la possibilité d'imposer des fonds propres complémentaires ou de modifier les règles de gouvernance internes... Le fondement juridique du mandat attribué à la BCE, l'article 127 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), limite formellement le périmètre de supervision aux seules banques de la zone euro et en exclut tout autre secteur comme, notamment celui de l'assurance . L'Union bancaire ne rassemble pour l'instant que les pays de la zone euro, les États membres hors zone euro peuvent néanmoins rejoindre le MSU sous la forme d'accord de coopération entre superviseurs. La BCE est tenue de rendre compte devant le Parlement européen des décisions prises dans le cadre du MSU et, également, de répondre aux questions écrites des parlements nationaux.

Le MSU est devenu effectif à compter du 4 novembre 2014 , au terme d'une revue, par la BCE, de la qualité des actifs ( Asset quality review - AQR ) accompagnée d'un test de résistance ( stress-test ) des 130 banques importantes de la zone euro 7 ( * ) . Il s'agissait logiquement pour la BCE, avant d'en prendre la responsabilité en tant que superviseur, d'évaluer la situation des banques de la zone euro au regard des exigences prudentielles en vigueur. Les résultats, publiés en octobre 2014, ont conduit à des ajustements relativement limités à hauteur de 453 millions d'euros de la valeur des actifs des banques participantes. À l'issue du test de résistance, le déficit en fonds propres s'est établi globalement à 1,74 milliard d'euros, dont une partie avait déjà été couverte entre temps par les banques concernées.

2. Une supervision directe par la BCE pour les 129 plus grandes banques

Désormais, la BCE supervise directement l'équivalent de 83 % du total des actifs bancaires de la zone euro , soit approximativement 21 573 milliards d'euros en valeur comptable et 8 046 en valeur pondérée par les risques 8 ( * ) , réparti sur les 129 établissements de crédit identifiés comme importants en 2015. Il est intéressant de relever que, bien que les systèmes bancaires français et allemands représentent chacun environ 8 000 milliards d'euros d'actifs en valeur comptable, les banques françaises constituent le premier contingent parmi les 129 établissements en supervision directe avec 7 400 milliards d'euros d'actifs loin devant l'Allemagne avec 4 400 milliards d'euros 9 ( * ) . Cela illustre une différence majeure, qui peut d'ailleurs expliquer en partie les divergences constatées dans les négociations sur l'Union bancaire, entre les systèmes bancaires de ces deux États : l'Allemagne regroupe un nombre significatif de banques régionales de taille moyenne alors que les banques françaises sont principalement de grande taille et à vocation internationale. Ainsi, la presque totalité des banques françaises est soumise à la supervision directe de la BCE alors que, près de 50 % des 3 000 autres banques de la zone euro qui restent supervisées par les autorités de contrôle nationales compétentes, sont situées en Allemagne. Rappelons toutefois que la BCE peut décider, à tout moment, au-delà de cette répartition de principe, de soumettre un établissement de moindre importance à sa surveillance directe.

B. UNE RAPIDE ET EFFICACE MONTÉE EN PUISSANCE DE LA SUPERVISION PAR LA BCE DANS LE CADRE D'UN PROCESSUS TOUTEFOIS ENCORE PERFECTIBLE

1. Les pratiques de supervision de la BCE

La supervision bancaire est le pilier le plus abouti de l'Union bancaire. Les travaux, menés dans le cadre du MSU, se sont révélés, dans un délai très court, d'une grande qualité. Le MSU représentait pourtant un projet très ambitieux à l'origine au titre de l'important transfert de souveraineté qu'il entraîne et de la création, ex nihilo , d'un nouveau superviseur supranational.

Dans le cadre de ses activités de surveillance prudentielle, la BCE a employé en 2015 plus de 1 000 personnes pour un coût global de 277 millions d'euros financés par des contributions appelées auprès des banques supervisées. Ces contributions viennent s'ajouter à celles versées par les banques à leur superviseur national. En pratique, en ce qui concerne les missions de surveillance de la BCE, chacune des 129 banques est supervisée par une équipe dédiée ( Joint Supervisory Teams - JST) composée d'un personnel provenant à la fois des autorités de contrôle nationales et de la BCE. Ces équipes peuvent compter jusqu'à 80 personnes et sont conduites par un coordinateur de la BCE qui, en règle générale, ne peut être originaire du pays de la banque supervisée. Il s'agit ainsi d'éviter les éventuels conflits d'intérêt liés à la nationalité des superviseurs.

Conformément à ses missions, la BCE a développé une méthodologie harmonisée pour le processus de surveillance et d'évaluation prudentielle ou Supervisory Review and Evaluation Process ( SREP ) qui permet de soumettre l'ensemble des établissements importants au sein de la zone euro à une norme commune d'évaluation. Si la surveillance directe par la BCE semble avoir ainsi atteint ses objectifs en ce qui concerne l'harmonisation et l'impartialité des pratiques de supervision, il est difficile d'affirmer qu'il en est de même en ce qui concerne les banques qui sont restées sous supervision nationale. Cela constitue un enjeu pour le fonctionnement de l'Union bancaire et l'application effective du principe de partage des risques du système bancaire . En effet, est-il acceptable qu'une banque qui n'est pas supervisée de façon indépendante directement par la BCE puisse bénéficier, en cas de difficulté, des mécanismes communs de soutien financier prévus dans le cadre de l'Union bancaire ?

2. Les chantiers du Mécanisme de supervision unique

La supervision unique a encore toutefois de nombreux autres chantiers à mener et des améliorations fonctionnelles à apporter notamment en termes d'efficacité, de clarification et d'harmonisation.

Ainsi certaines demandes de la BCE, du superviseur local, voire de l'Autorité Bancaire Européenne (ABE) recouvrent les mêmes sujets et se dupliquent inutilement. La hausse parfois très significative des contraintes de reporting intervient dans un contexte d'incompréhension et de frustration de la part des établissements de crédit. Le processus de décision au sein de Conseil de surveillance prudentielle est perçu comme trop formaliste et trop lent. Le Conseil assure en effet un nombre très important de décisions qui pourraient plus efficacement être déléguées, dans certaines conditions, aux autorités nationales.

Des erreurs de communication ont aussi été relevées au sujet, notamment, de la configuration d'une disposition prudentielle qui peut entraîner des restrictions sur les distributions de dividendes, les paiements de coupons et de bonus, au titre du MDA ( Maximum distributable amount ). De manière générale, les incertitudes sur les termes de la réglementation pèsent sur la perception par les marchés de l'avenir des établissements financiers et contribuent à la volatilité de leur valorisation. Cela a été notamment invoqué lors des turbulences boursières sur les valeurs bancaires au début de l'année 2016 10 ( * ) .

La BCE a engagé un chantier de grande ampleur sur les options et discrétions nationales ( Options and National Discretions-OND ). Le cadre réglementaire prudentiel européen 11 ( * ) contient en effet près de 150 dispositions permettant aux superviseurs nationaux soit de décider de la mise en oeuvre concrète des normes européennes (options nationales) soit simplement de ne pas appliquer une exigence réglementaire européenne (discrétions nationales). Certaines options et discrétions sont en phase d'extinction jusqu'en 2020-2021 mais d'autres restent effectives ou sont inscrites dans les législations nationales car certains États membres les ont transposées en actes juridiquement contraignants. Les OND représentent une source complémentaire de complexité et d'arbitrage réglementaire et peuvent avoir une incidence très importante sur la qualité et la quantité réelles des fonds propres : leur impact global a été estimé à 126 milliards d'euros par la BCE 12 ( * ) . Un règlement d'harmonisation de 35 de ces pratiques discrétionnaires a été récemment adopté par la BCE 13 ( * ) et entrera en vigueur en octobre 2016. Une proposition réglementaire supplémentaire de la Commission, envisagée avant la fin de l'année 2016, sera nécessaire pour harmoniser les OND sur lesquelles la BCE n'a pas de compétence (notamment celles inscrites dans les législations nationales).

II. LE MÉCANISME DE RÉSOLUTION UNIQUE : UN DEUXIÈME PILIER DE L'UNION BANCAIRE QUI RESTE À CONSOLIDER

La crise financière a conduit les régulateurs internationaux à s'intéresser à la capacité de « résolution » des banques en dehors des cadres nationaux du droit des faillites de chaque État. Ils ont donc établi les grandes lignes d'un cadre spécifique permettant la résolution c'est-à-dire la gestion ordonnée d'une défaillance bancaire et défini les principes du renflouement interne ( bail-in ) qui doit permettre dorénavant de mettre à contribution les actionnaires et les détenteurs d'obligations plutôt que les États. La résolution et le renflouement interne constituent ainsi les éléments centraux de prévention du besoin d'intervention des puissances publiques dont ont dû bénéficier certains acteurs du système financier pendant la crise.

A. UNE DIRECTIVE DÉDIÉE POUR INTRODUIRE EN EUROPE LES PRINCIPES LIÉS À LA RÉSOLUTION ET AU RENFLOUEMENT INTERNE

1. La directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit

L'Union européenne a progressé avec détermination dans la voie de l'adoption de ces principes dans le cadre législatif. La directive sur le recouvrement et la résolution des banques 14 ( * ) ou Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD) a été adoptée le 15 mai 2014. Elle impose d'une part à chaque État de se doter d'une autorité de résolution et de constituer un fonds de résolution et définit, d'autre part, un cadre européen harmonisé :

- sur le volet préventif, au travers de l'élaboration par les établissements de crédit de plans de redressement et par les autorités nationales compétentes de plans de résolution ;

- sur l'intervention précoce, qui doit permettre aux autorités de résolution d'imposer un plan de redressement dès lors qu'un établissement enfreint ou risque d'enfreindre ses exigences de fonds propres ;

- sur le volet résolution, qui introduit des procédures d'insolvabilité particulières pour les établissements bancaires afin de les réorganiser ou les liquider d'une manière ordonnée tout en préservant leurs fonctions les plus cruciales.

2. Les outils de résolution disponibles

BRRD prévoit des outils spécifiques à la disposition des autorités nationales de résolution en particulier le pouvoir de céder des actifs, de créer une banque de transition et introduit le principe du renflouement interne. La directive détermine les grandes lignes du dispositif intitulé MREL ( Minimum Requirement on Eligible Liabilities ) qui est un montant minimum d'instruments de dettes capables d'absorber les pertes qui doit apparaître au passif des établissements concernés. La directive précise que les pertes éventuellement supportées par les créanciers et actionnaires ne doivent pas dépasser celles qu'ils subiraient si les autorités appliquaient les règles de faillite classiques. Ce principe est habituellement identifié par l'acronyme anglais NCWO (No creditor Worse Off than in Liquidation) .

Le mécanisme européen fixant les exigences minimales
de détention de fonds propres et d'engagements éligibles (MREL)
( Minimum Requirement on Eligible Liabilities)

Le MREL est une exigence introduite par la directive BRRD et constitue le principal outil du renflouement interne. Le MREL correspond au niveau minimal de dettes éligibles, c'est à dire pouvant être utilisées pour renflouer des pertes, qui doit être atteint par chacun des établissements bancaires de l'Union européenne au terme d'une période de transition.

BRRD établit des critères harmonisés pour la détermination du MREL et fixe une liste des dettes qui sont considérées comme non éligibles, comme par exemple les dettes sécurisées et les dépôts couverts. Les critères plus détaillées de calcul du MREL ont fait l'objet d'un règlement délégué 15 ( * ) adopté par la Commission le 23 mai 2016.

Chaque autorité de résolution nationale compétente a la responsabilité de déterminer annuellement le niveau minimal pour chacun des établissements de crédit placé sous sa responsabilité. Ce montant individuel ne devrait vraisemblablement pas être rendu public.

Les États membres doivent aussi mettre en place des fonds nationaux de résolution bancaire dont les ressources ne seront toutefois mobilisables qu'une fois que la banque en difficulté aura couvert l'équivalent d'au moins 8 % de son bilan par renflouement interne. Ces fonds de résolutions nationaux seront alimentés par les banques elles-mêmes au prorata de leurs passifs et en fonction de leurs profils de risque et seront gérés par les autorités nationales de résolution.

B. LE MÉCANISME DE RÉSOLUTION UNIQUE TOUT JUSTE OPÉRATIONNEL

1. Le mécanisme de résolution unique

Le mécanisme de résolution unique (MRU), devenu pleinement opérationnel au 1 er janvier 2016, est la traduction au sein de l'Union bancaire de BRRD. Le cadre législatif du MRU a fait l'objet d'une scission en deux instruments juridiques distincts : un règlement 16 ( * ) adopté sur la base de l'article 114 du TFUE traitant du renforcement du marché unique et un accord intergouvernemental sur le fonctionnement du Fonds de résolution unique (FRU) ratifié désormais par l'ensemble des États membres participants. Ces dispositions ont été complétées par une déclaration du Conseil Ecofin du 18 décembre 2013 17 ( * ) s'engageant à mettre en place un financement relais durant la montée en puissance du fonds de résolution unique et un filet de sécurité commun de dernier recours au terme de la période de transition de huit ans.

La finalisation de la transposition de la directive BRRD, notamment dans les États membres de l'Union bancaire, ainsi que la ratification de l'accord intergouvernemental sur le fonds de résolution unique ont ouvert la voie à la mise en place effective du MRU constitué d'un fonds et d'un Conseil de résolution.

2. Le fonds de résolution unique

Le fonds de résolution unique (FRU ) est destiné à financer les éventuelles résolutions bancaires après que le recours à l'instrument de renflouement interne aura été épuisé. Ce fonds, mis en place effectivement depuis le 1 er janvier 2016, est alimenté par des contributions annuelles des banques sous supervision directe de la BCE pour atteindre un niveau cible d'au moins 1 % du montant des dépôts garantis de tous les établissements de crédit agréés dans l'ensemble des États membres participants, soit un montant total de l'ordre de 55 milliards d'euros . Il est constitué dans un premier temps par des « compartiments nationaux » qui seront fusionnés progressivement au cours d'une période transitoire de 8 ans. Cette mutualisation de l'utilisation des fonds versés portera sur une part de 40 % du fonds la première année et sur une part supplémentaire de 20 % la deuxième année, pour s'accroître ensuite de façon constante de parts égales au cours des 6 années restantes, jusqu'à disparition des compartiments nationaux. Le premier versement des parts contributives 2015 est intervenu en janvier 2016 et le versement au titre de la contribution 2016 est prévu pour le mois de juin 2016, pour un montant global sur l'année de 11,8 milliards d'euros. Au terme des huit années, les banques françaises devraient avoir contribué à hauteur d'environ 15,5 milliards d'euros soit environ 30 % du total.

De plus, conformément aux engagements pris par le Conseil Ecofin du 18 décembre 2013, les États participants ont validé un accord global de refinancement transitoire avec le Conseil de résolution unique dans l'attente de la mise en place d'un financement commun. Les contributions nationales seront établies selon la clé de répartition des contributions au Fonds de résolution unique. Elles ne pourront être utilisées qu'en tout dernier recours.

3. Le Conseil de résolution unique

Le Conseil de résolution unique est l'autorité de résolution unique responsable pour les 129 banques sous supervision directe de la BCE. Le Conseil de résolution unique envisage de recruter environ 230 personnes en 2016 pour un budget de fonctionnement de 57 millions d'euros. Ce Conseil, qui a le statut d'agence européenne indépendante, est composé d'une présidente allemande, Mme Elke König, nommée pour trois ans par le Conseil, d'un vice-président et de quatre membres titulaires qui forment l'exécutif ainsi que des représentants de chaque autorité de résolution nationale.

L'organisation décisionnelle qui a été adoptée accorde une place conséquente aux autorités nationales et pourrait se révéler peu opérante en cas de résolution. En effet, si une décision implique plus de 20 % des sommes versées au fonds de résolution, le Conseil de résolution devra siéger en session plénière. La plénière siègera aussi en cas de recapitalisation bancaire qui solliciterait plus de 10 % du fonds et pour toute opération, si plus de 5 milliards d'euros ont été engagés au cours d'une année calendaire. Dans ces cas, les décisions devront être prises avec une majorité des deux tiers des membres du Conseil de résolution représentant au moins 50 % des contributions.

C. LA MISE EN PLACE DES OUTILS DE RENFLOUEMENT INTERNE CONSTITUE UN FACTEUR D'INCERTITUDE

1. La définition des exigences minimales de détention de fonds propres et d'engagements éligibles (MREL)

Au sein de l'Union bancaire, c'est le Conseil de résolution unique qui a pour mission de fixer à chaque banque le niveau minimum d'instruments de dettes susceptibles d'absorber les pertes. Le règlement délégué adopté récemment par la Commission afin de préciser les modalités de calcul du MREL diffère sensiblement des standards techniques élaborés par l'Autorité bancaire européenne (ABE) dans la mesure où il n'est fait mention ni d'un montant minimum de 8 % du bilan ni d'une durée de période de transition. En l'état, alors que les exigences du MREL apparaissent comme sensiblement allégées par rapport aux perspectives antérieures, les estimations précises restent toujours extrêmement difficiles, ce d'autant plus que le Parlement européen et le Conseil disposent encore de deux mois pour rejeter le règlement proposé par la Commission. Les exigences du MREL pourraient toutefois représenter jusqu'à 37 % des actifs pondérés par les risques.

2. La capacité totale d `absorption des pertes (TLAC)

Or, à ce dispositif spécifiquement européen s'ajoute celui fixé dans le cadre du Conseil de stabilité financière (voir annexe) qui a été mandaté par le G20 pour déterminer la capacité totale d'absorption des pertes dont doivent disposer les grandes banques systémiques : le TLAC ( Total Loss Absorbing Capacity ). Ce dispositif nécessitera une initiative législative de la Commission, d'ores et déjà envisagée avant la fin de l'année 2016, afin de l'intégrer dans le corpus réglementaire européen à travers un amendement des règlements et directives relatives aux exigences de fonds propres (CRD/CRR IV 18 ( * ) ) et à BRRD. La tâche apparait ardue tant techniquement que politiquement car il s'agit en réalité non seulement d'intégrer le TLAC dans la règlementation européenne, mais aussi d'assurer la coordination avec l'application des exigences du MREL. Le TLAC ne concerne en effet que les banques globalement systémiques soit huit banques 19 ( * ) en ce qui concerne le périmètre de l'Union bancaire. Dès lors la réconciliation de ces deux exigences constitue un enjeu réel pour une partie significative du système bancaire de la zone euro tant en termes de renchérissement du coût de financement que de position concurrentielle.

Le mécanisme relatif à la capacité totale d'absorption des pertes (TLAC)
( Total Loss Absorbing Capacity )

Le 9 novembre 2015, le Conseil de stabilité financière a précisé la calibration finale des exigences minimales de TLAC applicables aux banques dites d'importance systémique mondiale :

- à compter de janvier 2019, le TLAC devra représenter au moins 16 % des actifs pondérés par les risques et être équivalent à un ratio de levier, tel que défini par le Comité de Bâle, de 6 % ;

- à compter de janvier 2022, le TLAC devra représenter au moins 18 % des actifs pondérés par les risques et être équivalent à un ratio de levier, tel que défini par le Comité de Bâle, de 6,75 %.

Les exigences définies au regard des actifs pondérés par les risques ne sont que des seuils minimaux. Elles n'incluent pas les exigences relatives aux coussins de fonds propres, coussins de conservation et coussins systémiques, qui peuvent représenter globalement une exigence complémentaire évoluant habituellement entre 2,5 % et 5 % des actifs pondérés. Au final, les exigences de TLAC portent potentiellement les exigences globales entre 19,5 % et 23% des actifs pondérés par les risques.

Le TLAC peut être constitué d'instruments de fonds propres, de dettes subordonnées, non sécurisées et dont la maturité résiduelle est supérieure à un an. Des dettes seniors à plus d'un an peuvent être éligibles au TLAC dans la limite de 2,5 % (pour un ratio de 16 %) puis 3,5 % (pour un ratio de 18 %) des actifs pondérés par les risques. Les dépôts sont exclus du TLAC.

3. La coordination des deux dispositifs

Ces deux dispositifs poursuivent globalement les mêmes objectifs
- s'assurer que les banques disposent des moyens nécessaires à un renflouement interne en cas de difficulté - et ne devraient théoriquement pas être incompatibles. Pourtant leurs caractéristiques respectives diffèrent sur de nombreux aspects : alors que le TLAC est calculé sur un total de bilan pondéré par les risques, le MREL se calcule par rapport au bilan brut ; alors que le TLAC définit les instruments éligibles, le MREL précise les instruments non éligibles... Ces divergences laissent augurer de réelles difficultés dans l'application de ces dispositifs aux principales banques européennes et alimentent une incertitude dommageable.

Mais la préoccupation principale concerne le traitement de la dette senior 20 ( * ) au regard du renflouement et de l'éligibilité au MREL. À ce stade, les investisseurs en dettes seniors bancaires européennes, ignorant quel serait le sort de leur investissement en cas de renflouement, se montreront plus réticents à investir ou exigeront des rendements bien supérieurs. L'incertitude est conséquente aussi pour les banques européennes qui, en fonction des solutions finalement retenues, devront émettre des montants de dettes éligibles estimés entre 150 et 560 milliards d'euros avec un impact non négligeable sur leur rentabilité. D'ailleurs, afin d'apporter sans plus attendre des réponses à cette situation, des États membres n'ont eu d'autre choix que de définir le statut des dettes seniors bancaires sur des bases spécifiquement nationales 21 ( * ) , fragilisant en cela l'hypothèse d'une approche parfaitement harmonisée du renflouement interne.

D. LA DIFFICILE ADAPTATION AU PRINCIPE DE RENFLOUEMENT INTERNE

1. La mise en application effective du renflouement

Le pilier résolution de l'Union bancaire, tout juste constitué, apparaît déjà fragilisé. L'entrée en vigueur des règles de renflouement, depuis le 1 er janvier 2016, au sein de l'Union bancaire ne se fait, en effet, pas sans difficulté. Le renflouement interne entraîne un transfert des risques supportés jusqu'alors par les États vers les créanciers privés. Il s'agit théoriquement d'un retour vertueux vers une discipline de marché où les investisseurs, conscients de la forte réduction du soutien implicite de l'État, exigeraient une rentabilité supérieure en fonction du profil de risque de la banque émettrice. Mais avant même que la théorie ne rejoigne la réalité, des inquiétudes s'expriment sur le risque de propagation induit par le principe même du renflouement interne. En effet, une part importante des dettes bancaires est détenue par d'autres banques, des fonds de pension, des compagnies d'assurance. Dès lors, une application du renflouement interne serait de nature à faciliter la propagation d'une crise financière à d'autres acteurs. Des doutes s'expriment aussi sur la mise en application effective du renflouement , tant au sein de l'Union bancaire que de l'Union européenne, car elle se heurte à un environnement où les droits de la faillite sont multiples et la hiérarchie des créanciers hétérogène. Une initiative législative de la Commission en la matière est envisagée avant la fin de l'année.

2. Les initiatives alternatives au renflouement

Certains États membres ont d'ailleurs préféré anticiper l'entrée en vigueur des règles du renflouement interne en procédant à des opérations préventives de nettoyage de leur secteur bancaire. Cela a été le cas en Italie avec le sauvetage de quatre banques italiennes ( Banca Marche, Banca Etruria, Carif, Carichieti, Banca Tercas ) dont le renflouement des pertes, pourtant limité à des obligations subordonnées, a causé beaucoup d'émotion et de contestation. Cela a été aussi le cas au Portugal, avec la mise en résolution de la BANIF et de Banco Esperito Santo avec, pour cette dernière, un appel en renflouement rétroactif de certains détenteurs de dettes seniors... Depuis l'entrée en vigueur des règles de renflouement européennes, les solutions alternatives au renflouement interne semblent être privilégiées. En janvier 2016, le gouvernement italien a mis en place un dispositif permettant la cession puis la titrisation des créances douteuses des banques italiennes, qui sont estimées à 360 milliards d'euros, vers des structures de défaisance privées bénéficiant partiellement de la garantie de l'État. Plus récemment encore, un fonds d'investissement financé à hauteur de 6 milliards d'euros par les banques et les compagnies d'assurances italiennes doit permettre de venir au soutien du secteur bancaire national. Ces initiatives constituent un signal d'alerte qui laisse présager de difficulté à mettre en place les principes de résolution harmonisés pourtant essentiels à l'ensemble du dispositif de l'Union bancaire.

III. LA GARANTIE UNIQUE DES DÉPÔTS BANCAIRES : UN TROISIÈME PILIER CONFLICTUEL DONT L'ADOPTION PARAÎT MENACÉE

A. UNE PROPOSITION ASSOCIÉE À DES MESURES TRÈS AMBITIEUSES DE RÉDUCTION DES RISQUES

1. La proposition de règlement sur un système européen de garantie des dépôts bancaires

En novembre 2015, la Commission a proposé, dans la droite ligne du rapport des cinq présidents du 22 juin 2015 « Compléter l'Union économique et monétaire », le troisième et dernier volet de l'Union bancaire : un système européen de garantie des dépôts bancaires au sein de l'Union bancaire (SEGD) ( European Deposit Insurance Scheme-EDIS ).

SEGD se fonde sur l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui permet l'adoption de règles d'harmonisation au sein du marché unique et se propose d'amender le règlement relatif au mécanisme de résolution unique 22 ( * ) . Cette solution permet d'étendre les attributions du Conseil de résolution unique à la gestion d'un fonds dédié d'assurance des dépôts. SEGD prévoit la création de ce fonds européen de garantie des dépôts en trois phases successives :

- une première phase de trois ans de réassurance durant laquelle les fonds nationaux de garantie pourraient bénéficier, en cas d'insuffisance de leurs ressources propres, de soutiens complémentaires plafonnés du fonds européen, le fonds européen assumerait 20 % des pertes éventuelles au-delà d'un niveau de franchise. Les contributions des banques au fonds européen seraient précisées par un acte délégué de la Commission sur des bases identiques à celles prévues par la directive DGSD ( Deposit guarantee scheme directive ). Au terme de cette période, le fonds européen atteindrait environ 5 milliards d'euros ;

- une deuxième phase de quatre ans de coassurance durant laquelle les fonds nationaux bénéficieraient d'un soutien en liquidité déplafonné. Le fonds européen assumerait les pertes éventuelles selon une clé croissante de 20 % à 80 % sur la période. Durant cette phase, les contributions seraient calculées sur une méthodologie, précisée par un acte délégué de la Commission, liée aux montants des dépôts couverts mais aussi aux risques associés à chaque établissement, comparativement à l'ensemble des banques de l'Union bancaire ;

- une troisième et ultime phase de pleine assurance , où le fonds européen serait totalement mutualisé et doté d'environ 44 milliards d'euros afin de financer en totalité des éventuelles interventions en garantie. En tout état de cause, au terme de cette dernière phase qui n'interviendrait pas avant 2024, les fonds nationaux pourraient perdurer en parallèle et le fonds européen représenterait 0,8 % des dépôts couverts.

Le champ d'application géographique du système de garantie serait identique à celui du mécanisme de surveillance unique - c'est-à-dire les 19 États membres participants avec la possibilité, pour tout autre État de l'Union européenne, de rejoindre en bloc l'ensemble des trois piliers de l'Union bancaire. L'accès des fonds nationaux, y compris les systèmes propres aux caisses d'épargne, notamment allemandes, au fonds de garantie européen serait conditionné au respect par chacun d'eux des obligations de la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (DGSD) 23 ( * ) . En théorie, les banques les plus importantes ne seraient pas utilisatrices de ce système de garantie car, en cas de difficulté, elles seraient placées en résolution et les dépôts seraient exclus du renflouement. Les banques bénéficiaires seraient donc principalement les banques les moins importantes au regard des règles de l'Union bancaire c'est-à-dire non soumises à la supervision directe de la BCE. Ainsi, paradoxalement, les banques importantes contribueraient au fonds de garantie au bénéfice de plus petites banques qui, elles, n'y contribueraient pas.

2. Les mesures parallèles d'accompagnement

La Commission accompagne la proposition législative d'une communication spécifique sur l'Union bancaire 24 ( * ) dans laquelle elle appelle les États membres participants à travailler en parallèle sur une série de mesures, dont certaines sont identifiées comme visant à réduire les risques du système bancaire . La liste des mesures envisagées est particulièrement ambitieuse même si une majorité de ces mesures reste cohérente avec les exigences de poursuite de l'Union bancaire : la finalisation de la transposition des directives sur le redressement et la résolution des crises bancaires (BRRD) et sur le système de garantie des dépôts (DGSD), la ratification de l'accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au fonds de résolution unique, la mise en place d'un financement relais au profit du fonds de résolution unique et d'un dispositif de soutien budgétaire mutualisé en tant que dernier recours au plus tard fin 2023, la réduction des options et discrétions nationales dans l'application des règles prudentielles, l'harmonisation des modalités de financement des mécanismes nationaux de garantie des dépôts, le versement effectif des contributions des banques au fonds de résolution unique, l'application des exigences individuelles d'engagements éligibles au renflouement interne (MREL et TLAC), l'obligation de respecter strictement les règles relatives aux aides d'État afin de permettre une application cohérente des règles de renflouement interne, l'intégration des mesures issues des travaux en cours au Comité de Bâle liées à la pondération des actifs par les risques, au ratio de levier et au ratio de liquidité à long terme...

D'autres mesures comme l'harmonisation des régimes nationaux d'insolvabilité ou le traitement prudentiel des expositions des banques au risque souverain sont plus problématiques car elles paraissent politiquement et techniquement difficiles à mettre en oeuvre.

B. UNE PROPOSITION DE PLUS EN PLUS CONTROVERSÉE ET DES NÉGOCIATIONS DIFFICILES RENDANT LE RESPECT DU CALENDRIER INITIAL FORTEMENT IMPROBABLE

1. La contestation de la base juridique

Dès l'origine, la proposition de garantie des dépôts a fait l'objet d'une forte contestation de la part de certains États membres, dont l'Allemagne et la Finlande, qui ont déploré l'absence d'analyse d'impact initiale de la part de la Commission et contesté la base juridique retenue (l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne). Une contestation identique de la base juridique avait été formulée lors de la négociation du deuxième pilier sur la résolution et conduit à l'élaboration d'un accord intergouvernemental pour traiter du Fonds de résolution unique. À nouveau, les arguments avancés présentent la proposition non pas comme un rapprochement des législations mais comme un transfert de ressources et, partant, comme un sujet de nature fiscale nécessitant un vote à l'unanimité. Cette contestation est de nature à soutenir la demande de recours à un accord intergouvernemental au motif qu'un règlement sur la base de l'article 114 ne peut valablement autoriser un transfert budgétaire.

2. L'agenda de mesures conditionnelles

La mise en oeuvre, initialement en parallèle , d'un agenda très conséquent de mesures de réduction des risques s'est récemment transformée en un agenda de mesures conditionnelles dont les enjeux et les impacts dépassent le cadre de la négociation sur l'achèvement de l'Union bancaire. Les conclusions du Conseil du 17 juin 2016 25 ( * ) sont explicites à cet égard. Aucune date n'est désormais envisagée pour l'adoption du système européen de garantie des dépôts bancaires, les négociations politiques sont suspendues et désormais conditionnées à l'adoption des mesures de réduction des risques 26 ( * ) . De plus, le Conseil prend acte de ce que « les États membres entendent recourir à un accord intergouvernemental lorsque débuteront les négociations politiques sur un système européen d'assurance des dépôts ». Il est donc désormais acté que les dispositions du système de garantie des dépôts bancaires non harmonisées par le règlement feront l'objet d'un traitement en dehors du périmètre législatif européen de la codécision.

IV. LES MOYENS DE L'UNION BANCAIRE : LE CORPUS RÉGLEMENTAIRE ET LE FINANCEMENT DES DÉFAILLANCES BANCAIRES

A. L'AMBITIEUSE RÉVISION DU CORPUS RÉGLEMENTAIRE DOIT PRÉSERVER LES POSITIONS COMPÉTITIVES DU SYSTÈME BANCAIRE DE LA ZONE EURO ET SE FOCALISER SUR DES PRIORITÉS

1. La révision du corpus réglementaire

Le fonctionnement des deux premiers piliers de l'Union bancaire se fonde sur des actes législatifs spécifiques : le règlement sur le Mécanisme de surveillance unique, le règlement sur le Mécanisme de résolution unique et plus récemment la proposition de règlement sur un système européen de garantie des dépôts bancaires. L'Union bancaire s'inscrit toutefois dans le cadre de réglementations qui sont communes à l'ensemble des États membres de l'Union européenne : la réglementation prudentielle applicable aux établissements de crédits, CRD et CRR IV ( Capital Requirement Directive and Regulation ), la directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, BRRD ( Bank Recovery and Resolution Directive ) et la directive européenne relative aux systèmes de garantie des dépôts, DGSD (Deposit Guarantee Scheme Directive) .

Ce corpus réglementaire commun constitue le socle de l'Union bancaire. Or, nombre de ces textes doivent faire l'objet de révisions ou d'initiatives nouvelles. Il s'agit de prendre en compte non seulement les évolutions réglementaires internationales mais aussi les contraintes spécifiques à l'Union bancaire. Ainsi, à l'échelle de l'Union européenne, il est prévu d'intégrer le mécanisme sur la capacité totale d'absorption des pertes (TLAC) en le coordonnant avec les exigences minimales de détention d'engagements éligibles (MREL). Il est aussi envisagé d'intégrer dans le corpus réglementaire les travaux en cours au sein du Comité de Bâle sur le ratio de levier ( leverage ratio ), le ratio de liquidité à long terme ( NSFR ), les méthodologies internes de pondération des actifs par les risques ( RWA ) et, à plus long terme, ceux sur les expositions au risque souverain ou sur Bâle IV. D'autres initiatives législatives sont plus spécifiquement liées à la mise en place de l'Union bancaire et aux négociations en cours sur le troisième pilier. Il s'agit notamment d'une proposition de cadre harmonisé à l'échelle de l'Union en matière de hiérarchisation des créanciers bancaires en vue d'améliorer la sécurité juridique en cas de résolution bancaire, de l'harmonisation voire la suppression dans les règles prudentielles bancaires des options et discrétions nationales... À cela s'ajoutent les presque 400 actes délégués et actes d'application qui découlent des 41 directives et règlements adoptés en Europe depuis la crise financière.

Quelles qu'en soient les raisons et malgré une volonté exprimée par la Commission de moins légiférer pour mieux légiférer, le calendrier réglementaire bancaire sera particulièrement chargé d'ici la fin de l'année 2016 et les sujets complexes. Les enjeux sont de taille et conduisent à mentionner des sujets qui appellent une attention particulière.

2. Les points d'attention de l'agenda réglementaire

Les conséquences du référendum britannique sur le fonctionnement de l'Union bancaire sont encore difficilement évaluables. Quoiqu'il en soit l'importance du secteur financier au Royaume-Uni, bien qu'il ne fasse pas partie de l'Union bancaire, a jusqu'à aujourd'hui fortement conditionné et orienté l'élaboration des règles prudentielles de l'Union européenne. L'« arrangement » obtenu en février 2016 par le Royaume-Uni prévoyait d'ailleurs d'accorder un droit d'alerte au Royaume-Uni sur l'adoption d'actes législatifs relatifs à l'Union bancaire et précisait que le droit de l'Union européenne relatif à l'Union bancaire ne devait en aucun cas s'appliquer au Royaume-Uni. Ses dispositions sont désormais destinées à devenir caduques mais il convient de rester très vigilant sur toute évolution qui augurerait d'une réglementation à deux vitesses et remettrait en cause le principe des règles du jeu équitables ( level playing field ) .

Les travaux du Comité de Bâle et du Conseil de stabilité financière (voir annexe) exercent une influence considérable sur l'établissement des standards internationaux applicables au secteur bancaire. La crise financière a amplement démontré que ce changement d'échelle était indispensable. Leurs travaux, qui constituent un élément central des efforts internationaux visant à renforcer la stabilité financière, visaient à l'origine à établir des principes internationaux, tout en laissant aux régulateurs nationaux une significative marge de manoeuvre pour leurs applications concrètes. L'élaboration de principes s'est transformée progressivement en l'établissement de standards dont il est désormais extrêmement difficile de s'écarter. Dès leur diffusion, les standards sont utilisés comme références par nombre d'acteurs du secteur financier et deviennent, de fait, potentiellement contraignants. D'ailleurs, le Comité de Bâle procède lui-même à des revues régulières de l'application des principes bâlois dans les différentes juridictions. Or, en Europe, du fait d'une forte intermédiation bancaire, ces standards impactent mécaniquement près de 70 % du financement de l'économie. Certains des principes élaborés semblent méconnaître tant les caractéristiques et la diversité des modèles de financement européen que les grandes orientations prises par les régulateurs de l'Union. Ainsi, après que l'Union européenne a adopté des règles fixant les exigences minimales en capacité de renflouement (MREL), le Conseil de stabilité financière formalise un projet parallèle (TLAC) dont l'intégration pose de nombreuses difficultés. De même, dans le cadre des travaux rassemblés sous le terme de Bâle IV, la revue du risque de crédit et du risque de taux serait de nature à remettre en cause, sans justification réelle au regard de la stabilité financière, les fondamentaux du financement de l'immobilier tel qu'il est pratiqué en Europe. Il est primordial dans ce contexte de prendre en compte les enjeux de stabilité et de compétitivité du secteur financier européen dans l'élaboration de la réglementation internationale. Il paraît dès lors indispensable que l'Union européenne et la zone euro, par la voie de son superviseur bancaire unique la BCE, interviennent clairement dans les débats concernant les choix fondamentaux et parviennent à défendre leurs intérêts stratégiques au sein de ces instances.

Enfin, deux priorités peuvent être identifiées dans l'agenda législatif à venir. Il s'agit de l'intégration du TLAC et du MREL afin de mettre à terme à l'incertitude actuelle et, dans l'attente de la reprise des négociations sur un système commun d'assurance des dépôts, de l'harmonisation plus approfondie des modalités de fonctionnement des mécanismes nationaux de garantie des dépôts , qu'il s'agisse des procédures de paiement des contributions ou de l'étendue des dépôts couverts. Cette dernière mesure serait de nature à compenser partiellement l'absence de perspective sur un système de garantie commun.

B. LA CRÉDIBILITÉ DE L'UNION BANCAIRE NE PEUT SE CONSTRUIRE SANS UNE MUTUALISATION INDISCUTABLE DES MOYENS FINANCIERS

1. Les enjeux financiers liés au système bancaire

Depuis le début de la crise financière, les réponses de l'Union européenne s'étaient articulées, auprès des programmes de soutien de la BCE, autour de l'engagement financier conséquent des États. D'octobre 2008 à octobre 2011, 4 500 milliards d'euros d'aides, soit plus de 35 % du PIB européen, ont été approuvés pour l'aide aux institutions financières. Sur ce total, 1 600 milliards d'euros ont effectivement été utilisés. Lors du sommet de la zone euro de 2012, la mise en place de la supervision unique avait été présentée comme une condition préalable à la recapitalisation directe des banques en difficulté par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Une supervision supranationale était la condition préalable, notamment pour le gouvernement allemand, à toute évolution vers le partage des risques bancaires et la mutualisation éventuelle des moyens financiers. L'accord qui a ensuite été adopté en 2014 sur la recapitalisation directe des banques par le MES est tellement restrictif qu'il en devient pratiquement inapplicable. L'accord global de refinancement du Fonds de résolution unique est transitoire et reste organisé sur des bases nationales.

2. Les enjeux financiers du l'Union bancaire

Il apparaît donc toujours aussi nécessaire de fournir à l'Union bancaire la composante manquante la plus critique : des moyens financiers effectivement mutualisés. Il s'agit d'ailleurs de l'engagement politique du Conseil Ecofin du 18 décembre 2013 27 ( * ) sur un filet de sécurité commun de dernier recours au Fonds de résolution unique au terme de la période de transition de huit ans. La mise en place du filet de sécurité agirait comme un signe fort de soutien indéfectible à l'Union bancaire et renforcerait sa crédibilité et son efficacité.

L'Union bancaire a significativement progressé mais se trouve dans une situation déséquilibrée où les progrès de la mutualisation de la supervision et de la résolution se heurtent à une mutualisation du financement encore trop embryonnaire . L'asymétrie entre le substantiel transfert de souveraineté qui a été consenti et le financement qui reste encore en grande partie national ne peut perdurer sans mettre en péril la crédibilité de l'Union bancaire. En tout état de cause, la pièce manquante de l'Union bancaire n'est pas tant son troisième pilier que l'absence du filet de sécurité financier promis depuis décembre 2013.

CONCLUSION

L'Union Bancaire n'est pas une fin en soi mais un instrument essentiel de l'Union économique et monétaire pour consolider le système bancaire européen, assurer la stabilité des marchés, prémunir les États et les citoyens des conséquences des faillites bancaires et, partant, créer un environnement favorable à la croissance économique. Ce chantier ambitieux, qui a débuté comme un mariage de raison sous la pression de la crise financière, doit donc être mené à son terme.

Le premier pilier de l'Union bancaire, le Mécanisme de supervision unique, a nécessité un important transfert de compétences au profit de la BCE, devenue ainsi le superviseur supranational de plus de 80 % des actifs bancaires de la zone euro. Cette nouvelle supervision présente des avancées majeures enregistrées dans un temps très court à l'échelle européenne. Ces premiers succès constituent un atout essentiel pour la légitimité de l'Union bancaire et pour la crédibilité de la BCE. Le nouveau cadre de supervision demande toutefois à être conforté. Les méthodes et standards de supervision doivent être rationalisés et harmonisés pour l'ensemble des banques de la zone euro et notamment pour les 3 000 banques qui restent sous la responsabilité du superviseur national. Des efforts doivent être entrepris dans le domaine de la simplification des demandes de reporting , la clarification des attentes du superviseur et le processus de prise de décision.

Le nouveau cadre de redressement et de résolution des banques et sa déclinaison au sein de l'Union bancaire, le Conseil de résolution unique, constituent un bouleversement majeur des principes et des méthodes pour traiter des difficultés bancaires. Il introduit notamment un nouveau principe, le renflouement interne, qui permet de substituer, autant que possible, les actionnaires et les créanciers privés des banques à l'État en tant que prêteur de dernier recours. Les avancées obtenues sur le front de la résolution unique sont encore trop récentes pour en tirer des conclusions pertinentes mais les premiers mois d'expérience laissent à désirer.

Le dernier pilier de l'Union bancaire peine à sortir de terre. La proposition de la Commission se heurte notamment à une opposition marquée de plusieurs États sur le principe de partage des risques et de mutualisation des moyens financiers. Les discussions politiques sont désormais suspendues sans perspective crédible de reprise. L'impulsion politique initiale qui a permis d'engager ce projet semble manquer aujourd'hui. Il faut dès lors envisager avec pragmatisme l'ordre des priorités à accorder à chacun des constituants de l'Union bancaire et rappeler avec clarté les résultats attendus. C'est dans cet esprit que vous est présenté l'avis politique ci-après, qui sera adressé à la Commission européenne au titre du dialogue politique.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie, le jeudi 30 juin 2016, pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Richard Yung, le débat suivant s'est engagé :

M. Daniel Raoul . - La mise en place de ces garanties est-elle liée aux négociations de Bâle III ou IV ?

M. Richard Yung . - À Bâle se réunissent les banques centrales, pour édicter des règles générales. L'Europe n'y est pas suffisamment représentée, sauf par ses différents États, dont les positions diffèrent souvent. Cela contraste avec la puissance de la représentation américaine, dirigée par la Fed. Il y a peu, nous avons dû défendre notre système de crédit immobilier contre les Anglo-saxons, qui prétendaient que le leur était meilleur.

M. Daniel Raoul . - Il a fait ses preuves !

M. Richard Yung . - On l'a bien vu en 2008, en effet. Il est dommage qu'il n'y ait pas de représentation forte de l'Europe à Bâle pour faire contrepoids aux États-Unis.

M. Éric Bocquet . - A quoi fait référence l'expression de « cercle vicieux », en page 5 ? Alors que l'Union bancaire doit prévenir une nouvelle crise, la masse monétaire continue de croître au rythme des injections de la BCE. Dans un article daté du 15 juin dernier, M. Peyrelevade déclarait qu'en quinze ans, la masse monétaire créée par les banques centrales est passée de 10 % à 30 % du PIB mondial. Il préconisait de remettre en place un contrôle des mouvements de capitaux, que le traité de Rome avait pourtant libéralisés. C'est le pompier pyromane !

M. Richard Yung . - La BCE injecte des liquidités pour accroître l'inflation et pour inciter les banques à distribuer du crédit.

M. Jean Bizet, président . - Sans grand résultat.

M. Richard Yung . - Sur l'inflation, le résultat est en effet médiocre. Pour ma génération, l'inflation, c'était le mal. Et voilà qu'on cherche à la faire revenir ! En revanche, l'effet sur le crédit est plus sensible, même si un système où les banques déposent leurs liquidités à la BCE contre un taux négatif est étrange.

M. Éric Bocquet . - C'est de la philanthropie !

M. Richard Yung . - Le bilan de la Fed est passé de 1 000 à 4 000 milliards de dollars, mais elle a commencé à agir plus tôt que la BCE, dès 2008, ce qui a eu un effet positif sur l'économie américaine. À vrai dire, la croissance du bilan n'est pas un problème. Le cercle vicieux tient plutôt au fait que les banques détiennent massivement des obligations d'État.

M. Jean-Yves Leconte . - La garantie sur les dépôts est-elle identique pour toutes les banques ?

M. Richard Yung . - Oui. C'est la jurisprudence sur Chypre ! En pratique, les fonds de garantie sont nationaux.

M. Jean Bizet, président . - Merci pour ce rapport. L'horizon est fixé en 2023 : c'est plus long que le PNR ! Les règles prudentielles imposent de stériliser des sommes importantes. Nous en sommes à 20 % environ. Pour la Banque européenne d'investissement, c'est même 28 %... Qu'en est-il aux États-Unis ?

M. Richard Yung . - Le financement de l'économie s'y fait à 70 % par les marchés, alors qu'en Europe cette part est celle des banques. Cela explique pourquoi les Américains sont plus exigeants sur les niveaux de ratios : ils sont moins touchés. À côté de quelques grandes banques, ils ont 4 000 ou 5 000 banques d'activités locales. Les cas de résolution y sont assez fréquents : une centaine par an. Bien sûr, il faut trouver un équilibre entre la nécessité de capitaliser les banques et celle d'investir les capitaux dans l'économie. Les banques se plaignent, mais leurs bénéfices n'inspirent pas précisément la pitié...

M. Jean Bizet, président . - Ce que vous nous avez dit sur Bâle est-il reflété par le point n° 20 de l'avis politique ?

M. Richard Yung . - Oui. Les Américains ont quatorze instances de régulation, sous l'autorité de la Fed qui parle d'une seule voix à Bâle.

M. Jean Bizet, président . - C'est très important. Souvenons-nous de 2008... Examinons aussi sans naïveté l'extraterritorialité des lois américaines. Quant aux chambres de compensation, installées à Londres contre l'avis de la BCE, elles doivent quitter le Royaume-Uni. Elles doivent pouvoir venir s'installer en France.

M. Richard Yung . - Les chambres de compensation sont des organes privés, parfois créés par les banques. Certaines sont sous supervision. Quatre ou cinq sociétés les gèrent. Elles traitent non seulement les actions mais les produits dérivés, qui représentent plusieurs centaines de milliers de milliards d'euros. C'est la Cour de Justice de l'Union européenne qui avait contredit la BCE. Espérons que nous saurons en attirer une partie à Paris.

M. Jean Bizet, président . - Le groupe de suivi devra s'emparer de ce sujet.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Quelles sont les conséquences pour Paris Europlace ? M. Mestrallet en est le président. Il faudrait travailler avec eux.

M. Richard Yung . - Un des problèmes qu'il faudra regarder est le projet d'Union européenne des capitaux qui était mené par Lord Hill, qui a eu l'élégance de démissionner. Que va-t-il se passer ? Je l'ignore.

M. Daniel Raoul . - Je suggère de remplacer « restaurer » par « garantir » au point n° 6 de l'avis politique.

M. Richard Yung . - Je suis d'accord.

M. Éric Bocquet . - Sur ce projet d'avis politique, je m'abstiens.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport d'information et a adopté - M. Éric Bocquet s'abstenant - l'avis politique ci-après qui sera adressé à la Commission européenne.

AVIS POLITIQUE SUR L'UNION BANCAIRE

Vu la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 806/2014 afin d'établir un système européen d'assurance des dépôts, COM/2015/0586,

Vu la déclaration de l'Eurogroupe et des ministres de l'économie et des finances sur la mise au point d'un dispositif de soutien au Fonds de résolution unique en date du 18 décembre 2013,

Vu les conclusions du Conseil sur une feuille de route pour l'achèvement de l'Union bancaire en date du 17 juin 2016,

La commission des affaires européennes du Sénat :

Réaffirme son soutien à une union bancaire solide visant à garantir la confiance dans le système bancaire, à participer au renforcement de la stabilité et à promouvoir l'intégration des marchés financiers ;

Souligne :

- qu'il est indispensable d'achever la construction de l'union bancaire pour réduire les risques d'une crise bancaire et en limiter les conséquences sur l'ensemble de l'économie ;

- que, face à cette ambition, les premières étapes de l'union bancaire ont déjà nécessité un important transfert de souveraineté au sein de l'union économique et monétaire ;

- que pour être efficiente et crédible l'union bancaire doit bénéficier du dispositif de soutien financier commun sur lequel se sont engagés l'Eurogroupe et les ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne en 2013 ;

- qu'il serait potentiellement préjudiciable à la crédibilité de l'union bancaire que la concrétisation de cet engagement soit indument reportée ;

Prend acte des conclusions du Conseil sur une feuille de route pour l'achèvement de l'union bancaire en date du 17 juin 2016 et s'inquiète :

- de l'ambitieux agenda législatif qui doit être élaboré d'ici la fin de l'année 2016 dont certaines mesures, notamment l'harmonisation des régimes nationaux d'insolvabilité ou le traitement prudentiel des expositions au risque souverain, sont particulièrement complexes ;

- que les négociations politiques concernant un système européen d'assurance des dépôts bancaires et une éventuelle mise en place du dispositif commun de soutien financier avant l'année 2023 soient conditionnées à la mise en oeuvre de ces nombreuses mesures législatives ;

- que soit acté le principe d'un recours à un accord intergouvernemental en complément du processus législatif communautaire concernant le système européen d'assurance des dépôts :

Souhaite :

- que la Banque centrale européenne, dans ses missions de supervision, veille à poursuivre prioritairement les efforts de rationalisation, d'efficacité et de stabilisation des pratiques et des normes de supervision ;

- qu'en l'attente d'une reprise des négociations politiques sur un système européen d'assurance des dépôts bancaires, la priorité soit accordée à l'harmonisation maximale des modalités de fonctionnement des systèmes nationaux de garantie des dépôts bancaires ;

- que les travaux d'intégration et de coordination des deux dispositifs ( MREL et TLAC ) sur le niveau minimum de dettes capables d'absorber les pertes soient menés dans les meilleurs délais afin de réduire la période d'incertitude dommageable au fonctionnement du système financier et bancaire ;

- que l'Union européenne et la zone euro, par la voie de la Banque centrale européenne, participent significativement à l'élaboration de la réglementation financière internationale en veillant à préserver les modèles bancaires européens dans leur diversité et leur compétitivité ;

- que l'applicabilité et la pertinence du renflouement interne soient confirmées à travers, notamment, une analyse rigoureuse de ses éventuelles conséquences sur la stabilité du système financier, afin de lever les inquiétudes et incompréhensions de la part de certains acteurs.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

À Paris

Banque Centrale Européenne

M. François-Louis MICHAUD, Directeur Général adjoint

M. Edouard FERNANDEZ-BOLLO, Secrétaire général de l' Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

Banque de France

M. Christian NOYER, Gouverneur honoraire

BNP Paribas

M. Jean-Jacques SANTINI, Directeur des affaires institutionnelles

Fonds de garantie des dépôts et de résolution

M. Thierry DISSAUX, Président du directoire

M. François de LACOSTE, Membre du directoire

Société Générale

M. Gilles BRIATTA, Secrétaire général

À Bruxelles

Commission européenne

M. Mario NAVA, directeur général, DG « Stabilité financière, services financiers et Union des marchés de capitaux », Dir D « Régulation et supervision prudentielle des institutions financières »

Centre for European Policy Studies (CEPS)

M. Karel LANNOO, Chief Executive Officer, Economy and Finance

Conseil de résolution unique

M. Dominique LABOUREIX

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

M. Etienne OUDOT de DAINVILLE, Ministre-conseiller pour les affaires financières, chef du service des Affaires économiques et monétaires

M. Pierre DARBRE, Conseiller (Institutions et services financiers, banques, assurances)

ANNEXE

Le Conseil de stabilité financière

Le Conseil de stabilité financière (CSF), créé lors de la réunion du G20 à Londres en avril 2009, succède au Forum de stabilité financière institué en 1999 à l'initiative du G7. Il a pour mission d'identifier les vulnérabilités du système financier mondial et de développer et mettre en place des principes en matière de régulation et de supervision dans le domaine de la stabilité financière. Il coordonne au niveau international les travaux des autorités financières nationales et des normalisateurs internationaux dans le domaine de la régulation et de la supervision des institutions financières. Il établit notamment une liste des banques considérées comme globalement systémiques ( global systemically important banks-G-SIBs ). Le CSF regroupe des autorités financières nationales et plusieurs organisations internationales et groupements élaborant des normes dans le domaine de la stabilité financière. L'Union européenne est représentée au CSF par la Banque centrale européenne et la Commission européenne qui y siègent au côté notamment des autorités de six États membres de l'Union européenne à savoir la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Le Comité de Bâle

Créé en 1974, le Comité de Bâle rassemble aujourd'hui les superviseurs de 27 pays : l'Argentine, l'Australie, la Belgique, le Brésil, le Canada, la Chine, la France, l'Allemagne, Hong Kong SAR, l'Inde, l'Indonésie, l'Italie, le Japon, la Corée, le Luxembourg, le Mexique, les Pays-Bas, la Russie, l'Arabie Saoudite, Singapour, l'Afrique du Sud, l'Espagne, la Suède, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis. L'organe de gouvernance du Comité de Bâle est le groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire (GHOS).

Le Comité est la principale instance normative au niveau mondial en matière de réglementation bancaire et sert de point de contact pour la collaboration en matière de surveillance bancaire. Ses missions sont :

- le renforcement de la sécurité' et de la fiabilité' du système financier ;

- l'établissement de standards minimaux en matière de réglementation prudentiel ;

- la diffusion et la promotion des meilleures pratiques bancaires et de surveillance ;

- la promotion de la coopération internationale en matière de contrôle prudentiel.

Le Comité' de Bâle ne dispose d'aucune autorité' supranationale de surveillance formelle et les documents qu'il publie ne sont pas juridiquement contraignants mais constituent un engagement moral de ses membres. En 2010, le Comité a publié un ensemble de réformes, intitulé Bâle III, afin de renforcer les fonds propres et les exigences de liquidité.


* 1 Déclaration du sommet de la zone euro du 29 juin 2012

* 2 Source rapport annuel de la BCE sur ses activités prudentielles, 2015.

* 3 Source Financial integration in Europe, ECB, April 2015.

* 4 Les travaux menés pour l'élaboration de ce rapport sont antérieurs au référendum britannique du 23 juin 2016. Le Royaume-Uni ne participe pas à l'Union bancaire mais, en raison de l'importance du secteur financier britannique, il n'est pas indifférent à ses évolutions. Il est encore trop tôt pour prendre clairement en compte les conséquences et les ajustements éventuels qui s'en suivront sur l'Union bancaire.

* 5 Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit.

* 6 Selon le règlement, sont considérées comme des banques importantes, les trois premières banques de chaque État membre participant, celles dont l'actif total dépasse 30 milliards d'euros depuis trois ans, celles représentant 20 % du PIB de leur pays d'origine et les établissements ayant des activités sur plusieurs États membres participants, ou toute banque bénéficiant de l'assistance du Mécanisme européen de stabilité.

* 7 Selon le règlement, sont considérées comme des banques importantes, les trois premières banques de chaque État membre participant, celles dont l'actif total dépasse 30 milliards d'euros depuis trois ans, celles représentant 20 % du PIB de leur pays d'origine et les établissements ayant des activités sur plusieurs États membres participants.

* 8 Estimation fin septembre 2015 selon le rapport annuel de la BCE sur ses activités prudentielles, 2015.

* 9 Source : European banking supervision ; the first eighteen months, Dirk Schoenmaker et Nicolas Véron, Bruegel.

* 10 Sur les deux premiers mois de l'année 2016, les banques européennes ont perdu environ 20 % de leur capitalisation boursière. Le même phénomène a été observé pour les banques américaines et japonaises.

* 11 Règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.

* 12 Public consultation on a draft Regulation and Guide of the European Central Bank on the exercise of options and discretions available in Union law , ECB.

* 13 Règlement n° 2016/445 (UE) de la BCE.

* 14 Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

* 15 Règlement délégué de la Commission complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant les critères de la méthode permettant d'établir l'exigence minimale de fonds propres et d'engagements éligibles.

* 16 Règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010.

* 17 Statement of Eurogroup and ECOFIN ministers on the SRM backstop 18 december 2013.

* 18 Directive 2013/36/UE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CRD IV) et Règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (CRR IV).

* 19 BNP Pariba.s, BPCE, Deutsche Bank, Crédit Agricole, ING, Santander, Société Générale, Unicredit

* 20 La dette senior est une dette privilégiée, bénéficiant de garanties spécifiques et dont le remboursement se fait prioritairement par rapport aux autres dettes , juniors ou subordonnées .

* 21 Des amendements au German Banking Act transforment toute dette senior, en y incluant celles déjà émises, en dette subordonnée et donc éligible. En France, une réflexion est en cours afin de permettre aux banques d'émettre une nouvelle catégorie de titres qui seraient, par défaut, éligibles au renflouement interne. Cette solution, contrairement au choix allemand, ne permet pas de changer la nature des dettes déjà émises mais laisse la possibilité aux banques d'émettre à l'avenir des titres de dettes seniors non éligibles.

* 22 Règlement (UE) n° 806/2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010.

* 23 Directive 2014/49/UE relative aux systèmes de garantie des dépôts

* 24 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Vers l'achèvement de l'Union bancaire » le 24 novembre 2015.

* 25 Conclusions du Conseil sur une feuille de route pour l'achèvement de l'Union bancaire

* 26 « Le Conseil poursuivra les travaux constructifs menés au niveau technique. Les négociations au niveau politique commenceront dès que de nouveaux progrès suffisants auront été accomplis en matière de mesures de réduction des risques ».

* 27 Statement of Eurogroup and ECOFIN ministers on the SRM backstop 18 december 2013

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