IV. CONCLUSION

M. François Commeinhes, sénateur, membre de l'OPECST

Je voudrais remercier tous les intervenants pour la grande qualité de leurs interventions et pour l'intérêt manifesté par tous, devant la prolifération des moustiques et le danger sanitaire qu'ils représentent.

Au moment de la recrudescence de la présence des moustiques à Sète, à La Grande-Motte et dans la région, j'ai pu directement constater que le phénomène avait pris une ampleur inquiétante, aux retombées multiples, sur la santé mais aussi sur la vie quotidienne et sur le tourisme, au développement duquel je suis particulièrement attaché.

Il est évident que la priorité va aux questions de santé. En ma qualité de médecin, je ne saurais l'oublier. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, notamment à l'occasion de questions au Gouvernement, il n'est pas envisageable que ces insectes rendent la vie impossible aux habitants de certaines régions françaises, qu'elles soient métropolitaines ou d'outre-mer.

Quant au tourisme, je rappellerai que la situation que nous vivons dans nos régions renvoie cinquante ans en arrière, quand il a fallu engager une démoustication de masse pour jeter les bases d'une industrie touristique, comme le rappelait M. Stéphan Rossignol en évoquant la mission Racine, qui a souhaité développer des stations balnéaires dans une zone qui était totalement impraticable car infestée de moustiques.

Ce n'est évidemment pas l'OPECST, en un après-midi d'auditions publiques, qui sera en mesure d'apporter des solutions pratiques à un problème d'une telle ampleur. Cependant, la contribution de cet Office, à l'autorité reconnue, est opportune car elle permet de prendre le recul nécessaire, jusqu'au niveau mondial s'il le faut pour appréhender l'ampleur d'une question avec l'aide indispensable des meilleurs spécialistes. À cet égard, la présence, cet après-midi, de personnalités reconnues, aux publications scientifiques innombrables, va permettre à l'Office, au Parlement dans son ensemble et au Gouvernement de tirer profit de nos débats de ce jour.

Je reviendrai brièvement sur quelques points déjà évoqués à mon initiative au cours des mois précédents, notamment sur la nécessité de mieux cerner le phénomène auquel nous avons à faire face, de prendre conscience de la difficulté et du rythme des solutions à apporter ainsi que des technologies nouvelles ou éprouvées auxquelles il faudra recourir pour endiguer ce phénomène.

Comme cela a été souligné lors de questions posées au Gouvernement, notamment à l'occasion d'une question d'actualité posée par moi-même à Mme Ségolène Royal, ministre chargée de l'environnement, le 27 janvier 2016, le rôle de l'ANSES pour identifier les molécules biocides utilisables en France et dans le contexte européen est essentiel.

À l'automne 2015, un groupe de contacts a d'ailleurs été mis en place à l'initiative des ministres chargés de l'écologie et de la santé. J'avais insisté sur la nécessité d'une information et d'une concertation aussi larges que possible. Certaines diapositives projetées aujourd'hui ont montré qu'une gamme de brochures et affiches existait déjà afin de sensibiliser les populations aux risques créés par les moustiques : « Soyez secs avec les moustiques » et , aujourd'hui, « Faisons équipe avant qu'ils nous piquent. ». Souhaitons que ces documents permettent d'assimiler plus facilement les gestes indispensables de prévention, notamment à l'aide de kits facilement utilisables.

J'ai été particulièrement attentif à la description, par le Pr François Rhodain, des différents types de vecteurs (anophèles, phlébotomes, tiques, moustiques). J'ai découvert la tique dure et la tique molle et ai noté qu'il existait près de soixante-dix espèces de moustiques en France métropolitaine, une vingtaine aux Antilles et près de deux cents en Guyane française.

Nous avons entendu que ces vecteurs pouvaient transmettre des maladies aussi graves et invalidantes que le paludisme, la filariose, la leishmaniose, divers flavovirus et également le chikungunya, la dengue, le Zika et des fièvres telles que la West Nile , la fièvre jaune et celle de la vallée du Rift.

Pour autant, les raisons d'espérer existent, à travers d'abord les progrès de la recherche, concernant, par exemple, les vaccinations. Une voix très autorisée nous a laissé entrevoir la possibilité d'éradication du paludisme. D'autres ont évoqué de nouveaux vaccins, comme celui contre la dengue, en cours de test actuellement aux Philippines.

Ces problèmes sanitaires et environnementaux ne manquent évidemment pas de rétroagir les uns sur les autres. C'est ainsi qu'il ne suffirait pas d'éliminer tous les moustiques ni tous les vecteurs en général pour atteindre une situation satisfaisante. D'abord parce que cette élimination pourrait prendre la forme d'une diffusion massive de biocides dangereux pour la santé humaine et animale et pour l'environnement, ensuite parce que chacun des vecteurs, aussi importuns qu'ils nous paraissent, joue un rôle dans notre écosystème. Enfin, la piste de la stérilisation des moustiques mâles mérite évidemment d'être évaluée.

L'ANSES a déjà mené d'importants travaux pour réduire de façon drastique le nombre de pesticides à utiliser en fonction de leur nocivité. Bien évidemment, les produits sélectionnés doivent être conformes à la réglementation européenne et conserver leur efficacité dans le temps.

Même si l'OPECST a d'abord pour mission d'appréhender un problème dans toute son ampleur, à travers une approche scientifique et technologique de toutes les maladies, de tous les vecteurs et de tous les milieux, il a également pour habitude de proposer des solutions concrètes, qu'elles soient ou non d'ordre législatif. Cependant, aussi curieux que cela paraisse, des textes peuvent aussi constituer des moyens de lutte contre les vecteurs. C'est ainsi que la création du Centre national d'étude des vecteurs a résulté d'un rapport de l'IRD de 2009.

Comme toute norme française doit se combiner harmonieusement avec une norme européenne et, au-delà avec, une approche mondiale, je rappellerai l'existence du règlement sanitaire international, dont l'importance a été soulignée.

Pour revenir en France métropolitaine, nous avons entendu l'ARS PACA ainsi que l'EID Méditerranée. Il ne faudrait pas en déduire que la recrudescence de la présence des moustiques se limite au Sud de la France, comme on pourrait être tenté de le croire en rapprochant un peu rapidement ce phénomène des changements climatiques. Comme nous l'avons vu, il ne faut pas tout imputer aux changements climatiques. D'ailleurs, si vous consultez la carte de la présence de l' aedes albopictus en France métropolitaine, vous noterez que le département du Val-de-Marne apparaît tout aussi concerné que ceux du bord de la Méditerranée. Pour ma part, j'étais, au mois de juin, à Milan et la situation était impressionnante du point de vue de la concentration de moustiques.

J'ai trouvé comme explication de cette prolifération, à plusieurs reprises, l'importation de pneus usagés venant notamment d'Asie. En effet, l'eau qui stagne dans ces réservoirs inattendus favorise l'éclosion des oeufs de moustiques qui peuvent y demeurer plusieurs mois, y compris en période de grand froid ou de forte chaleur.

On peut également souligner en cet instant le rôle du commerce international et, d'une manière générale, de la multiplication sans frein de tous les modes de transport. Nous avons d'ailleurs été partiellement rassurés par l'intervention de la médecine des voyages. La problématique aurait pu être élargie à d'autres intervenants si nous avions pu organiser une journée complète d'auditions. Nombre d'entre nous n'ont-ils pas noté la pratique de pulvérisations dans les habitacles d'aéronefs à destination de certaines contrées ? Au-delà de ces vecteurs géants et mécaniques de transmission de certaines maladies, les zones aéroportuaires, les navires et marchandises du transport maritime, les bagages et les voyageurs en général peuvent faciliter la circulation internationale de vecteurs de maladies.

Il est donc impossible de présenter en cet instant une conclusion exhaustive de nos travaux de ce jour. La présentation du compte rendu de cette audition devant l'Office permettra d'établir une synthèse, sans trahir les propos des intervenants. L'audition de ce jour n'est, en tout état de cause, qu'une phase provisoire et s'inscrit dans un processus où nombre d'acteurs ont un rôle à jouer, non seulement les acteurs institutionnels, le Gouvernement et ses ministères, les agences - dont les agences régionales de santé -, les chercheurs, les établissements hospitaliers, mais également les élus, qu'ils soient régionaux, départementaux ou municipaux, sans oublier chaque individu car la connaissance des risques et dangers des maladies à transmission vectorielle est encore trop lacunaire à ce jour.

En outre, dès l'enfance, chacun peut être éduqué à limiter la reproduction des moustiques, par exemple en évitant la présence de récipients contenant de l'eau stagnante dans nos jardins ou sur nos balcons.

Il serait illusoire et non souhaitable de songer à la disparition totale des vecteurs. Il faut donc vivre avec eux le mieux possible. Toute la question consiste à savoir où placer les limites entre les précautions et mesures d'intervention efficaces et raisonnables et celles qui constitueraient, en elles-mêmes, une atteinte excessive à la santé ou aux milieux.

La présente conclusion improvisée n'avait pas pour but de mettre en valeur tel ou tel intervenant ni tel ou tel propos par rapport à tel autre, d'autant que j'ai pu omettre des points essentiels, mais de vous remercier en vous indiquant ce qui venait d'emblée à l'esprit d'un sénateur membre de l'OPECST à l'origine de l'organisation de la fructueuse audition de ce jour.

L'OPECST ayant coutume de travailler dans la durée, contrairement aux commissions toujours soumises au calendrier frénétique dicté par le Gouvernement, je vous serai reconnaissant de bien vouloir considérer que cette journée n'a constitué qu'une prise de contact et que, désormais, tous les membres de l'OPECST sont devenus pour vous des interlocuteurs au quotidien sur la question des maladies à transmission vectorielle.

Merci encore à toutes et à tous.

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