SECONDE TABLE RONDE, PRÉSIDÉE PAR M. FRANÇOIS COMMEINHES, SÉNATEUR, MEMBRE DE L'OPECST : LE CAS DU VIRUS ZIKA

I. INTRODUCTION

M. Jean-Yves Le Déaut, député, président de l'OPECST

Je suis très heureux, en tant que président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et seul député ici présent, d'être parmi vous aujourd'hui. L'Office parlementaire compte dix-huit députés et dix-huit sénateurs qui peuvent être saisis par les commissions ou par le Bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat de sujets scientifiques et technologiques, plutôt sous l'angle de leurs conséquences économiques, sociales et environnementales. Lorsque le sénateur François Commeinhes nous a proposé de conduire cette étude, nous avons pensé que nous étions là dans notre rôle. Il s'agira de notre 192 e rapport.

Nous travaillons en amont de la législation et de la réglementation. La préparation de nombreuses lois, notamment dans le domaine de l'énergie, a été facilitée par le travail préalable de l'Office qui informe les parlementaires, recueille des informations et met en oeuvre des évaluations car l'Assemblée nationale et le Sénat ne comptent pas que des spécialistes. Ce travail en amont donne lieu à des rapports. L'Office est également saisi par la loi de certains sujets comme, par exemple, par une loi de 2013 de l'évaluation de la stratégie nationale de la recherche ; ou encore, lors de chaque évolution de la loi de bioéthique, l'Office doit rendre un rapport contenant son analyse et des propositions.

Il n'était pas encore question de Zika lorsque l'Office a envisagé de lancer cette étude sur les maladies à transmission vectorielle. En effet, lorsque des sujets d'actualité surgissent - par exemple le survol des centrales nucléaires par des drones, des fissures dans la cuve de l'EPR, la découverte de logiciels de truquage de la mesure des émissions polluantes chez Volkswagen ou la robotisation croissante des usines du futur -, l'Office organise des auditions, au Sénat ou à l'Assemblée nationale, pour faire le point sur ces sujets.

Pour conduire une évaluation rigoureuse et pour que de bonnes décisions soient prises, il faut être en mesure de s'appuyer sur les meilleures connaissances possibles. Cette connaissance est mondiale et nationale. Dans le cas présent, la France est particulièrement concernée au moins au titre de dix-huit départements du Sud de la France et des départements et territoires d'outre-mer. Il nous faut donc bien connaître les virus responsables des maladies, les vecteurs et les moyens de lutte. Vous l'avez très largement expliqué, depuis la dengue et le chikungunya jusqu'à la fièvre jaune et la fièvre du Nil sans omettre la maladie de Lyme, qui a une importance croissante et des impacts en matière de santé publique notamment dans l'Est de la France.

Vous avez abordé les moyens de lutte, qui incluent les insecticides. Vous avez notamment souligné un inconvénient majeur des insecticides, à savoir la résistance qui se développe par des mécanismes naturels pour contourner l'action de l'homme lorsque celui-ci veut agir sur certaines maladies. Il existe aussi des moyens de lutte biologique. J'ai été notamment très intéressé par l'évocation des formes de piégeage. J'ai moi-même travaillé avec la sénatrice Catherine Procaccia, vice-présidente de l'Office, sur la chlordécone aux Antilles et ai vu les dispositifs de piégeage par les phéromones. Vous avez également mentionné la possibilité de relâcher des insectes stériles.

D'autres moyens passent par l'utilisation de bactéries ou des modifications génétiques. Enfin, vous avez évoqué le développement des vaccins, qui est évidemment important. Lorsqu'un certain nombre de virus mutent de manière très rapide, le développement des vaccins se heurte parfois à des difficultés, même si leur apport à la santé publique, d'une façon générale, est indéniable.

Dans le cadre du réchauffement climatique, marqué par une augmentation continue de la température moyenne, certaines espèces de moustiques pourraient changer de zone d'habitation sur la carte du monde. Nous pourrions ainsi constater l'émergence de maladies en des lieux où elles étaient absentes.

Un rapport est en cours d'élaboration par l'OPECST sur l'évaluation des nouvelles technologies. Le sujet soulève maints problèmes. Certaines personnes nous indiquent les bénéfices que nous pourrions en attendre. D'autres nous mettent en garde et demandent à ne pas travailler sur des systèmes biologiques globaux. À leurs yeux, penser que l'on résoudra une question en s'attaquant à un seul élément des systèmes biologiques peut conduire à des catastrophes. Ce matin, devant l'Office, un de vos collègues de Strasbourg, M. Marois, a développé avec beaucoup de talent la question du forçage génétique. On est parvenu, en quelque sorte, à mettre en place un système contraceptif pour les insectes. Il se trouve que j'ai obtenu une thèse de doctorat d'État en biologie moléculaire, à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, dans le laboratoire de Paul Mendel et Pierre Chambon, ce qui me permet de comprendre un peu ces sujets.

Le forçage génétique, c'est la possibilité, avec des méganucléases et des nucléases, notamment CRISPR/cas9, de venir sur le gène de la fertilité et d'y insérer une nouvelle séquence. Finalement, on fait en sorte que l'insecte qui était fertile ne le soit plus. La question globale de l'utilisation de ces technologies, en les lâchant grandeur nature dans la biosphère, mérite réflexion. Il faut définir un cadre législatif. C'est la raison pour laquelle nous y travaillons. Il faut définir des systèmes biologiques qui soient globaux, comparer les bénéfices et les risques et certainement en débattre avec les populations avant de permettre l'introduction de ces technologies.

J'ai été très heureux de vous écouter et d'appuyer mes collègues du Sud de la France qui étaient sans doute plus encore sensibilisés aux enjeux liés à ces vecteurs. Je suis heureux que vous ayez mentionné également la situation des vecteurs dans l'Est de la France.

Page mise à jour le

Partager cette page