III. LES COMMUNES NOUVELLES : UNE « RÉVOLUTION SILENCIEUSE »

Le développement des communes nouvelles représente sans conteste une révolution silencieuse de notre organisation territoriale. Dans leur premier rapport d'étape, vos rapporteurs avaient constaté une répartition inégale de ces communes sur le territoire métropolitain : en effet, un tiers d'entre elles se concentrent sur cinq départements, dont quatre appartiennent à la région Normandie. Face à ce constat, vos rapporteurs ont souhaité mieux comprendre les facteurs expliquant ce succès géographique, en complément de l'excellent travail mené par vos collègues, Mme Françoise Gatel et M. Christian Manable, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation 11 ( * ) .

A. UNE COMBINAISON DE FACTEURS FAVORISANT LE REGROUPEMENT DE COMMUNES

1. Un facteur financier important, mais non prédominant

Le Calvados apparaît comme, selon l'expression d'un élu, le « Qatar des communes nouvelles ». Si ces dernières sont modestes en nombre d'habitants, elles se caractérisent en revanche par leur superficie étendue. La fusion de communes y est conçue comme une solution à la survie des communes rurales, dans le contexte actuel de mutation territoriale qui touche en particulier les intercommunalités et les régions.

Le facteur financier est souvent un catalyseur qui accélère la réflexion des élus sur l'opportunité d'une fusion de communes, en raison des conséquences pour leur commune de la baisse de leur dotation globale de fonctionnement (DGF). Toutefois, ce n'est pas tant le niveau de la baisse des dotations qui joue un rôle important dans la réflexion des élus locaux que l'incertitude qui pèse, chaque année, sur les moyens budgétaires dont disposeront les communes pour assumer leurs compétences et répondre aux attentes de citoyens. À Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime), la fusion de quatre communes a permis le maintien du niveau des dotations perçues par les anciennes communes, lié au cumul des dotations globales de fonctionnement des anciennes communes augmentées d'un bonus de 5 % pour celles de moins de 10 000 habitants. Les élus en ont profité pour réfléchir aux politiques publiques et aux services publics prioritaires pour les habitants du nouveau territoire communal.

Une commune nouvelle permet également d'éviter, à tout le moins de limiter toute hausse des impôts locaux - c'est le cas de Vire-Normandie dont les communes membres auraient dû augmenter leurs impôts locaux de 85 euros par habitant pour financer leurs projets d'investissement - ou de dégager des marges financières suffisantes, ce qui est le cas de Livarot-Pays d'Auge. La rationalisation des dépenses et la mutualisation de certaines d'entre elles (maintenance, téléphonie, assurance) a permis d'augmenter, pour tous les élus de communes nouvelles rencontrés par votre mission, les marges d'autofinancement nécessaires pour le financement de projets (construction d'une nouvelle école à Valdallière - Calvados).

2. Un souhait commun de définir un projet de territoire

Votre mission a relevé l'importance de l' affectio societatis entre les élus des anciennes communes fusionnées pour assurer le succès des communes nouvelles. Celui-ci s'explique en grande partie par l'habitude de travail en commun des élus soit au sein d'une intercommunalité ancienne, soit au sein d'un syndicat, à vocation scolaire le plus souvent. Les communes nouvelles sont conçues comme la prolongation naturelle des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre autour de projets de territoire permettant l'extension de services existants à l'ensemble de la population. Si la nouvelle carte intercommunale, effective à compter du 1 er janvier prochain, favorise souvent le regroupement de communes, soit pour exercer une ou des compétences non reprises par les futures intercommunalités, soit pour bénéficier d'une représentation plus importante au sein du nouveau conseil communautaire - ces deux motivations n'étant pas exclusives - c'est avant tout l'envie de continuer à travailler ensemble, dans un cadre institutionnel différent, qui motive les élus à la mise en oeuvre d'une commune nouvelle.

Par ailleurs, plusieurs élus ont précisé que l'efficacité et la proximité des services publics et des politiques publiques se géraient, dans le cadre d'intercommunalités élargies, à travers une commune nouvelle. Vos rapporteurs ont constaté avec satisfaction l'enthousiasme des élus à l'origine de communes nouvelles, ces dernières correspondant à une étape importante de la vie de leur commune et de leur territoire.

La souplesse inhérente au regroupement de communes a permis aux élus de mettre en oeuvre des organisations originales destinées à conserver l'identité des anciennes communes tout en garantissant une représentation équilibrée de l'ensemble du territoire au sein du conseil municipal. La création de communes déléguées permet le maintien des identités historiques, facteur important pour l'acceptation de la démarche par les élus locaux et par les habitants à ce projet de territoire nouveau. L'adhésion de la population est apparue acquise pour l'ensemble des maires des communes nouvelles et n'a fait l'objet d'aucune difficulté selon les éléments recueillis par vos rapporteurs. De même, Livarot-Pays d'Auge (Calvados) va s'organiser autour de trois à quatre quartiers afin que soient représentées les parties plus rurales de la commune.

Si l'adhésion des élus locaux, de la population et le maintien des identités historiques des anciennes communes représentent des éléments essentiels au succès des communes nouvelles, quelques élus ont toutefois souligné certaines difficultés, liées en partie à des problèmes humains. Il peut être difficile pour d'anciens maires de devenir de simples maires délégués et de devoir s'effacer devant le maire de la commune nouvelle. C'est pourquoi les maires de communes nouvelles ont initié des démarches intéressantes visant à associer les maires délégués à la vie de la commune, comme à Rives-sur-Seine (Seine-Maritime), à travers l'élaboration d'une charte et l'échange régulier avec les maires délégués sur les dossiers de la commune. De même, la fusion des communes implique la fusion des associations communales de chasse agréées (ACCA) ce qui a parfois représenté un élément perturbateur à des projets de regroupement, certaines associations refusant de fusionner. Les élus se sont d'ailleurs félicités de l'issue législative apportée à ce problème.


* 11 Rapport n° 563 (2015-2016), « Les communes nouvelles, histoire d'une révolution silencieuse : raisons et conditions d'une réussite », de M. Christian MANABLE et Mme Françoise GATEL, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-563-notice.html

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