III. UNE NÉCESSAIRE RÉFLEXION SUR LA FABRIQUE DE LA NORME

La simplification normative est à l'ordre du jour depuis plusieurs années déjà. Pourtant, l'impression de labyrinthe est perceptible. Certains acteurs, du reste, tendent à se décourager et à se résigner. C'est que la politique de simplification doit donc connaître des inflexions pour plus d'efficacité (A). Par ailleurs, réviser périodiquement le stock de normes est un impératif, mais qui ne peut suffire si, dans le même temps, la production législative et règlementaire ne ralentit pas (B). Enfin, un enjeu trop souvent ignoré de la simplification se joue après l'édiction de la norme (C).

A. AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DES POLITIQUES DE SIMPLIFICATION

La simplification est une politique publique complexe. Son succès dépend du respect d'un certain nombre de principes et exige le dépassement de limites actuelles du dispositif mis en oeuvre dans notre pays.

1. Les limites de la méthode actuelle

Depuis l'annonce du choc de simplification par le chef de l'État, en mars 2013, le Gouvernement s'est organisé pour proposer régulièrement des mesures de simplification. Comme on aura pu le constater, il n'est pas question pour vos rapporteurs de remettre en cause globalement cette politique. Beaucoup d'avancées ont été réalisées, dans un contexte difficile. Mais la méthode retenue n'en rencontre pas moins d'importantes limites.

La première de ces limites est probablement la plus importante. Comme l'ont souligné les membres du Conseil d'État reçus par le groupe de travail, la simplification n'est pas encore perçue en France, en dépit des impulsions politiques, comme une politique publique prioritaire , voire, tout simplement une politique publique à part entière. Il s'agit trop souvent d'une politique annexe, voire d'un adventice. D'où l'impression parfois décourageante du législateur chargé de la simplification face au législateur chargé de légiférer : la production de normes qui lui sont proposées par le Gouvernement est en effet plus rapide que les simplifications qu'il peut opérer. Pour ne prendre qu'un seul exemple, qui n'est peut-être pas le plus significatif, dans le temps où le groupe de travail s'efforçait de réaliser une proposition de loi de simplification d'une quinzaine d'articles, le Sénat a examiné 32 projets de loi (hors conventions) dont certains de très grande ampleur. Ainsi, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages comptait-il déjà 72 articles conséquents à son dépôt, et le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine 46. Et ces deux projets de loi ont vu leur volume considérablement augmenter au cours de leur examen par les assemblées.

Ce positionnement, encore fragile, de la simplification en France se traduit par plusieurs éléments :

- la simplification n'est pas envisagée dans sa globalité. Elle doit certes se traduire par des textes simplifiant le droit existant, mais devrait aussi intégrer l'examen de l'étude d'impact des textes soumis aux assemblées, l'évaluation ex post des textes une fois votés, mais aussi des textes règlementaires adoptés,... ;

- son positionnement administratif et politique est encore mal affirmé au sommet de l'État . Certes, il existe depuis 2014 un secrétaire d'État à la simplification 80 ( * ) . Certes, il est placé auprès du Premier ministre. Mais de quels moyens dispose-t-il et, surtout, dans la logique administrative française, quel est son poids face à certains gros ministères sectoriels ? Dans le même ordre d'idées, l'identification, à l'instar de ce qui s'est pratiqué de 2010 à 2014, claire de la simplification dans l'organigramme et au coeur des fonctions du Secrétariat général du Gouvernement, serait un élément important ;

- dans les ministères, le sujet de la simplification n'est pas encore au coeur des préoccupations . Malheureusement, la simplification n'est mentionnée dans aucun des décrets d'attributions des ministres sectoriels, alors qu'elle devrait être partie intégrante de leurs missions. Du reste, combien d'entre eux se sont-ils dotés d'une structure transversale positionnée à haut niveau en la matière ? Du reste, ne faudrait-il pas désigner dans chaque ministère un « haut fonctionnaire en charge », à l'instar de ceux en charge de la Défense, du Développement durable, de l'Égalité entre hommes et femmes ;

- certes, le SGMAP existe , notamment au travers de sa mission « programme de simplification », dont vos rapporteurs soulignent la qualité du travail. Mais compte tenu de la taille même de cette mission (7 personnels), comme du mode de fonctionnement de l'administration, il reste très dépendant des ministères sectoriels.

Une autre limite provient d' une distinction assez artificielle entre le flux et le stock de dispositions à simplifier . Le flux relève toujours du Secrétariat général du Gouvernement (SGG), au travers de son service de législation et de qualité du droit, ainsi que du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), plus particulièrement chargé d'évaluer les normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, conformément à la loi du 17 octobre 2013 81 ( * ) .

Le stock relève, quant à lui, du Secrétariat général à la modernisation de l'action publique, qui a mis en place en son sein une mission « programme de simplification ». Le CNEN est en principe compétent pour jouer un rôle en la matière au profit des collectivités. Toutefois, comme l'a noté le chef du bureau du financement des transferts de compétences de la DGCL, responsable de son secrétariat, il n'a pu s'investir autant que nécessaire faute de remontées d'informations suffisantes de la part des collectivités territoriales et, sans doute... de moyens. Les trois saisines du CNEN sur le stock sont toutes des cas d'auto-saisine par certains de ses membres.

Le distinguo entre stock et flux n'est pas une solution optimale. Il conduit à une dispersion des équipes, à un cloisonnement des points de vue, à des déperditions d'informations ainsi qu'à une paradoxale complexité du dispositif de simplification. Il s'ajoute au fractionnement de l'effort de simplification selon le public au profit duquel il est principalement consenti : usagers, entreprises ou collectivités. Au total, ce sont ainsi quatre organes transverses qui, en sus des ministères sectoriels, sont compétents en matière de simplification : le SGG pour le flux, le CNEN pour le flux et - en principe - le stock, mais pour les seules collectivités, le Conseil de simplification pour le stock, mais au profit des entreprises, et le SGMAP pour le stock.

La fragilité de la coordination entre les différentes structures a aussi été mise à jour par les auditions du groupe de travail. Au sein de l'exécutif, outre les quatre organes précités, le dialogue de simplification entre les ministères ne semble pas toujours évident, ce qui peut induire des résultats fâcheux en matière de simplification. Une illustration emblématique est le projet d'ordonnance relatif à la démocratisation du dialogue environnemental. S'écartant de l'objectif initial qui était aussi de simplifier, comme le notait le rapport de notre collègue Alain Richard 82 ( * ) , le projet fait l'objet de débats intenses en interministériel, mais un peu tard. Le Parlement lui-même obéit parfois à des logiques de cloisonnement entre les deux chambres, voire entre ses commissions permanentes.

Le groupe de travail a aussi pu constater ce qu'il faut bien appeler une carence en matière d'information sur la simplification . Il est vrai que les principaux organismes présentent régulièrement des batteries de mesures de simplification sans que leur état d'avancement soit du reste toujours très clair. Mais il manque aux acteurs locaux une information solide, fiable, à jour et accessible sur les dispositifs en vigueur. Ainsi, à titre d'exemple, pratiquement aucun des nombreux interlocuteurs du groupe de travail, même au service d'organismes professionnels importants, ne connaissait vraiment ni le certificat de projet ni l'autorisation unique !

Un problème structurel a pu être relevé par vos rapporteurs : la faiblesse des remontées d'informations du local vers le national des porteurs de projets et des collectivités confrontées aux difficultés vers les organes chargés de la simplification. Signalée par le secrétariat du CNEN, par le SGMAP, cette carence a été confirmée par l'Association des maires de France (AMF). De fait, l'un des obstacles en matière de simplification est l'extrême difficulté, pour les acteurs locaux comme pour beaucoup d'entreprises, d'identifier précisément les dispositions sources de complexité. On peut avancer plusieurs explications à cette situation :

- les normes et les complexités afférentes sont si nombreuses qu'il est malaisé d'en avoir une idée précise ;

- l'enchevêtrement des normes et leur « effet cocktail » peuvent rendre impossible l'identification d'une norme précise. C'est parfois tout un régime juridique qui est en cause ou encore une législation proche mais distincte ;

- la « valse des normes » décourage certains de se plonger dans un travail de recensement qui sera rapidement périmé et dont l'impact risque d'être faible.

2. Des pistes pour mieux simplifier
a) Faire de la politique de simplification une politique publique prioritaire et pérenne.

Faire de la politique de simplification une politique publique prioritaire et pérenne suppose de l'inscrire dans l'ossature de l'administration française. Jean Monnet relevait dans ses Mémoires, « Rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions . ». Cela vaut pour toutes les politiques.

La simplification doit donc être institutionnalisée et visible et la première visibilité est celle qui ressort de l'organisation du Gouvernement. Par nature, les carences d'interministérialité favorisent le fonctionnement en tuyaux d'orgue et la profusion de normes spécifiques issues des ministères sectoriels, qui tous s'estiment porteurs de l'intérêt public. L'interministérialité, à la condition qu'elle soit bien conduite, doit à l'inverse aboutir à des arbitrages et à des choix qui respectent au mieux l'intérêt des parties prenantes et l'articulation des besoins des différents secteurs de la société. En d'autres termes, l'engagement fort du Premier ministre est requis pour réussir cette politique publique. La simplification doit aussi être intégrée aux missions des ministres et secrétaires d'État. Chacun d'entre eux devrait, par exemple, voir la simplification être mentionnée dans ses décrets d'attributions et dans la lettre de mission dont le Premier ministre le fait, le cas échéant, destinataire. Une autre visibilité est celle des indicateurs de la LOLF. Les projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP) devraient comporter un volet simplification.

Recommandation n° 12 : garantir l'interministérialité de la politique de simplification.

Recommandation n° 13 : intégrer la politique publique de simplification aux missions de chaque titulaire de fonctions gouvernementales.

Recommandation n° 14 : concevoir et mettre en place des indicateurs relatifs à la simplification normative dans les projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP).

La simplification gagnerait ensuite à être l'objet d'une réalité administrative et... à produire. En d'autres termes, chaque ministère devrait à présent se doter d'une structure de simplification , direction, service, mission, le cas échéant couplée aux organes d'évaluation lorsqu'ils existent, à l'image des departmental Better Regulation Unit britanniques. L'essentiel est que cette structure soit transverse et ne soit pas arrêtée par les cloisonnements propres aux ministères, mais aussi qu'elle soit placée à un niveau tel qu'elle ne puisse être ignorée ou contournée par les producteurs de normes. De même que, par nature, les bureaux de règlementation tendent à produire de la norme, parions sur le fait que des directions de simplification produiront... de la simplification.

Recommandation n° 15 : doter chaque département ministériel d'une structure transversale de haut niveau, si possible rattachée directement à l'échelon ministériel, chargée de la simplification normative.

Plus encore, la simplification doit être administrativement valorisée . S'il est sans doute trop tôt et très complexe pour imaginer des éléments de rémunération liés à la capacité de simplification des agents ou à leur attitude facilitatrice, il convient à tout le moins de valoriser les carrières comportant une étape de simplification-évaluation. Et cette valorisation doit intervenir dès le début, puis au cours de la carrière, notamment via la formation. C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs considèrent que les programmes de formation et les modalités d'évaluation des élèves-fonctionnaires, en particulier de l'ENA et des IRA, mais aussi de l'INET 83 ( * ) , pour les administrateurs territoriaux, et des INSET 84 ( * ) pour les attachés, devraient comprendre des modules obligatoires en matière de simplification législative, réglementaire et administrative. Au-delà, leurs volets économiques devraient être renforcés.

Recommandation n° 16 : intégrer aux programmes de formation et aux critères d'évaluation des élèves fonctionnaires, notamment de l'ENA, de l'INET, des IRA et des INSET, des modules en matière de simplification législative, réglementaire et administrative.

a) Adopter une vision globale de la simplification

La distinction entre le flux et le stock de dispositions à simplifier mériterait d'être estompée et l'ensemble de la mission de simplification confiée, pour l'exécutif, à un unique organisme . Ce regroupement présenterait le mérite de... simplifier le dispositif de simplification et de lui assurer une visibilité accrue, de garantir un meilleur positionnement administratif à l'organe de simplification, d'offrir un meilleur partage d'informations, enfin de mutualiser et consolider les équipes. Surtout, il permettrait une prise en compte de la globalité des démarches de simplification et du fait que le flux s'insère toujours - ou presque - dans du stock.

Un tel système unifié peut fonctionner, comme le démontre par exemple le cas allemand, qui confie au Normenkontrollrat l'examen du flux comme du stock.

Le champ d'action du Normenkontrollrat allemand

Le Normenkontrollrat exerce un pouvoir de vérification sur le « stock » aussi bien que sur le « flux », puisqu'il examine :

- les projets de nouvelles lois fédérales déposées par le Gouvernement ainsi que les propositions de loi émanant du Bundesrat, si ce dernier les lui transmet ou à la demande du groupe auquel appartiennent les députés du Bundestag à l'origine du texte ;

- les projets de lois modificatives, y compris les lois initiales ;

- les projets de dispositions juridiques et administratives d'application ;

- les travaux préparatoires aux actes juridiques, règlements, directives et décisions de l'Union européenne ;

- les lois et les dispositions juridiques et administratives concernées lors de la transposition du droit de l'Union européenne ;

- et les lois fédérales en vigueur, ainsi que les décrets et les dispositions administratives pris pour leur application.

L'extension du dispositif de contrôle des coûts aux régions et aux autres collectivités territoriales a en outre été proposée par le dernier rapport annuel du Normenkontrollrat allemand.

Source : extrait de La simplification, Sénat, Étude de législation comparée, n° 267, mai 2016

L'exemple des pays européens montre que souvent l'organe central de simplification comporte en fait deux piliers :

- une instance de décision composée de membres généralement experts du domaine et dotés, via leur nomination et/ou leurs compétences, d'une légitimité et d'une forme d'indépendance ;

- un secrétariat assez fourni - à chaque fois une quinzaine de fonctionnaires - d'experts qui préparent les dossiers.

Recommandation n° 17 : regrouper les organes gouvernementaux chargés de la simplification et créer une instance unique de haut niveau, dotés de moyens humains suffisants et d'une indépendance par rapport aux ministères sectoriels.

Structure et composition des organes centraux de simplification
en Allemagne et au Royaume-Uni

L'Allemagne

Le conseil national de contrôle des normes (« Normenkontrollrat » - NKR) a été créé en 2006, à l'initiative du Parlement allemand, pour évaluer de façon totalement indépendante la qualité des études d'impact élaborées par les services des ministères porteurs de projets de textes législatifs et réglementaires.

Établi à Berlin, il bénéficie d'un financement annuel de 470 000 € et est composé de dix membres bénévoles, nommés pour cinq ans par la Chancellerie sur proposition de la Présidence de la République.

Ses membres sont issus de la société civile et choisis de façon à représenter le monde de l'entreprise, le monde associatif ou encore le monde universitaire. Actuellement, le « NKR » compte, entre autres, un élu local, un professeur d'économie, une avocate spécialiste du droit de l'environnement et un fonctionnaire ayant des missions comparables à celles du préfet de région.

L'indépendance des membres du « NKR » tient :

- à leur profil (ils ne peuvent appartenir ni au Gouvernement, ni au Parlement) ;

- à la durée de leur mandat (5 ans, soit un an de plus que la durée du mandat des parlementaires et des ministres, qui est de 4 ans) ;

- au choix fait de promouvoir le pluralisme en son sein, avec la désignation d'un président et d'un vice-président de sensibilités politiques différentes

Chaque membre du « NKR » suit un ou deux ministères et donne son avis sur les textes élaborés par ceux-ci. Les avis sont pris à la majorité, généralement lors de réunions hebdomadaires.

Ce comité s'appuie sur un secrétariat de quinze fonctionnaires, dont deux secrétaires administratifs et treize experts qui se spécialisent chacun dans un secteur. Ces experts sont des fonctionnaires détachés de différents ministères pour une période de 3 à 4 ans et ayant surtout un profil de juriste ou d'économiste.

Le Royaume-Uni

Le « Regulatory Policy Committee » (ou « RPC ») a été créé en 2009 pour évaluer de façon totalement indépendante la qualité (sincérité des estimations, des données,...) des études d'impact proposées par les services des ministères porteurs de projets de texte (législatifs et réglementaires).

Installé dans les locaux du ministère de l'Économie, de l'innovation et des compétences (« Department for Business, Innovation & Skills » - BIS), il bénéficie d'un financement de 800 000 £ par an (soit 950 000 €), et est composé de huit membres nommés par le Premier ministre, au terme d'un processus de « recrutement » public transparent (appel à candidatures, sélection par les fonctionnaires composant le secrétariat, proposition de nomination faite au Premier ministre).

Les membres du « RPC » sont issus de la société civile :, économistes, entrepreneurs, syndicalistes, employés de la chambre de commerce britannique, spécialistes de l'audit, etc.

Ils conservent des activités professionnelles parallèles et ne consacrent chacun qu'un jour par semaine au travail du « RPC ». Jusqu'en 2012, ils n'étaient pas rémunérés pour leur activité au sein du « RPC ».

Ce comité s'appuie sur un secrétariat de quinze fonctionnaires, dont la plupart ont un profil d'économiste, détachés de différents ministères pour une durée de trois à quatre ans pour travailler à temps plein pour le « RPC ».

Source : extraits du Rapport d'information de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la simplification législative n° 2268, déposé le 9 octobre 2014

Cette vision globale de la simplification passe aussi par des coopérations entre acteurs ; au sein de l'exécutif, au sein du pouvoir législatif, mais aussi entre eux. Le Sénat a montré l'exemple, avec l'action de son groupe de travail transverse de simplification en matière de droit de l'urbanisme, qui associe toutes les commissions ainsi que la délégation aux entreprises. Il veut poursuivre dans cette voie mais aussi travailler en partenariat avec les organes exécutifs, au premier chef duquel le Conseil national d'évaluation des normes. C'est du reste l'objet de la signature, le 23 juin dernier, de la charge entre le Sénat et le CNEN.

Recommandation n° 18 : multiplier les occasions de travail en commun Sénat-CNEN-Gouvernement en matière de simplification normative au profit des collectivités territoriales.

b) Renforcer l'information sur la simplification

Trop d'informations tue l'information . C'est particulièrement vrai dans le domaine de la simplification où les textes, les projets, les réformes et les effets d'annonce se succèdent à rythme soutenu et s'enchevêtrent. À l'ouverture de leurs travaux, vos rapporteurs ont constaté l'extrême difficulté de disposer d'un point sur les simplifications réalisées au cours des dernières années, si ce n'est exhaustif du moins général. Ils ont donc procédé à leur propre bilan récapitulatif, ne serait-ce que pour ne pas se lancer sur des pistes déjà empruntées. Ce bilan figure en annexe n° 4.

Au-delà de l'aspect « communication » de la politique de simplification, se joue en fait en la matière sa pérennité et son appropriation par les services de terrain. Confrontés à un tourbillon de mesures dont on ne sait si elles sont rêvées, imaginées, souhaitées, projetées, prévues, à l'étude, instruites, adoptées, mises en oeuvre, réalisées, ces services peuvent être découragés ou, plus simplement, perdus ! Vos rapporteurs considèrent donc que la tâche première en matière de simplification est la tenue d'une base de données générale, régulièrement mise à jour des mesures de simplification, de leur statut et des échéanciers . Internet serait en cela un outil précieux pour porter à connaissance le contenu de cette base.

Aujourd'hui, c'est plutôt la profusion de sites en la matière qui pose problème :


• http://simplification.modernisation.gouv.fr semble le site le plus complet mais il manque de précision et n'est guère intuitif ;


• http://www.faire-simple.gouv.fr/entreprises est une plateforme collaborative du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique mais destinée aux entreprises ;


http://www.simplifier-entreprise.fr est le site du Conseil de la simplification pour les entreprises ;


http://www.modernisation.gouv.fr est le site du SGMAP ;


http://www.cnen.dgcl.interieur.gouv.fr est le site du Conseil national d'évaluation des normes.

Sans compter les sites ministériels ou déconcentrés qui comportent des volets simplification plus ou moins à jour, ou le site du SGG (http://extraqual.pm.ader.gouv.fr/suivi.html) qui, il est vrai, est un extranet réservé aux acteurs des administrations centrales.

Il est important aujourd'hui de rassembler, autant que possible sur un seul site, les données de la simplification dont seraient tirées les informations sectorielles éventuellement ré-exploitées par les ministères.

Recommandation n° 19 : mettre en ligne une base de données complète, régulièrement et rapidement mise à jour des mesures de simplification prises, en cours d'examen ou envisagées, précisant leur statut et l'échéancier qui leur est applicable.

Inversement, s'il faut un socle informatif offrant une vue claire de l'état d'avancement des dossiers de simplification, les grands secteurs d'activité doivent disposer de leurs propres bases de données permettant de présenter rapidement et de manière fiable aux acteurs économiques et aux collectivités l'état du droit dans un champ donné . Dans le domaine du groupe de travail, consacré aux projets locaux, aucun site internet complet n'existe aujourd'hui. La création d'un portail national dédié aux différentes dimensions des projets locaux, à l'image de ce que fut le site internet de l'APCE, aujourd'hui Agence France entrepreneur, pour la création d'entreprises serait pertinente. Il pourrait regrouper des données juridiques, des guides pratiques, une foire aux questions,...

Recommandation n° 20 : mettre en ligne une base de données complète, régulièrement et rapidement mise à jour, de l'état du droit et des procédures applicables dans les différents champs concernés par les projets locaux (urbanisme, protection du patrimoine, archéologie, environnement,...).

c) Assurer les remontées d'information sur les difficultés de mise en oeuvre des dispositions législatives et règlementaires

Identifier les problèmes puis les normes en cause sont deux des étapes les plus difficiles de la simplification. Vos rapporteurs ont présenté dans la proposition de loi de simplification des dispositifs pour y remédier, notamment en encourageant le préfet à régulièrement collecter les informations en la matière pour ensuite les transmettre à l'échelon central. Mais cela ne suffira probablement pas, ne serait-ce qu'en raison de la fragilisation actuelle des services préfectoraux. Pourtant, sans informations sur ce que vit le terrain, la simplification risque fort de tourner court ou... de ne pas répondre aux besoins des acteurs locaux. Pour y pallier, vos rapporteurs considèrent que le Sénat pourrait, à termes réguliers, organiser des consultations nationales auprès des élus sur des thèmes ciblés, à l'instar de ce qui a été pratiqué par le groupe de travail pour l'urbanisme et la construction . Les mesures législatives qui en découleraient pourraient faire l'objet de propositions de loi ou d'amendements à des textes si cela est pertinent. Les mesures réglementaires pourraient faire l'objet d'un échange avec l'exécutif et avec le CNEN pour traitement. Chaque année, un bilan des difficultés identifiées et des mesures prises pourrait être fait et présenté, par exemple, à l'occasion du congrès des maires.

Recommandation n° 21 : organiser régulièrement dans le cadre de travaux du Sénat, et notamment de sa délégation aux collectivités territoriales, des consultations nationales auprès des élus sur des thèmes préalablement ciblés pour poursuivre le processus d'identification de dispositions à simplifier.


* 80 La simplification a fait partie du titre d'un secrétaire d'État en 1984-1986. Il s'agissait de Jean le Garrec, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et des Simplifications administratives.

* 81 Loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création d'un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

* 82 Commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique sur la démocratisation du dialogue environnemental, présidée par Alain Richard , Démocratie environnementale : débattre et décider , 3 juin 2015.

* 83 Institut national des études territoriales.

* 84 Instituts nationaux spécialisés d'études territoriales.

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