Première séquence - Une démographie entrepreneuriale contrastée

Nicolas de Sèze, Directeur général de l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM)

Je suis très honoré d'avoir été invité à intervenir dans cette conférence. Dans la première séquence de cette table ronde, je m'attacherai à « planter le décor » de la démographie entrepreneuriale des collectivités du Pacifique.

L'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM), banque centrale des collectivités d'outre-mer dont la monnaie est le franc Pacifique (CFP), suit les entreprises sous trois angles :

• un observatoire économique et financier : l'IEOM réalise des enquêtes de conjoncture qui le conduisent chaque trimestre à recueillir le sentiment des chefs d'entreprise sur le climat des affaires et à suivre les conditions de financement des entreprises. Dans le cadre de cette mission d'observation, outre les données qu'il produit, l'IEOM utilise des données externes, dont celles des instituts ou services statistiques locaux ;

• une analyse financière : pour les besoins de la conduite de la politique monétaire, l'IEOM cote les entreprises afin notamment de déterminer leur éligibilité au réescompte ;

• un suivi des échanges extérieurs : l'IEOM élabore les balances des paiements de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, qui retracent entre autres les échanges extérieurs de biens et services des entreprises.

La première chose qui frappe est le contraste entre les dynamiques de croissance respectives de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Les trajectoires de PIB des deux territoires ont commencé à diverger en 2003 et à partir de 2009, la Polynésie française est entrée en récession cependant que la croissance ralentissait en Nouvelle-Calédonie.

Contraste également en matière d'investissement : la Nouvelle-Calédonie a bénéficié de la réalisation sur son territoire de plusieurs projets d'envergure, notamment les deux usines de nickel, qui se sont traduits par des taux d'investissement exceptionnels (43 % en 2008) ; en Polynésie française, l'investissement a commencé à ralentir à partir de 2003 puis le mouvement s'est amplifié.

Ce contraste se retrouve dans l'évolution des financements accordés aux entreprises . Sur la période 2004-2014, les crédits aux entreprises ont progressé globalement pour l'ensemble des collectivités du Pacifique de 6,9 % par an en moyenne, dont 10,6 % en Nouvelle-Calédonie (même si on note un ralentissement en fin de période), mais seulement 0,6 % en Polynésie française.

Pour analyser le tissu productif de ces collectivités, je m'appuierai sur les données recensées par les instituts ou services statistiques locaux (ISEE pour la Nouvelle-Calédonie, ISPF pour la Polynésie française, service territorial de la statistique pour Wallis-et-Futuna). Je résumerai cette analyse en quatre constats.

Premier constat : un tissu d'entreprises relativement dense.

Si l'on regarde l'évolution du nombre d'entreprises recensées dans l'activité marchande hors agriculture sur la période 2004-2014, on constate une augmentation en Nouvelle-Calédonie, où leur nombre passe de 30 000 à près de 50 000 entre 2004 et 2014, mais aussi dans une moindre mesure en Polynésie française, où leur nombre passe de 18 733 à 23 111. En revanche il baisse à Wallis-et-Futuna, le nombre d'entreprises revenant de 414 en 2004 à 373 en 2014, en lien avec la baisse de la population, qui est elle-même une source d'inquiétude pour les responsables du territoire.

Si l'on considère le ratio du nombre d'entreprises pour 10 000 habitants, on observe qu'il est plus élevé en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française qu'en France métropolitaine. Le chiffre de la Nouvelle-Calédonie tient sans doute au fait que le secteur du nickel génère une sous-traitance qui implique de nombreux acteurs locaux. Le faible ratio de Wallis-et-Futuna reflète la faible part de l'économie marchande et, a contrario , l'importance relative de la sphère publique.

Deuxième constat : une forte concentration dans les services

En nombre d'entreprises, la répartition par secteur d'activité est assez proche de celle qu'on observe en métropole, avec une forte prédominance du secteur des services. C'est en Nouvelle-Calédonie que la proportion d'entreprises dans les services est la plus élevée. À Wallis-et-Futuna, le secteur « industriel » a une part relativement importante : il regroupe notamment de petites activités artisanales exercées par les femmes.

La prédominance du secteur des services se confirme si l'on raisonne en nombre de salariés. On observe toutefois qu'en Nouvelle-Calédonie, l'industrie représente 21 % de l'emploi salarié privé.

Troisième constat : une forte proportion de micro-entreprises

L'examen de la répartition des entreprises par tranches d'effectifs montre que la proportion des entreprises sans salarié est sensiblement plus élevée qu'en métropole. Elle montre aussi que le nombre d'entreprises comptant plus de 200 salariés est trois fois plus élevé en Nouvelle--Calédonie qu'en Polynésie française.

Quatrième constat : les taux de création d'entreprises (défini comme le nombre d'entreprises créées, reprises ou réactivées dans l'année rapporté au nombre d'entreprises en début d'année) sont relativement encourageants, comparables à ceux de la métropole, voire supérieurs. Et l'on peut remarquer que plus des deux tiers des entreprises créées le sont dans les services.

ANNEXE

Chérifa Linossier, Présidente de la CGPME de Nouvelle-Calédonie et vice-présidente de la Représentation patronale du Pacifique Sud

La zone Pacifique est le futur levier de croissance de l'économie mondiale en raison des marges de développement existantes et des multiples richesses naturelles et humaines sous-valorisées. Dans cette région du Pacifique sud, la France a la chance unique de disposer de trois territoires, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, qui ont les moyens de devenir des moteurs de croissance économique. Or, cette zone régionale est trop souvent oubliée et sous-estimée, malgré la présence d'entreprises dynamiques et performantes.

Afin de cerner les outils à développer pour accompagner le développement de ces territoires et pour soutenir les nombreuses initiatives économiques des entreprises de la région, nous constaterons d'abord les similarités du tissu économique des territoires français du Pacifique, avant de mettre en exergue les réseaux de coopération existants entre les acteurs économiques de ces territoires et enfin de présenter les initiatives concrètes qu'ont prises ces économies pour un développement pérenne et autonome de leur région.

En raison de leur insularité et de leur éloignement géographique avec les centres principaux de croissance, les territoires français du Pacifique font face à des enjeux et problématiques économiques semblables et disposent d'économies très similaires. En effet, les économies de ces territoires se caractérisent par un tissu économique fortement constitué de TPE et de PME, par une balance commerciale déficitaire et par une faible intégration régionale.

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française présentent un tissu économique fortement constitué de TPE et de PME. Préalablement à toute présentation statistique, il est judicieux de préciser que le tissu économique de ces pays est tel, qu'en Nouvelle-Calédonie, il a fallu redéfinir les critères de définition des entreprises. Ainsi, si les TPE restent les entreprises de moins de 10 salariés, les entreprises considérées comme PME sont, en Nouvelle-Calédonie, des entreprises salariant entre 10 et 99 personnes, alors qu'en France, la définition de PME inclut des entreprises jusqu'à 250 salariés. Ainsi, on notera qu'en Nouvelle-Calédonie, sur les 56 032 entreprises existantes au 1 er janvier 2014, 54 735 sont des TPE de moins de 10 salariés dont 49 425 d'entre elles sont des entreprises individuelles. En Nouvelle-Calédonie, nous avons donc un tissu économique composé à 88 % d'entreprises individuelles et 97 % de TPE. Il en va de même pour la Polynésie-française où 97 % des entreprises sont des TPE de moins de 10 salariés. Les économies des territoires du Pacifique sont donc structurellement composées de structures avec peu de salariés, ce qui correspond aux caractéristiques du marché intérieur de ces pays.

Caractérisées par un territoire insulaire et faiblement peuplé, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent chacune d'un marché intérieur restreint qui freine le développement de leurs entreprises pourtant performantes et pousse leurs économies à une forte dépendance à l'importation. Alors que l'exportation pourrait compenser la faiblesse de leur marché intérieur, offrant un levier de croissance des entreprises performantes et de développement de nouvelles filières, celle-ci est très faible dans les trois collectivités du Pacifique, ce qui provoque un déséquilibre structurel de leur balance commerciale. En Polynésie français, le taux de couverture est ainsi de 10 %, en Nouvelle-Calédonie de 50 % (mais avec 92 % des exportations étant composées de minerai). La croissance de l'économie des territoires du Pacifique est donc ralentie par cette faiblesse de l'exportation qui pourrait pourtant compenser la taille restreinte du marché intérieur et permettre le développement des entreprises locales performantes. Or, cette faiblesse de l'exportation s'explique en partie par la faible intégration régionale des territoires français du Pacifique.

Ainsi, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna sont exclus des principaux accords économiques régionaux, comme PICTA ( Pacific Island Countries Trade Agreement ) qui regroupe la majorité des îles du Pacifique, ainsi que SPARTECA ( South Pacific Regional Trade and Economic Cooperation Agreement ) et PACER ( Pacific Agreement on Closer Economic Relations ) qui lient ces mêmes îles avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. En raison de cette faible intégration régionale la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna sont donc exclus des principaux échanges commerciaux de la région, ce qui ne favorise pas l'exportation de leur économie, freine leur développement et frustre les entrepreneurs performants.

C'est en raison de cet isolement au sein de la région Pacifique, mais également d'un isolement au sein des outre-mer français, que la CGPME de Nouvelle-Calédonie et la CGPME de Polynésie française se sont réunis au sein de la Représentation patronale du Pacifique sud (RPPS) afin d'unir leur force et tisser des relations entrepreneuriales entre les deux territoires. Les entrepreneurs de Wallis-et-Futuna seront bientôt présents au sein de cette organisation.

Créée en 2010, la RPPS a pour objectif de défendre les intérêts de ses membres, auprès du Gouvernement de la République française et des institutions européennes. Elle entend aussi promouvoir l'esprit d'entreprendre, la liberté de conception et d'innovation, au travers de l'entreprise et de ses salariés, comme un outil de développement des pays et collectivités qui la composent. Elle entend être à l'initiative de partenariats et ainsi dynamiser les échanges commerciaux, économiques et technologiques entre chacun de ses membres. Enfin, la RPPS assure la promotion de ses actions, par l'organisation d'évènements et d'actions dans le monde.

Depuis sa création, la RPPS connaît une réussite certaine. En effet, des relations commerciales nouvelles se sont tissées entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie du fait du travail de mise en réseau des entreprises de ces deux territoires par la RPPS. De plus, la création de la RPPS a aussi permis à ses représentants de rencontrer chaque année le ministère des outre-mer lors des Rencontres économiques du Pacifique Sud, dont la quatrième édition se tiendra en décembre prochain. Lors de ces rencontres, les entrepreneurs du Pacifique sud peuvent ainsi, au plus haut niveau de l'État, faire un point sur l'économie de la zone Pacifique, les financements des entreprises du Pacifique, les échanges économiques régionaux, la promotion des entrepreneurs du Pacifique et les leviers de croissance économique dans la zone océanienne.

Dans son objectif de promotion des échanges économiques régionaux, la RPPS organisera en novembre 2016, un forum d'entreprises du Pacifique, les Pacific Business Days , qui ont vocation à servir de levier de croissance économique dans la zone océanienne. Bien que partageant la même zone géographique, beaucoup d'économies du Pacifique n'ont que très peu d'échanges commerciaux au travers desquels pourraient être mis en valeur leur production, leur savoir-faire et leur inventivité. La RPPS, représentant plus de 2 000 entreprises, estime que des pistes doivent être explorées en matière d'échanges commerciaux et de synergie économique dans la zone du Pacifique afin de développer un terrain propice à l'extension des activités des entreprises et à l'exportation de leur savoir-faire.

Cette initiative de la RPPS est l'occasion pour les pays du Pacifique de mettre en avant leurs compétences et leurs savoir-faire afin d'étendre leur perspectives économiques et de devenir ainsi des catalyseurs d'une croissance inclusive et durable dans la région. Par la création des Pacific Business Days , la RPPS souhaite organiser un événement international dont les objectifs seront de :

- développer les échanges économiques dans la zone Pacifique Sud en créant une zone océanienne d'échanges ;

- mettre en relation entrepreneurs et investisseurs du Pacifique pour créer une synergie économique régionale ;

- promouvoir les savoir-faire, les compétences et l'inventivité des entrepreneurs de la zone Pacifique Sud ;

- lever les freins au développement économique entre ces différents pays en invitant les institutions ;

- sensibiliser les politiques du Pacifique sur la nécessité de créer une zone économique du Pacifique au bénéfice des populations du Pacifique.

Par le biais des Pacific Business Days , la Représentation patronale du Pacifique sud souhaite ainsi encourager une dynamisation des échanges entre les petites économies insulaires du Pacifique, une mise en avant des multiples opportunités de coopération économique entre elles et avec leurs voisins de la zone pour une croissance soutenue et pérenne des pays océaniens.

Philippe Mouchard, Délégué général de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM)

Panorama du monde de l'entreprise vu du terrain

1. Rappels statistiques : contrastes et paradoxes

Les trois collectivités du Pacifique connaissent un dynamisme entrepreneurial certain : on y comptait 69 075 entreprises en 2013, soit 1,8 % du total des entreprises françaises pour 0,8 % de la population nationale. En 2014, on y a recensé près de 8 300 créations. Rapporté au nombre d'habitants, le nombre d'entreprises est globalement plus élevé dans le Pacifique qu'en moyenne dans l'Hexagone (5,7 entreprises pour 100 habitants). En Nouvelle-Calédonie, le ratio y est même trois fois plus élevé. À Wallis-et-Futuna, à l'inverse, le ratio est plus bas (3,6 entreprises pour 100 habitants) mais il demeure équivalent à celui de Mayotte et comparable à celui de la Guyane.

On notera par ailleurs l'importance des entreprises publiques locales (EPL) : on en compte aujourd'hui 38, toutes des sociétés d'économie mixte (SEM), soit 3,1 % du total des EPL de France. Cette importance de l'économie mixte constitue une caractéristique emblématique des départements et collectivités d'outre-mer en général et des collectivités du Pacifique en particulier.

En outre, le dynamisme de ce tissu entrepreneurial a été diversement affecté par les effets de la crise économique, la Polynésie française étant à ce jour le territoire le plus impacté. En effet, dans les trois collectivités, si les crédits d'investissement aux entreprises ont augmenté de 47,9 % entre décembre 2007 et décembre 2014 passant de 1 796 millions à 2 642,9 millions d'euros, les crédits de trésorerie, sur la même période, ont diminué de 4,9 % de 657,4 millions à 625,2 millions d'euros, la baisse s'établissant à 17,2 % en Polynésie (Nouvelle-Calédonie : + 6,1 %). Parallèlement, les créances douteuses nettes aux entreprises ont substantiellement augmenté depuis 2007, passant de 67,8 millions à 235,2 millions d'euros dans les trois collectivités.

2. Au quotidien, les entreprises du Pacifique sont affectées par l'éloignement

On peut à cet égard citer deux exemples.

Le prix de l'électricité , tout d'abord. On rappellera en effet qu'en matière de tarifs électriques, la péréquation, mise en place dans les DOM en 1975 et à Mayotte en 2007, ne s'applique pas à l'ensemble du territoire national, puisque les collectivités françaises du Pacifique, où EDF n'est pas présente (sauf de façon minoritaire dans le capital d'ENERCAL à hauteur de 16 %), n'en bénéficient pas : 555 000 de nos concitoyens payent donc l'électricité à un prix plus cher (2,5 fois en moyenne) que dans l'Hexagone. L'argument statutaire - les collectivités d'outre-mer étant régies par le principe de spécialité législative en vertu de l'article 74 de la Constitution - est inopérant, puisque les trois collectivités de l'Atlantique (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) bénéficient pour leur part de la péréquation tarifaire.

À l'initiative du Gouvernement, lors du débat parlementaire sur le projet de loi de transition énergétique, la péréquation tarifaire devrait toutefois s'appliquer à Wallis-et-Futuna d'ici à 2020 en vertu d'une disposition de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 8 ( * ) : on ne peut que s'en féliciter.

Il conviendra donc d'engager une réflexion pour permettre de faire bénéficier la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

S'agissant des tarifs de La Poste (entreprise publique), une véritable péréquation tarifaire devrait être mise en oeuvre entre la métropole et les départements et collectivités d'outre-mer :

- pour les lettres : actuellement, les tarifs sont identiques jusqu'à un poids de 20 g, mais ils sont divergents au-delà : + 0,05 € par tranche de 10 g dans les DOM et dans les collectivités d'outre-mer de l'Atlantique ; mais + 0,11 € (deux fois plus !) vers les collectivités du Pacifique ;

- et surtout pour les colis : ainsi, actuellement, un Colissimo de 10 kg coûtera 18,05 € lorsqu'il est envoyé en France métropolitaine, 58,10 € lorsqu'il est envoyé dans les DOM et dans les collectivités de l'Atlantique (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy mais 127,35 € (sept fois plus !) lorsqu'il est envoyé dans les collectivités du Pacifique.

3. Les entreprises du Pacifique disposent d'indéniables atouts à développer, notamment les promesses de l'économie maritime.

La France, grâce à ses douze départements et collectivités d'outre-mer, possède la deuxième plus grande ZEE du monde 9 ( * ) , derrière celle des États-Unis mais devant celle de l'Australie. Ses quelque 11 millions de km² sont destinés à être encore accrus (projet EXTRAPLAC 10 ( * ) : près d'un million de km² supplémentaires sont d'ores et déjà acquis 11 ( * ) ), portant la ZEE française à plus de 12,6 millions de km². S'agissant des trois collectivités du Pacifique, la valeur ajoutée en matière maritime est indéniable : 62,5 % de la ZEE nationale 12 ( * ) pour 2,1 % de la superficie terrestre française.

Aujourd'hui, 90 % des marchandises transitent par la mer. Nos territoires pourraient donc être dotés d'infrastructures logistiques de référence dans le commerce maritime. Désormais, l'outre-mer représente 6 % du trafic portuaire français alors que les départements et collectivités d'outre-mer représentent 4,1 % de la population de notre pays. Pour les collectivités du Pacifique, cette proportion est de 2,5 % (pour 0,8 % de la population nationale). Cependant, les effets de la crise économique tendent à obérer le développement des ports ultramarins dans un contexte concurrentiel tendu : ainsi, en Polynésie française, le trafic constaté en 2014, en dépit d'une embellie l'an dernier, demeure inférieur de 11,7 % à celui de 2007.

Enfin, face à ces enjeux, les moyens militaires maritimes français dans les DCOM, faute de volonté politique, demeurent insuffisants. Le Livre blanc de 2008 avait délibérément « sacrifié » l'outre-mer, les effectifs militaires outre-mer étant censés diminuer de 23 % entre 2009 et 2020. Celui de 2013, à l'inverse, a rappelé son importance stratégique, mais, toujours au nom de la réduction des dépenses publiques, n'a guère apporté les inflexions opérationnelles qu'impose une surveillance optimale de notre ZEE 13 ( * ) .

Un effort public en recherche et développement permettrait enfin de développer l'excellence locale et serait de nature à promouvoir, au niveau régional, l'exportation de concepts et de produits ultramarins dans le domaine des énergies renouvelables, des biotechnologies, de l'aquaculture... Les outre-mer ont ainsi vocation à devenir les territoires d'adaptation de l'innovation française au milieu tropical. À court et moyen terme, il conviendrait de mieux mobiliser les crédits publics comme le « Grand Emprunt », hélas dédaigné par le ministère de l'Outre-mer en 2010, et le « Plan Juncker », extensible aux pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dont font partie les collectivités du Pacifique. Il conviendrait également d'utiliser de façon optimale la gamme des produits de la Banque publique d'investissement (BPI) toujours pas totalement opérationnelle dans le Pacifique.

Dans une logique de valorisation des atouts locaux, un effort public accru en recherche et développement (R&D) via des établissements publics de haut niveau (Cirad, Ifremer, IRD, Inra, BRGM) 14 ( * ) permettrait aussi de développer l'excellence des outre-mer. Les dépenses qui y sont affectées représentent, outre-mer, 0,65 % du PIB 15 ( * ) en 2010 (2,24 % en moyenne nationale) : elles doivent donc être augmentées. Cet effort pourrait s'inscrire dans le cadre des objectifs fixés par la loi « Grenelle I » du 3 août 2009 (art. 56) et, désormais, par la loi « Transition énergétique » du 17 août 2015 susmentionnée (art. 183).

Dans cette perspective, le Livre bleu des engagements du Grenelle de la Mer 16 ( * ) (2009) insistait par exemple sur la nécessité d'étudier la faisabilité de la mise en place d'un démonstrateur d'énergie thermique des mers (ETM) dans chaque département et collectivité d'outre-mer.

L'ETM utilise la différence de température entre la surface des océans et les eaux profondes froides et présente donc un fort potentiel outre-mer, les mers et les océans étant à la fois un capteur et un réservoir d'énergie solaire 17 ( * ) . L'exploitation de cette énergie est associée à des « sous-produits » intéressants : eau douce, eau froide pour la climatisation 18 ( * ) , sels nutritifs piégés dans les eaux profondes. Tahiti est le lieu idéal pour fabriquer de l'énergie grâce à la différence de température entre l'eau à 4° C puisée à 1 000 mètres de fond, et celle à 26° C pompée en surface ; un contraste thermique important et constant en Polynésie qui attire DCNS, groupe français public spécialisé dans ce secteur de pointe. Et l'archipel bénéficie d'une situation exceptionnelle pour exploiter l'ETM, d'autant plus que le pays compte 99 % d'espace maritime contre 1 % d'espace terrestre. En 2010, DCNS avait déjà signé un accord avec Pacific Otec, du groupe Pacific Petroleum, pour lancer l'étude de faisabilité d'une unité de faible mesure. Cette étude avait fait l'objet d'une aide financière du Pays pour un projet qui ne s'était pas concrétisé. Mais en cinq ans, les progrès dans le domaine ont été très rapides : DCNS projette ainsi de construire, d'ici fin 2018-2019, une première unité en Martinique capable de produire 10 mégawatts (près de 300 millions d'euros), preuve que l'ETM est un nouveau secteur industriel qui se concrétise. DCNS voudrait donc faire du Fenua le bastion de l'ETM dans la région. Le gouvernement local, les investisseurs et DCNS doivent se revoir avant la fin de l'année pour éventuellement signer un accord qui lancerait l'étude de faisabilité.

Les entreprises des collectivités du Pacifique bénéficient donc d'un environnement porteur et d'atouts leur permettant d'investir dans l'innovation. Elles peuvent, dans cette optique, compter sur la solidarité nationale, via l'aide fiscale à l'investissement, qui a vocation à être pérennisée après 2017, et le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), et dans une moindre mesure, sur le soutien de l'Union européenne. Ainsi, les 16 et 17 juin derniers, s'est tenu le premier sommet des ministres de l'Énergie des PTOM : il s'est conclu par la signature d'une feuille de route sur l'énergie dont l'objectif est de « promouvoir et soutenir une stratégie de réduction de la dépendance envers les combustibles fossiles, d'améliorer l'efficacité énergétique des PTOM et de faciliter leur transition vers une utilisation plus durable des énergies ».

ANNEXES STATISTIQUES

1- Nombre d'entreprises* dans les départements et collectivités d'outre-mer (DCOM)

Au 1 er janvier,

2010-2013

Nombre d'entreprises, 2010

Nombre d'entreprises, 2013

Évolution, 2010-2013,
en %

Nombre d'entreprises pour 100 hab, 2013

Guadeloupe

38 007

41 271

+ 8,6

10,2

Saint-Martin (1)

6 561

7 067

+ 7,7

18

St-Barthélemy (2)

4 539

5 054

+ 11,3

53,8

Guyane

9 878

12 049

+ 22

4,8

Martinique

33 466

33 777

+ 0,9

8,7

La Réunion

41 284

46 043

+ 11,5

5,5

Mayotte

5 157

7 907

+ 53,3

3,7

5 DOM

127 792

141 047

+ 10,4

6,7

Métropole

3 305 335

3 643 336

+ 10,2

5,7

France, périmètre INSEE

3 433 127

3 784 383

+ 10,2

5,8

Polynésie française

20 767

23 111

+ 11,3

8,6

N-Calédonie

35 021

45 520

+ 30

17,2

W. et Futuna (2)

476

444

-6,7

3,6

St-P. et Miquelon

545

537

-1,5

8,8

6 COM

67 909

81 733

+ 20,4

13,7

11 DCOM

195 701

222 780

+ 13,8

8,3

France entière

3 501 036

3 866 116

+ 10,4

5,8

Ratio DOM / France périmètre INSEE

3,7 %

3,7 %

0

-

Ratio DCOM / France entière

5,6 %

5,8 %

+ 0,2 pt

-

Sources : INSEE pour la métropole et les DOM (sauf Mayotte en 2010 : IEDOM), calculs établis à partir du nombre de créations d'entreprises et des taux annuels de création. IEDOM pour les COM de l'Atlantique, IEOM pour la Polynésie et Wallis-et-Futuna, ISEE pour la Nouvelle-Calédonie .

* Champ (INSEE) : Entreprises de l'ensemble des activités marchandes non agricoles (ou champ de l'industrie, du commerce et de l'ensemble des services : champ ICS). Ce champ inclut à partir du 1 er janvier 2009 les sociétés civiles et les activités financières, les activités de location de biens immobiliers et des catégories juridiques marginales dont certains établissements publics administratifs (par exemple : les établissements pour personnes âgées ou services d'aide à la personne qui dépendent de la commune). Cela ne correspond pas au concept d'entreprise, acteur économique introduit par la loi de modernisation de l'économie (loi n°2008-776 du 4 août 2008) et précisé par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 lorsque l'unité créée est une filiale d'un groupe.

(1) Hors sociétés civiles immobilières (SCI) et autoentrepreneurs.

(2) Nombre de patentés inscrits aux Chambres interprofessionnelles (incluant les entreprises agricoles, ce qui surestime légèrement le nombre d'entreprises).

2- Créations* d'entreprises** dans les DCOM

2010-2013

2010
nombre d'entre-prises créées

Part du total FR (%)

2011
nombre d'entre-prises créés

Part du total FR

(%)

2012
nombre d'entre-prises créées

Part du total FR

(%)

2013
nombre d'entre-prises créées

Part du total FR
(%)

2014
nombre d'entre-prises créées

Guadeloupe

5 511

0,9

5 619

1

5 004

0,9

4 416

0,82

4 150

Guyane

1 936

0,3

1 997

0,4

2 260

0,4

1 952

0,36

1 815

Martinique

4 886

0,8

3 910

0,7

3 854

0,7

3 479

0,65

3 091

La Réunion

8 133

1,3

7 637

1,4

6 806

1,2

6 492

1,21

6 372

Mayotte

ND

ND

ND

ND

889

0,2

846

0,16

851

DOM

20 466

3,3

19 163

3,5

18 813

3,4

17 185

3,19

16 279

Métropole

601 571

96,7

529 975

96,5

531 154

96,6

520 997

96,8

534 454

France,

périmètre INSEE

622 037

100

549 138

100

549 967

100

538 182

100

550 733

N-Calédonie

(1)

5 171

0,8

5 213

0,9

5 199

0,9

4 833

0,88

5 038

Polynésie Fr.

(1)

2 982

0,5

2 999

0,5

3 198

0,6

3 198

0,58

3 317

St-Martin (2)

339

0,05

452

0,1

511

0,1

495

0,09

467

St-Barth (2)

293

0,05

316

0,05

321

0,05

ND

e : 0,06

ND

DCOM (3)

29 251

4,6

28 143

5

28 042

5

25 711 (4)

e : 26 000

4,70 (4)

e : 4,75

ND

France entière

630 822 (3)

e : 631 000

100

558 118 (3)

e : 558 300

100

559 196 (3)

e : 559 500

100

546 708 (4)

e : 547 000

100

ND

Sources : INSEE (mai 2011-mars 2014-Février 2015), ISPF (sept. 2014 et Mars 2015), ISEE (TEC 2013, mars 2014 et site ISEE pour les premières données relatives à 2014), IEDOM (Rapports annuels, 2012, 2013 et 2014 : Septembre 2015) pour les données relatives à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. ND : données non disponibles

* La statistique mensuelle des créations d'entreprises est constituée à partir des informations du Répertoire national des entreprises et des établissements (Sirene). Depuis le 1 er janvier 2007, la notion de création d'entreprise s'appuie sur un concept harmonisé au niveau européen pour faciliter les comparaisons : une création d'entreprise correspond à la mise en oeuvre de nouveaux moyens de production. Par rapport aux immatriculations dans Sirene, on retient comme création pour satisfaire au concept harmonisé : (i) les créations brutes , créations d'entreprise correspondant à la création de nouveaux moyens de production (il y a nouvelle immatriculation dans Sirene) ; (ii) les réactivations , cas où l'entrepreneur (il s'agit en général d'un entrepreneur individuel) reprend une activité après une interruption de plus d'un an (il n'y a pas de nouvelle immatriculation dans Sirene mais reprise de l'ancien numéro Siren) ; (iii) les reprises par une entreprise nouvelle de tout ou partie des activités et moyens de production d'une autre entreprise (il y a nouvelle immatriculation dans Sirene) lorsqu'il n'y a pas continuité de l'entreprise reprise . On considère qu'il n'y a pas continuité de l'entreprise si parmi les trois éléments suivants concernant le siège de l'entreprise, au moins deux sont modifiés lors de la reprise : (a) l'unité légale contrôlant l'entreprise, (b) l'activité économique et (c) la localisation. Depuis les données relatives à janvier 2009, les statistiques de créations d'entreprises incluent les demandes d'immatriculation avec le statut d'autoentrepreneur enregistrées dans Sirene. Ce dénombrement n'inclut pas les entrepreneurs déjà en activité avant le 1 er janvier 2009 qui demandent, à titre dérogatoire au plus tard le 31 mars 2009, à bénéficier du régime microsocial et du versement fiscal libératoire en 2009.

** Champ (INSEE) : créations d'entreprises de l'ensemble des activités marchandes non agricoles (champ ICS). Ce champ inclut à partir du 1 er janvier 2009 les sociétés civiles et les activités financières, les activités de location de biens immobiliers et des catégories juridiques marginales dont certains établissements publics administratifs.

(1) Ensemble des réactivations et des reprises, ce qui tend à légèrement majorer les données par rapport au périmètre INSEE mentionné supra .

(2) Immatriculations de sociétés seulement.

(3) Hors données relatives à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

(4) Hors données relatives à Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

3- Les entreprises publiques locales (EPL) dans les DCOM

Au 1 er Juin,

2013-2014

Nombre d'EPL
(dont SEM),

Juin 2014

Évolution 2013-2014

Effectifs

juin 2014

Effectifs pour 1000 hab*,

2014

Chiffre d'affaires, en M €, Juin 2014

CA / EPL (moyenne) M. €,

2014

Logements gérés

juin 2014

En %
total Logements**

Guadeloupe

5 (4)

0

353

0,9

155,1

31

19 073

9 %

Guyane

6 (5)

+ 1

397

1,6

128,6

21,4

12 417

16,3 %

Martinique

11 (10)

+ 1

646

1,7

99,7

9,1

10 118

5 %

La Réunion

30 (21)

+ 3

2 696

3,2

426,8

14,2

39 487

12 %

Mayotte

2 (2)

0

310

1,4

124,5

62,3

1 514

2,5 %

5 DOM

54 (42)

+ 5

4 402

2,1

934,7

17,3

82 609

9,5 %

Métropole

1 117 (912)

+ 61

52 274

0,8

10 618,9

9,5

432 923

1,3 %

France, périmètre INSEE

1 171 (954)

+ 66

56 676

0,9

11 553,6

9,9

515 532

1,5 %

Saint-Martin

1 (1)

0

15

0,4

101,8

101,8

10 467

61,8 %

St-Barthélemy

0 (0)

0

0

0

0

0

0

0

St-P.-et-Miquelon

4 (4)

0

228

37,4

4

1

0

0

Polynésie française

14 (14)

0

1 839

6,8

440,4

31,5

1 033

1,2 %

N-Calédonie

23 (23)

+ 1

1 596

6

224,2

9,7

10 968

13,4 %

W.-et-Futuna

1 (1)

0

200

16,5

10,6

10,6

0

0

6 COM

43 (43)

+ 1

3 878

6,5

781

18,2

22 468

11,3 %

11 DCOM

97 (85)***

+ 6

8 280

3,1

1 715,7

17,7

105 077

9,8 %

France entière

1 214 (997)

+ 67

60 554

0,9

12 334,6

10,2

e :

538 000

*****

1,6 %

Ratio DCOM / France entière****

8 %
(8,5 %)

9 %

13,7 %

3,4#

13,9 %

1,7#

19,5 %

6,1#

Sources : Fédération des EPL, octobre 2014 et avril 2015 : estimations .

# Lecture : les effectifs des EPL sont, Outre-mer, 3.4 fois plus nombreux qu'en métropole par rapport à la population. Le CA, en moyenne, de chaque EPL est 1,7 fois plus important que la moyenne métropolitaine. Les EPL des DCOM gèrent proportionnellement 6,1 fois plus de logements que les EPL de l'Hexagone.

* Estimations de la population au 1 er janvier 2014.

** Nombre de logements : estimations en 2012. Ces estimations de proportions sont donc légèrement surestimées.

*** 99 EPL au 1 er Mars 2015 sur un total national de 1 220 (soit 8,1 %) ; projets d'EPL : 23 (12 dans l'Océan Atlantique ; 9 dans l'Océan Indien ; 2 dans l'Océan Pacifique) sur un total national de 181 (soit 12,1 %).

**** Rappel : les onze DCOM représentent 4,1 % de la population française totale en 2014.

***** Mars 2015 : 534 125 logements gérés.

Jean-Pierre Gosse, Associé de la société d'audit, d'expertise et de conseil BDO International

Les entreprises du Pacifique Français

Qu'il est loin le temps du mythe du bon sauvage et pourtant qu'il demeure en bien des aspects présent dans les esprits. Le Pacifique demeure, dans l'imaginaire, l'endroit du bon vivre, de la nonchalance et de la facilité. Si Polynésie française et Nouvelle-Calédonie continuent de véhiculer ce parfum d'Éden, il apparait nettement que ces territoires forts d'un art de vivre auquel ils sont attachés et dont ils sont jaloux, ne sont pas, naturellement, des paradis pour entrepreneurs.

On fait souvent référence aux spécificités des communautés d'outre-mer du Pacifique. C'est un fait indiscutable : ces territoires de la République française doivent être appréciés et compris à l'aune des particularités qui les façonnent.

Les entreprises du Pacifique se distinguent sous de nombreux aspects de leurs consoeurs métropolitaines et sans doute n'est-il pas inutile de donner un éclairage sur ces particularités et sur les difficultés qu'elles engendrent.

Cette différentiation trouve d'abord sa source dans l'environnement dans lequel se développent ces entreprises. On ne peut utilement parler des territoires du Pacifique sans intégrer au préalable leurs réalités géographiques : l'éloignement de la métropole tout d'abord. C'est un lieu commun, mais il faut bien comprendre que cet éloignement est une contrainte qui va peser sur les entreprises, leur organisation et leur fonctionnement.

Ce sont en outre des territoires insulaires. Les distances les séparant des continents porteurs de marchés ou sources d'approvisionnement vont bien évidemment peser sur les structures des comptes d'exploitation comme des équilibres bilanciels.

Enfin, et ceci plus spécifiquement pour la Polynésie, il faut prendre en compte l'éparpillement du marché intérieur. La Polynésie est pour nos entreprises un marché d'une étendue proche de celle de l'Europe, mais avec des discontinuités territoriales très importantes. Même si la distance est la même, la problématique d'une livraison de Papeete à Bora Bora n'est pas la même que celle d'une livraison de Paris à Tours. Pour finir, bien qu'il soit usuellement fait référence aux territoires français du Pacifique, sans doute n'est-il pas inutile de rappeler que 4 600 kilomètres d'océan les séparent.

L'environnement administratif et réglementaire constitue une deuxième particularité. Les territoires du Pacifique bénéficient d'une large autonomie de gestion. De ce fait en de très nombreux domaines, pour ne pas dire quasiment tous, les entreprises du Pacifique se développent dans des réglementations fiscales, sociales et économiques qui sont propres à ces territoires. En particulier, sur le plan fiscal, il est temps de tordre le cou à la croyance d'une Polynésie paradis fiscal... le taux marginal de l'impôt sur les sociétés peut actuellement atteindre 57 %, même s'il sera normalement ramené à 50 % à compter de l'an prochain. La pression fiscale directe sur les entreprises est d'autant plus forte que celles-ci, contrairement à leurs homologues métropolitaines, ne bénéficient que de peu de mesures fiscales de modération de base : pas de crédits d'impôts, CICE ou CIR, ni autres mesures dont bénéficient les entreprises métropolitaines mais qui ne trouvent pas à s'appliquer du fait de l'autonomie fiscale de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.

L'environnement monétaire et financier diffère également, avec une monnaie commune mais spécifique : le franc Pacifique (XPF ou Franc Communauté Française de Pacifique datant de 1945). Cette particularité a pour conséquence directe que les entreprises des deux territoires sont considérées comme « hors place » par les établissements bancaires métropolitains. Leur financement se fera donc pour l'essentiel auprès des établissements bancaires locaux, structures de taille réduite, soumises aux règles prudentielles de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) comme tout établissement de crédit français, ce qui bien évidemment n'est pas sans incidence sur l'offre de crédit et son coût : de 2,4 à 1,4 points de taux supplémentaires selon la nature des crédits.

Dans ce contexte particulier on peut observer de nombreux points communs au tissu entrepreneurial des territoires français du Pacifique :

- une vitalité apparente, avec de nombreuses créations mais également de très nombreuses disparitions laissant, surtout en Polynésie, un solde de croissance très faible voire quasi-nul et encore est-il vraisemblable, au vu de la très forte domination des créations sous forme d'entreprises individuelles sans création d'emploi salarié que cette pseudo vitalité ne soit qu'une des tentatives de réponses à la défaillance du marché de l'emploi ;

- une très forte domination du secteur tertiaire avec près de 70 % du stock, phénomène qui tend à s'accroître, surtout en Polynésie, le pourcentage de la Nouvelle-Calédonie étant en la matière très comparable à celui de la métropole ;

- un capitalisme essentiellement local, contrairement à une idée répandue, les entreprises y sont détenues par des investisseurs locaux et non par des groupes métropolitains. Si les grandes enseignes françaises et dans une moindre mesure internationales sont présentes c'est le plus souvent, en dehors du secteur réglementé, par le biais de franchises ou d'accords de représentation.

Corollaire de ce qui précède mais également de l'étroitesse des marchés locaux (moins de 280 000 habitants pour chaque territoire) et des marchés à l'exportation, très difficiles d'accès ne serait-ce qu'en raison des distances et des coûts, les entreprises des territoires français du Pacifique sont des PME, voire pour une grande majorité des TPE.

Marchés étroits, surfaces capitalistiques restreintes, marché du crédit limité, éloignement des marchés et des ressources extérieures, tout cela n'est pas sans effet sur les comptes d'exploitation, les équilibres financiers et finalement les possibilités de développement des entreprises.

Quel que soit le secteur d'activité, les entreprises des territoires du Pacifique présentent par rapport à leurs homologues métropolitaines des caractéristiques communes. Ce n'est pas la qualité de la gestion des entrepreneurs qui est en cause. On observe au contraire que les taux de marge et les taux de valeur ajoutée présentés par les entreprises du Pacifique sont au moins comparables, voire fréquemment plus élevés que ceux des entreprises métropolitaines.

En revanche, on observe que d'une manière très générale, le poids des stocks est plus lourd dans le Pacifique qu'en métropole, que les besoins en fond de roulement y sont très sensiblement plus élevés, mais surtout que le niveau d'endettement financier y est sans comparaison possible. Sur les deux territoires, les entreprises présentent des taux d'endettement très significativement plus élevés que ceux des entreprises métropolitaines, avec parfois des rapports de comparaison de 1 à 10 notamment au détriment des entreprises polynésiennes.

Ce dernier point, conséquence directe tout à la fois du niveau des fonds propres investis en raison de l'étroitesse du capitalisme local et de la faiblesse des résultats nets des entreprises, ne peut qu'être inquiétant pour leurs possibilités futures de développement et d'investissement en l'absence de toute mesure d'accompagnement.

Flavie Denais, Cluster Avenir Export de Nouvelle-Caldéonie

La capacité de projection à l'export des entreprises
de Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie est un territoire français d'outre-mer situé dans le Pacifique sud, soit à 1 500 km à l'est de l'Australie et à 1 700 km au nord de la Nouvelle-Zélande. Elle est constituée d'une île principale, la Grande Terre, et de plusieurs dépendances, qui représentent une surface totale de 18 585 km².

En 2014, a été recensée une population de 268 767 habitants, soit depuis 2009 un accroissement démographique de 1,8 % par an. 19 ( * )

Sa zone économique exclusive est de 1 422 543 km2, soit près de 13 % du total de la ZEE française , la deuxième plus importante pour un territoire français après celle de la Polynésie française et la neuvième d' Océanie .

Ainsi, après la Papouasie-Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie représente la troisième île en importance du Pacifique sud. Située en outre à quelque 18 000 km de la Métropole, elle fait partie de l'un des trois territoires français du Pacifique, avec la Polynésie française et Wallis-et-Futuna.

La Nouvelle-Calédonie au coeur de sa région

1. État des lieux opérationnel de l'export en Nouvelle-Calédonie

a) La Nouvelle-Calédonie : la région la plus industrialisée de France

Estimé à 3 millions de francs CFP (25 140 €) par habitant en 2009, le PIB par habitant est très loin devant celui des autres économies insulaires du Pacifique sud et de l'outre-mer français. Le territoire se situe en richesse créée par habitant entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie et au niveau moyen observé dans les pays européens.

De nombreux indicateurs démontrent qu'a émergé, vers le milieu des années 1990, une nouvelle économie calédonienne caractérisée par un appareil productif, hors nickel, relativement intégré et diversifié, compte tenu de la taille de l'économie et des contraintes géoéconomiques, qui contribue de manière stable au PIB (7 % par an).

Le législateur calédonien s'est doté de mesures de protections réglementaires afin de sauvegarder les avantages concurrentiels de son territoire et de préserver les consommateurs.

La cartographie du tissu économique calédonien laisse apparaître des entreprises dont la structure est identique à celle de l'Europe avec 85 % de PME-TPE.

En 2010, 2 600 entreprises sont inscrites au Répertoire d'identification des entreprises et des établissements (RIDET) au titre des industries manufacturières. Initialement les petites et moyennes industries (PMI) exerçaient une activité de transformation pour la satisfaction du marché local, puis pour l'exportation.

C'est pourquoi après avoir enregistré une croissance économique soutenue en moyenne à plus de 4 % par an depuis une vingtaine d'années et après l'achèvement de la construction de deux nouvelles usines métallurgiques de traitement du nickel, les entreprises calédoniennes doivent maintenant trouver de nouveaux relais de croissance.

b) Un tissu économique mature pour l'export

La dernière étude de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, menée en 2014 auprès des industries de la Nouvelle-Calédonie, à la demande des organisations patronales du territoire 20 ( * ) , a permis de mettre en avant que 17 % des industries hors nickel ont déjà une démarche à l'export.

Pour aller plus loin dans l'analyse, ces industries représentent en moyenne 6 % des exportations de la Nouvelle-Calédonie.

Unité : million de francs CFP - Source : Direction Régionale des Douanes

S'agissant des entreprises et de leur développement économique à l'international, nous pouvons citer comme exemple concret, le cas des entreprises suivantes :

- Sun Ray qui est spécialisée dans la fabrication de chauffe-eau solaires et qui exporte 70 % de sa production annuelle.

Troisième fabricant mondial de chauffe-eau solaires en acier inoxydable qualité marine, la société dispose d'une capacité à innover et à investir depuis 35 ans dans la recherche et le développement.

Elle est représentée à travers vingt pays dans le monde par un réseau de filiales (Australie) et de distributeurs indépendants (Asie, Afrique, Pacifique, Caraïbes et Amérique du sud).

Propriétaire de son ingénierie (brevets, marques..), ses systèmes sont fabriqués en Nouvelle-Calédonie à partir d'éléments de qualité suivant les méthodes les plus rigoureuses de tests et d'études. Tous ses produits sont certifiés par des organismes Français (CSTBAT), Européens (CE), Asie Pacifique (GLOBAL MARK) et mondiaux (Norme ISO 9001-2008).

Elle est aujourd'hui l'une des seules entreprises sur le marché mondial à garantir ses produits pendant dix ans.

- Biscochoc , chocolaterie de Nouméa qui exporte vingt tonnes par an de chocolat vers le Japon.

Cette chocolaterie de 35 ans d'existence est leader sur le marché calédonien. Afin de garantir la qualité de ses produits et leur traçabilité, Biscochoc fut l'une des premières entreprises du marché local à obtenir un agrément sanitaire. Aujourd'hui, cette entreprise sait décliner l'ensemble des gammes de produit depuis la grande consommation jusqu'à la chocolaterie haut de gamme.

Elle exporte depuis plus de vingt ans, au Japon notamment, où elle a su fidéliser sa clientèle. Ses produits sont également présents à Tahiti et au Vanuatu. Elle réalise à l'heure actuelle 1 % de son chiffre à l'export et compte bien s'implanter très prochainement sur les marchés australiens et néozélandais. L'export qui ne représente que quelques containers annuels, lui permet de contrecarrer l'étroitesse du marché local et d'augmenter sa production grâce à des marchés de niche extérieurs.

Cependant, les entreprises engagées sur le marché international, en tant qu'ambassadrices du « je produis calédonien » font face à une concurrence drastique et soutenue. De plus, les entreprises qui montrent aujourd'hui un intérêt pour l'export se heurtent à des démarches qui s'avèrent lentes et complexes.

2. Frein et stratégie des entreprises à l'export

a) Acteur publics et privés sont conjointement en ordre de marche

Loin des préoccupations majeures des industriels et des institutions voilà encore quelques années, la thématique de l'export fait aujourd'hui son chemin dans les mentalités. Politiques ou économiques, les principaux acteurs du dossier travaillent désormais au rayonnement de la Nouvelle-Calédonie à l'international et tout particulièrement dans la zone Asie-Pacifique. Comme le soulignait l'ambassadeur de France à Canberra lors de son déplacement à Nouméa en mai 2015, « il y a aujourd'hui un alignement des planètes favorable à l'export des entreprises calédoniennes et à l'intégration économique régionale de ce territoire ».

Même si les entreprises de Nouvelle-Calédonie sont déjà présentes sur le marché international, l'export est un phénomène nouveau pour le territoire, qui doit maintenant construire ses outils de développement institutionnel à l'international pour faciliter les entreprises dans leur développement.

Ainsi, dans son engagement à développer et valoriser son savoir-faire à l'international, la Nouvelle-Calédonie a créé en début d'année un groupe de travail dédié notamment à l'identification et à la levée des freins à l'export. Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a rappelé dans son discours de politique générale en avril 2015. L'ouverture d'un guichet unique, visant notamment à informer les entreprises sur les dispositifs d'aides, fait partie des mesures phares proposées par le groupe de travail.

Afin d'agir en amont et d'aller encore plus loin dans la démarche d'accompagnement pour donner un réel essor à l'export calédonien, il a été annoncé aux European Cluster Days qui se sont tenus en mars dernier à la Parlement Européenne, la création du Cluster Avenir Export. Premier cluster de France dédié à l'export, Avenir Export est classé parmi les clusters de nouvelle génération. En tant que véritable outil de mise en relation, de diffusion d'informations, d'accompagnement et de conseil opérationnel, Avenir Export s'est fixé comme principaux objectifs indispensables à la réussite de la Nouvelle-Calédonie à l'export :

- de fédérer les industries et les services liés à l'export qui souhaitent développer leurs activités ;

- de mener des actions concrètes pour lever les freins existants (logistique, démarches administratives et institutionnelles, communication, formation des entrepreneurs...) ;

- de préserver l'attractivité de notre tissu économique qui permet de nous différencier afin de conserver nos avantages concurrentiels.

b) Des atouts à valoriser, au travers d'un réseau économique régional

Lors des participations aux foires et aux salons internationaux, l'engouement pour les stands calédoniens a montré que nos produits et nos services ont un véritable potentiel à l'export.

Si l'industrie calédonienne peut faire valoir un véritable savoir-faire, elle dispose aussi d'un atout géographique majeur : l'appartenance à l'ensemble mélanésien. Un avantage de poids face aux importations australiennes et chinoises omniprésentes. En effet, au-delà de l'envie de consommer démontrée par les visiteurs sur les salons et foires régionaux, les proximités culturelles et les velléités locales d'émancipation et de croissance permettent de tisser des liens.

À titre d'exemple c'est dans ce contexte que s'est déroulée, fin novembre 2014, la deuxième foire commerciale organisée par le Groupe du fer de lance mélanésien (GFLM), un événement auquel Fidji, le Vanuatu, les Iles Salomon et la Nouvelle-Calédonie ont participé.

Cette expérience récente vécue par la société calédonienne Pacome spécialisée dans la fabrication d'aérosols à Port-Moresby, la capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, a ouvert de nouvelles perspectives, témoignage d'Éric Chevrot, Gérant de la Société Pacome :

« Nous avons eu pendant deux jours un aperçu du potentiel que représente la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour les PME calédoniennes. Il existe assurément des possibilités de s'insérer dans une économie en plein boom, que ce soit en exportant vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée ou, pourquoi pas, en installant des usines de production sur place. Tout ceci est évidemment à prendre avec beaucoup de retenue et de mesure. Pour avoir des résultats, nous aurons beaucoup de travail à faire, mais il existe un réel potentiel. Et dans cette perspective, faire partie du GFLM est primordial ! L'export est une montagne qu'il nous faut gravir mais l'ascension sera facilitée par cette appartenance. [...] il est important de rappeler que l'industrie se situe dans le domaine économique et non politique. Développer l'industrie, c'est fixer les compétences et fixer la richesse dans notre pays ».

3. Perspectives de développement des entreprises à l'export

a) Un enjeu de croissance

Sans revenir sur les impacts positifs du commerce international au niveau du PIB et de l'emploi, l'export est le signe d'une économie compétitive, qui fabrique de bons produits au meilleur coût. En effet, la croissance économique par les exportations repose sur l'idée qu'un accroissement de la production dans le secteur des biens d'exportation génère, en particulier dans le secteur manufacturier, des économies d'échelle statiques et dynamiques qui abaissent les coûts de production et qui se transmettent à l'ensemble de l'économie pour donner un taux de croissance plus élevé. Ces gains de productivité peuvent se rencontrer au niveau des produits et des entreprises.

L'entreprise exportatrice va pouvoir bénéficier du développement économique et financier d'un autre pays, ce qui implique une croissance au niveau du chiffre d'affaires et une amélioration de sa rentabilité économique. De ce fait, la société sera capable de réguler ses ventes, éventuellement dans le cadre d'une activité saisonnière et gagnera en notoriété aussi bien sur le plan territorial qu'international.

Les entreprises exportatrices se caractérisent souvent par un volume de vente capable de dépasser la saturation du marché intérieur.

Pour aller plus loin, la Nouvelle-Calédonie et ses entreprises se présentent aussi comme étant une plateforme pour la France et l'Europe vers les marchés du Pacifique sud.

b) Passer en mode opérationnel

L'idée est bel et bien d'accroître le volume donc la productivité et la compétitivité des entreprises et de générer ainsi de la marge et du résultat. Un mode de fonctionnement qui permettra également d'investir et de développer un peu plus le marché calédonien créant ainsi un cercle vertueux, les deux marchés se complétant pour développer la croissance.

Citons La Française . C'est une charcuterie industrielle, créée en 1980, qui s'est développée pour être aujourd'hui l'acteur majeur de ce secteur en Nouvelle-Calédonie. Terroir et Tradition, un savoir-faire artisanal au service d'une fabrication semi-industrielle ont été la clef de cette réussite. La qualité des matières premières et les particularités des recettes, le tout dans un environnement technologique haut de gamme ont porté le succès de cette entreprise. La Française est certifiée ISO 22 000 depuis 2010, gage de la sécurité alimentaire des produits fabriqués.

La Française a atteint une maturité qui l'a faite se tourner vers l'export aujourd'hui afin de trouver un relai de croissance face à l'étroitesse du marché calédonien, notamment vers ses voisins : l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cette entreprise finalise en 2015 son projet pour exporter des pâtés et des saucissons fabriqués en Nouvelle-Calédonie. L'objectif initial à un an est d'accroître de 5 % son chiffre d'affaires. Le réseau des distributeurs australiens a déjà marqué un vif intérêt pour les produits de cette société et un rapprochement entre les sociétés a été réalisé.

Le constat est simple : le territoire exporte autre chose que du minerai et des produits issus de l'or vert. L'industrie calédonienne qui s'est construite ces 30 dernières années s'inscrit elle aussi dans le mouvement, tels que les denrées agroalimentaires, les produits du bâtiment et les services.

La présence d'une entreprise industrielle sur cinq à l'export donne un signe fort de la volonté des chefs d'entreprise de donner de l'essor à leur activité et de faire connaître la qualité de leurs produits. C'est aussi une marque évidente de leur confiance dans le savoir-faire productif de l'archipel.

L'aspect formation ne sera pas à négliger non plus. Il convient de travailler à :

- la formation des chefs d'entreprise qui ne disposent pas toujours des compétences nécessaires pour se tourner vers l'extérieur ou des services appropriés dans leurs petites entreprises ;

- la formation aussi de l'administration et des politiques pour aboutir à une dynamique commune sur le terrain, en intégrant, lors des déplacements officiels menés à l'étranger par des formations politiques ou des représentants d'institution, des chefs d'entreprise désireux de présenter leurs produits avec le soutien affiché et la confiance du territoire.

Chacun en a conscience : le plan est ambitieux. Mais l'export est désormais une nécessité pour la croissance calédonienne et un projet qui ne peut qu'apporter plus de sérénité à l'économie locale.

Nous étions trois, nous fûmes dix, nous sommes trente, nous serons cent dans l'année... !!

Général Philippe Loiacono, Commandant du Service militaire adapté (SMA)

Le SMA représente un atout incontestable pour les entreprises du Pacifique, car il codétient une richesse indispensable : la jeunesse. Il s'agit d'un dispositif militaire d'insertion professionnelle réservé aux ultramarins de 18 à 25 ans, relevant de la tutelle du ministère des outre-mer. Notre matrice est simple : faciliter l'inclusion dans la vie active de ces jeunes, en répondant à leurs aspirations, sans perdre de vue que nous devons les insérer dans les entreprises du secteur marchand. Pour cela, nous disposons du triptyque suivant :

- « militarité », qui couvre la force de l'exemple, l'affermissement des forces morales, la réappropriation de sa propre personne et surtout la capacité à retrouver la confiance ;

- globalité, car nous agissons sur l'acquisition de compétences sociales et professionnelles, en vue d'obtenir un emploi ;

- employabilité, qui découle des deux premiers principes.

Au SMA, le potentiel est avant tout humain. Nous ponctionnons 12 % d'une classe d'âge, soit environ 600 jeunes par régiment. En Nouvelle-Calédonie, 42 % d'entre eux sont des femmes, pour 26 % en Polynésie.

À l'armée, seule la compétence compte, peu importe le sexe. Tout le monde est donc logé à la même enseigne. Les jeunes femmes disposent toutefois de chambres dédiées et de barèmes différents pour les épreuves sportives. Quoi qu'il en soit, ces taux de féminisation reflètent la mixité des métiers. Ainsi, d'autres territoires présentent des taux plus faibles, car les chefs d'entreprise sont encore réticents à l'idée de travailler avec des femmes.

L'ensemble de nos jeunes sont illettrés à plus de 40 %, ce qui ne les empêche pas de réussir, grâce à vous.

Notre outil est également reconnu par les collectivités et les chefs d'entreprise, en partie grâce à nos plateaux pédagogiques astucieux.

En termes d'ingénierie de formation, nous délivrons des attestations de formation professionnelle (AFP), des certificats de qualification professionnelle (CQP), des permis ou encore des certificats d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES), en pratiquant systématiquement le sur-mesure.

Nous vous offrons ainsi des jeunes fiables, sérieux, volontaires et assidus, à qui sont rappelées en permanence les cinq règles d'or :

- être à l'heure ;

- porter sa tenue ;

- travailler en équipe ;

- respecter son chef ;

- et respecter son outil de travail.

Cela nous permet d'obtenir des résultats probants : un taux d'insertion de 77,4 %, dont 47,7 % dans l'emploi durable. Afin de garantir cette durabilité, nous avons établi un partenariat gagnant-gagnant avec les entreprises, ce qui souligne la pertinence de notre action. Ce dynamisme s'observe au travers de notre écoute, pour rester en cohérence permanente avec les métiers en tension et ainsi coller aux besoins du marché du travail.

Je souhaite simplement vous remercier. En effet, l'embauche de nos jeunes assurera la réussite future de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie. Nous disposons par ailleurs d'aides-moniteurs diplômés que vous pouvez embaucher dans vos entreprises. Ils ne vous décevront pas. Ils sont jeunes, donc susceptibles de commettre des erreurs, mais je vous renvoie à votre propre jeunesse.


* 8 Cf. art. 214 de la loi n°2015-992 du 17 Août 2015.

* 9 Si l'on additionne les surfaces maritimes et terrestres de chaque pays, la France (41 ème pays par sa superficie terrestre) devient alors le sixième pays le plus vaste du monde, avec 11,7 millions de km², -Mkm 2) derrière la Russie (24,6 Mkm²), les États-Unis (21 Mkm²), l'Australie (15,8 Mkm²), le Canada (15,8 Mkm²) et le Brésil (12,2 Mkm²), mais devant la Chine (10,5 Mkm²) et l'Inde (5,6 Mkm²).

* 10 Mais le Danemark a dépensé presque deux fois plus que la France, de 2003 et 2009, pour son programme de recherches pour l'extension de son plateau océanique. Par rapport à la population, les écarts sont encore plus importants : dix-sept fois plus ; il en est de même si l'on compare ces dépenses par km² de ZEE : le Danemark a fait un effort six fois supérieur à celui de la France...

* 11 La France vient d'ores et déjà d'étendre son domaine maritime de plus de 500 000 km² au large de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Kerguelen (TAAF) en vertu de quatre décrets (n° 2015-1180 à 2015-1183 du 25 septembre 2015).

* 12 66,8 % en incluant la ZEE de l'atoll de Clipperton.

* 13 En ce qui concerne les équipements, alors que le nombre de bâtiments déployés outre-mer avait déjà diminué de 20 % sur la période 2000-2012, il est à craindre que l'allégement prévu du dispositif (baisse du nombre de patrouilleurs), ne fragilise la capacité de la France à préserver sa souveraineté.

* 14 Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut national de recherche agronomique (Inra), Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

* 15 Soit le niveau de la Chine en 1998 (1,98 % en 2012) ; en 2010 : 2,09 % à Singapour, 1,16 % au Brésil, 0,84 % en Turquie, 0,61 % à Cuba, 0,48 % au Mexique, 0,46 % en Roumanie. Région Champagne-Ardenne : 0,80 %.

* 16 Il précisait, entre autres, que « l'objectif général d'assurer au plus tôt l'autonomie énergétique des DOM/COM conduira à faire des outre-mer la vitrine française des énergies renouvelables marines ».

* 17 Selon l'ADEME, le grand intérêt de l'ETM réside dans le fait que l'énergie produite est exploitable toute l'année, nuit et jour, et apparaît comme une alternative envisageable aux énergies fossiles.

* 18 Un autre usage thermique consiste ainsi à utiliser l'eau proche de la surface comme source de chaleur pour des installations de chauffage/climatisation par pompe à chaleur ( Sea Water Air Conditioning -SWAC).

* 19 Source : Institut de la statistique de Nouvelle-Calédonie - ISEE.

* 20 CGPME, MEDEF et Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie (FINC).

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