N° 454

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 avril 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur l' accessibilité des établissements recevant du public , des transports publics , des bâtiments d' habitation et de la voirie pour les personnes handicapées ,

Par M. Jean-Pierre VIAL,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Jacqueline Gourault, présidente ; MM. Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger, v ice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Stéphane Mazars, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau, Alain Richard et Jean-Pierre Vial .

AVANT-PROPOS

La délégation aux collectivités territoriales a consacré depuis 2010 des travaux divers, approfondis et convergents à la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Quatre rapports d'information ont abordé cette problématique, dont un rapport de Claude Belot qui lui a été spécifiquement consacré à la demande du président du Sénat, en février 2011. Il faut également rappeler, en dehors du cadre de la délégation, les travaux de certains de ses membres, en particulier le rapport consacré en 2011 par Éric Doligé à la simplification des normes applicables aux collectivités locales.

À la suite des états généraux de la démocratie territoriale d'octobre 2012 qui ont donné aux élus locaux l'occasion d'insister sur la nécessité de desserrer un étau normatif peu compatible avec la liberté d'administration, la mission a été confiée par le nouveau président du Sénat au président de la commission des lois et à la présidente de la délégation aux collectivités territoriales d'élaborer une proposition de loi afin de mettre en place une institution ayant pour mission de contrôler l'ensemble des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. C'est l'origine de la loi du 17 octobre 2013, qui substitue à la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) le conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, doté d'une compétence élargie et de pouvoirs renforcés.

Au-delà du renforcement nécessaire du cadre institutionnel, il entrait dans la vocation de la délégation de s'attaquer directement à la complexité normative. C'est pourquoi elle a décidé de travailler sur le volet accessibilité de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui présentait la triple caractéristique d'énoncer des objectifs très ambitieux, de comporter des textes d'application minutieux et souvent absurdes, d'enserrer la mise en oeuvre de l'ensemble dans un calendrier irréaliste sous la menace latente d'un dispositif de sanctions vigoureux. Les échéances se rapprochant, il était naturel que la délégation se saisisse prioritairement de ce dossier difficile.

En fonction de ce contexte, le présent rapport d'information tente d'établir ce que pourrait être, du point de vue des collectivités territoriales - qui est aussi mutatis mutandis celui de tout maître d'ouvrage ou gestionnaire public ou privé - le point d'équilibre souhaitable entre les différents intérêts légitimes en jeu, l'accès de tous les handicapés étant et restant le premier de ces intérêts.

Bien évidemment, la contrainte financière qui pèse de plus en plus sur les collectivités territoriales est l'un des éléments à prendre en compte pour construire cet équilibre. Nier ou taire ce facteur débouche sur des options inapplicables. La situation dégradée des finances locales et la crédibilité de la parole politique ne le permettent pas. D'autres éléments sont à prendre en compte, ils seront évoqués dans les développements qui suivent.

Ce que l'on peut en retenir, dans ce propos liminaire, est que toute l'expérience de l'application de la loi, de 2005 jusqu'à aujourd'hui, suggère, derrière la générosité de la visée, la fragilité des fondements conceptuels et méthodologiques sur lesquels elle a été bâtie.

Il fallait donc revoir l'ensemble du cadre juridique, sans toucher à l'essentiel qui est l'accès des personnes handicapées aux établissements et aux équipements dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l'ensemble du public.

Ce travail a été entrepris par le Gouvernement sur une vaste échelle, et a été conduit à bonne fin. Pourtant, les questions de principe n'ont pas été posées, ou bien elles l'ont été de façon tacite pour recevoir des solutions embryonnaires.

Dans ces conditions, la poursuite de la mise en oeuvre de l'accessibilité dans des conditions d'efficacité optimale n'apparaît pas vraiment assurée. L'objet du présent rapport est d'identifier - du point de vue des collectivités territoriales mais cela profitera à tous - quelques voies significatives d'approfondissement.

I. LA LOI DE 2005

Les développements qui suivent brossent à grands traits l'économie de la loi du 11 février 2005, telle qu'elle ressort de la large palette d'entretiens conduits par votre rapporteur lors de la préparation du présent rapport.

A. UN PROGRAMME AMBITIEUX

1. Les principes

La loi de 2005 a été fondée sur le principe de l'accès universel, énoncé dans son article 41 et codifié à l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation (CCH) : « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique (...) » .

Les articles suivants précisent les conséquences de l'accès universel en ce qui concerne le cadre bâti (locaux d'habitation à construire et établissements recevant du public [ERP] existants ou à construire), en ce qui concerne les services de transports collectifs et en ce qui concerne la voirie et les espaces publics. Ainsi les ERP doivent-ils « être tels que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les parties ouvertes au public » (art. L. 111-7-3 du CCH). La loi de 2005 pose aussi le principe selon lequel la « chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite » (art. 45). Puis, la loi énonce les obligations pesant sur les pouvoirs publics en matière de services de transport collectif ainsi que de voirie et aménagements des espaces publics.

L'approche adoptée dans la loi de 2005 est tendanciellement plus ambitieuse que la « conception universelle » stipulée à l'article 2 de la convention relative aux droits des handicapés élaborée par l'ONU en 2006 : « On entend par « conception universelle » la conception de produits, d'équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale. ». La loi de 2005 fixe, en tout état de cause, des objectifs beaucoup plus rigoureux que ceux que retient en matière d'accès aux lieux de travail la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail relative à la prévention des discriminations dans le travail. L'article 5 de ce texte, consacré aux « Aménagements raisonnables pour les personnes handicapées » , dispose qu' « afin de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus.

Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée » .

Si les dispositifs institués en fonction des objectifs maximalistes de la loi de 2005 ont été bien acceptés par les maîtres d'oeuvre d'ERP à construire 1 ( * ) , s'ils ont été compris à plusieurs réserves près en ce qui concerne les bâtiments d'habitation à construire, ils posent en revanche de nombreux problèmes pratiques et financiers en ce qui concerne le rattrapage imposé aux ERP existants et en matière de transports, et font l'objet d'une critique réitérée, spécialement de la part d'élus locaux dont le souci de l'intérêt général ne peut être mis en doute.

En fin de compte, il semble que la loi du 11 février 2005 a été conçue en réaction aux insuffisances de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, qui n'a guère été suivie d'effet en ce qui concerne l'accès des personnes handicapées aux institutions ouvertes à l'ensemble de la population. C'est pourquoi elle entérine une conception très volontariste, pour ne pas dire constructiviste, de l'engagement de la société auprès des personnes handicapées. En ce sens, c'est une loi fondatrice, empreinte d'une charge politique et émotionnelle que l'on ne peut méconnaître à l'approche des échéances prévues pour l'aboutissement des opérations de rattrapage qu'elle prescrit.

2. Les mesures d'application

Les mesures d'application de la loi de 2005, dont la publication n'est pas encore terminée, posent trois séries de problèmes : d'une part, elles portent essentiellement sur le « handicap fauteuil », d'autre part, elles revêtent un caractère pointilleux dont un rapport de trois inspections générales (conseil général de l'environnement et du développement durable, inspection générale des affaires sociales et contrôle général économique et financier), rendu public fin 2012, relève ainsi la superposition cumulative : « les circulaires d'application comprennent des annexes illustratives destinées à éclairer les choix des décideurs et des experts, qui comprennent parfois des conseils allant au-delà des normes définies par les arrêtés. Dans la mesure où ces circulaires ont les mêmes signataires que les arrêtés, et ont de ce fait valeur réglementaire, cela provoque une amplification de la norme, selon un esprit de précaution qui n'apparaît pas souhaitable ».

Le rapport sur l'ajustement de l'environnement normatif issu des travaux de la concertation présidée par la sénatrice Claire-Lise Campion en donne un exemple en relevant la nécessité de mettre en cohérence l'obligation de créer des places de stationnement adaptées dans les parkings souterrains avec l'absence d'obligation d'installer un ascenseur dans les bâtiments d'habitation de trois étages ou moins : une personne en fauteuil roulant, note le rapport, peut utiliser la place de stationnement adaptée mais ne peut sortir du sous-sol pour rejoindre son logement situé au rez-de-chaussée.

3. L'environnement administratif

L'article 45 de la loi de 2005 a institué deux outils de programmation pour accompagner la mise en accessibilité. Tout d'abord, elle a prévu l'élaboration, dans les trois ans à compter de sa publication, d'un schéma directeur d'accessibilité des services de transport public (SDA), ceux-ci devant être rendus accessibles dans un délai de dix ans après la promulgation. Elle a, par ailleurs, instauré un plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (PAVE).

Dans chaque commune et à l'initiative du maire : « Ce plan fixe notamment les dispositions susceptibles de rendre accessible (...) l'ensemble des circulations piétonnes et des aires de stationnement d'automobiles situées sur le territoire de la commune. / Ce plan de mise en accessibilité fait partie intégrante du plan de déplacements urbains quand il existe. »

L'article 46 de la loi a créé, au niveau communal, une instance dédiée à l'accessibilité : « Dans les communes de 5 000 habitants et plus, il est créé une commission communale pour l'accessibilité aux personnes handicapées, composée notamment des représentants de la commune, d'associations d'usagers et d'associations représentant les personnes handicapées. / Cette commission dresse le constat de l'état d'accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports. Elle établit un rapport annuel présenté en conseil municipal et fait toutes propositions utiles de nature à améliorer la mise en accessibilité de l'existant. » La commission doit être intercommunale quand l'intercommunalité dispose des compétences en termes de transports et d'aménagement du territoire.

Cet encadrement est essentiellement procédural. Comme c'est souvent le cas, les moyens concrets d'encadrer et de sécuriser la démarche n'ont guère été prévus.

Ainsi, si la loi a disposé que le processus de mise en accessibilité serait enclenché par l'établissement de diagnostics analysant la situation des établissements au regard des textes applicables et présentant une estimation du coût des travaux nécessaires, rien n'a été fait pour assurer la compétence des experts, supposés dépasser le simple contrôle de la règlementation applicable pour proposer des conseils de mise en conformité et effectuer une juste estimation du coût des travaux. De même, alors que des dérogations ont été prévues, de façon assez restrictive, dans le dispositif législatif relatif à l'accessibilité des ERP, leurs mises en oeuvre n'ont pas été pensées.

À titre d'illustration, parmi les motifs de dérogation susceptibles de dégager un maître d'ouvrage ou un gestionnaire d'ERP de ses obligations, figure l'hypothèse d'une disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences - on pense en l'occurrence à la rentabilité ou à la viabilité de l'établissement. Mais comment mesurer ces conséquences ? L'administration, sans doute faute de disposer des moyens d'élaborer sa propre doctrine, a pour ainsi dire délégué à CIC France l'élaboration d'un outil d'aide à la décision des commissions consultatives départementales de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), chargées de rendre un avis conforme sur les demandes de dérogation. Cet outil, qui semble bien fonctionner, a naturellement été conçu à l'intention des commerces. Les maires de petites communes sont, de leur côté, restés démunis face à une administration inclinant à interpréter de façon restrictive la règlementation pointilleuse que l'on sait ; les exemples abondent.

Les CCDSA sont composées de trois représentants de l'État et du maire de la commune concernée par la délibération ainsi que de quatre représentants des associations de personnes handicapées et, selon les affaires traitées, soit de trois représentants des propriétaires et gestionnaires de logements, soit de trois représentants des propriétaires et exploitants d'ERP, soit de trois représentants des maîtres d'ouvrage et gestionnaires de voirie ou d'espaces publics. Leurs pouvoirs les placent au centre de la mise en oeuvre du volet accessibilité de la loi de 2005. Elles émettent en effet des avis sur les dossiers de demandes d'autorisation de construire d'aménager ou de modifier un ERP ; sur les demandes de dérogations concernant la réglementation, que cette demande soit intégrée à une demande d'autorisation de travaux pour un ERP ou qu'elle soit faite indépendamment, dans le cas d'une construction de logements ; après visite d'ouverture des ERP dont les travaux n'ont pas fait l'objet d'une demande de permis de construire. L'hétérogénéité de leur positionnement, et la représentation aléatoire en leur sein de l'ensemble des handicaps ainsi que des représentants du secteur intéressé par tel dossier sont souvent critiquées.

4. Les délais

Ils sont échelonnés entre janvier 2010, pour l'établissement des diagnostics, et février 2015, pour l'accessibilité des transports publics, le délai étant fixé au 1 er janvier 2015 pour les ERP.

D'entrée de jeu, ce calendrier était, d'une part, improbable au vu du stock à traiter et, d'autre part, déraisonnable si l'on examine la différence des démarches en France et dans les autres pays européens.

En ce qui concerne le traitement des dossiers, l'afflux des demandes d'autorisation de travaux ou de dérogation aux règles d'accessibilité auprès des CCDSA demeure problématique.

Selon les chiffres de la Délégation ministérielle à l'accessibilité, chaque CCDSA avait examiné 795 dossiers en moyenne au cours de l'année 2012, avec un minimum de 58 dossiers dans le Territoire de Belfort et un maximum de 3 000 dossiers dans les Bouches-du-Rhône et dans le Nord. Cette capacité de traitement apparaît insuffisante au regard du grand nombre d'ERP non encore accessibles et qui, par conséquent, devront entreprendre des démarches administratives d'ici le 1 er janvier 2015.

À titre d'exemple, la CCI de la Savoie estime que 6 années seront nécessaires afin d'examiner les 5 840 dossiers pendants ou potentiels, constitués par les 9 440 ERP de ce département inscrits au registre du commerce et des sociétés (RCS), à raison de 15 commissions réunies par an et de 50 à 70 demandes traitées par commission. Ce constat est d'autant plus préoccupant que 60% des ERP privés envisagent de déposer une demande de dérogation, selon CCI France.

S'agissant des autres pays européens, si ceux-ci sont très avancés, c'est que l'effort y a été poursuivi pendant plus de 20 ans, personne ne prétendant, comme en France, mener à bien l'accessibilité universelle du neuf et de l'ancien en une dizaine d'années, sensiblement amputées par le délai de production de la règlementation nécessaire.

Comme le constatait le rapport précité des trois inspections générales : « aucun pays n'a pu franchir de telles étapes dans l'accessibilité dans une période aussi courte. Le raisonnement ne vaut bien sûr que pour l'accessibilité physique et ne doit pas dispenser de l'effort nécessaire en faveur des personnes atteintes d'autre type de handicap ».

Plusieurs États européens ont adopté une législation relative à l'accessibilité de manière précoce. Bien avant la loi du 11 février 2005, un cadre législatif a été défini en 1966 pour la Suède, en 1975 pour la Belgique, en 1982 pour l'Espagne, en 1994 pour les Pays-Bas et en 1995 pour le Royaume-Uni.

Ces efforts, engagés plus tôt, étaient d'autant plus susceptibles d'être couronnés de succès que les objectifs fixés étaient réalistes et que la démarche retenue était pragmatique.

Si plusieurs États européens ont énoncé des objectifs généraux dans le cadre d'une loi, une certaine souplesse quant aux mesures d'application a été promue dans les pays nordiques et anglo-saxons. Au Royaume-Uni, la législation a imposé aux employeurs, aux fournisseurs de biens et de services et aux établissements scolaires de mettre en oeuvre des « adaptations raisonnables » ( « reasonable ajustements » ). En Suède, la levée des « obstacles faciles à supprimer » ( « easily removable obstacles » ) dans les bâtiments et les espaces publics a été rendue obligatoire.

Davantage d'importance a également été accordée aux pouvoirs locaux ainsi qu'aux acteurs associatifs dans les États fédéraux et régionaux. En Belgique, la politique d'accessibilité relève principalement des régions et associe étroitement les représentants de personnes à mobilité réduite. En Espagne, les communautés autonomes ont la charge de décliner les orientations nationales en matière d'accessibilité, en édictant des objectifs de performance et des prescriptions techniques.

5. Les sanctions

La loi soumet le respect des obligations d'accessibilité à des contrôles et à des sanctions spécifiques de nature administrative ou pénale.

Ces sanctions se doublent de risques contentieux liés à diverses hypothèses de mise en cause dans les conditions du droit commun de la responsabilité des maîtres d'ouvrage, gestionnaires ou autorités organisatrices.

Tout d'abord, il existe un contrôle a posteriori du respect des règles d'accessibilité. Pour ce qui est du cadre bâti, les maîtres d'ouvrage des bâtiments ou parties de bâtiment nouveaux, des bâtiments ou parties de bâtiments faisant l'objet de travaux, des ERP existants doivent, quand il y a eu permis de construire, fournir à l'autorité qui a délivré le permis une attestation de conformité aux règles d'accessibilité établie par un contrôleur technique ou par un architecte indépendant. Pour les ERP dont les travaux ne font pas l'objet d'un permis de construire, la CCDSA effectue une visite d'ouverture.

Ces contrôles ouvrent la voie à un refus de l'autorisation d'ouverture délivrée aux ERP qui n'est pas sanction administrative à proprement parler. Ils ouvrent aussi la voie à des décisions de fermeture en application de l'article L. 111-8-3-1 du CCH, aux termes duquel « L'autorité administrative peut décider la fermeture d'un établissement recevant du public qui ne répond pas aux prescriptions de l'article L. 111-7-3 », relatives aux obligations d'accessibilité applicables aux ERP existants.

De plus, la collectivité publique doit, en application de l'article L. 111-26 du CCH, exiger le remboursement de la subvention éventuellement accordée pour la construction, l'extension ou la transformation du gros oeuvre du bâtiment en vue de sa mise en accessibilité si le maître d'ouvrage n'est pas en mesure de lui fournir l'attestation de conformité.

En ce qui concerne les sanctions pénales, tout d'abord la méconnaissance des dispositions relatives à l'attestation de conformité est punie de l'amende applicable aux contraventions de 5 e classe, en application de l'article R. 111-19-28 du CCH. Ensuite, l'inobservation des obligations d'accessibilité applicables au cadre bâti est passible d'une amende de 45 000 euros ainsi que d'une peine de prison de six mois en cas de récidive, en application de l'article L. 152-4 du CCH. Cette sanction est applicable à partir du 1 er janvier 2015 aux utilisateurs du sol, aux bénéficiaires de travaux, aux architectes, aux entrepreneurs ou à toute personne responsable des travaux. On notera que la rédaction actuelle de l'article L. 152-4 ne mentionne pas le cas où le propriétaire ou l'exploitant d'un ERP s'abstiendrait d'entreprendre des travaux.

Pour les personnes morales, l'amende est quintuplée, comme le prévoit l'article 131-38 du code pénal. Elle est, en outre, assortie d'une peine d'affichage et de diffusion pas voie de presse ainsi que d'une peine complémentaire d'interdiction à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus d'exercer directement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales.

Notons encore que le refus d'accès à un ERP est d'ores et déjà susceptible de constituer une discrimination à raison du handicap en application des articles 225-1 et 225-2 du code pénal. Ce délit est passible d'une amende de 45 000 euros et de trois ans d'emprisonnement. Signalons à cet égard le fait que les propriétaires d'un cinéma, d'une part, et d'un restaurant, d'autre part, ont été condamnés pour délit de discrimination en raison du handicap après avoir refusé l'accès à leurs prestations à des personnes handicapées.

L'absence de mise en accessibilité d'un ERP peut également être considérée comme une discrimination à l'égard des personnes handicapées exerçant une activité professionnelle.

On complètera ce panorama en évoquant les possibilités, d'ores et déjà existantes, de mettre en cause de la responsabilité pour faute ou sans faute des maîtres d'ouvrage ou exploitants en cas de non-conformité. À titre d'illustration, en application de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 précitée, la loi de 2005, en son article 41, a imposé une obligation d'aménagement des lieux de travail afin qu'ils soient accessibles aux personnes handicapées. Saisi en cassation de la demande d'une avocate atteinte d'un handicap moteur et se trouvant dans la capacité de monter les escaliers des juridictions du ressort de la cour où elle officie, qui ne sont pas toutes équipées pour permettre l'accès des handicapés, le Conseil d'État a reconnu en 2007 la responsabilité sans faute de l'État sur le terrain de l'égalité devant les charges publiques (décision n° 301572 du 22 octobre 2010). Après l'échéance du 1 er janvier 2015, la responsabilité de l'État en raison de l'insuffisance des aménagements destinés à améliorer l'accessibilité des locaux judiciaires aux personnes handicapées à mobilité réduite pourra être engagée sur le terrain de la faute.


* 1 Il existe cinq catégories d'ERP soumis en matière d'accessibilité à des obligations uniformes, à l'exception de ceux de 5 e catégorie. Selon l'article 111-19-8 du CCH, la 1 e catégorie concerne les ERP de plus de 1 500 personnes, la 2 e va de 701 à 1 500 personnes, la 3 e de 301 à 700 personnes, la 4 e concerne les ERP accueillant au maximum 300 personnes, les ERP en dessous de ce seuil, de 5 e catégorie, accueillent en général 100 personnes au maximum, seuil fixé en fonction de l'existence de locaux à sommeil ou de l'étage.

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