B. L'INTERDICTION DES « OPÉRATIONS COMPENSÉES »

L'article 35 de l'avant-projet gouvernemental constituait une reprise des dispositions de la « loi des maxima », introduites pour la première fois par l'article 16 de la loi du 31 décembre 1948 7 ( * ) qui prévoyait une clause de sauvegarde de l'équilibre général du budget. Ce dernier article était rédigé de la manière suivante :

Au cours de l'exercice 1949, aucune mesure législative ou réglementaire susceptible d'entraîner, au-delà des maxima prévus, une dépense nouvelle ou d'accroître une dépense déjà existante ne pourra intervenir sans faire l'objet d'une ouverture de crédits préalable au chapitre budgétaire intéressé et sans qu'aient été dégagées en contrepartie soit des économies, soit des recettes nouvelles d'un montant correspondant 8 ( * ) .

L'application de la « loi des maxima », aussi dite « du cadenas », se faisait de la manière suivante : le ministre des finances déclarait en séance si une proposition parlementaire avait pour conséquence une aggravation des charges publiques ou une diminution des ressources. Il appartenait à la commission des finances de l'Assemblée de se prononcer sur l'applicabilité de la « loi des maxima » lorsque celle-ci était invoquée par le Gouvernement à l'encontre d'une initiative parlementaire . Si la commission des finances confirmait le plus souvent la position du Gouvernement, un conflit pouvait toutefois survenir sur l'applicabilité de la règle invoquée. Ainsi, le 22 juin 1950, Georges Bidault, président du Conseil, avait été amené à poser la question de confiance devant l'Assemblée sur l'application de la « loi des maxima » ; mis en minorité, le Gouvernement avait été contraint à la démission.

Cependant, ce dispositif présentait deux limites. Tout d'abord, il se heurtait aux principes constitutionnels, le Parlement ayant, sur le fondement de l'article 17 de la Constitution de 1946, l'initiative des dépenses 9 ( * ) . Ensuite, la « loi des maxima » permettait des « opérations compensées », notamment dans le domaine des dépenses ; un parlementaire pouvait ainsi proposer une économie en contrepartie d'une dépense.

C'est pour cette raison que le texte soumis à la commission constitutionnelle du Conseil d'Etat les 25 et 26 août 1958 ne faisait plus référence à « une aggravation des charges publiques » mais à « la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Dès lors, une dépense publique nouvelle ne pouvait plus être compensée .


* 7 Cet article résultait de l'adoption d'un amendement déposé à l'initiative de Lionel de Tinguy du Pouët, député de la Vendée.

* 8 Cf. article 16 de la loi n° 48-1974 du 31 décembre 1948 fixant l'évaluation des voies et moyens du budget de l'exercice 1949 et relative à diverses dispositions d'ordre financier. Journal officiel du 1 er janvier 1949, pages 3 et 4 .

* 9 Aussi divers moyens étaient-ils utilisés par les membres de l'Assemblée nationale afin de contourner la limite posée au second alinéa de l'article 17 de la Constitution de 1946, notamment celui consistant à exercer des pressions sur le Gouvernement ou, à partir du vote du budget de 1952, à subordonner le vote du budget au dépôt, par le Gouvernement, d'une lettre rectificative portant augmentation des dotations de certains chapitres budgétaires : le Gouvernement était ainsi contraint à prendre l'initiative des dépenses nouvelles souhaitées par les parlementaires.

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