B. LA BIPARTITION DES LOIS DE FINANCES

Ainsi que cela était indiqué précédemment, la nature particulière des lois de finances - lois de finances de l'année et lois de finances rectificatives - justifie que leur structure soit précisée par la LOLF.

Aussi celles-ci sont-elles divisées en deux parties, en vertu du principe de la bipartition , de manière à ce que la discussion budgétaire soit organisée autour d' un équilibre qui, fixant en fin de première partie l'évaluation des recettes et le montant du solde budgétaire, définit un plafond de dépenses que la seconde partie doit respecter .

En conséquence, un amendement à un projet de loi de finances doit s'inscrire dans la bonne partie sous peine d'être déclaré irrecevable .

Les dispositions des lois de finances de l'année et de finances rectificatives relevant des première et seconde parties sont détaillées dans les tableaux supra (« Domaine et structure des lois de finances de l'année » et « Domaine et structure des lois de finances rectificatives »).

1. Les amendements relevant de la première partie

Dans la première partie figurent, pour l'essentiel, l'autorisation de percevoir les impôts ainsi que les dispositions fiscales qui affectent l'équilibre budgétaire de l'Etat pour l'année à venir.

Ainsi, les amendements parlementaires ayant une incidence sur les ressources de l'Etat pour l'année concernée par le projet de loi de finances examiné - étant entendu qu'il s'agit de l'année à venir pour les projets de loi de finances de l'année et de l'année en cours pour les projets de loi de finances rectificatives - doivent être déposés en première partie . En effet, en diminuant ou en augmentant les ressources de l'Etat, ils sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'équilibre budgétaire - dont la synthèse est retracée dans l'article d'équilibre.

A l'inverse, les initiatives parlementaires qui n'ont pas d'effet sur les ressources de l'Etat pour l'année concernée par le projet de loi de finances en discussion ne peuvent être déposées en première partie , sauf à être déclarées irrecevables. Sous réserve qu'elles relèvent du domaine des lois de finances, celles-ci doivent être déposées en seconde partie.

Afin de déterminer les effets sur l'équilibre budgétaire de l'année d'un amendement parlementaire portant sur les recettes fiscales de l'Etat, il est nécessaire de distinguer l' année de constitution de l'assiette de l'imposition et l' année de paiement de celle-ci. Un amendement n'est, en effet, susceptible d'avoir une incidence sur l'équilibre budgétaire que s'il modifie le niveau de l'impôt payé au cours de l'année concernée .

Dans le cadre d'un projet de loi de finances de l'année, à défaut d'une mention contraire au sein du dispositif, le dispositif proposé par l'amendement est présumé entrer en vigueur à compter de l'année concernée , ce qui implique de s'intéresser aux régimes de recouvrement des différentes impositions. Ainsi, dans le cadre d'un projet de loi de finances pour l'année N :

- s'agissant de l' impôt sur le revenu (IR) , l'imposition payée au cours de l'année N est assise sur les revenus perçus au cours de l'année N-1 ; par conséquent, les amendements portant sur l'assiette ou le taux de l'impôt, qui s'appliqueraient à compter de l'année N sur la base des revenus perçus au cours de l'année N-1, affecteraient les ressources de l'Etat de l'année N, justifiant leur dépôt en première partie. A contrario , un amendement qui préciserait que le dispositif qu'il propose s'appliquerait au titre des revenus de l'année N devrait être déposé en seconde partie ;

- s'agissant de l' impôt sur les sociétés (IS) , l'imposition payée au cours de l'année N est également assise sur les bénéfices perçus au cours de l'année N-1 ; dès lors, les amendements portant sur l'assiette ou le taux de l'imposition produiraient - sauf mention contraire dans le dispositif - des effets sur l'équilibre budgétaire de l'année N et relèveraient de la première partie 160 ( * ) ;

- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) , l'impôt est payé l'année même de la constitution de l'assiette ; aussi une modification de l'assiette ou du taux au cours de l'année N aurait-elle immédiatement des effets sur les ressources de l'Etat ;

- s'agissant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) , comme pour la TVA, l'imposition est payée la même année où est constituée l'assiette et tout amendement portant sur le taux ou l'assiette modifie son rendement au cours de l'année N ;

- s'agissant de l' impôt de solidarité sur la fortune (ISF) , l'impôt est dû l'année N à raison de la valeur du patrimoine taxable des contribuables appréciée au 1 er janvier de cette même année. Les amendements portant sur l'assiette ou le taux de l'impôt applicable pour l'année N doivent donc être placés en première partie d'une loi de finances pour cette même année ;

- s'agissant des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) , qui portent sur les successions ou les donations, et des droits d'enregistrement , ils doivent aussi, normalement, être acquittés l'année de survenue de leur fait générateur, ce qui implique que des propositions de modifications de leur mode de calcul applicables en année N doivent être débattues en première partie d'une loi de finances relative à cet exercice.

En outre, il faut être attentif aux créations de taxes nouvelles :

- soit la nouvelle imposition est payée l'année de constitution de l'assiette , comme pour la TVA et la TICPE, et les amendements qui en proposent la création doivent être déposés en première partie ;

- soit il existe un effet différé entre la constitution de l'assiette et le paiement de l'impôt - à l'instar de l'IR et de l'IS -, auquel cas l'année concernée par le projet de loi de finances est supposée, en l'absence de mention contraire, être celle de constitution de l'assiette, l'impôt étant généralement payé l'année suivante ; les amendements proposant la création de telles impositions doivent donc être déposés en seconde partie. Par exemple, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, j'ai déclaré irrecevable un amendement, déposé en première partie, tendant à créer une contribution de solidarité numérique due par les usagers des services de communications électroniques au motif que cette contribution, recouvrée par les opérateurs, devait être liquidée au mois de mars de l'année suivante ; j'ai donc considéré que l'entrée en vigueur de cette imposition en 2014 impliquait qu'elle soit liquidée pour la première fois en 2015 - sur la base des prestations de communications électroniques achetées en 2014.

Dans le cadre des projets de loi de finances rectificative , le principe qui vient d'être évoqué fait l'objet d'une application spécifique. Ainsi que cela était indiqué précédemment, doivent être déposés en première partie les amendements modifiant les ressources de l'Etat de l'année en cours ; aussi :

- pour les projets de loi de finances rectificative , les amendements portant sur la fiscalité de l'Etat sont généralement supposés - sauf mention contraire - produire leurs effets durant l'année en cours et doivent être déposés en première partie. A titre d'exemple, des amendements portant sur l'assiette et le taux de l'impôt sur le revenu (IR) sont considérés comme modifiant le montant de l'impôt acquitté au cours de l'année ;

- toutefois, pour les projets de loi de finances rectificative examinés à la fin de l'année - ou collectifs de fin d'année -, il est supposé que les mesures portant sur la fiscalité de l'Etat n'auraient un effet qu'au cours de l'année suivante dans la mesure où les délais de vote, de promulgation et de publication interdiraient une entrée en vigueur effective au titre de l'année en cours. Par conséquent, les amendements portant sur les impositions perçues par l'Etat doivent être déposés en seconde partie .

En outre, doivent également être déposés en première partie des projets de loi de finances les amendements :

- modifiant le rendement des ressources non fiscales de l'Etat de l'année considérée ;

- affectant à une autre personne morale une ressource établie au profit de l'Etat ;

- modifiant, dès l'année considérée, le montant des prélèvements sur recettes de l'Etat .

Enfin, il convient d'évoquer le cas spécifique des taxes affectées à des opérateurs faisant l'objet d'un plafonnement en application de l'article 46 de la loi de finances pour 2012 161 ( * ) . En vertu de ce mécanisme, le produit annuel de ces taxes excédant le plafond fixé est reversé au budget général .

Dans ces conditions, les mesures tendant à modifier le montant des plafonds - mais également l'assiette ou le taux des taxes concernées - sont susceptibles d'affecter les ressources de l'Etat . C'est pourquoi j'estime que les initiatives en ce sens doivent être déposées en première partie du projet de loi de finances , et ce même si le plafond n'est pas atteint par le produit de la taxe concernée afin de permettre un traitement uniforme de telles initiatives au titre de la recevabilité organique 162 ( * ) .

Inversement, parce qu'ils sont sans effet sur les ressources de l'Etat de l'année concernée, les amendements relatifs à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des taxes affectées qui ne font pas l'objet d'un plafonnement continuent de relever de la seconde partie des projets de loi de finances.

Il convient, en outre, de rappeler que les amendements parlementaires tendant à relever le plafond de taxes affectées sont susceptibles, dans certaines conditions, d'être déclarés irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution en ce qu'ils constituent des incitations à dépenser (cf. supra ).

2. Les amendements relevant de la seconde partie

L'objet principal de la seconde partie des lois de finances est de répartir, entre les unités de spécialité - les programmes -, les plafonds de dépenses fixés en première partie. Toutefois, elle comporte également toutes les dispositions qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire de l'année concernée 163 ( * ) , et notamment celles relatives aux impositions de toute nature perçues par les collectivités territoriales ou d'autres personnes, mais également par l'Etat dès lors qu'elles ont un effet différé sur les ressources de ce dernier.

a) La fixation du régime des dépenses de l'Etat

En complément des articles fixant les crédits, les lois de finances peuvent comprendre des mesures fixant le régime des dépenses de l'Etat. Ainsi, doivent être déposés en seconde partie des lois de finances les amendements :

- « affectant directement les dépenses budgétaires de l'année » ( b du 7° de l'article 34 de la LOLF). Il s'agit de mesures de dépenses, inscrites dans les dispositions permanentes de la seconde partie et rattachées à une mission, afin de prévoir les dispositions législatives nécessaires à l'utilisation des crédits demandés . A titre d'exemple, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, était rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » un article visant à faire droit aux demandes de carte du combattant aux militaires ayant servi en Afrique du Nord quatre mois dès lors que la date de leur premier jour de service est antérieure au 2 juillet 1962 ; ce dispositif, d'initiative gouvernementale, avait pour conséquence d'augmenter l'effectif des bénéficiaires de la retraite du combattant ;

- définissant « les modalités de répartition des concours de l'Etat aux collectivités territoriales » ( b du 7° de l'article 34 de la LOLF), ces dernières ayant été définies supra .

b) Les amendements ayant un effet différé sur les recettes fiscales de l'Etat

Comme cela était indiqué précédemment, seuls les amendements modifiant l'équilibre budgétaire de l'année concernée peuvent être déposés en première partie du projet de loi de finances. Par conséquent, les amendements qui auraient un effet différé sur les recettes fiscales de l'Etat doivent être déposés en seconde partie .

Il s'agit, par exemple, dans le cadre du projet de loi de finances pour l'année N, des amendements qui modifieraient le régime de l'impôt sur le revenu (IR) s'appliquant au titre des revenus de l'année N ; ceux-ci n'affecteraient les recettes de l'IR qu'à compter de l'année N+1 en raison du décalage entre l'année de perception des revenus et leur imposition. Il en irait de même d'un amendement modifiant le taux ou l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée ( TVA) à compter de l'année N+1.

c) Les impositions de toute nature affectées à d'autres personnes que l'Etat

Parce qu'elles sont sans incidence sur les ressources de l'Etat, les impositions de toute nature perçues par d'autres personnes que l'Etat
- comme les collectivités territoriales, ou encore les organismes de sécurité sociale - relèvent de la seconde partie des lois de finances. Dès lors, les amendements portant sur de telles impositions doivent être déposés en seconde partie du projet de loi de finances, et ce quelle que soit la date d'entrée en vigueur du dispositif proposé.

Il est nécessaire de revenir sur le cas spécifique des taxes affectées à des opérateurs faisant l'objet d'un plafonnement . Alors que les amendements portant sur le plafond, l'assiette ou encore le taux des taxes affectées faisant l'objet d'un plafonnement en application de l'article 46 de la loi de finances pour 2012 (cf. supra ) doivent être déposés en première partie du projet de loi de finances - dès lors qu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence sur les ressources de l'Etat de l'année concernée -, les amendements relatifs au taux et à l'assiette des taxes affectées qui ne sont pas plafonnées continuent à relever de la seconde partie .

d) Les autres dispositions pouvant figurer en seconde partie

Enfin, doivent également être déposés en seconde partie des projets de loi de finances les amendements portant sur des dispositions :

- relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ;

- relatives à la comptabilité de l'Etat et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ;

- autorisant l'octroi des garanties de l'Etat et fixant leur régime - la création ou l'extension d'une garantie étant toutefois interdite à l'initiative parlementaire au titre de l'article 40 de la Constitution ;

- autorisant la prise en charge des dettes de tiers et fixant leur régime ;

- relatives à l'approbation des conventions financières.


* 160 Cette règle s'applique également aux crédits et réductions d'impôt relatifs à l'impôt sur les sociétés.

* 161 Loi n ° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 .

* 162 Selon la même logique, j'ai déclaré recevable en première partie du projet de loi de finances pour 2014 un amendement tendant à inscrire une nouvelle taxe affectée dans le mécanisme de plafonnement prévu par l'article 46 de la loi de finances pour 2012.

* 163 A condition, bien évidemment, que ces dispositions relèvent du domaine des lois de finances.

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