II. LE PLAN SANTÉ OUTRE-MER : UN ESPOIR DÉÇU ?

A. UNE LONGUE GESTATION POUR UNE PRÉSENTATION AMBITIEUSE

Annoncé par le Gouvernement dès mai 2008, le plan santé outre-mer a été présenté officiellement par Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé et des sports, lors de son déplacement en Martinique en juillet 2009. Il s'organise autour de sept thèmes de travail 6 ( * ) :

- la formation médicale et des autres professionnels de santé, avec notamment l'extension des cursus médicaux dans les universités des Antilles et de La Réunion ;

- la gestion des ressources humaines, avec un dispositif d'accompagnement des étudiants en médecine originaires d'outre-mer dans l'hexagone ;

- la télémédecine, le téléenseignement et les jumelages ;

- les risques sismiques dans le parc hospitalier, dans le cadre du plan « Hôpital 2012 » ;

- les difficultés financières à caractère aigu, avec notamment la mise en place d'un dispositif de pondération pour gommer les effets de seuil et le maintien de l'aide à la résorption des stocks de créances irrécouvrables ;

- la coopération entre établissements français et avec les territoires étrangers voisins ;

- la drépanocytose.

B. DES RÉSULTATS QUI RESTENT LIMITÉS

1. Le constat mitigé de la commission des affaires sociales en décembre 2010

Rapport de la commission des affaires sociales
sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2011 7 ( * )

Les actions décidées dans le cadre du plan santé outre-mer restent à concrétiser sur le terrain :

Les études médicales outre-mer

Le premier cycle des études médicales est effectif depuis la rentrée universitaire 2009 aux Antilles avec la mise en place de la troisième année. Des travaux sont engagés pour organiser le second cycle, dans l'objectif d'ouvrir une quatrième année à la rentrée 2011. Pour la zone de l'Océan indien, la seconde année du premier cycle a ouvert à la rentrée 2010 et la troisième est prévue pour 2011.

Par ailleurs, le numerus clausus pour les étudiants en médecine dans les facultés des Antilles et de La Réunion a été augmenté respectivement de trois et de douze places.

Ce geste reste insuffisant face aux besoins et aux enjeux de formation des habitants de l'outre-mer. Le déficit démographique des professionnels de santé est encore plus marqué outre-mer, comme le montre l'Atlas régional de la démographie médicale française publié par le conseil national de l'Ordre des médecins. La directrice de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane, gestionnaire de l'assurance maladie, déclarait ainsi qu'il y a trois fois moins de médecins dans ce département que ce dont il a besoin.

Le plan Hôpital 2012

La première tranche du plan Hôpital 2012, destiné à soutenir des projets immobiliers ou informatiques (systèmes d'information) dans les établissements de santé, a été présentée en février 2010. Sur un total de 1,8 milliard d'euros d'aides ainsi accordées par l'Etat, seuls 40 millions sont destinés aux Dom, soit 2,2 % du plan , et il ne semble pas concerner Mayotte ou les Com. Pourtant, les besoins de modernisation et de création sont criants, ne serait-ce que pour les projets de mise aux normes sismiques dont les coûts sont très élevés.

L'état d'avancement des autres aspects du plan santé outre-mer

Plus généralement, votre rapporteur a demandé, dans le cadre du questionnaire budgétaire, une note sur l'état d'avancement du plan santé outre-mer et les crédits du projet de loi de finances afférents. Le résultat est pour le moins décevant , puisqu'il oscille entre « phase de concertation », « groupes de travail », « études », « état des lieux » et renvoi à la seconde tranche du plan Hôpital 2012 :

- la création de deux instituts fusionnant les instituts de formation en soins infirmiers et les autres écoles de formation est conditionnée par les résultats de groupes de travail ;

- le développement de la télémédecine sera « instruit » dans la seconde tranche du plan Hôpital 2012 et les réseaux de téléenseignement et de visioconférences font l'objet d'un état des lieux ;

- en ce qui concerne les risques sismiques et la mise à niveau du parc hospitalier, un bilan général de tous les établissements de santé a été entrepris dans le cadre du « plan séisme Antilles », dont votre rapporteur rappelle qu'il a été lancé en janvier 2007... ;

- la révision des coefficients géographiques et la valorisation des surcoûts relatifs aux activités déséquilibrées font l'objet d' études ;

- les agences régionales de santé ont entrepris un état des lieux relatif aux possibles jumelages avec les CHU de métropole. Rien n'est, en revanche, indiqué, dans cette réponse, sur les liens avec les établissements des pays ou des territoires voisins des Dom ou Com ;

- la lutte contre la drépanocytose « fera » l'objet d'un plan spécifique et un protocole national de diagnostic et de soins est en cours de définition.

Certes, l'aide à la résorption des créances irrécouvrables s'est traduite par des dotations spécifiques.

Si certaines actions en faveur de la santé publique outre-mer relèvent plus des pratiques ou du partage d'expériences, votre rapporteur regrette vivement, comme les années passées, le manque d'actions concrètes et de moyens dédiés à ces questions : la télémédecine requiert du matériel et de la formation adaptés, la politique de prévention - si essentielle outre-mer en raison des particularismes de certaines pathologies - nécessite du personnel formé et des capacités de publicité.

2. Un constat toujours d'actualité à la mi-2011
a) La synthèse du plan santé au 30 juin 2011, fournie par le ministère en charge de l'outre-mer

Plusieurs décisions importantes ont bien été prises :

- la mise en place des trois premières années d'études médicales à l'université Antilles-Guyane ;

- l'orientation de programmes hospitaliers de recherche clinique sur les maladies émergentes ou spécifiques, avec l'attribution de 3,5 millions d'euros de crédits ;

- l'amélioration de la prise en compte de la drépanocytose, avec une dotation de 334 000 euros ;

- l'application d'un « minimum Dom » pour le calcul des crédits alloués aux plans de santé publique, habituellement répartis par rapport à la population ;

- l'aide à la résorption des créances irrécouvrables qui s'est élevée à 5,9 millions d'euros en 2009 et 2010 ;

- la mobilisation du programme européen Interreg pour promouvoir la coopération dans la zone Caraïbes sur le thème du sida (5,2 millions d'euros sur trois ans) ;

- l'attribution de 80 000 euros par agence régionale de santé (ARS) des Dom pour la coopération interrégionale et internationale.

D'autres aspects, parmi les plus importants du plan, sont toujours en cours d'évaluation ou en attente de décision interministérielle :

- le financement de projets pour développer la télémédecine, le téléenseignement et la visioconférence ;

- la révision des coefficients géographiques 8 ( * ) et la valorisation de certains surcoûts ;

- la création d'un pôle de santé environnementale à l'institut Pasteur de Guadeloupe ;

- l'accroissement des jumelages avec des CHU de métropole ;

- la mise en place de coopérations régionales.

b) Un sentiment persistant d'insatisfaction

Lors de sa mission, la délégation a eu le sentiment que le plan santé outre-mer apparaissait comme lointain aux acteurs locaux : la conférence interhospitalière Antilles-Guyane a même parlé, en avril dernier, « d' absence d'exécution du plan santé outre-mer dans les établissements hospitaliers des Dom » et a rappelé « la nécessité de son application dans des délais les plus rapides avec des moyens exceptionnels ».

Deux aspects essentiels ont été évoqués devant la délégation :

- la nécessaire et urgente révision des coefficients géographiques ;

- le développement d'un cursus complet d'études médicales, à même d'attirer des professeurs d'université - praticiens hospitaliers et de favoriser l'installation sur place des étudiants entrant dans la vie professionnelle.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales a relevé, à plusieurs reprises, la faible implication des administrations centrales dans la mise en oeuvre du plan et l'absence de coordination interministérielle et au sein du ministère de la santé.

Les conclusions du récent rapport 9 ( * ) du sénateur Jean-Pierre Fourcade, évaluant la réforme de la gouvernance hospitalière, vont dans le même sens : « le comité souhaite souligner la situation des régions ultramarines. S'étant rendu en Guadeloupe et en Martinique, il a fait deux recommandations spécifiques. L'une concerne le respect du plan santé outre-mer. L'autre, la désignation d'un référent ministériel de haut niveau pour la mise en oeuvre de ce plan. »


* 6 http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_sante_outre-mer-2.pdf

* 7 Avis n° 113 (2010-2011) d'Anne-Marie Payet, sénateur.

* 8 Ce point est plus précisément évoqué dans la partie du rapport consacrée à la Martinique (voir infra).

* 9 Rapport au Parlement du comité d'évaluation de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé, institué par l'article 35 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, présidé par Jean-Pierre Fourcade, juillet 2011.

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