TRAVAUX DE LA COMMISSION

A. AUDITION SUR LES CONDITIONS DU RENOUVELLEMENT DU BAIL DU PÔLE FINANCIER DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

Réunie le mercredi 9 avril 2008, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Laurent Le Mesle, procureur général près la cour d'appel de Paris, Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires, Rémy Heitz, directeur de l'administration générale de l'équipement sur la politique immobilière de l'Etat, Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du Conseil de l'immobilier de l'Etat, et Daniel Dubost, chef du service France Domaine .

M. Jean Arthuis, président , a signalé que cette audition était ouverte aux membres de la commission des lois, ainsi qu'à la presse, afin de permettre l'information la plus large. Il a rappelé les axes de modernisation de cette politique identifiés dans un récent rapport d'information n° 37 (2007-2008), co-signé par MM. Adrien Gouteyron, Paul Girod, Bernard Angels et Mme Marie-France Beaufils, rapporteurs spéciaux : faire en sorte que les cessions immobilières s'intègrent dans une politique d'ensemble, faciliter le portage de certains immeubles par des structures adaptées et professionnaliser davantage la négociation des ventes et acquisitions des biens de l'Etat.

Il a estimé que les premiers résultats obtenus étaient prometteurs, mais que d'importantes marges de progrès demeuraient. Il a, en outre, souligné que certains avis négatifs rendus par le Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE), quoique fortement motivés, n'avaient pas été suivis et que ce conseil avait parfois été contraint de travailler dans des délais très courts. En outre, certaines opérations ne lui avaient pas été soumises, comme la prise à bail projetée par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire pour l'implantation parisienne de ses services.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la mission « Justice » , a indiqué que la gestion du parc immobilier de l'institution judiciaire constituait un volet important de la politique conduite au sein du ministère de la justice. Dans un contexte budgétaire tendu, le renouvellement du bail immobilier du pôle financier du tribunal de grande instance (TGI) de Paris présentait un certain nombre de « particularismes » nécessitant un éclairage.

S'appuyant sur les conclusions du CIE, il a rappelé l'augmentation de 32 % du loyer de cet immeuble, situé rue des Italiens dans le IX e arrondissement de Paris, ainsi que le niveau élevé de ce loyer : 4,46 millions d'euros par an, soit un coût au mètre carré de 604 euros et un coût par agent de 25.248 euros.

Il a ajouté que la localisation même paraissait discutable, dès lors que le pôle financier était éloigné des autres services du TGI de Paris et l'immeuble situé dans l'un des quartiers les plus chers de la capitale.

Il a, en outre, rappelé les ratios actuels d'occupation de ces locaux, très au dessous des normes cibles (36,5 m 2 par agent contre une cible fixée à 12 m 2 ).

Dans ses conclusions, le CIE observait que le ministère de la justice ne s'était préoccupé que tardivement de l'avenir de cette implantation, qu'il n'avait disposé au total que de 9 mois pour envisager une relocalisation du pôle financier et qu'il n'était pas de bonne politique de maintenir durablement dans un immeuble de statut locatif un service de l'Etat à vocation pérenne.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , s'est interrogé sur le processus décisionnel ayant conduit à ce choix, sur l'articulation entre la direction des services judiciaires (DSJ), la direction de l'administration générale et de l'équipement (DAGE) du ministère, ainsi que les chefs de cours et de juridictions, et sur les enseignements pouvant être tirés du cas particulier du pôle financier du TGI de Paris dans la perspective de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a souhaité savoir s'il existait un document récapitulant les immeubles loués par l'Etat à Paris et si le ministère de la justice avait pris à bail des locaux Place Vendôme.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois , s'est interrogé sur la place de la localisation du pôle financier du TGI de Paris au sein de la réflexion plus générale sur l'implantation future de ce même TGI.

M. Paul Girod, rapporteur spécial de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » , a souhaité connaitre la date de saisie du CIE et les raisons du caractère tardif de celle-ci.

M. Laurent Le Mesle, procureur général près la Cour d'appel de Paris , a rappelé que le bail du TGI de Paris avait initialement été signé en 1998 et que son échéance arrivait en décembre 2007. Il a souligné que des investissements importants en matière de sécurité avaient été réalisés dans cet immeuble au cours de la période et qu'un déménagement aurait, en outre, suscité d'importants frais.

M. Jean Arthuis, président , l'a interrogé sur le montant des investissements réalisés en matière de sécurité.

Pour M. Laurent Le Mesle , ils s'élevaient à près de 5 millions d'euros. Le grand chantier du déménagement du Palais de Justice de Paris ayant été engagé en 2003 par le Président de la République, la logique incitait à préférer un renouvellement du bail de l'immeuble rue des Italiens plutôt qu'à entreprendre un déménagement du pôle financier en 2008.

Précisant les conditions de la négociation de ce renouvellement de bail, ainsi que les principales étapes de cette négociation, il a rappelé que France Domaine avait été sollicité, par le magistrat délégué à l'équipement de la Cour d'appel de Paris, sur la valeur locative de l'immeuble et que les chefs de Cour avaient été assistés, au cours de la transaction avec le bailleur, par un cabinet d'experts.

Il a estimé que le résultat de la négociation pouvait être considéré comme une « réussite », dès lors que le loyer était certes élevé, mais qu'il restait très en dessous de la demande initiale du bailleur, que ce dernier avait concédé une franchise de 10 mois et que le maintien du pôle financier dans ces locaux permettait de valoriser les investissements déjà réalisés en matière de sécurité dans cet immeuble.

M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires , a précisé qu'en matière de décision immobilière la responsabilité incombe aux chefs de Cour mais que la direction des services judiciaires (DSJ) avait été pleinement associée à la décision relative au pôle financier du TGI de Paris. Il a ajouté que le choix effectué avait été guidé, d'une part, par le souci d'éviter d'introduire un élément d'instabilité (un déménagement) dans le travail des magistrats de ce pôle et, d'autre part, par l'obligation de maintenir ces bureaux dans Paris intra-muros du fait de la compétence juridique du TGI de Paris. Il a, également, insisté sur l'importance de la prise en compte des dépenses de sécurisation réalisées dans ces locaux afin d'évaluer la pertinence du renouvellement du bail en question.

Il a rappelé qu'au début de l'année 2007 le bailleur, de manière inattendue, avait informé le ministère de la justice de son souhait de ne pas reconduire le bail.

Il a souligné qu'à partir de ce moment le ministère s'était mis en quête de nouveaux locaux, mais que ses recherches s'étaient révélées peu fructueuses, dans la mesure où il convenait d'intégrer dans l'arbitrage final le coût du déménagement et des loyers. Il a, enfin, estimé que l'enjeu immobilier devait être intégré dans le cadre de l'implantation judiciaire parisienne dans son ensemble, et a rappelé, notamment, la décision, rendue publique en mars 2007, du Premier ministre de retenir le site de Tolbiac pour installer la future cité judiciaire.

M. Rémy Heitz, directeur de l'administration générale et de l'équipement (DAGE), a précisé que le ministère de la justice avait pris, en 2003, un bail au 8, place Vendôme pour des locaux d'une surface de 1.114 m 2 ayant accueilli le secrétariat d'Etat jusqu'en 2007 et, désormais, l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ). Il a indiqué que le montant du loyer annuel s'élevait à un peu moins d'un million d'euros hors charges et que chaque bureau de cet immeuble accueillait deux personnes, dans des locaux qui n'ont rien de « somptuaire ». D'une manière générale, il a rappelé que l'administration du ministère était éclatée géographiquement dans Paris autour de deux grands sites : la Place Vendôme et le quai de Javel.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est interrogé sur le montant des loyers budgétaires Place Vendôme.

M. Rémy Heitz a indiqué qu'il n'y avait pas de loyer budgétaire pour ces locaux.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur le niveau de rémunération du cabinet d'experts ayant accompagné le ministère dans la renégociation du bail du pôle financier du TGI de Paris.

M. Laurent Le Mesle a précisé que le montant des honoraires de ce cabinet s'élevait à 62.000 euros hors taxes. Il a souligné que les recherches menées dans Paris intra-muros pour reloger le pôle financier s'étaient révélées infructueuses du fait du coût élevé des loyers envisagés (équivalent à celui de l'offre initiale du bailleur dans le cadre de la renégociation du contrat de location rue des Italiens) et de l'impossibilité de procéder à un emménagement avant 2009.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , s'est interrogé sur l'existence d'une « cellule de veille » afin d'anticiper sur l'échéance des baux.

M. Laurent Le Mesle a indiqué que des contacts réguliers avaient été entretenus avec le bailleur, mais que rien n'avait permis d'entrevoir le soudain changement de stratégie de ce dernier.

M. Jean Arthuis, président , a regretté la gestion approximative du patrimoine de l'Etat avant la récente prise de conscience.

M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine , a rappelé que la décision de reconduction du bail du pôle financier avait été prise par le ministère de la justice et que le rôle de France Domaine était de négocier au mieux les conditions des baux. Dans le cas de celui de la rue des Italiens, il a estimé que le loyer demandé par le bailleur en début de renégociation était excessif, mais que le ministère de la justice, conseillé par un cabinet d'experts, était parvenu à un niveau de loyer cohérent par rapport au quartier.

Il a, toutefois, considéré que la renégociation de ce bail n'était pas conforme à la politique immobilière souhaitée pour l'Etat, dès lors qu'une localisation doit pourvoir s'envisager suffisamment en amont (délai d'étude d'environ 3 ans). Il a ajouté que l'avis rendu dans le cas d'espèce par France Domaine reposait sur la référence à ce principe et que le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait, dans ces conditions, estimé nécessaire de demander l'arbitrage du Premier ministre, qui avait tranché en vue d'assurer la continuité du bail, mais que ce dernier, d'une durée de neuf ans, pouvait être dénoncé au bout de six ans.

M. Jean Arthuis, président , a jugé que le CIE devait être saisi du bail relatif aux locaux occupés au 8, place Vendôme et s'est interrogé sur la présence dans ces bureaux des inspecteurs généraux des services judiciaires, ces derniers devant naturellement être amenés à se déplacer en mission.

M. Rémy Heitz a précisé qu'un large recours à la vidéo-conférence induisait un fort taux de présence des inspecteurs dans leurs bureaux.

Pour M. Léonard Bernard de la Gatinais , si les inspecteurs se trouvent très fréquemment sur le terrain, leurs missions impliquent cependant une phase préparatoire dans leurs bureaux Place Vendôme.

M. Jean Arthuis, président , a estimé qu'une renégociation de ce bail Place Vendôme était probablement nécessaire.

M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du CIE , a souligné l'évolution récente de la mission du CIE et a rappelé que, le 25 septembre 2007, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait souhaité entendre le conseil sur certaines opérations immobilières importantes, dont celle concernant le pôle financier du TGI de Paris. S'agissant de cette dernière opération, le CIE avait été officiellement saisi le 28 décembre 2007 et n'avait disposé que de 15 jours pour répondre. L'avis rendu par le CIE demandait que le pôle financier n'aille pas au-delà des six premières années de bail et qu'il rejoigne ensuite le site du TGI.

M. Rémy Heitz a rappelé qu'un établissement public pour le palais de justice de Paris (EPPJP) avait été créé, que le choix du terrain pour le site futur du TGI avait été acté et que le concours de maitrise d'oeuvre était prêt à être lancé. Il a indiqué que l'ensemble de l'opération s'élèverait à environ 800 millions d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que le choix de principe du prochain site du TGI de Paris avait été effectué par le précédent gouvernement dans un contexte budgétaire plus favorable et qu'il convenait, par ailleurs, de prendre en compte la position de la ville de Paris.

Il a regretté que le CIE ait été saisi trop tardivement s'agissant du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris. Enfin, il s'est interrogé, d'une part, sur l'existence d'une procédure permettant de systématiser la saisie du CIE 18 mois avant le terme d'un bail, et, d'autre part, sur une éventuelle saisie du CIE concernant les bureaux actuellement occupés Place Vendôme par l'IGSJ.

M. Jean-Pierre Jourdin a indiqué que le CIE n'avait pas été saisi pour ces bureaux, mais qu'il avait recommandé la création de tableaux de bord permettant de suivre l'échéance des baux de chaque ministère.

M. Rémy Heitz a considéré que le ministère de la justice avait, dans le cadre du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris, « essuyé les plâtres » d'une procédure nouvelle et que les réinstallations, comme les déménagements, présentent aussi un coût non négligeable.

M. Léonard Bernard de la Gatinais a rappelé que la DSJ tenait un inventaire de l'ensemble des baux des juridictions.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur l'impact immobilier et financier de la suppression des tribunaux d'instance décidée dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire.

M. Rémy Heitz a indiqué qu'actuellement, près de 1.200 juridictions étaient réparties sur 900 sites et que la réforme de la carte judiciaire comportait la suppression de 300 de ces juridictions. Il a précisé que le travail d'analyse et de diagnostic de l'impact de cette réforme se poursuivait au sein du ministère, mais qu'on pouvait estimer à plus de 200 le nombre d'opérations immobilières à conduire.

Il a estimé que certains services à vocation administrative pouvaient être externalisés en dehors des palais de justice. Il a ajouté que les antennes régionales de la DAGE travaillaient dans cette perspective, en lien avec les chefs de Cour.

M. Rémy Heitz a souligné que cette réforme aurait un coût estimé, dans une première approche, à 545 millions d'euros, sur au moins cinq ans, dès lors que 65 % des bâtiments actuellement occupés par les juridictions appartiennent à des collectivités territoriales. Il a précisé que cette estimation du coût était, depuis l'annonce de la réforme, en constante baisse et que la création de pôles de l'instruction facilitait les regroupements.

M. Léonard Bernard de la Gatinais a estimé que la forte mobilisation des chefs de Cour autour de la réforme permettait de chercher des solutions alternatives à la construction de nouveaux bâtiments. Il a souligné que la réforme de la carte judiciaire avait amené à réfléchir en profondeur sur l'immobilier judiciaire et qu'il était possible de distinguer trois catégories d'espace au sein de l'institution judiciaire : le lieu du débat judiciaire (audiences publiques et cabinet du juge), l'accueil du public et les bureaux administratifs. Il a ajouté que distinguer ces trois catégories d'espace pouvait permettre de réaliser des économies substantielles en différenciant le coût au mètre carré.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a souligné que les actuels efforts de rationalisation de la politique immobilière de l'Etat tendaient, notamment, à une centralisation des processus de décision, par le canal du service France Domaine, sous la supervision du CIE. Dans ce contexte, il s'est interrogé sur le sens de la transformation, en février 2008, de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOT) en Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ). Celle-ci, en particulier, apparaissait comme chargée de la valorisation des propriétés de l'Etat, ce qui lui semblait peu compatible avec le cadre institutionnel par ailleurs mis en place.

M. Jean-Pierre Lourdin a indiqué que le CIE avait reçu la mission de proposer un document portant « schéma global de l'Etat propriétaire », qu'il devait remettre au ministre chargé du budget à la fin du mois d'avril 2008. Ce « schéma global » visait en effet à organiser une centralisation de la politique immobilière de l'Etat, coordonnée par France Domaine. Néanmoins, cette organisation ne proscrivait pas l'existence de structures spécialisées, par ministère, comme l'APIJ. Il a cité les exemples de la mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI), pour le ministère de la défense, et de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC), concernant le ministère de la culture. Ces structures étaient justifiées par la spécificité des secteurs dans lesquels elles intervenaient. Cependant, elles devaient demeurer des « correspondants » de France Domaine, et non agir en opérateurs concurrents. C'est dans cette limite que l'APIJ devait inscrire son action de valorisation patrimoniale.

M. Rémy Heitz a souligné que la transformation de l'AMOT en APIJ avait été réalisée en concertation avec France Domaine, et sur la base d'une convention avec ce service. Il a indiqué que le changement d'appellation de l'agence n'avait pas entraîné de véritable modification par rapport à ses attributions antérieures. Celles-ci comprenaient la cession d'un patrimoine immobilier affecté à l'ensemble des activités judiciaires, y compris les immeubles à vocation pénitentiaire, qui requéraient une expertise spécifique.

M. Jean Arthuis, président , a alors évoqué la politique immobilière de l'Etat dans son ensemble, et notamment la gestion de « l'Etat locataire ». A ce titre, il a rappelé le choix du ministère de la culture et de la communication de loger la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS), ainsi que la fondation du patrimoine, dans un immeuble pris à bail dans le III e arrondissement de Paris, rue Beaubourg, alors que le CIE avait rendu un avis défavorable à cette opération. En effet, le coût annuel du loyer devait s'établir à 413 euros par mètre carré, et d'autres options d'implantation avaient été proposées par France Domaine. En outre, en contrepartie de l'attribution de l'immeuble dit « des Bons-Enfants », situé rue Saint-Honoré, le ministère s'était engagé à abandonner la plupart de ses autres implantations parisiennes. Enfin, s'agissant d'un service de l'Etat à vocation pérenne, une prise à bail ne pouvait être justifiée que par son caractère transitoire, que rien ne laissait supposer en l'occurrence.

M. Daniel Dubost a confirmé que, malgré l'avis défavorable du CIE comme de France Domaine, après l'arbitrage du Premier ministre, le bail avait été signé.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a indiqué que d'autres décisions de prises à bail lui semblaient critiquables. En particulier, il a évoqué la location d'un immeuble situé rue de Miromesnil, dans le VIII e arrondissement, par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Il s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission étaient portées à la connaissance du CIE.

Par ailleurs, il a déploré que les établissements publics se trouvent exclus du dispositif de « globalisation » de la politique immobilière de l'Etat. De la sorte, ils ne bénéficiaient pas systématiquement de l'assistance de France Domaine, et ils échappaient à la supervision du CIE. Il a cité en exemple le cas d'une éventuelle implantation locative de l'établissement public du musée du Louvre dans l'immeuble du « Louvre des antiquaires », rue de Rivoli, dans le I er arrondissement de Paris.

M. Jean-Pierre Lourdin a indiqué que le président du CIE, M. Georges Tron, venait d'adresser au Premier ministre une lettre, en date du 2 avril 2008, dans laquelle il retraçait les difficultés rencontrées par le CIE, tant pour l'établissement de ses avis qu'au regard des suites qui leur étaient données. La demande d'une information exhaustive avait été formulée à plusieurs reprises par le CIE.

Toutefois, il a souligné les progrès accomplis par l'Etat, depuis 2004, dans sa gestion immobilière. Un certain nombre des recommandations du CIE avaient été suivie d'effets, que ce soit l'élaboration des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères ou l'alignement sur les prix du marché des loyers « budgétaires » demandés aux administrations affectataires d'immeubles domaniaux.

Il a indiqué que le CIE souhaitait que d'autres avancées soient réalisées en direction d'une gestion plus rigoureuse. En particulier, il s'agissait de prendre en compte des coûts d'entretien assumés par l'Etat « propriétaire » au bénéfice des services affectataires, dont les loyers budgétaires avaient logiquement vocation à constituer la contrepartie. Il a rappelé les propositions déjà formulées en ce sens par M. Paul Girod, rapporteur spécial.

Puis il a présenté le « Schéma global de l'Etat propriétaire » élaboré par le CIE. Ce document devait décrire une politique interministérielle, et inciter à une professionnalisation de la fonction immobilière de l'Etat et à une programmation pluriannuelle en la matière. Les réorganisations nécessaires s'appuieraient naturellement sur les opérateurs existants au sein des ministères.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a souhaité savoir si les ministères, dans leur ensemble, avaient fait preuve de la transparence nécessaire dans le cadre de l'élaboration des SPSI. Bien que le rachat par l'Etat de l'immeuble de l'Imprimerie nationale fût en cours de négociation au moment de l'élaboration du SPSI du ministère des affaires étrangères, cette opération n'avait pas été évoquée, alors, devant le CIE.

M. Jean-Pierre Lourdin a confirmé que des lacunes étaient apparues dans la première version des SPSI. Aussi, une révision de ces documents avait été entreprise. Conduite sous l'égide de France Domaine, elle devait aboutir au mois de mai 2008. Les nouveaux SPSI intégreraient les incidences immobilières des mesures adoptées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a rappelé que les résultats des programmes annuels de cessions immobilières de l'Etat, depuis 2006, excédaient les prévisions fixées par la loi de finances initiale. Toutefois, il a fait observer que, pour 2007, près de la moitié des produits de cession réalisés (404 millions d'euros, sur un total de 827 millions d'euros) avaient résulté de la seule vente du centre de conférence internationale situé avenue Kléber, à Paris, dans le XVI e arrondissement.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité savoir à quelles conditions ce centre « Kléber » était mis à la disposition de l'Etat, jusqu'à l'issue de la présidence française de l'Union européenne, au second semestre 2008.

M. Daniel Dubost a indiqué qu'un loyer était acquitté par l'Etat à hauteur de 4 % du prix de vente du bâtiment, soit 16 millions d'euros par an.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , est revenu sur la nécessité, qu'il avait déjà défendue au nom de la commission, que le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » retrace les dépenses de travaux et d'entretien. Dès lors, ce compte devrait être alimenté par les loyers « budgétaires ». Par ailleurs, il a rappelé ses propositions en faveur d'une révision et, à terme, d'une suppression des règles d'intéressement des ministères aux cessions immobilières.

M. Jean-Pierre Lourdin a indiqué que le CIE analysait les loyers « budgétaires » comme un outil « vertueux » de gestion, permettant aux ministères affectataires de prendre conscience du coût que représentait l'occupation des locaux dont ils disposaient. Il a confirmé qu'une politique immobilière « globale » impliquait la disparition du droit de « retour » sur les ventes actuellement accordé aux ministères. L'intéressement de ces derniers, selon lui, devait être axé, non sur les cessions, mais sur la gestion. Les loyers « budgétaires » devaient y contribuer.

M. Daniel Dubost a précisé que le niveau des crédits couvrant les loyers « budgétaires », qui venaient d'être instaurés, avait vocation à être maintenu dans les prochaines années, alors que les loyers eux-mêmes, suivant l'évolution du marché, auraient tendance à augmenter. De la sorte, les ministères seraient contraints de rechercher des sources d'économies, et de rationaliser la gestion de leur patrimoine immobilier. En outre, une optimalisation de la gestion immobilière des administrations devrait résulter de la suppression, décidée dans le cadre de la RGPP, du régime de l'affectation domaniale, qui serait remplacé par des « baux publics », révisables, définissant les obligations de chaque partie, en termes de loyer et d'entretien.

A la demande de M. Jean Arthuis, président , M. Daniel Dubost a indiqué que les systèmes actuels d'information, quoiqu'insuffisants, fournissaient néanmoins tous les éléments nécessaires à la mise en oeuvre des premières réformes souhaitables de la gestion immobilière de l'Etat. Parallèlement, le système CHORUS et son module « immobilier » étaient développés, en vue de consolider une information encore éclatée entre administrations.

M. Adrien Gouteyron , évoquant ses travaux en qualité de rapporteur spécial, a fait état de la part importante prise, par le ministère des affaires étrangères, dans le produit annuel des cessions immobilières de l'Etat.

M. Daniel Dubost a précisé que les résultats de l'exécution 2007, eu égard à la cession du centre « Kléber » précitée, étaient exceptionnels.

M. Adrien Gouteyron s'est fait l'écho de difficultés rencontrées par les gestionnaires de budget opérationnels de programme (BOP) du ministère des affaires étrangères et européennes, du fait du fonctionnement du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ». Les programmes immobiliers ne pourraient pas être réalisés, faute de disponibilité des crédits prévus.

M. Daniel Dubost a assuré que le CAS fonctionnait sans difficulté, pour l'ensemble des ministères. Chaque mois, ce compte alimente automatiquement les BOP concernés des produits de cession réalisés, dans la limite du taux d'intéressement prévu. Ce versement est automatique pour les cessions inférieures à 2 millions d'euros et, pour celles supérieures à 2 millions d'euros, le versement est subordonné à la vérification que le projet de remploi du produit satisfait à des objectifs de performance, en termes de gestion immobilière. Cependant, il a admis que les administrations témoignaient parfois d'une certaine réticence à apporter la démonstration de la performance de leurs projets. En outre, concernant le ministère des affaires étrangères et européennes, la difficulté résulte de la complexité des conditions juridiques d'occupation de leurs locaux par les services situés à l'étranger. Seuls les locaux dont l'Etat français est propriétaire peuvent bénéficier de crédits en provenance du CAS.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître la valeur vénale de la Villa Médicis, siège de l'Académie de France à Rome.

M. Daniel Dubost a demandé à pouvoir vérifier ce point, en particulier quant au régime juridique exact de l'occupation de ce domaine par la France. Il a rappelé que le total du patrimoine immobilier détenu et contrôlé par l'Etat était évalué à 45 milliards d'euros.

M. Jean-Pierre Lourdin a précisé qu'un patrimoine équivalent, selon les estimations du CIE, était géré par les opérateurs de l'Etat. Cette situation justifierait donc un recensement exhaustif, dont M. Daniel Dubost a reconnu qu'il restait à mener.

M. Jean Arthuis, président , a fait observer que ces questions offraient un terrain de contrôle privilégié pour le Parlement. Il a estimé que, bien que d'importantes avancées aient été réalisées, ces dernières années, dans le sens d'une gestion immobilière de l'Etat plus performante, des marges de progrès demeuraient, comme en témoignent les exemples qui venaient d'être cités. Il a considéré qu'une politique plus globale devait être mise en oeuvre, afin de dépasser des logiques ministérielles souvent coûteuses et sources de dysfonctionnement. Il a donc appelé au renforcement du rôle du CIE afin qu'un véritable pilotage de la politique immobilière de l'Etat soit enfin établi.

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