II. POUR UNE GESTION ACTIVE DU PARC LOCATIF DE L'ETAT

La gestion de l'Etat locataire , curieusement, est restée étrangère à la révision générale des politiques publiques (RGPP) menée par le Gouvernement depuis l'automne 2007, alors que, dans ce cadre, les efforts visant l'Etat propriétaire ont été fortement mis en avant. L'organisation, en la matière, doit reposer, selon votre rapporteure spéciale, sur trois piliers .

Il s'agit d'abord d'élaborer une doctrine de « l'Etat locataire », qui permette de constituer celui-ci, à l'instar de ce qui a été fait en quelques années pour l'Etat « propriétaire », en définissant les principes de la gestion afférente.

Il s'agit ensuite de développer l'indispensable responsabilisation des administrations .

Enfin, il s'agit de mettre en place les outils adéquats au sein du service France Domaine, c'est-à-dire pour l'essentiel un « tableau de bord » des baux supportés par l'Etat 18 ( * ) . Néanmoins, votre rapporteure spéciale souligne que ces outils resteraient sans utilité réelle si la doctrine et la responsabilisation n'étaient pas recherchées de façon concomitante.

A. UNE DOCTRINE DE « L'ETAT LOCATAIRE » À ÉLABORER

En ce qui concerne la doctrine, les fondations de la gestion à bâtir de « l'Etat locataire » doivent être posées sous deux aspects essentiels : la motivation des prises à bail d'une part, le choix des implantations locatives d'autre part.

1. La motivation des prises à bail

a) La simplicité du principe

En principe , le choix d'une prise à bail , par préférence à l'occupation d'un immeuble domanial, c'est-à-dire détenu en propriété par l'Etat, devrait être arrêté en fonction de la durée prévisible de la situation . De la sorte, les locations devraient être réservées aux administrations éphémères ou aux situations transitoires (par exemple, un déménagement pendant des travaux) ; aux administrations à vocation pérenne devraient revenir un hébergement de nature domaniale.

Cette bonne règle de gestion sert d'ailleurs de référence au Conseil de l'immobilier de l'Etat, lorsqu'il est amené à apprécier les projets de prise à bail dont il est saisi pour avis 19 ( * ) .

b) Les réalités de la pratique

Dans la pratique , il ne semble pas que le principe précité soit fréquemment suivi . A preuve, toutes les administrations qui ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces et sur place de votre rapporteure spéciale, quoique logées dans des immeubles pris à bail, ont à l'évidence vocation à la pérennité, à commencer par les services à compétences régaliennes (justice, police). De fait, au moins trois séries de facteurs peuvent perturber l'application du principe.

En premier lieu, des raisons historiques peuvent expliquer le recours à la location. C'est ainsi, par exemple, que la rareté de ses implantations domaniales dans la capitale ont conduit le ministère de la justice à multiplier les prises à bail. Comme on l'a indiqué, ce ministère détient douze des baux de l'Etat recensés dans Paris par le service France Domaine en juin 2009 20 ( * ) .

En second lieu, des raisons budgétaires peuvent empêcher l'acquisition des immeubles nécessaires. Par exemple, malgré une opportunité d'achat en 2005, la Préfecture de police de Paris n'a pas pu acquérir l'immeuble qui abrite, en location, le commissariat du III e arrondissement. En effet, 32 millions d'euros étaient demandés, pour prix de cette vente, par le propriétaire ; l'estimation domaniale fixait la valeur de l'immeuble à 23 millions d'euros ; en tout état de cause, les fonds n'étaient pas disponibles pour cet achat. Au surplus, on estime que si, à moyen terme, la location s'avère moins coûteuse que la construction ou l'achat, voire le maintien dans des locaux domaniaux, elle peut légitimement être préférée.

Votre rapporteure spéciale, d'ailleurs, observe que c'est en l'occurrence un changement de politique immobilière de la Préfecture de police qui a fait naître la dépense. En effet, il a été nécessaire de reloger le commissariat du III e arrondissement du fait de l'opération, menée à partir de la fin des années 1990, tendant à extraire les commissariats parisiens hors des mairies d'arrondissement, où ils étaient implantés de façon traditionnelle et, d'ordinaire, « à l'étroit ». La recherche s'est avérée difficile, eu égard au marché immobilier tendu que connaît le III e arrondissement, et l'immeuble retenu, en 2001, est finalement apparu comme la seule proposition appropriée.

En troisième lieu, des raisons d'urgence se révèlent souvent à l'origine du choix locatif. L'AERES constitue une illustration de ce cas : créée à l'été 2006, il a fallu lui trouver des bureaux de manière à l'installer rapidement.

A cet égard, votre rapporteure spéciale estime qu' il serait de bonne règle que la création de nouvelles entités administratives soit conçue en lien avec les scénarios de leur implantation immobilière . Hors le cas des autorités indépendantes, les ministères de rattachement devraient pouvoir héberger dans leurs locaux disponibles les instances qu'ils prennent l'initiative de constituer. Au reste, il convient de noter que le service France Domaine assure veiller, aujourd'hui, à ce que toute nouvelle prise à bail par un ministère soit précédée d'une libération de surface équivalente.

* 18 Cf. supra , I, A.

* 19 Sur cette compétence du Conseil de l'immobilier de l'Etat, cf. infra , B.

* 20 Cf. supra , I, B.

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