E. LA TAXATION D'UNE PARTIE DES PLUS-VALUES FONCIÈRES LIÉES AUX INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

1. La naissance des rentes foncières

La création d'une infrastructure de transport s'accompagne souvent d'une très forte hausse du prix des terrains constructibles à proximité.

Ainsi, un promoteur immobilier a calculé que l'extension de la ligne de métro Jubilee à Londres avait permis une hausse du prix des terrains, dans un rayon de 900 mètres autour de chacune des onze nouvelles stations, estimée à 13 milliards de livres sterling, alors que le coût de la construction de cette ligne ne s'élevait qu'à 3,5 milliards de livres 92 ( * ) .

Un second exemple étranger illustre l'importance des moyens financiers en jeu. Au Japon, les entreprises de chemin de fer captent efficacement la rente foncière des activités privées qui se développent le long des lignes et aux abords des gares. Cette ressource représentait en 2004 entre 30 et 75 % de leur chiffre d'affaires 93 ( * ) .

2. Le précédent de la taxe forfaitaire sur les terrains rendus constructibles

L'article 26 de la loi portant engagement national pour le logement, dite loi « ENL » 94 ( * ) , a institué en 2006 une taxe forfaitaire sur les terrains rendus constructibles. L'objectif est de donner aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui le souhaitent des ressources financières supplémentaires pour faire face aux dépenses publiques d'aménagement des zones à urbaniser.

Les communes et, dans certains cas, les EPCI, sont autorisés à instituer une taxe forfaitaire 95 ( * ) uniquement sur la première cession à titre onéreux de terrains nus qui ont été rendus constructibles du fait de leur classement soit :

- par un plan local d'urbanisme (PLU) ou un document d'urbanisme en tenant lieu dans une zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ouverte à l'urbanisation ;

- par une carte communale dans une zone constructible.

Cette taxe forfaitaire est égale à 6,66 % du prix de vente du terrain.

3. Propositions de votre mission d'information

Votre mission d'information tient tout d'abord à rappeler que la création de cette taxe forfaitaire sur les terrains rendus constructibles est due à une initiative de votre commission, et à indiquer qu'au 1 er février 2007 environ 3.363 communes avaient institué cette taxe.

En 1998 96 ( * ) en effet, puis en 2005 97 ( * ) , votre commission a proposé de permettre aux collectivités territoriales de bénéficier d'une partie des plus-values foncières liées à l'urbanisation. Elle a en effet considéré que les communes et les EPCI avaient une légitimité forte pour percevoir une partie des richesses qu'ils contribuent à créer par leurs initiatives urbanistiques.

Votre mission d'information souhaite une réforme de la taxe forfaitaire existante sur les terrains rendus constructibles ou aménageables pour financer a posteriori les projets importants d'infrastructures.

L'idée est de capter la rente foncière des activités privées au sens large qui se développent le long des lignes ferroviaires ou routières et aux abords des gares, dans le but soit de financer de nouveaux investissements, soit de rembourser les infrastructures utilisées.

Les activités privées concernées sont potentiellement nombreuses :

- la promotion immobilière résidentielle ;

- l'activité commerciale dans les gares ;

- éventuellement, les pôles de loisir et de consommation.

Votre mission d'information souhaite également une mise à jour de la valeur locative cadastrale qui sert d'assiette pour les taxes foncières.

Les coefficients de revalorisation annuelle appliqués depuis 1981 n'ont pas permis de suivre l'évolution de valeur réelle des biens en l'absence de révision générale des propriétés bâties depuis 1970. Par conséquent, les communes ne peuvent pas se référer à ces valeurs locatives cadastrales pour prendre en compte la hausse des prix du foncier. Une telle réforme serait tout à fait logique dans la perspective du financement des infrastructures de transport puisqu'une réévaluation des bases bénéficierait directement, au travers d'une appréciation des impôts locaux, aux budgets des différentes collectivités territoriales qui financent aujourd'hui plus de 35 % de ces infrastructures de transport en France.

A cet égard, vos rapporteurs relèvent que le décret d'application de l'article 1396 du code général des impôts étant récemment paru 98 ( * ) , les communes qui le souhaitent pourront désormais majorer la taxe sur le foncier non bâti perçue sur les terrains constructibles 99 ( * ) .

Enfin, votre mission d'information souhaite que l'on étudie plus globalement le régime fiscal des plus-values foncières afin de financer les infrastructures de transport. A ce titre, une piste serait de réfléchir à une modification du régime des droits de mutations de propriété d'immeubles à titre onéreux (DMTO). Les enrichissements sans cause de certains propriétaires fonciers, qui possèdent des biens immobiliers à proximité d'une nouvelle infrastructure de transport, doivent pouvoir bénéficier en partie aux collectivités territoriales. Une telle mesure serait moralement juste et fondée économiquement. Il conviendrait naturellement d'affecter le produit de ce nouveau type de DMTO soit aux collectivités territoriales concernées, soit à l'AFITF, soit aux deux selon une clef de répartition à définir.

En tout état de cause, vos rapporteurs estiment que la taxation d'une partie des plus-values foncières liées aux infrastructures de transport n'apportera qu'une solution de second rang au problème de financement de l'AFITF et des collectivités territoriales.

* 92 Don Riley, Taken for a ride : Trains, Taxpayers and the Treasury , Center for Land Policy Study, 2001.

* 93 Rapport du Conseil d'analyse économique, « Infrastructures de transport, mobilité et croissance », décembre 2007, p. 141.

* 94 Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

* 95 Codifiée à l'article 1529 du code général des impôts.

* 96 Cf. le rapport d'information n° 415 (1997-1998) de M. Gérard Larcher, au nom de la commission des affaires économiques, sur la gestion des espaces périurbains « Les Territoires urbains et paysagers, pour un nouvel équilibre des espaces périurbains ».

* 97 Cf. le rapport d'information n° 442 (2004-2005) de MM. Dominique Braye et Thierry Repentin, au nom de la commission des affaires économiques, sur « les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement » et rapport de M. Dominique Braye, n° 81 (2005-2006), fait au nom de la commission des affaires économiques sur « le projet de loi portant engagement national pour le logement » .

* 98 N° 2007-1788 du 19 décembre 2007.

* 99 La majoration, encadrée par les textes, s'applique aux terrains situés en zones A B1, B2 et C.

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