INTRODUCTION

ACCROITRE ET DIVERSIFIER LE RÉSEAU FRANÇAIS À L'ÉTRANGER À MOINDRE COÛT

Deux réflexions sont à l'origine du présent rapport.

Tout d'abord, votre commission des finances a déjà mené, sous l'égide de son président 1 ( * ) , puis de notre collègue Jean-Jacques Jégou, des travaux relatifs à l'informatisation des administrations publiques. L'introduction des nouvelles technologies dans l'administration, dès lors qu'elle est bien menée, est un vecteur de la réforme de l'Etat. Votre rapporteur spécial a donc souhaité évaluer une partie de l'action du Quai d'Orsay dans ce domaine.

Ensuite, ce travail tend à souligner une conviction forte de votre rapporteur spécial selon laquelle le développement d'une présence sur internet constitue un enjeu majeur, en termes d'influence, pour notre pays et donc pour le ministère des affaires étrangères. Dans cette perspective, les sites internet des ambassades et consulats, peu consommateurs de crédits publics, dont le caractère décentralisé permet un indéniable rayonnement local, ont la préférence de votre rapporteur spécial , par rapport à certaines démarches autrement plus coûteuses, comme celle engagée en 2005 autour du site internet « idées de France ». A l'initiative de votre rapporteur spécial, le Parlement a, d'ailleurs, supprimé, au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, la subvention publique (2,5 millions d'euros) dévolue à ce site.

La présentation, dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances, d'objectifs et d'indicateurs relatifs aux sites internet des ambassades invitait à un contrôle. Celui-ci s'est voulu un contrôle de la performance, au sens de la LOLF, visant à apprécier l'action des administrations, non seulement sous le seul angle de l'efficience, mais aussi sous ceux de la qualité de service et de l'impact socio-économique (pour le Quai d'Orsay, il s'agit du fameux terme « d'influence »).

Internet constitue-t-il une nouvelle modalité de la présence française à l'étranger ?

« L'audit » réalisé souligne les acquis indéniables du Quai d'Orsay en matière d'internet . Toutefois, votre rapporteur spécial appelle le ministère à ne pas prendre de retard dans le développement des nouvelles formules de présence à l'étranger que sont les « postes de présence virtuels », c'est-à-dire non liés à l'implantation physique d'un consulat ou d'une ambassade.

Le besoin de ces « postes de présence virtuel » repose sur un constat : il n'est pas possible, sauf explosion des coûts, d'être présent physiquement dans les 350 villes de plus d'un million d'habitants que compte le monde d'aujourd'hui.

La diplomatie américaine développe en conséquence des « consulats virtuels » : au nombre de 33 aujourd'hui, ils seront 20 de plus dans un an. Ces « postes de présence virtuels » pourraient effectuer 50 % des tâches des consulats traditionnels, pour un coût de lancement de l'ordre de 7.800 euros (10.000 dollars).

Dans le même temps, la France reste timide dans le développement d'une gamme réellement diversifiée de présence à l'étranger. Pourtant, dans le cadre du réexamen nécessaire de la carte de la présence française à l'étranger (« passer d'une diplomatie d'héritage à une diplomatie d'avenir »), l'alternative difficile - ouverture ou fermeture d'un consulat général - doit être dépassée.

Or on dénombre aujourd'hui seulement 13 consulats d'influence (« ou à gestion allégée », dont les tâches sont concentrées davantage sur « l'influence » que sur l'assistance consulaire ou la gestion des visas), 4 consulats mixtes (où le consul général cumule les responsabilités de consul général et de chef de la mission économique), et aucun « poste de présence virtuel » . Or ces formules de présence permettraient d'accroître et diversifier le réseau à moindre coût , évitant la pénible impression que donne parfois le Quai d'Orsay, par la fermeture de tel ou tel consulat général, de vouloir « réduire la voilure », sans véritable vision géostratégique.

Votre rapporteur spécial propose de choisir, de manière plus systématique qu'aujourd'hui, pour chaque grande ville d'un pays étranger, selon les besoins et les moyens, entre les formules du consulat général, du consulat d'influence, du consulat mixte, du « consulat virtuel » et du consulat honoraire. C'est ainsi que le réseau français à l'étranger pourra trouver une nouvelle dynamique.

La mise en oeuvre de « postes de présence virtuels » nécessitera bien entendu une remise en ordre de l'action du Quai d'Orsay sur internet. Selon l'audit réalisé par votre rapporteur spécial, les sites actuels des ambassades sont encore trop tournés vers l'internaute français : seuls 56 % des sites étudiés disposent d'une version traduite dans la langue locale. L'actualité économique n'est présente « en une » que de manière exceptionnelle : le cloisonnement administratif entre ambassades et missions économiques a sa traduction sur internet. Enfin, les sites internet sont utilisés de manière très inégale pendant les crises. Leur utilisation est systématique pour l'information des ressortissants français ; en revanche, dans le cadre d'une « crise » des relations diplomatiques, la mise en ligne d'argumentaires ou d'éléments de langage est rare.

Le développement des « postes de présence virtuelle » aurait pour corollaire l'amélioration du « réflexe internet » des agents du Quai d'Orsay et le développement de services électroniques, qui devront faire l'objet d'une évaluation coût/avantages systématique, comme par exemple s'agissant des élections électroniques à l'Assemblée des Français de l'Etranger (AFE).

I. LA FORTE PRÉSENCE DU QUAI D'ORSAY SUR INTERNET

Une dépêche de l'agence de presse Associated Press (AP) soulignait, le 6 mai 2006, que le Pentagone américain avait recensé plus de 5.000 sites internet prônant le jihad , dont il suivait quotidiennement le quart le plus actif, et le plus hostile aux intérêts des Etats-Unis, grâce à une équipe spécialisée composée notamment de 25 interprètes. La même agence annonçait, le 5 janvier de cette année, le lancement, par le gouvernement israélien, d'un site internet en farsi destiné à contrer les positions du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad sur Israël.

Ces deux exemples suffisent pour rappeler, s'il en était besoin, qu'internet est devenu, sinon le premier lieu de « fabrication » des opinions publiques internationales, du moins un vecteur essentiel d'influence pour les médias, les élites politiques et économiques, ainsi que pour la société civile, dans un nombre grandissant de pays.

Le « web » constitue, comme le « monde réel », un espace d'interactions et d'informations , ces interactions et ces informations constituant deux leviers d'une diplomatie moderne.

Comme le soulignait M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors de la XIII ème conférence des ambassadeurs, le 29 août 2006, « nombre de distinctions classiques sont brouillées : la césure entre le champ national et international s'estompe, l'interdépendance entre les économies s'accroît, de nouveaux acteurs, issus notamment des sociétés civiles et des ONG, deviennent incontournables [...], l'accès à l'information se généralise - je pense aux télévisions par satellite , à Internet. Cela impose à la diplomatie d'être plus opérationnelle, plus ouverte, plus visible ».

Plus ouverte, plus opérationnelle, plus visible, tels sont les défis auxquels est confrontée notre diplomatie sur internet.

Contrairement à ce que certains pensent parfois, internet n'est pas un lieu unique (« un village mondial »), mais une immense juxtaposition d'espaces électroniques, constitués par des frontières linguistiques ou nationales . Voilà pourquoi, à côté de l'outil de rayonnement mondial que représente le site « web » du ministère des affaires étrangères, les vecteurs de rayonnement local que sont les sites internet des ambassades et consulats doivent avoir une place éminente.

A. UNE CONSCIENCE AIGUE DES ENJEUX LIÉS A INTERNET

Comme le fait remarquer la présentation des missions de la diplomatie française faite sur le site internet du ministère des affaires étrangères, « la communication est la forme moderne de la représentation ». Selon le Quai d'Orsay, « communiquer, c'est d'abord expliquer ce que fait la France aux autorités locales et à tous les acteurs qui peuvent exercer une influence ; pas seulement la politique de la France envers le pays de séjour, mais ses positions sur les sujets d'actualité ».

Pour communiquer, le ministère donne la priorité à l'internet.

Du point de vue de votre rapporteur spécial, le site France diplomatie2 ( * ) constitue ainsi le meilleur site web ministériel , avant celui du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. L'outil de « conseils aux voyageurs » est très apprécié par les touristes et agences de voyages français. Les impératifs d'efficacité sont présents dans l'action de la direction de la communication et de l'information (DCI) qui pilote la stratégie internet : elle affiche des indicateurs de performance satisfaisants. Le développement de services électroniques, à destination des Français de l'étranger et des demandeurs de visas, est en cours, à l'initiative de la direction des Français de l'étranger du ministère des affaires étrangères : il reste à en évaluer l'efficience.

1. Les espaces virtuels, un enjeu majeur en terme d'influence

Le Quai d'Orsay est ainsi fortement conscient des enjeux liés à internet, ce depuis longtemps, et bien davantage que la plupart des autres administrations publiques françaises. Investir l'espace électronique constitue, ainsi qu'il a été rappelé, un enjeu majeur en termes d'influence. Le ministère des affaires étrangères est une des toutes premières institutions publiques à avoir lancé son site internet, en 1995.

Le site France diplomatie est devenu le vecteur principal des actions de communication du ministère. Il représente l'équivalent d'un magazine de 30.000 pages qu'il faut actualiser en permanence. Selon la présentation qui en est faite par la direction de la communication et de l'information (DCI) du ministère, le site offre au grand public une base de données sur la politique extérieure de la France et vise à mieux faire connaître le pays à l'étranger. Il exploite la photothèque. Il véhicule aussi la communication événementielle du ministère afin de le rendre plus familier au public.

Le site est aujourd'hui traduit en allemand, en anglais, en arabe, en chinois et en espagnol. Il reçoit plus de 1 million de visites par mois, ce qui le place aux premiers rangs des sites gouvernementaux.

* 1 « L'informatisation de l'Etat. Pour un Etat en ligne avec tous les citoyens ». Rapport d'information n° 422 (2003-2004) de M. Jean Arthuis au nom de la commission des finances. « L'informatisation dans le secteur de la santé : prendre enfin la mesure des enjeux ». Rapport d'information n° 62 (2005-2006) de M. Jean-Jacques Jégou au nom de la commission des finances.

* 2 http://www.diplomatie.fr.

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