4. Les moyens d'une action de préservation de la biodiversité

A l'occasion de ce débat sur la biodiversité, l'Académie des Sciences s'est interrogée sur la perception que les hommes pouvaient avoir de cette problématique et sur la difficulté de traduire dans les textes législatifs et réglementaires des actions concrètes , même si chacun s'accorde à reconnaître la nécessité d'approfondissement des connaissances, de protection et de libre évolution de la diversité. Mais, une chose est d'être attentif à celle-ci dans le cadre d'un débat axé sur ce thème et une autre de garder cette priorité à l'esprit lors de débats concernant, par exemple, les sujets économiques.

Enfin, au-delà des hommes politiques, l'Académie des Sciences souhaite que tous les acteurs de la démocratie fassent preuve d'un sens des responsabilités accru pour se sentir concernés aussi bien par la déprise agricole, la réhabilitation des paysages urbains, l'aménagement des cours d'eau et des forêts, l'entretien d'une vie sociale en montagne.

Il serait souhaitable que l'opinion prenne davantage position sur ces thèmes et que les entreprises et les institutions publiques puissantes manifestent aussi leurs préoccupations à cet égard, mais, dans ce débat comme dans celui sur le changement climatique global, la complexité du sujet, ainsi que la discordance entre les échéances -ici les échéances politiques et biologiques- favorisent l'attente .

L'Académie des Sciences elle-même récuse l'attentisme qui feindrait d'être justifié par la nécessité d'un approfondissement des recherches . En effet, « cet argument d'ignorance, prétexte à tous les immobilismes, est dépourvu de sens : on ne sait jamais tout . Cela n'empêche pas de réagir à une situation inquiétante en fonction de ce qui est connu et l'évaluation des effets de l'action permet de stimuler les recherches dans les domaines où l'ignorance est la plus gênante ».

Une des difficultés dans la réaction de l'opinion publique est de distinguer entre les risques encourus et les risques imaginaires. Parmi les risques réels, figure la destruction de la forêt tropicale qui privera la recherche pharmaceutique de la découverte de molécules pharmacologiques actives extraites des végétaux alors que cette déforestation est surtout perçue par l'opinion comme une atteinte au « poumon de la planète », ce qui est une image inexacte.

D'autre part, même les conséquences de catastrophes naturelles, comme les grands incendies des forêts de pins dans les Landes survenus il y a quelques années, ne sont pas absolument prévisibles. Dans ce cas, toute une gamme de végétaux aux propriétés variées ont réapparu dans l'espace dégagé par le feu. Il n'y a donc pas eu disparition de la végétation, mais une nouvelle abondance végétale rendant l'endroit impénétrable pour l'homme.

Parmi les politiques nécessaires pour l'évaluation de la biodiversité, la nécessité de préserver des espèces diverses d'arbres forestiers n'est apparue sur la scène internationale et d'ailleurs surtout européenne, qu'au cours des années 1990 et c'est alors que des règles légales et techniques de préservation de la diversité ont été édictées et mises en pratique. Il reste à étendre cette préoccupation à d'autres écosystèmes.

Bien évidemment, dans son rapport de 1995, l'Académie des Sciences avait tiré de son étude la nécessité de plusieurs mesures d'urgence et, parmi celles-ci, figurait la création d'un réseau d'observatoires permettant d'établir des inventaires biologiques et d'assurer la surveillance écologique du territoire en liaison avec son aménagement .

Elle avait aussi préconisé la création d' un programme national de recherche sur la biodiversité , de même qu' une politique nationale de formation dans les programmes de différents niveaux de l'enseignement : du primaire au supérieur en passant par les collèges et les lycées, et en souhaitant que cette large action de formation soit relayée par les médias en liaison avec l'Académie des Sciences.

L'Académie des Sciences avait également souhaité que la gestion des ressources repose sur des débats facilités par des arbitrages et des collaborations permettant des actions sur le terrain pour que les risques des décisions immédiates soient toujours compris et collectivement acceptés et assumés. Naturellement, la contribution de la France aux efforts internationaux devait être privilégiée, notamment pour les riverains de la mer Méditerranée.

A cet égard, la France pourrait davantage manifester sa présence active et systématique dans les grands programmes internationaux en y déléguant et, ce point est essentiel, de façon concertée, ses scientifiques et ses diplomates.

L'Académie des Sciences avait souhaité enfin que la biodiversité s'impose comme un enjeu de l'homme moderne et soit intégrée à sa perception de l'environnement.

Cela lui semblait nécessaire à concrétiser dans une instance nationale qui se serait appelée Coordination nationale de la biodiversité à laquelle auraient pu, par exemple, être associés les ministères et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

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