III. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Colombie, signée à Paris le 21 mars 1997, reprend pour l'essentiel les dispositions des accords de même nature déjà signés par la France et s'inspire largement de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

A. LE CADRE GÉNÉRAL DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE FRANCO-COLOMBIENNE

En l'absence de convention bilatérale, la coopération judiciaire est uniquement régie par le principe de réciprocité et l'analyse, au cas par cas, des possibilités de donner suite à la demande. Les conventions d'entraide ont pour objet de créer une obligation de coopération, laissant toutefois aux Etats une possibilité de refus dans certaines hypothèses.

La France a signé de telles conventions avec de nombreux pays du continent américain. Sont actuellement en vigueur les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale avec le Canada et le Mexique alors qu'ont été signées des conventions, non encore en vigueur, avec le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay, Cuba, l'Argentine, les Etats-Unis et la République dominicaine.

Il faut ajouter que la France est liée à la Colombie par un accord d'extradition en date du 8 avril 1850. Les autorités colombiennes avaient exprimé le souhait d'élaborer un nouvel accord mais les négociations, entamées en 1985, ont été suspendues en 1988 suite à une décision de la Cour Suprême et du Conseil d'Etat colombiens. Ces négociations pourraient toutefois reprendre dans un proche avenir.

La convention du 21 mars 1997 pour sa part reprend un certain nombre de règles traditionnelles des conventions d'entraide judiciaire en matière pénale

1. Un champ d'application traditionnel

Aux termes de l'article premier, les deux Etats " s'engagent à s'accorder mutuellement (...) l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la répression est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence de autorités judiciaires de la partie requérante ".

Toutefois, demeure hors du champ d'application de la présente convention toute demande d'entraide concernant :

- l'exécution des décisions d'arrestation et des condamnations,

- les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

2. Les motifs de refus d'entraide

L'article 4 réserve aux Etats parties la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans trois hypothèses :

- si la demande se rapporte à des infractions considérées par la partie requise, soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques ;

- si la partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays ;

- si la demande a pour objet une perquisition ou une mesure conservatoire et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction pour la loi de l'Etat requis.

Cette dernière hypothèse de refus va au-delà des dispositions prévues dans la convention européenne d'entraide judiciaire, qui n'envisage que les deux premiers motifs.

Par ailleurs, à ces trois motifs facultatifs s'ajoute un motif obligatoire de refus (article 4-2), l'entraide étant refusée si la demande a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction au regard de la législation de la partie requise.

3. Les procédures d'entraide

Les procédures d'entraide sont définies aux articles 15 à 20 de la convention.

Les demandes d'entraide sont adressées de ministère de la justice à ministère de la justice (article 16).

L'article 15 précise les mentions devant figurer dans la demande, essentiellement son objet et son motif, un exposé des faits et leur qualification et, le cas échéant, les questions susceptibles d'être posées dans le cas d'une audition ou d'un interrogatoire ainsi qu'une description des biens à rechercher, saisir ou confisquer.

Les questions de traduction sont réglées à l'article 17 : les demandes et les pièces les accompagnant sont rédigées dans la langue de l'Etat requérant et accompagnées d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.

L'article 18 stipule que les pièces et documents transmis en application de la convention d'entraide judiciaire sont dispensés de toute formalité de légalisation.

En vertu de l'article 19, l'Etat requis doit motiver et notifier à l'Etat requérant tout refus d'entraide judiciaire .

L'article 20 précise que l'exécution des demandes d'entraide ne donne lieu à aucun remboursement de frais, à l'exception de ceux occasionnés par l'intervention d'experts et par le transfèrement de personnes détenues.

B. LES FORMES DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE

L'entraide judiciaire en matière pénale portera principalement sur la recherche de preuves, l'audition de témoins ou d'experts, le transfèrement de personnes détenues et la communication d'extraits de casier judiciaire.

1. La recherche de preuves

La convention précise, dans son article 5, que la partie requise exécutera les demandes d'entraide relatives à une affaire pénale qui lui sont adressées par les autorités judiciaires de la partie requérante et qui ont pour objet d'accomplir des actes d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents.

Si la partie requérante désire que les témoins ou experts déposent sous serment, elle en fera expressément la demande et la partie requise y donnera suite si sa législation ne s'y oppose pas.

La partie requise n'est pas tenue de communiquer des originaux, sauf si la partie requérante le demande expressément et dans la mesure où cela se révèle possible.

Par ailleurs, si la partie requérante le demande expressément, la partie requise l'informe de la date et du lieu d'exécution de la demande d'entraide à laquelle pourront assister ses autorités et les personnes mandatées par elle si la partie requise y consent (article 6).

Enfin, l'Etat requis pourra surseoir à la remise des pièces à conviction, dossiers ou documents s'ils lui sont nécessaires pour une procédure pénale en cours. Les pièces à conviction ainsi que les originaux des dossiers et documents qui auront été communiqués seront conservés par la partie requérante sauf si la partie requise en a demandé le retour (article 7).

La partie requérante, par demande expresse, peut exiger que la partie requise maintienne la demande d'entraide judiciaire confidentielle, de même que la partie requise peut demander la même confidentialité pour les informations ou les pièces à conviction qu'elle aura communiquées (article 8). La convention précise que la partie requérante ne pourra divulguer ou utiliser une information ou une pièce à conviction communiquée à des fins autres que celles stipulées dans la demande, à moins d'un accord préalable de la partie requise.

2. La comparution de témoins ou d'experts et le transfèrement de personnes détenues

L'article 9 précise que les citations à comparaître devront être envoyées à la partie requise au moins quarante jours avant la date fixée pour la comparution, la partie requise pouvant renoncer à ce délai en cas d'urgence.

Le défaut de comparution d'un témoin ou d'un expert n'entraînera, en tout état de cause, aucune sanction ou mesure de contrainte.

L'article 9 précise également le mode de calcul des indemnités à verser ainsi que des frais de voyage et de séjour à rembourser au témoin ou à l'expert.

Si la comparution personnelle d'un témoin ou d'un expert est particulièrement nécessaire, la partie requérante doit en faire mention dans la demande de remise de citation, avec indication du montant des indemnités. Une avance, dans ce cas, pourra lui être consentie par la partie requise, puis remboursée par la partie requérante.

Lorsque les demandes de citation à comparaître en tant que témoin présentées par l'Etat requérant, concernent une personne détenue, le transfèrement de cette dernière peut être refusé dans quatre hypothèses (article 11) :

- tout d'abord, si la personne détenue n'y consent pas, et ce afin d'éviter le transfèrement d'une personne manifestement peu disposée à coopérer avec l'autorité judiciaire requérante ;

- si la présence de la personne est nécessaire dans une procédure pénale en cours sur le territoire de l'Etat requis, ce dernier pouvant ainsi privilégier le souci de mener à leur terme les instances en cours ;

- si le transfèrement de la personne est susceptible de prolonger sa détention ;

- enfin si d'autres considérations impérieuses s'opposent à ce transfèrement, ce motif de refus couvrant des situations telles que celles présentant un risque d'évasion ou un problème de sécurité.

Il faut souligner que ces différents motifs demeurent facultatifs et qu'ils peuvent donc ne pas être invoqués par l'autorité requise.

L'article 11 définit également les conditions de ce transfèrement et précise notamment que la personne transférée devra rester en détention sur le territoire de l'Etat requérant, à moins que l'Etat requis ne demande sa mise en liberté.

Aux termes de l'article 12, le témoin ou l'expert bénéficie, selon l'usage, lorsqu'il comparaît devant l'autorité judiciaire requérante, d'une immunité de poursuites et d'arrestation pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de l'Etat requis. Cette immunité est étendue aux personnes poursuivies à l'exclusion, bien entendu, des faits pour lesquels elles ont été citées à comparaître.

3. Les autres dispositions

L'article 13 prévoit que la partie requérante pourra demander de rechercher, de saisir ou de confisquer les produits d'une infraction à sa législation susceptibles de se trouver sur le territoire de la partie requise. Cette dernière prend toutes dispositions nécessaires pour empêcher que ces produits fassent l'objet d'une transaction ou ne soient transférés ou cédés avant que les autorités de la partie requérante n'aient pris une décision définitive à leur égard.

L'article 14 précise que la partie requérante pourra obtenir des extraits de casier judiciaire en s'adressant à l'autre partie, si la législation de cette dernière le lui permet.

Par ailleurs, une partie peut demander à l'autre de diligenter sur son territoire des poursuites pénales pour des faits susceptibles de constituer des infractions pénales relevant de la compétence de cette dernière (article 21).

Enfin, l'article 22 prévoit une communication annuelle, par chacune des parties, des avis de condamnation prononcés à l'encontre des ressortissants de l'autre partie.

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