TITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE ET RELATIVES AUX MAISONS
DE JUSTICE ET DU DROIT

Article additionnel avant l'article 17
Insertion d'un titre XI dans le livre VII
du code de l'organisation judiciaire

L'article 17 du projet de loi, tel que modifié par l'Assemblée nationale, prévoit la création d'un titre XII, consacré aux maisons de justice et du droit, au sein du livre VII du code de l'organisation judiciaire.

Cependant le titre XI du livre VII de ce code, relatif à l'assistance du juge par le secrétaire de la juridiction, n'existe actuellement que dans la partie réglementaire.

Il convient donc de prévoir sa création dans la partie législative avant d'y insérer un titre XII.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer dans le projet de loi un article additionnel rédigé en ce sens .

Article 17
(art. L.7-12-1-1 à L.7-12-1-3 du code de l'organisation judiciaire)
Institutionnalisation des maisons de justice et du droit

Cet article a pour objet de donner un cadre législatif aux maisons de la justice et du droit.

*

Au nombre d'une quarantaine en métropole, les maisons de justice, qui constituent des structures assurant une présence judiciaire en dehors du palais de justice, ont été créées à titre expérimental à partir du début des années 1990 dans certains quartiers urbains " difficiles " , sans cadre juridique précisément défini.

Ces maisons de justice, parfois dénommées " antennes de justice " , sont le lieu d'exercice de différents types d'activités.

A l'origine, elles ont été mises en place pour assurer une présence judiciaire pénale proche des justiciables afin de répondre plus efficacement à la petite délinquance grâce à la mise en oeuvre de mesures alternatives aux poursuites : médiation pénale, réparation pour les mineurs, classement sous condition, voir simple rappel à la loi. Elles constituent un cadre privilégié pour le développement de ces modes alternatifs de traitement des procédures pénales qui permettent d'apporter une réponse judiciaire dans des affaires qui autrement auraient été pour la plupart classées sans suite.

Des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et des membres des comités de probation d'aide aux libérés (CPAL) interviennent fréquemment dans le cadre des maisons de justice, de même que les associations d'aide aux victimes ou de contrôle judiciaire. En outre, des juges des enfants, juges d'instance ou juges d'application des peines procèdent parfois à des auditions dans certaines de ces structures.

Les maisons de justice sont aussi, mais plus rarement jusqu'à présent, un lieu de mise en oeuvre des procédures de règlement amiable des litiges civils : transaction, conciliation ou médiation.

Par ailleurs, les maisons de justice jouent un rôle important en matière d'aide à l'accès du droit, en liaison avec les conseils départementaux d'aide juridique, notamment par l'organisation de permanences de consultation juridique assurées par des associations d'aide aux victimes, des travailleurs sociaux ou des avocats.

Enfin, certaines maisons de justice ont mis en place une politique de communication destinée à mieux faire connaître la justice aux justiciables et aux élus locaux.

S'agissant de l'organisation et du fonctionnement de ces structures, les maisons de justice ont été créées de manière pragmatique par des conventions conclues entre les autorités judiciaires, les collectivités locales et les différents partenaires intéressés.

Leur financement est assuré par trois sources principales : les crédits du ministère de la justice, les crédits affectés à la politique de la ville et les dotations des collectivités locales.

Le rapport établi en février 1995 par M. Gérard Vignoble, député, chargé par le Gouvernement d'une mission sur ce thème, a dressé un constat " extrêmement positif " de l'activité des maisons de justice : proximité géographique à l'égard des justiciables, réponse à l'attente des victimes, baisse du sentiment d'impunité comme du sentiment d'insécurité...

Il a cependant souligné les inconvénients résultant de l'absence de cadre juridique précisément défini et la nécessité de procéder à une clarification de leur statut et de leurs règles de fonctionnement. Plutôt que de doter les maisons de justice de la personnalité morale par le choix d'un statut de groupement d'intérêt public (GIP), M. Vignoble proposait toutefois de s'en tenir au cadre juridique actuel de la convention qui lui paraissait mieux adapté aux missions très variées remplies par les maisons de justice et à la volonté d'assurer un contrôle judiciaire de leur activité.

A la suite de ce rapport, une circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces datée du 19 mars 1996, M. Jacques Toubon étant alors Garde des Sceaux, a rappelé les objectifs poursuivis par les maisons de justice et indiqué que celles-ci devraient s'organiser sur la base des principes d'indépendance et de partenariat, dans le cadre de conventions conclues entre les autorités judiciaires et une ou plusieurs collectivités locales, définissant clairement les obligations réciproques de chaque signataire.

Conformément aux propositions formulées par M. Vignoble, cette circulaire a en outre apporté les précisions suivantes :

- la charge de secrétariat et d'accueil doit être assurée par un fonctionnaire de justice :

- les collectivités territoriales mettent à la disposition de la maison de justice un local adapté et s'acquittent des dépenses d'investissement initial ainsi que des dépenses de fonctionnement quotidien ;

- la création d'une maison de justice est décidée par la Chancellerie au vu des demandes présentées par les chefs de juridiction sous couvert des chefs de cour, après une large concertation entre les différents partenaires intéressés (chefs de juridiction, représentants de l'Etat, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire, barreau, secteur associatif...) ;

- les maisons de justice doivent être implantées " au sein de quartiers situés dans les départements prioritaires pour la politique de la ville, suffisamment éloignés du siège des différentes juridictions du ressort pour correspondre à un réel besoin " .

Un modèle de convention-type relative à la création et au fonctionnement d'une maison de justice est annexé à cette circulaire.

*

L'article 17 du projet de loi apporte désormais une consécration législative à l'existence des maisons de justice et du droit. A cette fin, il tend à compléter le livre VII du code de l'organisation judiciaire, consacré aux " Dispositions communes à plusieurs juridictions " , par un titre XII intitulé " Maisons de justice et du droit " et comprenant trois articles : les articles L.7-12-1-1 à L.7-12-1-3 nouveaux. 21( * )

• Le texte proposé pour l' article L.7-12-1-1 consacre la possibilité d'instituer des maisons de justice et du droit et définit leurs missions.

Selon ce texte, la création d'une maison de justice reste une simple faculté.

A cet égard, tout en soulignant le caractère très positif des expériences réalisées jusqu'à ce jour, votre commission tient à préciser, ainsi que l'a souligné M. Pierre Fauchon, qu'une généralisation systématique des maisons de justice sur l'ensemble du territoire n'apparaît pas souhaitable car une telle généralisation risquerait d'entraîner l'organisation d'une sorte de justice parallèle offrant moins de garanties que les tribunaux.

Le projet de loi précise que la maison de justice est placée sous l'autorité " des chefs du tribunal de grande instance " dans le ressort duquel elle est située.

Il institue donc une coresponsabilité du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République pour la direction des maisons de justice, alors que dans la pratique, il semble que jusqu'ici elles aient plutôt été pilotées par le Procureur de la République.

Cette disposition s'inscrit dans le prolongement de la circulaire de mars 1996, aux termes de laquelle " il importe que les deux chefs de juridiction s'impliquent complètement " (dans la direction au quotidien de cette structure), " conformément au principe de dyarchie qui régit l'institution judiciaire " . Elle peut apparaître comme la marque d'une volonté de développement des activités de traitement du contentieux civil au sein de ces structures.

Quant à la définition des missions de la maison de justice et du droit, le projet de loi indique qu'en assurant une " présence judiciaire de proximité " , elle concourt :

- d'une part, à la prévention de la délinquance (ce qui peut viser par exemple des actions conduites par le juge des enfants ou par un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse à l'égard des mineurs) ;

- et, d'autre part, aux politiques d'aide aux victimes et d'accès au droit (ce qui recouvre notamment l'accueil des victimes et l'organisation de permanences assurées par des avocats, des associations d'aide aux victimes ou des travailleurs sociaux).

Enfin, le projet de loi précise que peuvent prendre place au sein des maisons de justice :

- les mesures alternatives de traitement pénal, c'est-à-dire la médiation pénale prévue par l'article 41 du code de procédure pénale, la réparation pour les mineurs, prévue par l'article 12-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, ou encore le classement sous condition ou le simple rappel à la loi ;

- et les actions tendant à la résolution amiable des litiges civils, c'est-à-dire les procédures de transaction (cf. art. 2044 et suivants du code civil), conciliation (cf. art. 830 et suivants du code de procédure civile) ou médiation prévue notamment par les articles 21 à 26 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (cf articles 131-1 à 131-15 du code de procédure civile).

Les maisons de justice et du droit sont en effet appelées à jouer un rôle essentiel dans le développement des procédures alternatives de traitement des conflits souhaité par le Gouvernement.

• Les missions des maisons de justice et du droit étant ainsi définies dans un cadre législatif, le texte proposé pour l' article L.7-12-1-2 du code de l'organisation judiciaire renvoie leurs modalités de création et de fonctionnement à un décret en Conseil d'Etat.

On peut imaginer que ce décret reprendra les grandes lignes de la circulaire du 16 mars 1996 et retiendra le cadre juridique actuel de la convention conclue entre les différents partenaires intéressés par la création d'une maison de justice, celle-ci n'ayant pas la personnalité morale et constituant en quelque sorte un démembrement du Palais de justice.

Cependant le projet de loi n'apporte aucune précision, ni dans son dispositif, ni dans son exposé des motifs, sur le statut de la maison de justice et du droit instituée en application du nouvel article L.7-12-1-1 du code de l'organisation judiciaire, pas plus que sur son financement.

Votre rapporteur souhaite donc que le Garde des Sceaux apporte des précisions au Sénat sur ces différents points au cours du débat en séance publique.

• Enfin, le texte proposé pour l' article L.7-12-1-3 du code de l'organisation judiciaire étend aux territoires d'outre-mer et à Mayotte le champ d'application des nouvelles dispositions relatives aux maisons de la justice et du droit.

Il est à noter qu'alors que des maisons ou antennes de justice ont déjà été mises en place dans certains départements d'outre-mer (à la Réunion et en Guyane), aucune structure de ce type n'a encore été instituée dans les territoires d'outre-mer.

Dans ces territoires, ainsi qu'à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, il n'existe pas de tribunaux de grande instance, ceux-ci étant remplacés par des tribunaux de première instance. Il convient donc de prévoir que dans ces territoires et collectivités d'outre-mer les maisons de justice et du droit seront placées sous l'autorité des chefs des tribunaux de première instance.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à apporter cette précision.

Elle vous propose d'adopter l'article 17 du projet de loi après l'avoir modifié par cet amendement ainsi que par un amendement rédactionnel.

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